043608

 

 

Autorisation au syndic d’ester en justice

Appel d’un jugement du Tribunal administratif

Nécessité (oui)

 

 

Conseil d’État

9ème et 10ème sous-sections réunies

 

N° 293017

 

Lecture du mercredi 23 avril 2008

 

 

 

 

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 mai et 1er septembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L’ENSEMBLE IMMOBILIER LES PARCS DE BIOT, dont le siège est 223, boulevard de la source à BIOT (06410) ;

 

le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L’ENSEMBLE IMMOBILIER LES PARCS DE BIOT demande au Conseil d’Etat :

 

1°) d’annuler l’arrêt du 26 janvier 2006 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté sa requête tendant, d’une part, à l’annulation du jugement du 23 novembre 2001 du tribunal administratif de Nice rejetant sa demande tendant à ordonner la répétition d’un multiple de la somme de 258 460 F (39 401,97 euros) et à constater la nullité de la convention du 11 août 1990 relative à la somme dont la répétition est demandée au titre d’une participation irrégulière du constructeur aux dépenses d’équipements publics, d’autre part à ce que soit ordonnée la répétition des sommes déjà versées par la copropriété, soit N annuités de 39 401,97 euros au jour de l’arrêt à intervenir, en remboursement de l’emprunt contracté par la commune de Biot, enfin, à ce que soit jugée illégale la participation résultant de ladite convention, à ce que soit annulée cette convention et à ce que les annuités restant à couvrir ne puissent plus être à la charge de la copropriété ;

 

2°) de renvoyer l’affaire à une cour administrative d’appel ou, en cas de règlement au fond, de faire droit à ses conclusions de première instance et d’appel ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Biot la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

 

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 67-223 du 17 mars 1967 ;

Vu le code de justice administrative ;

 

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Karin Ciavaldini, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat du SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L’ENSEMBLE IMMOBILIER LES PARCS DE BIOT et de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la commune de Biot,

- les conclusions de M. Laurent Vallée, Commissaire du gouvernement ;

 

Considérant que la société Les Parcs de Biot, aux droits de laquelle est venu le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L’ENSEMBLE IMMOBILIER LES PARCS DE BIOT, a conclu le 11 août 1990 avec la commune de Biot une convention mettant à sa charge une participation à la réalisation de travaux d’assainissement public extérieurs à l’opération de construction d’un ensemble de villas qu’elle projetait, mais qui lui étaient nécessaires ;

 

que le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L’ENSEMBLE IMMOBILIER LES PARCS DE BIOT se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 26 janvier 2006 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté pour irrecevabilité sa requête tendant à l’annulation du jugement du 23 novembre 2001 du tribunal administratif de Nice qui avait rejeté sa demande tendant à ce que soit constatée la nullité de la convention susmentionnée et à ce que lui soient restituées par la commune les sommes versées en application de cette convention ;

 

Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 55 du décret du 17 mars 1967 concernant la copropriété des immeubles bâtis : Le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l’assemblée générale ; que le pouvoir ainsi donné au syndic d’agir en justice au nom du syndicat des copropriétaires est compris dans les limites qui ont, le cas échéant, été fixées par la décision de l’assemblée générale ; qu’il suit de là que la cour, en jugeant que la requête présentée devant elle par le syndic de la copropriété Les Parcs de Biot était irrecevable au motif que, si celui-ci avait reçu mandat de l’assemblée générale des copropriétaires pour ester en justice devant le tribunal administratif de Nice contre la convention susmentionnée, il ne justifiait d’aucune habilitation délivrée par l’assemblée générale des copropriétaires l’autorisant à relever appel du jugement rendu par ce tribunal administratif, n’a pas commis d’erreur de droit ni insuffisamment motivé son arrêt ;

 

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la commune de Biot, qui n’est pas, dans la présente affaire, la partie perdante, verse au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L’ENSEMBLE IMMOBILIER LES PARCS DE BIOT la somme qu’il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

 

qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de décider que le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L’ENSEMBLE IMMOBILIER LES PARCS DE BIOT versera à la commune de Biot la somme de 3 000 euros qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

 

D E C I D E : -

 

Article 1er : La requête du SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L’ENSEMBLE IMMOBILIER LES PARCS DE BIOT est rejetée.

 

Article 2 : Le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L’ENSEMBLE IMMOBILIER LES PARCS DE BIOT versera à la commune de Biot la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

 

Article 3 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L’ENSEMBLE IMMOBILIER LES PARCS DE BIOT et à la commune de Biot.

 

 

 

commentaires

 

L’arrêt relaté nous réserve une mauvaise surprise !

Le Conseil d’État prend  à contre pied la Cour de cassation.

Celle ci a admis par son arrêt du 08/07/1992 la liberté qu’a le syndic d’interjeter appel sans autorisation préalable de l’assemblée générale.

Elle a étendu cette solution au pourvoi en cassation par ses arrêts des 22/03/2000 et 15/03/2005.

Dans tous ces cas, elle a écarté la distinction proposée par certains auteurs selon que le syndicat était demandeur ou défendeur en première instance.

 

Nous avons appris dans les Facultés que la lenteur de la Justice et la multiplication des «  disputes » ont fait la force et la richesse du droit français. On doit maintenant penser que les juristes font leur miel de ces « disputes », mais que l’organisation judiciaire française fait peu de cas des justiciables eux-mêmes.

 

La jurisprudence générée par la mise en œuvre de l’article 55 du décret du 17 mars est citée en exemple par ceux qui traitent de l’insécurité juridique.

L’article 55 a été conçu pour assurer la protection des copropriétaires contre les initiatives téméraires du syndic. Avant même la réforme de 1965, M. Cabanac rappelait que « les actions sont la propriété du syndicat » et que le syndic, sauf dans le cadre de son pouvoir d’initiative, « ne peut les exercer sans l’autorisation de l’assemblée ».

En fait, depuis près de quarante ans, c’est aux défendeurs qu’a profité la rigueur de la jurisprudence dans l’interprétation et l’application de l’article 55. Dans le cas d’un défendeur étranger au syndicat, on ne trouve, à notre connaissance, pas de cas d’un copropriétaire ayant mis en cause le syndic pour avoir assigné sans autorisation ou en vertu d’une autorisation irrégulière.

Mais on ne peut compter les entrepreneurs et assureurs ayant profité d’une irrégularité souvent bénigne pour s’exonérer de leurs obligations de garantie à la suite d’un dommage de construction. Certains syndicats ont dû restituer des provisions très importantes légitimement perçues pour l’exécution de travaux de réparation de désordres divers.

Dans ce domaine particulier des désordres de construction, on trouve les solutions les plus diverses, - pour ne pas dire contradictoires -, à propos de la liste des personnes  à mettre en cause, de celles des désordres, de l’étendue de l’habilitation initiale du syndic (assigner en référé et/ou au fond) alors qu’il était manifeste que les syndicats de copropriétaires avaient confié au syndic la mission d’obtenir judiciairement l’exécution des travaux propres à remédier aux désordres et l’indemnisation de leurs divers préjudices.

 

On constate aujourd’hui que le Conseil d’État formule l’exigence d’une formalité que la Cour de cassation juge inutile depuis quinze ans !

Est-ce vers  Bruxelles ou Strasbourg qu’il faudra se tourner pour obtenir une unification cohérente de certaines solutions judiciaires françaises ?

 

 

 

 

 

 

 

Mise à jour

24/05/2008