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Pour un usage cohérent de la mise en concurrence

 

 

I.        Les textes applicables

II.       synthèse des textes

III.      Régime légal de la mise en concurrence

A.       Champ d’application du régime légal

B.       Mécanisme de la mise en concurrence (régime légal)

IV.      La mise en concurrence facultative

 

 

Couramment pratiquée depuis des lustres dans le silence des textes du statut de la copropriété, la procédure de mise en concurrence a été institutionnalisée par la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000.

L’article 21 de la loi du 10 juillet 1965 dispose désormais qu’à la majorité de l’article 25 l’assemblée  générale des copropriétaires « arrête un montant des marchés et des contrats à partir duquel une mise en concurrence est rendue obligatoire ».

Il ne faut tirer aucun enseignement particulier du fait que la procédure de mise en concurrence a été traitée dans un article consacré au conseil syndical. L’article 19-2 du décret d’application est, quant à lui, inséré correctement dans la section II consacrée aux assemblées générales.

I.               Les textes applicables

L’article 11 du décret du 17 mars 1967 précise à ce titre :

« Sont notifiés au plus tard en même temps que l’ordre du jour :

« I.- Pour la validité de la décision :

[…]

« 3° Les conditions essentielles du contrat ou, en cas d’appel à la concurrence, des contrats proposés, lorsque l’assemblée est appelée à approuver un contrat, un devis ou un marché, notamment pour la réalisation de travaux ; »

 

Son article 19 (modifié par de décret n° 2004-479 du 27 mai 2004) ajoute :

« Lorsque l’assemblée est appelée à approuver un contrat, un devis ou un marché mettant en concurrence plusieurs candidats, elle ne peut procéder à un second vote à la majorité de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965 qu’après avoir voté sur chacune des candidatures à la majorité de l’article 25 de la même loi. »

 

Et l’article D 19-2 issu du même décret de 2004 :

« La mise en concurrence pour les marchés de travaux et les contrats autres que le contrat de syndic, prévue par le deuxième alinéa de l’article 21 de la loi du 10 juillet 1965, lorsque l’assemblée générale n’en a pas fixé les conditions, résulte de la demande de plusieurs devis ou de l’établissement d’un devis descriptif soumis à l’évaluation de plusieurs entreprises. »

 

II.             synthèse des textes

Il résulte de la combinaison de ces textes

1) Que l’obligation de recourir à une mise en concurrence ne s’applique qu’aux contrats, hormis celui de syndic, et marchés, dès lors que leur montant est supérieur à un seuil fixé pour l’exercice en cours par une décision de l’assemblée prise à la majorité de l’article 25.

Du recours à cette majorité, il ne faut pas conclure que l’obligation ne concerne que les opérations visées par cet article. Il est bien évident que les travaux importants pouvant être décidés à la majorité simple (un ravalement par exemple, qui est une opération d’entretien) exigent une mise en concurrence préalable. Cela a toujours été le cas dans le passé.

Pour ce qui est du contrat de syndic, l’exclusion ne vaut qu’à l’occasion du renouvellement du mandat du syndic en place, lorsqu’il figure seul à l’ordre du jour. En l’état, il n’est pas nécessaire d’effectuer une mise en concurrence à l’occasion de chaque échéance du mandat du syndic en place.

Lorsqu’il s’agit de faire choix d’un nouveau syndic, la pratique habituelle est de présenter plusieurs propositions. Il existe un projet tendant à imposer une mise en concurrence à l’occasion de chaque assemblée appelée à désigner le syndic, serait-ce par renouvellement du mandat du syndic en place.

 

2) Que les propositions recueillies doivent être jointes à la convocation. Il faut logiquement en déduire que toutes ces propositions doivent être jointes, même lorsque le conseil syndical a estimé devoir suggérer de retenir l’une d’entre elles. Voir toutefois nos observation ci-dessous en III.

 

3) Que l’obligation pesant sur le syndic au titre de la mise en concurrence est limitée à « la demande de plusieurs devis ou de l’établissement d’un devis descriptif soumis à l’évaluation de plusieurs entreprises », réserve faite du cas dans lequel l’assemblée a fixé d’autres conditions.

Notons qu’il faut ici remplacer l’expression « devis descriptif » par «  descriptif des travaux ». Un devis descriptif est établi par un entrepreneur.

Et en second lieu que le syndic ayant demandé plusieurs devis ou présenté un descriptif des travaux à plusieurs entreprises a rempli sa mission. Il importe peu qu’il n’ait reçu aucune réponse.

Les autres conditions décidées par l’assemblée s’entendent notamment des cas dans lesquels l’assemblée a décidé de faire choix d’un maître d’œuvre chargé de la consultation des entreprises. On se trouve alors dans le champ réel de la mise en concurrence, telle qu’elle a toujours été pratiquée.

 

III.           Régime légal de la mise en concurrence

Il convient de préciser ici le champ d’application de l’article 21 de la loi et les modalités de sa mise en œuvre.

A.      Champ d’application du régime légal

L’obligation de mise en concurrence s’applique exclusivement aux contrats et marchés que le syndic ne peut souscrire qu’après en avoir reçu l’autorisation ou la mission par une décision de l’assemblée générale.

Elle ne concerne pas les commandes et ordres qu’il peut donner en vertu de ses pouvoirs d’administration et de gestion. Voir sur ce point : « le contenu de la mission du syndic » 2-1-2  et nos observations ci-après.

Pour autant, le recours à la mise en concurrence n’est pas exclu pour l’exécution de travaux d’entretien courant ou l’achat de certaines fournitures. Il s’agit alors d’une pratique de bon père de famille qui n’entre pas dans le cadre de l’article 21. Nous reviendrons plus loin sur cette pratique et les confusions courantes entre le régime légal et la gestion du pater familias.

 

L’article 45 du décret n° 2004-479 du 27 mai 2004 détermine précisément le domaine de la compétence autonome du syndic : les travaux de maintenance pour l’essentiel. Nous partageons à cet égard l’opinion émise par M. Guy Vigneron (Jurisclasseur copropriété Fasc. 90-10 n° 52). Mais, contrairement à cet éminent auteur, nous estimons qu’on ne peut pas parler à ce propos de contrats au sens de l’article 21 et surtout pas de marchés.

Les contrats visés par l’art. 21 sont essentiellement les contrats d’entretien ou de prestations diverses d’une durée minimale supérieure à un an. (CA Versailles 28 juin 1988 Administrer mars 1989 p. 29). Il a été jugé que le syndic a pouvoir de commander l’achat d’extincteurs (Cass. civ. 15/11/1995 Loyers et copropriété 1996 n° 92) mais, comme indiqué ci-dessus, le simple bon sens lui commande de comparer des offres. Dans la pratique un syndic professionnel peut néanmoins s’en tenir à son expérience courante d’une entreprise ou d’un fournisseur dont il connaît les tarifs et la qualité des prestations. 

Les marchés concernent des travaux importants, généralement réalisés avec l’assistance d’un maître d’œuvre. La plupart des travaux relevant de l’article 14-2 entrent dans ce cadre. Leur engagement ne peut résulter d’un simple ordre de service ne comportant aucune référence à un descriptif détaillé et des modalités d’exécution et de paiement précises.

 

La fixation d’un seuil par l’assemblée générale ne présente alors pas un grand intérêt. La nature des travaux implique un montant relativement substantiel et suffit à justifier le recours à la mise en concurrence. Le texte a néanmoins le mérite d’interdire la pratique condamnable de la présentation d’un seul devis pour des travaux importants.

On ne saurait admettre ici la suffisance « de la demande de plusieurs devis ou de l’établissement d’un devis descriptif soumis à l’évaluation de plusieurs entreprises ». Il est nécessaire que plusieurs  propositions soient présentées aux copropriétaires.

 

On trouve dans un arrêt de la Cour d’appel de Grenoble du 13 novembre 2007 différentes solutions relatives au respect de l’obligation de mise en concurrence, et un exemple de l’utilisation qui peut en être faite par un copropriétaire procédurier. (Voir l’arrêt)

 

B.     Mécanisme de la mise en concurrence (régime légal)

La mission d’un maître d’œuvre comporte traditionnellement deux phases successives.

La première comporte l’étude technique du chantier et la consultation d’entreprises en fonction du descriptif des travaux établi par le maître d’œuvre. Cette consultation répond à l’exigence légale de mise en concurrence.

La seconde concerne la surveillance du chantier et la réception des travaux.

Les résultats de la consultation doivent être portés à la connaissance de tous les copropriétaires. Cette information n’exige pas la communication des devis. Il suffit de notifier un rapport de synthèse de l’architecte de la copropriété (CA Paris 23e chambre 7 mai 1991 Loyers et copropriété, juillet 1991 n° 317 ; 11 février 1999 Loyers et copropriété 1999 n° 199 note Vigneron).

Ce rapport doit comporter les conditions essentielles du marché :

État détaillé des travaux

Matériaux utilisés

Les coûts par lots et articles

Le caractère ferme ou révisable du prix et les modalités de paiement et les modalités de révision s’il y a lieu.

Les garanties liées aux travaux et, s’il y a lieu, la nécessité d’une assurance dommages-ouvrages et son coût.

Les indications d’usage concernant les entreprises y compris des informations sur leur qualification et leur situation sociale et financière.

La durée estimée du chantier et les contraintes éventuelles pendant sa durée

 

Dans la pratique, tout maître d’œuvre ayant l’expérience des travaux réalisés pour une copropriété établit un compte rendu comportant toutes les indications nécessaires. Il est alors inutile de joindre des devis souvent illisibles pour le commun des copropriétaires.

 

Les dispositions de l’article 19 du décret s’appliquent : « Lorsque l’assemblée est appelée à approuver un contrat, un devis ou un marché mettant en concurrence plusieurs candidats, elle ne peut procéder à un second vote à la majorité de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965 qu’après avoir voté sur chacune des candidatures à la majorité de l’article 25 de la même loi. ».

 

Dans la majorité des cas, après consultation des entreprises, une concertation entre le maître d’œuvre, le conseil syndical et le syndic permet de déterminer le choix d’une option technique, s’il y a lieu, et des entreprises pour les différents lots du chantier. Ce choix est généralement ratifié par l’assemblée générale quand un compte rendu approprié de la préparation du chantier lui a été présenté.

 

Quand il a été décidé de ne pas recourir à l’assistance d’un maître d’œuvre, les obligations sus-énoncées pèsent sur le syndic. Hormis le cas de chantiers relativement simples, les syndics, qu’ils soient professionnels ou non, ne sont pas en mesure d’établir un descriptif des travaux au sens propre du terme. Ils ne peuvent que préciser les résultats exigés. Les copropriétaires doivent alors compter sur la compétence et la loyauté des entrepreneurs consultés.

 

IV.          La mise en concurrence facultative

Pour un grand nombre de copropriétaires, l’article 21 de la loi rend obligatoire la mise en concurrence pour les moindres travaux courants, serait ce le remplacement d’une serrure.

Il est courant de constater que les assemblées fixent à 1500 ou 2000 € ht le seuil prévu par un texte dont nous venons de montrer qu’il ne s’applique qu’à des travaux importants. Certains présidents de conseils syndicaux proclament même urbi et orbi que, dans leur immeuble, le seuil est fixé à un euro !!!

Ces errements conduisent à des situations effarantes comme celle dont on trouve la trace dans un arrêt de la Cour d’Appel de Paris 23ème Chambre - Section B du 31/01/2008 n° 07/03586.

« Considérant qu'ils se réfèrent à une décision d'assemblée générale du 4 juin 2004 aux termes de laquelle la consultation du conseil syndical est obligatoire ainsi que la mise en concurrence des entreprises pour la conclusion de tout marché au contrat d'un montant supérieur à 763 € ; qu'ils contestent en premier lieu l'engagement d'une dépense de 784,97 € pour le remplacement d'une antenne de télévision ; mais qu'eu égard à l'importance de la télévision dans la vie des familles, la mauvaise réception de la télévision par 5 copropriétaires suffit à caractériser l'urgence de l'intervention et donc de l'engagement de la dépense ; que le dépassement de 21,97 € ne saurait au surplus justifier l'annulation ; que la critique des appelants sur ce point, qui s'étale sur plus de 2 pages de leurs conclusions, est parfaitement dérisoire et en tous cas infondée ; »

En cette espèce le copropriétaire dont les prétentions ont été successivement rejetées par le Tribunal de Grande Instance puis par la Cour d’appel souhaitait être exonéré de toute contribution au paiement de la dépense litigieuse.

Notons qu’en ce cas la Cour n’était pas saisie de l’applicabilité de l’article 21 aux travaux de maintenance.

 

Nous avons évoqué ci-dessus la bonne gestion du pater familias.

Elle consiste à s’entourer, pour des opérations courantes, d’intervenants habituels ( plombier, couvreur, électricien, etc…) dont il a pu apprécier les qualités : rapidité d’intervention, efficacité, coûts raisonnables.  En cas d’incident, il ne s’embarrasse pas d’une recherche inutile.

Pour autant, il ne se considère pas comme lié à vie avec tel ou tel. Un jour il peut abandonner l’un de ses partenaires pour nouer un nouveau contact de même nature avec un concurrent.

S’il envisage la réalisation de travaux importants, il demande un devis à son entrepreneur habituel mais il en demande également à des concurrents. A prix égal il donne la préférence à son partenaire mais s’il constate un surcoût chez le partenaire il donne la préférence au concurrent après avoir tenté une ultime négociation. En général, le concurrent récupérera l’entretien courant. Ce n’est pas toujours le cas ! Certaines entreprises n’acceptent que les travaux neufs et n’assurent que l’entretien de ceux-ci. Certains artisans assurent parfaitement l’entretien mais savent qu’ils ne font pas le poids pour des travaux importants. Ils ne se formalisent pas de l’intervention d’une entreprise plus importante.

Pour les fournisseurs, même solution. Un fournisseur habituel de fioul peut être parfois un peu plus cher. Mais en cas de panne sèche imprévue, on est bien content de le voir arriver rapidement, donner un petit coup de main, accepter parfois un paiement en deux fois.

 

La situation est différente pour des opérations exceptionnelles,.étrangères aux partenaires habituels. 

Si le pater familial veut installer une piscine dans son jardin, il doit rechercher des installateurs, consulter les catalogues, prévoir des rendez-vous, s’informer auprès de voisins déjà pourvus. Bref, on est en présence d’une « mise en concurrence » que le bon sens commande.

En principe l’installateur choisi assurera l’entretien de l’installation. Certains fabricants ou fournisseurs essaient de conserver le monopole de l’entretien de leurs matériels. C’est un point qu’il faut vérifier au cours de l’étude du chantier.

 

Mutatis mutandis, une copropriété doit procéder pareillement.

A notre avis un syndicat de copropriétaires doit conserver pour l’entretien courant des partenaires habituels et payer les interventions de dépannage dans les trente jours.

Un avantage certain est qu’ils connaissent l’immeuble, les moyens d’accès, la gardienne, quelques-uns uns des occupants. On peut disposer souvent de numéros de téléphone portable bien précieux. Ces détails ne sont pas idylliques. Maintenant encore il existe des relations de ce genre avec des entreprises et leur personnel.

Quand on constate dans un relevé annuel de charges l’existence de dix interventions de dépannage en plomberie avec quatre entreprises différentes, on peut douter de la bonne qualité de la gestion. La faute n’en revient pas toujours au syndic.

Une étude approfondie des dix factures permet de constater que les coûts horaires d’intervention sont inférieurs à la moyenne habituelle. Mais on constate aussi que la quatrième intervention de X a consisté à reprendre partiellement les travaux insuffisants ou mal exécutés de la troisième de Y. Au final, on peut légitimement juger que six interventions auraient suffi pour un coût total moindre.

 

Pour les interventions exceptionnelles, les syndicats se trouvent dans la même situation que le pater familias. Il faut fouiner partout.

Même dans ce cas, le recours à une entreprise partenaire habituelle est reconnue comme garantissant les intérêts du syndicat. On lit ainsi dans l’arrêt déjà cité de la Cour d’appel de Grenoble du 13 novembre 2007 :

« Attendu, au surplus, que cette entreprise est l’intervenant habituel sur la copropriété pour les travaux d’électricité ;

« Attendu que le premier juge a ainsi pu retenir que l’intérêt de la copropriété était préservé et que l’abus de majorité n’était pas établi ;

 

Quid, dans tout cela du fameux seuil d’intervention ?

Juridiquement, il n’existe pas dans le cas des travaux de maintenance.

Pratiquement, il est sacré dans beaucoup de syndicats de copropriétaires abusés.

 

Le principe même du seuil serait contestable pour des travaux de maintenance.

Le syndic ignore bien souvent , en toute bonne foi, dans quel créneau de coûts peut se trouver celui de l’intervention qu’il doit demander. Si le seuil a été fixé à 1000 € ht, quel peut bien être le coût de remise en état d’une porte métallique, d’une bordure d’allée, d’un chéneau fuyard ? Il ne le saura qu’après avoir obtenu au moins un devis.

Un autre aspect fréquemment avancé de nos jours est que les artisans et entreprises rechignent à établir des devis, - seraient-ils sommaires -, lorsqu’ils savent que tel syndicat demandeur exige toujours 4 devis et que leur chance d’effectuer le travail et de conserver la clientèle du syndicat est fort mince. On les comprend aisément.

Le syndic ne doit pas néanmoins négliger la recherche du « meilleur prix » pour ce qui est des petits travaux et les fournitures modestes.

 

La mise en concurrence systématique n’est à la vérité qu’un miroir aux alouettes.

Il reste qu’elle trouve sa raison d’être dans l’existence fréquente d’un climat de suspicion tant à l’égard du syndic que des fournisseurs et entrepreneurs. On ne se console pas en constatant qu’elle s’étend parfois aux présidents de conseils syndicaux !

La copropriété sereine exige un climat de confiance.

 

 

 

 

 

 

 

 

Mise à jour

26/08/2011