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Association syndicale libre

Copropriété incluse dans le périmètre

Copropriétaires membres de l’assemblée

Clause statutaire contraire inopérante

 

 

Cassation  civile 3e    9 décembre 1998

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris, du 4 octobre 1996

N° de pourvoi: 97-12163

 

Rejet.

 

Sur le moyen unique :

 

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 4 octobre 1996), que l’ensemble immobilier Poissonniers Ordener comporte 2 bâtiments, A et B, appartenant à la Société nationale des chemins de fer français, 3 bâtiments C, D et E constituant la copropriété du 2-4-6, allée d’Andrézieux ainsi qu’un autre bâtiment et des garages constituant une autre copropriété ; que les installations et équipements communs aux différents propriétaires sont administrés par une association syndicale libre (l’ASL) ; que l’ASL a assigné le syndicat des copropriétaires du 2-4-6, allée d’Andrézieux en paiement de charges et que le syndicat des copropriétaires a soulevé l’irrecevabilité de la demande ;

 

 

Attendu que l’ASL fait grief à l’arrêt de dire l’action irrecevable et d’annuler la saisie conservatoire pratiquée entre les mains du syndicat des copropriétaires, alors, selon le moyen, 1° que les parties communes d’un immeuble en copropriété sont l’objet d’une propriété indivise entre l’ensemble des copropriétaires et que la collectivité des copropriétaires est constituée en un syndicat qui a la personnalité civile ; qu’aux termes des statuts de l’ASL, “ tout propriétaire ou copropriétaire, de quelque manière et à quelque titre que ce soit, de l’ensemble immoblier (en cause) sera membre de plein droit de l’association syndicale Poissonniers Ordener ; ce dont il résulte que la copropriété du 2-4-6, allée d’Andrézieux, bâtiments C, D et E, représentée par son syndicat des copropriétaires, lequel a la personnalité civile, est membre de plein droit de l’association syndicale ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a donc violé les articles 4 et 14 de la loi du 10 juillet 1965 ; 2° qu’en leur article 7, les statuts de l’association syndicale Poissonniers Ordener précisent que “ si les unités de copropriétés soumises aux présents statuts font l’objet de copropriété conformément à la loi du 10 juillet 1965, ce sont les syndics qui représentent les copropriétaires à l’assemblée générale “ ; que, par ailleurs, en leur article 10, alinéa 4, ces statuts énoncent que “ pour l’exercice du droit de vote, chaque immeuble en copropriété est indivisible vis-à-vis du syndicat “ ; qu’il résulte clairement de ces dispositions qu’aux termes des statuts, les copropriétés elles-mêmes, et non seulement les copropriétaires pris individuellement, sont membres de plein droit de l’association syndicale ; qu’en jugeant, dès lors, qu’aux termes des statuts de l’ASL la qualité de membre de celle-ci n’appartient qu’aux copropriétaires eux-mêmes, la cour d’appel a dénaturé ces statuts et violé par conséquent l’article 1134 du Code civil ; 3° que, subsidiairement, le syndicat des copropriétaires, qui a pour objet la conservation de l’immeuble et l’administration des parties communes, a qualité pour agir en justice tant en demande qu’en défense, en vue de la sauvegarde des droits afférents à l’immeuble ; qu’en retenant, pour déclarer irrecevable l’action en paiement des charges de l’ASL à l’encontre du syndicat des copropriétaires du 2-4-6, allée d’Andrézieux, bâtiments C, D et E, que seuls les copropriétaires étaient membres de l’ASL à l’exclusion du syndicat, la cour d’appel a en toute hypothèse violé, par refus d’application, l’article 15 de la loi du 10 juillet 1965 ;

 

Mais attendu qu’ayant relevé que les statuts de l’ASL précisaient que “ tout propriétaire ou copropriétaire, de quelque manière et à quelque titre que ce soit, d’une partie quelconque de l’ensemble immobilier... sera membre de plein droit de la présente association syndicale “ et qu’il était précisé que “ si les unités de propriété soumises aux présents statuts font l’objet d’une copropriété... ce sont les syndics qui représentent les copropriétaires à l’assemblée générale “, la cour d’appel en a justement déduit, sans dénaturation, que si le syndicat des copropriétaires du 2-4-6, allée d’Andrézieux représentait les copropriétaires à l’assemblée générale de l’ASL, il n’était pas pour autant membre de cette association, cette qualité n’appartenant qu’aux copropriétaires eux-mêmes et que la demande en paiement de charges dirigée contre le syndicat des copropriétaires était irrecevable ;

 

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

 

PAR CES MOTIFS :

 

 

REJETTE le pourvoi.

 

 

 

Commentaires

 

L’arrêt relaté devrait faire cesser la controverse relative à la composition d’une association syndicale libre dans le cas où une copropriété régie par la loi du 10 juillet 1965 est inscrit dans son périmètre.

Il est souvent mentionné dans les statuts des associations syndicales que c’est alors le syndicat des copropriétaires qui est membre de l’ASL. Or un syndicat n’est propriétaire de rien. Il ne peut donc être membre d’une association de propriétaires.

Ce sont les copropriétaires qui sont membres de l’association syndicale.

Il en résulte en particulier que les charges sont réparties par l’association entre les copropriétaires qui doivent les payer à l’association.

Une pratique fréquente consiste pour les associations syndicales à adresser au syndic de la copropriété le décompte des charges incombant globalement au syndicat  et de lui laisser le soin de les répartir comme des charges de la copropriété. Cette pratique est, en l’état des textes et de la jurisprudence, illégale.

Dans ce cas un copropriétaire peut refuser de payer au syndic la part de l’appel de fonds correspondant aux charges de l’association syndicale. C’est la solution donnée par le présent arrêt.

 

On trouve aussi fréquemment dans les statuts des ASL la clause suivante : « si les unités de propriété soumises aux présents statuts font l’objet d’une copropriété... ce sont les syndics qui représentent les copropriétaires à l’assemblée générale [de l’association syndicale ndlr] ».

La Cour de cassation juge avec pertinence que cette clause ne saurait contrarier le principe sus-énoncé.

 

Mais il nous parait souhaitable de préciser le sens exact de la clause.

La pratique courante est, au mieux, de porter à l’ordre du jour d’une assemblée du syndicat des copropriétaires, les questions importantes devant figurer à l’ordre du jour d’une assemblée ultérieure de l’association syndicale.

L’assemblée du syndicat vote sur ces questions. Pour chacune d’elles,  le syndic vote au cours de l’assemblée de l’association syndicale dans le sens adopté par l’assemblée générale et pour tous les copropriétaires, en ce compris les défaillants, opposants et abstentionnistes à l’assemblée de la copropriété.

 

Cette solution est juridiquement très contestable.

Primo, elle a pour effet de « faire voter » au cours de l’assemblée de l’ASL des associés copropriétaires qui ont été défaillants voire abstentionnistes lors de l’assemblée du syndicat.

Elle peut de même avoir pour effet l’adoption par l’assemblée d’une ASL comportant dix copropriétés d’une résolution qui aura été adoptée par 6 d’entre elles, mais avec finalement un nombre total de voix favorables inférieur à la majorité requise.

 

Secundo, il n’y a pas lieu de donner à la règle  « ce sont les syndics qui représentent les copropriétaires à l’assemblée générale » une interprétation autre que celle purement littérale : la règle est que les copropriétaires ne peuvent assister en personne à l’assemblée de l’association syndicale, et ne peuvent s’y faire représenter que par le syndic de leur immeuble.

Mais le syndic représente individuellement chacun des copropriétaires lui ayant donné pouvoir à cet effet. Il peut se faire que, sur 20 copropriétaires, 15 seulement lui auront donné pouvoir. Il ne votera donc que pour ces 15 associés. Les 5 autres seront défaillants à l’assemblée de l’ASL.

Par ailleurs chacun des copropriétaires associés peut assortir le pouvoir d’instructions de vote. Sur une question, le syndic pourra donc voter OUI pour 9 copropriétaires associés et NON pour les 6 autres.

 

Sur cette controverse nous signalons la Question écrite n° 03472 posée par M. Jean-Pierre SUEUR et la réponse de Mme la ministre du logement et de la ville le 29 mai 2008 (Voir RM 03472)

Nous signalons aussi l’étude de Me J-M Gélinet, Avocat à la Cour (Voir l’étude de Me Gélinet)  dont nous reproduisons l’extrait suivant 

« Une réponse ministérielle a apporté des éléments de réflexion importants sur la question.

« Si les copropriétaires ne sont pas avisés individuellement mais sont représentés par le syndic de la copropriété qui est seul convoqué, peut se poser la question de l’étendue des pouvoirs du représentant du syndicat des copropriétaires à cette occasion.

« La représentation collective des copropriétaires auprès de l’A.S.L. n’emporte-t-elle pas la nécessité d’une autorisation spécifique des copropriétaires au sein de leur assemblée propre concernant les travaux entrant dans l’objet de l’A.S.L. ou à tous le moins les plus importants d’entre eux ? (5).

« Dans cette hypothèse, le syndic dispose d’un mandat général de représentation des copropriétaires à l’assemblée de l’association. C’est ce que rappelle le ministre dans sa réponse précitée, ce mandat général étant donné sous réserve des décisions portant sur des travaux importants qui peuvent nécessiter un mandat spécial des copropriétaires.

« Le syndic de copropriété n’est en fait que le représentant légal du syndicat des copropriétaires et non celui de chacun des copropriétaires qui sont seuls membres de l’A.S.L. Le cadre général de son mandat s’inscrit donc dans l’objet du syndicat des copropriétaires.

« C’est la raison pour laquelle, dans le cadre particulier d’une A.S.L., le syndic de copropriété pris en qualité de représentant légal du syndicat des copropriétaires, lui-même investi de la mission de représenter les copropriétaires auprès des organes d’une A.S.L., doit se prémunir d’une autorisation des copropriétaires en vue de l’adoption des travaux susceptibles d’être votés par l’assemblée de l’A.S.L. et particulièrement lorsqu’il s’agit de signer auprès d’un établissement de crédit un prêt collectif pour financer la part des copropriétaires.

« Il est à noter que le caractère obligatoire de l’engagement général initial souscrit par les copropriétaires envers l’association syndicale et l’adhésion aux statuts de l’A.S.L. ne suffit pas à priver les copropriétaires membres de l’association syndicale d’un droit de regard sur les modalités de vote de travaux de celle-ci (6).

« Le syndic doit ainsi prendre toutes précautions utiles pour que les copropriétaires ne puissent lui reprocher d’avoir souscrit des engagements pour leur compte sans les avoir préalablement consultés.

« Les statuts précisent souvent que le vote du syndic représentant les copropriétaires lors de l’assemblée de l’association, est indivisible. Le syndic est donc porteur de toutes les voix qu’il exprime dans le même sens, ce qui prive les minoritaires du syndicat de tous moyens de contribuer à la formation des décisions de l’association (7).

Notes

(5) J.M. TALAU, Les copropriétaires et l’association syndicale de propriétaires, Construction-
Urbanisme, décembre 2008, n° 16, p. 13 et stes.
(6) Voir également sur ce point J.M. TALAU, art. précit, n° 25,
(7) Voir ATIAS, op. cit. n° 107 et sts ;

 

Cette question importante aurait mérité une solution définitive à l’occasion de la réforme des associations syndicales.

 

 

 

 

Mise à jour

13/10/2012