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7 / 1.4

 

 

I.             le patrimoine du syndicat

A.           L’immeuble

B.           Acquisitions du syndicat

1.         saisissabilité d’une acquisition du syndicat

2.         Unité ou dualité des parties communes

3.         Cas de l’acquisition forcée d’un lot par le syndicat

C.          La trésorerie courante et les fonds de réserve

D.          Les actions judiciaires

E.           le patrimoine virtuel du syndicat

II.            le BILAN du syndicat ?

A.           le syndicat n’est pas une entreprise ?

B.           l”AMORTISSEMENT IMMOBILIER

III.           la gestion prévisionnelle

A.           objet de la loi du 21 juillet 1994

B.           gestion prévisionnelle à moyen terme

C.          provisions ET moyens spécifiques de financement

1.         statut juridique des provisions constituées

2.         syndicats coopératifs et provisions mutualisées

D.          le role du carnet d’entretien

 

 

Dans la comptabilité commerciale traditionnelle, les notions de résultat et de bilan sont prépondérantes. La comptabilité des syndicats de copropriétaires les ignore. Le syndicat n’est pas une entreprise. Il est doté, comme toute personne morale, d’un patrimoine, mais celui-ci est constamment nul. Notre plan comptable ne connaît donc ni les amortissements ni même les stocks.

Pourtant l’objet primordial du syndicat, - la conservation de l’immeuble -, s’inscrit dans le temps. Le bâtiment comme ses équipements sont affectés par l’usure et l’obsolescence. Il n’est pas prescrit d’en constater les incidences financières directes mais il est indispensable d’en prévoir les incidences techniques futures.

Si la durée de vie normale d’un élément d’équipement d’une valeur de 10 000 € installé en janvier 2006 est de cinq ans, son remplacement s’avérera nécessaire en 2011. La prudence financière commande de prévoir dès janvier 2008 la constitution progressive d’une provision financière destinée à couvrir tout ou partie des frais de son remplacement. C’est le principe de la gestion prévisionnelle.

I.          le patrimoine du syndicat

Peut-on parler d’un patrimoine du syndicat des copropriétaires ? La réponse est affirmative puisque toute personne, même morale, en est dotée. La détermination de son contenu, comme celle de son statut, appellent des précisions. Le professeur Lombois[1] a très justement qualifié le patrimoine syndical de « patrimoine de transit ». Le conseiller Capoulade reprend à son compte cette qualification[2]

A.        L’immeuble

Le syndicat n’est propriétaire ni des parties communes ni des éléments d’équipement commun qui sont la propriété indivise des copropriétaires. Il n’est pas titulaire des droits accessoires aux parties communes. Investi de l’exercice de ces droits et des obligations liées il n’est qu’un propriétaire apparent aux yeux des tiers et des pouvoirs publics. L’illusion est si forte que la Cour de Cassation elle-même s’y est laissée prendre en le qualifiant de « propriétaire du fonds » à propos de troubles de voisinage dont les auteurs demeuraient anonymes[3] Les obligations mises à la charge de « tout propriétaire d’un immeuble » par un texte de portée générale pèsent sur le syndicat dès lors que l’immeuble est placé sous le régime de la copropriété. La situation est rendue plus complexe encore par la possibilité légalement ouverte au syndicat d’effectuer des acquisitions ou des aliénations.

B.        Acquisitions du syndicat

En vertu de l’article L 16 

Tous actes d’acquisition ou d’aliénation des parties communes ou de constitution de droits réels immobiliers au profit ou à la charge de ces dernières, à condition qu’ils aient été décidés conformément aux dispositions des articles 6, 25 et 26, sont valablement passés par le syndicat lui-même et de son chef.

Le syndicat peut acquérir lui-même, à titre onéreux ou gratuit, des parties privatives sans que celles ci perdent pour autant leur caractère privatif.. Il peut les aliéner dans les conditions prévues à l’alinéa précédent. Il ne dispose pas de voix, an assemblée générale, au titre des parties privatives acquises par lui.

 

Pour MM. Lafond et Stemmer, ce texte consacre la possibilité pour le syndicat d’avoir en tant que personne morale un patrimoine propre[4]. L’existence du patrimoine n’est pas contestable. Faut-il pour autant y intégrer ces acquisitions ? Le syndicat est certes considéré comme un propriétaire normal par le régime de la publicité foncière. L’argument n’est pas péremptoire car il s’agit d’un accommodement procédural parfaitement compréhensible. L’assujettissement de la revente d’une partie privative acquise par le syndicat aux conditions fixées par l’alinéa premier qui vise les acquisitions et cessions de parties communes impose en revanche un avis contraire.

Le texte de l’article 16 laisse croire que le syndicat peut acquérir des parties communes existantes, ce qui serait absurde. Il peut acquérir une parcelle voisine et le bâtiment qu’elle supporte, appartenant à un tiers, pour en faire une partie commune comme une salle de réunion. Il peut acquérir également un lot privatif pour en faire une loge de concierge. Dans les deux cas le but de l’acquisition doit être conforme à l’objet du syndicat et trouver sa justification dans la satisfaction d’un besoin collectif. Le statut particulier du lot privatif acquis est justifié par la nécessaire cohérence du système de publicité foncière. Il permet d’éviter une modification du règlement de copropriété lors de l’acquisition puis lors d’une éventuelle revente. Il n’en reste pas moins que, dans l’un et l’autre cas, les biens acquis tombent dans l’indivision générale. En cas de revente le prix devra être immédiatement réparti entre les copropriétaires ou affecté au financement d’une dépense commune.

1.         saisissabilité d’une acquisition du syndicat

Un créancier du syndicat peut-il faire procéder à la saisie immobilière d’un lot privatif acquis par le syndicat ?. Une décision du TGI de Paris en date du 02/11/1970 semble l’admettre[5]. Nous partageons pourtant les doutes de Mme Kischinewsky Broquisse sur le statut qui serait ainsi octroyé à une partie privative acquise par le syndicat[6]  Pour cet auteur « l’acquisition par le syndicat de droits immobiliers constitue un paradoxe. Alors qu’il n’est pas propriétaire des parties communes ordinaires, possédées en indivision par les copropriétaires sous un régime spécial, il peut en acquérir ou en aliéner ». Elle estime logique « de convenir que les parties communes acquises auront le même régime juridique que celles possédées déjà en indivision par les copropriétaires » MM. Givord et Giverdon[7] admettent au contraire « une dualité de régime juridique entre le patrimoine propre du syndicat et les parties communes, qui appartiennent aux copropriétaires ». Ils reconnaissent toutefois que « le droit des copropriétaires sur les parties communes s’exerce également sur le patrimoine du syndicat ». Ces controverses doctrinales sur une question dont les incidences pratiques ne sont pas négligeables appellent une proposition de solution

2.         Unité ou dualité des parties communes

La dualité de régime des « différentes » parties communes serait contraire aux principes élémentaires de la copropriété. Chaque lot comporte une partie privative et une quote-part des parties communes. Toute partie commune acquise vient donc en accroissement des parties communes d’origine, sans modification des quotes-parts relatives. Il importe peu qu’il s’agisse d’une partie privative par nature, affectée à un usage commun. La loi a prévenu les inconvénients de cette particularité en neutralisant les voix délibératives attachées au lot acquis par le syndicat. Quant aux charges afférentes à un tel lot, elles sont réparties entre les copropriétaires sans même qu’il y ait lieu de modifier leurs quotes-parts contributives.

Mme Kischinewsky Broquisse a justement évoqué le régime des parties communes, « possédées en indivision par les copropriétaires sous un régime spécial ». La copropriété est bien une indivision organisée dont le syndicat des copropriétaires est l’image juridique. A tout instant, son patrimoine se confond avec celui des indivisaires. Il présente au monde extérieur la réalité globale des droits virtuels qu’ils tiennent de la propriété des lots. On peut déduire de cette constatation l’assujettissement de toutes les parties communes, quelle que soit leur origine, aux dispositions de l’article L 6 : « les parties communes et les droits qui leur sont accessoires ne peuvent faire l’objet, séparément des parties privatives, d’une action en partage ni d’une licitation forcée ». Nous n’approuvons donc pas la décision du TGI de Paris en date du 02/11/1970 citée plus haut.

3.         Cas de l’acquisition forcée d’un lot par le syndicat

Le syndicat peut également devenir propriétaire d’un lot privatif de manière passive en l’absence d’enchérisseur à l’occasion de la vente par adjudication du lot d’un débiteur à sa requête. Ce cas exceptionnel ne peut être négligé mais on se bornera ici à noter qu’il s’agit des effets du droit des voies d’exécution sur lesquels nous reviendrons à propos du recouvrement des charges.

C.        La trésorerie courante et les fonds de réserve

Le syndicat a la maîtrise réelle de sa trésorerie lorsqu’il est titulaire d’un compte bancaire ou postal ouvert à son nom. Sa situation est plus fragile lorsque les fonds sont détenus par un syndic professionnel gérant par compte unique. Dans les deux cas pourtant le syndicat est titulaire de créances (sur la banque ou le syndic) qui ont vocation à entrer dans la composition de son patrimoine.

Le syndicat est-il propriétaire des fonds qu’il détient d’une manière ou d’une autre ? Chaque membre du syndicat conserve, idéalement et à tout instant, un droit sur sa quote-part du solde global disponible. La passation régulière des écritures et le jeu de la répartition immédiate des charges et produits assurent la liquidité permanente de cette créance. Les règles du statut assurent sa certitude. Elles s’opposent par contre à son exigibilité car les fonds, spécialement affectés au financement des prestations et opérations collectives, demeurent indisponibles. Cette indisponibilité ne disparaît qu’à l’occasion d’une vente de lot ou d’une opération assimilée. Mathématiquement, le contenu financier du patrimoine syndical est donc perpétuellement nul. Son solde positif par principe est à tout instant compensé par un ensemble de dettes à l’égard soit des copropriétaires, soit des fournisseurs et autres correspondants divers.

Cette constance du zéro financier doit, dans le cadre d’une gestion normale, être vérifiée par le « bilan » syndical. Elle n’autorise pas l’abandon de notre recherche. D’une part la conformité du résultat comptable n’écarte pas la vérification des facteurs. D’autre par les vicissitudes de la gestion peuvent perturber sa normalité.

Un créancier du syndicat peut pratiquer saisie attribution sur ces fonds quel que soit le mode de leur gestion. La saisie affecte le solde disponible du compte sans autre considération. Il importe peu en particulier que le syndic ait omis d’établir et diffuser l’appel de fonds destiné au financement des prestations dont le paiement est demandé. Dans ce cas, le solde disponible peut être insuffisant pour régler le créancier. Il peut alors agir en paiement contre les copropriétaires.

La Cour de Cassation, par un arrêt [8] du 13/07/1999, a consacré la recevabilité de l’action directe du créancier du syndicat contre les copropriétaires en rejetant le pourvoi formé contre un arrêt qui proclamait « que le créancier pouvait poursuivre directement  le paiement des sommes dues au titre des charges communes sur chacun des copropriétaires dans les proportions prévues au règlement de copropriété ». Cette décision parachève une construction juridique fondée sur la théorie de la répartition immédiate formulée dès 1968 [9].

Elle met un terme à une controverse tenant au caractère oblique ou direct de l’action en paiement dirigée par un créancier du syndicat contre les copropriétaires. Certains créanciers demandeurs ont eux-mêmes avancé maladroitement qu’ils exerçaient une action oblique mais la jurisprudence a toujours retenu, outre l’obligation de division des poursuites, l’inopposabilité des exceptions que pouvait avoir le copropriétaire « sous-débiteur » contre le syndicat « débiteur principal », au premier rang desquelles figure le paiement déjà effectué de l’appel de fonds dédié. On doit toutefois noter une évolution récente et contraire de la jurisprudence sur ce point, en espérant qu’elle restera passagère.

Autant dire que la division des poursuites demeurait la seule caractéristique de l’action du créancier à l’égard de qui le syndicat et les copropriétaires restent des débiteurs de qualité identique. Le créancier ayant obtenu condamnation d’un copropriétaire a pour gage de l’exécution de la décision l’entier patrimoine de ce copropriétaire. On ne peut, malgré la spécificité du bénéfice de division établi par l’article 2026 du  Code civil avancer l’idée d’un cautionnement présumé du syndicat par chacun des copropriétaires.

La pratique commande ces solutions mais la dualité des régimes de ces procédures confirme nos observations précédentes. Le créancier ne peut avoir pour gage qu’un seul patrimoine, celui d’une indivision organisée, qui se présente sous deux formes. Faute d’obtenir paiement régulier par le représentant de la collectivité, il agit contre chacun de ses membres, sans pouvoir invoquer à l’égard de l’un d’entre eux une quelconque solidarité qui obligerait celui ci à payer la totalité de la créance sauf à exercer ensuite ses recours. L’organisation de l’indivision est fondamentalement affectée par le principe de la contribution aux charges et la règle de proportionnalité des droits et obligations qu’il comporte.

 

Ces observations conduisent à admettre, d’une part, que la trésorerie syndicale entre bien dans son patrimoine puisqu’elle constitue le gage de ses créanciers mais aussi, d’autre part, que ce patrimoine n’est pas distinct des patrimoines des copropriétaires puisqu’ils constituent également le gage des créanciers.

D.        Les actions judiciaires

Le patrimoine syndical comporte les actions judiciaires et l’article L 15 confère au syndicat la qualité nécessaire pour agir en justice, tant en demandant qu’en défendant. On retrouve, ici encore, la confusion des patrimoines et la délimitation des pouvoirs ou obligations individuels en fonction des caractéristiques du lot. Si la demande tend à la sauvegarde des droits afférents à l’immeuble, un ou plusieurs copropriétaires peuvent agir conjointement avec le syndicat. Mais, en outre, tout copropriétaire peut exercer seul les actions relatives à la propriété ou la jouissance de son lot.

Il a été admis dans un premier temps que la qualité de propriétaire indivis des parties communes suffisait à donner à tout copropriétaire la possibilité d’agir individuellement pour faire sanctionner une atteinte aux parties communes, même s’il n’en subissait directement aucun préjudice individuel. Cette solution, certainement conforme aux principes généraux de la copropriété, a généré des abus. Certains copropriétaires se transformaient en justiciers. Une sélection jurisprudentielle plus restrictive de la recevabilité des demandes s’en est suivie, générant d’autres abus dans la mesure ou le laxisme de certaines copropriétés a permis à certains copropriétaires peu scrupuleux la réalisation d’infractions manifestes. Il était simple de revenir à la solution initiale et de sanctionner les actions abusives. La Cour de Cassation l’a clairement fait dans le domaine voisin des actions fondées sur une violation du règlement de copropriété dans deux arrêts du 22/03/2000 concernant un même litige [10]. Sa motivation est fondée sur la nature « contractuelle » du règlement de copropriété justifiant la recevabilité de l’action des demandeurs « sans qu’ils soient astreints à prouver qu’ils subissaient un préjudice personnel et distinct de celui dont souffrait la collectivité des membres du syndicat, leur intérêt à agir trouvant sa source dans le respect du règlement de copropriété ».

Dans le domaine des actions fondées sur l’article L 15 la jurisprudence demeure moins cohérente. La Cour de Cassation a maintenu le critère du préjudice personnel dans un arrêt du 23/02/2000 concernant un litige ne mettant pas en cause un copropriétaire mais les constructeurs [11]. Quelques arrêts antérieurs laissent espérer l’unification du statut de l’action individuelle [12].

 

Nonobstant ces réserves, nos observations montrent la confusion des prérogatives du syndicat et des copropriétaires dans une partie au moins du domaine des actions judiciaires. Elle se manifeste mieux encore en défense par le statut particulier de la tierce opposition. Il est de principe que tout jugement rendu à l’encontre du syndicat est opposable aux copropriétaires en vertu de la transparence juridique [13]. Une atteinte à leurs droits privatifs, étrangers au domaine de représentation du syndicat, seule, peut permettre la recevabilité d’une tierce opposition [14].

E.        le patrimoine virtuel du syndicat

On aura compris l’importance d’un examen attentif des aspects théorique et pratique de la notion de patrimoine du syndicat. Le syndicat des copropriétaires, comme toute personne morale, a un patrimoine. Il ne présente pas l’autonomie qui caractérise, dans la plupart des cas, le patrimoine des personnes morales et justifie souvent leur utilisation juridique et économique pour assurer la protection et l’isolement des patrimoines de leurs membres.

Dans tous les domaines du patrimoine syndical nous trouvons trace d’une confusion plus ou moins étendue avec les patrimoines des copropriétaires. Elle constitue une caractéristique remarquable de la nature et de la fonction du syndicat et plus largement du statut de la copropriété qui présente à cet égard une singulière originalité dans le monde juridique nouveau que sont les institutions collectives.

II.         le BILAN du syndicat ?

La réforme SRU a replacé sous les feux de l’actualité l’assimilation du syndicat des copropriétaires à une entreprise. Certains ont prôné à ce titre la nécessité de le soumettre aux obligations comptables traditionnelles. C’est, à juste titre, une solution intermédiaire qui a été adoptée. La normalisation de la comptabilité des syndicats de copropriétaires était nécessaire. Pour autant il n’y avait pas lieu de lui faire application des rigueurs du Plan comptable général. .

A.        le syndicat n’est pas une entreprise ?

On définit habituellement le bilan comme une représentation des ressources et des emplois dont dispose une entité comptable à un moment donné.

Il n'est donc pas ici question de recettes et de dépenses. A la notion de recettes correspond celle de produits réalisés ou acquis. A celle de dépenses correspond celle de charges utilisées ou consommées. La différence entre les produits et les charges représente le résultat (bénéfice ou perte) de la période considérée. Les emplois constituent l'actif et les ressources le passif.

M. Daniel CORDIER [15] s'est efforcé de trouver des points de concordance entre les principes de la comptabilité d'une société commerciale et ceux applicables à un syndicat de copropriétaires. Pour lui, finalement, « un syndicat de copropriétaires fonctionne comme une entreprise commerciale dont le chiffre d'affaires serait nul et dont les associés, - les copropriétaires-, sont régulièrement et obligatoirement tenus de verser les fonds nécessaires pour compenser les pertes engendrées par les charges de fonctionnement de l'entreprise ».

Nous avons noté plus haut le particularisme qui met les institutions collectives non marchandes comme le syndicat des copropriétaires à l’abri de tout aléa commercial, dès lors qu’elles peuvent se contenter de répartir les coûts de fonctionnement entre leurs membres. Mais, dans le syndicat, ce n’est pas tant le « chiffre d’affaires » qui est nul que le « résultat » et même le patrimoine. Il semble donc vain de chercher à établir une telle assimilation puisque le syndicat des copropriétaires n'est pas un producteur et n'a pas pour objet de réaliser des bénéfices.

On ne peut oublier pourtant qu'indépendamment du groupement social formé par les copropriétaires constitués en syndicat subsiste une réalité pérenne : l'immeuble et ses éléments d’équipement collectifs. La notion commune de bilan ne saurait, en notre domaine, être totalement écartée :

Nous souhaitons évoquer la gestion prévisionnelle de l’immeuble et les outils qu’elle peut trouver dans la gestion comptable. Nous songeons en même temps à l’exploitation parallèle du carnet d’entretien dont la tenue est désormais obligatoire.

B.        l”AMORTISSEMENT IMMOBILIER

Les biens acquis par une entité comptable peuvent être

destinés à une consommation immédiate. Il s'agit par exemple de la petite papeterie. Ce sont des charges courantes. Il n'en est tenu compte dans le temps que par la comptabilisation éventuelle des stocks existant en fin d'exercice.

ou destinés à une utilisation de durée plus ou moins longue. Il s'agit d'immeubles ou de machines. L'acquisition entraîne, en contrepartie du prix d'acquisition, un enrichissement immédiat de l'entité comptable. Ce sont des immobilisations.

L'usure des immobilisations entraîne une réduction constante de l’enrichissement initial. Amortir un bien d'équipement, c'est, dans le temps, en répartir la charge financière d'acquisition aussi bien qu'en constater la diminution de valeur en tant que moyen permanent. L'expérience a permis de déterminer, selon la nature des moyens concernés, des règles d'amortissement.

Sur le plan technique, l'exploitant doit prévoir la nécessité de procéder au remplacement des éléments d'équipement en fonction de leurs durées prévisibles de vie et de fonctionnement correct.

 

Ces considérations se retrouvent, mutatis mutandis, en matière immobilière.

L'expérience permet de déterminer, pour chacun des éléments du gros œuvre, et pour ceux d'équipement commun, une durée théorique de vie :

-          une couverture en zinc                           40 ans

-          une pompe de recyclage                          5 ans

-          un ascenseur                                           50 ans

Il est donc possible d’élaborer un calendrier prévisionnel des travaux auquel pourrait être lié un préfinancement permanent et institutionnel évitant les difficultés qui accompagnent habituellement tout projet de réaliser des travaux importants.

Messieurs Olivier et François ROBINE [16] ont réalisé une étude de ce type. Le prix de ce qu'ils appellent l'année de service, dépend

-          du prix de l'ouvrage considéré                     (P)

-          de sa durée de vie probable                         (N)

-          du taux théorique de l'argent                       (T)

Pour déterminer le coût de l'année de service (C.A.S), ils retiennent la formule classique du calcul de l'amortissement d'un capital P pour un prêt de durée N. Le taux de l'argent est arbitrairement fixé à 3 %. On peut discuter la méthode, faire valoir l’imprévisibilité de certains incidents et affirmer que la pratique de la gestion immobilière ne se met pas en équation. On ne peut pas écarter le principe même de la gestion prévisionnelle qui consiste à prendre en considération la détérioration progressive d’une toiture en zinc.

 

Il est possible de concevoir, sans en méconnaître les difficultés pratiques, un système qui intègrerait aux charges courantes de l'exercice la constitution d'une provision pour travaux. Le législateur a abordé le problème en fixant un régime légal des provisions pour travaux futurs. Il a remédié ainsi à la difficulté qui tenait à l’inopposabilité aux opposants de la décision d’assemblée instituant ce genre de provision. On pourrait également évoquer un statut incitatif sur le plan fiscal.

Dans le même esprit, il serait souhaitable d’admettre le report systématique des crédits inutilisés d'entretien courant d'un exercice sur l'exercice suivant. Un tel report aurait une incidence tant sur le plan financier que sur celui de la régularité des engagements de dépenses du syndic.

Les travaux des associations APOGÉE, publiés dans un Livre Blanc de la Maintenance Immobilière [17], tiennent largement compte de ce souci de concordance entre la maintenance immobilière dans le temps et les nécessités de prévisions budgétaires qu'elle implique. L'un des intervenants évoque fort justement le passage d'une maintenance subie à une maintenance gérée.

III.        la gestion prévisionnelle

Mise à jour du 17/11/2014 :

 

 

 

 

Ces préoccupations ont trouvé un premier écho dans les dispositions de l'article 36 de la loi du 21 juillet 1994, incluses dans l’art. L 18 qui imposent au syndic

« de soumettre lors de sa première désignation et au moins tous les trois ans à l'assemblée générale la décision de constituer des provisions spéciales en vue de faire face aux travaux d'entretien ou de conservation des parties communes et des éléments d'équipement commun susceptibles d'être nécessaires dans les trois années à échoir et non encore décidés par l'assemblée générale. »

A.        objet de la loi du 21 juillet 1994

Les syndicats de copropriétaires n’ont pas attendu le législateur pour décider la constitution de ce genre de provisions. Ils se sont heurtés à une difficulté : l’article D 35 était muet sur les provisions sur travaux  futurs et il était impossible de procéder au recouvrement des cotisations sur ceux des copropriétaires qui disaient préférer gérer eux-mêmes leurs disponibilités financières. Or ils se trouvaient parfois dans l’impossibilité de les mobiliser au moment voulu (baisse des cours de bourse, comptes à termes non échus, etc.). La loi du 21 juillet 1994 a porté remède à cette difficulté en rendant opposable à tous les copropriétaires les décisions d’assemblée créant des provisions sur travaux futurs.

La décision est prise à la majorité de l'article L 25. On remarquera que l'omission à l'ordre du jour n'est pas sanctionnée par la nullité du mandat du syndic !

La prévision est à court terme. L’assemblée peut constituer une provision

-          pour des travaux d’entretien ou de conservation des parties communes ou des éléments d’équipement commun

-          susceptibles d’être nécessaires dans les trois années à échoir

-          et non encore décidés par l’assemblée générale

B.        gestion prévisionnelle à moyen terme

L’opération peut être renouvelée. En créant une nouvelle provision tous les deux ans, l’assemblée peut organiser une série de travaux d’entretien technique à moyen terme à condition de respecter l’affectation des provisions et l’obligation de prise de décision dans le délai de trois ans.

Le recours à une obligation de consultation trisannuelle, proche de celle relative au compte séparé, a été maladroit. Les syndics ne se sont pas faits les avocats d’une mesure privée par les pouvoirs publics de l’accompagnement qu’elle méritait.

C.        provisions ET moyens spécifiques de financement

Les provisions sur travaux futurs sont généralement placées jusqu’à leur emploi. Certains établissements financiers ont mis à la disposition des syndicats des formules de placement avec octroi de prêts complémentaires qui favorisent le développement des provisions sur travaux futurs.

1.         statut juridique des provisions constituées

Les copropriétaires demeurent propriétaires des fonds ainsi rendus indisponibles. En cas de vente du lot, ils ont vocation au remboursement des fonds versés s’ils n’ont pas fait l’objet d’une décision d’affectation à des travaux décidés par l’assemblée générale.

Dans ce cas, l’existence de ces provisions est opposable à l’acquéreur qui doit procéder à leur « reconstitution » dès le jour de son acquisition.

Les provisions sur travaux futurs exigent une gestion attentive

2.         syndicats coopératifs et provisions mutualisées

Les organisations de syndicats coopératifs, très favorables au principe, ont souhaité que soient « mutualisées » ces provisions qui demeureraient ainsi la propriété du syndicat. Il les conserverait en cas de vente du lot. Cette prétention a quelque peu semé la confusion dans l’esprit du public. On ne comprend par, dans ce cas particulier, l’intérêt de la mutualisation puisque le remboursement au vendeur s’accompagne  d’une créance à due concurrence sur l’acquéreur. Jusqu’à présente la requête du monde mutualiste n’a pas été entendue. 

L’apparition des provisions sur travaux futurs se présente donc comme une avancée timide vers une maintenance gérée. Aux tenants de l’entretien « au coup par coup », on peut opposer les observations de Claude Bébéar relatives aux analystes financiers dans le domaine boursier : « ils sont, dans leur grande majorité, trop jeunes, n’ont pas d’expérience de l’entreprise. Surtout ils sont obsédés par le court terme ! Cela aboutit à une déconnexion entre le marché financier et la réalité économique . Dans une entreprise la stratégie se définit à moyen et long terme. Parfois même on prend des mesures qui ont un effet négatif dans l’immédiat mais se révèlent bénéfiques bien plus tard »[18]

D.        le role du carnet d’entretien

Nous ne songeons pas ici au modeste document défini par le décret n° 2001-477 du 30 mai 2001 mais à un véritable « mémento d’entretien de l’immeuble » s’inspirant du document établi dès 1987 par la Fédération parisienne du bâtiment et des enseignements tirés du Livre blanc de la maintenance immobilière (Apogée 1993).

Saluons aussi saluer les efforts de l’ANAH pour sensibiliser les propriétaires et gestionnaires aux nécessités d’un entretien correct des immeubles.

Le carnet d’entretien ne doit pas se borner à l’enregistrement des opérations effectuées. Mémento d’une part, il doit être aussi un agenda au sens propre du terme, alertant les responsables au sujet des opérations prévisibles en les incitant aussi bien à la surveillance technique qu’à la prévision financière.

 

 

Ce bref rappel de quelques problèmes posés par la gestion financière et comptable des syndicats de copropriétaires aura, nous l'espérons, permis d'attirer l'attention sur un aspect habituellement occulté de la gestion immobilière.

Il y faudra bien entendu le concours des copropriétaires. A cet égard, c’est une véritable opération d’action psychologique qui sera nécessaire. Les syndics, souvent soupçonnés de voir avant tout dans les travaux une source de rémunération, ne seront pas les mieux placés pour la réaliser.

 

 

 

 

Mise à jour

04/08/2014

 



[1]  Lombois D. 1966 L 104

[2]  Capoulade La garantie des fonds du syndicat  Administrer mai 1996 p. 14

[3]  Cass. civ. 3  24/01/1973  RL 1973 281 note Bouyeure : « le syndicat [..] devait en sa qualité de propriétaire du fonds d'ou provenaient les inconvénients anormaux constatés, répondre des dommages dont C.. demandait réparation »

[4]  Code de la copropriété Edition 2000 sous article 16 note 1

[5]  TGI Paris 02/11/1970 GP 1971 I 6

[6]  La copropriété des immeubles bâtis 4e édition  n° 294

[7]  La copropriété 4e édition n° 400 note 5

[8]  Cass. civ. 3  13/07/1999  Administrer janvier 2000 p. 40 ; D 2000 somm. 141 note Bouyeure

[9]  Cass. civ. 3  10/05/1968  D 1969 45 note Giverdon ; RTDC 1969 357 note Bredin

[10]  Cass. civ. 22/03/2000 (Epx Saurin) et Cass. civ. 3  22/03/2000 Administrer mai 2000 50 note Capoulade ; Loyers & cop. 2000 127 note Vigneron ; RDI 2000 248 note Giverdon

[11]  Cass. civ. 3 23/02/2000 Loyers & cop. 2000 123

[12]  Cass. civ. 3  19/11/1997  RDI 1998 138 note Capoulade en particulier

[13]  Cass. civ. 3  17/07/1985  Rep. Defrénois 1986 art. 33694 note Souleau ; RDI 1986 248 note Givord et Giverdon ; Administrer décembre 1985 40 note Guillot

[14]  Cass. civ. 3  02/02/1994 RDI 1994 306 note Capoulade

[15]  Juris-classeur copropriété fasc. 260

[16]  Le coût de l'année de service, de l'année couverte, de l'année ravalable Administrer mai 1982

[17] Colloque du 4 Novembre 1992 APOGEE 11 Bd Brune 75014 PARIS

[18]  Interview dans le Figaro Entreprises 14 avril 2003