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Le jugement et son exécution

 

 

I.        Le jugement

II.       imputation des frais nécessaires au débiteur

A.      recouvrement d’une créance justifiée

B.       frais nécessaires à compter de la mise en demeure

III.      L'ARTICLE 700 NCPC

IV.      OCTROI DE DÉLAIS DE PAIEMENT

 

 

 

L’exécution elle-même du jugement n’exige du syndic que la surveillance des diligences de l’huissier chargé de l’exécution forcée, lorsqu’elle s’avère nécessaire. Nous traitons néanmoins ici trois difficultés récurrentes auxquelles peuvent être confrontés les syndics :

 

·        l’imputation légale des frais nécessaires au débiteur (réforme SRU)

·        l'application de l'article 700 NCPC

·        l'octroi de délais de paiement au copropriétaire débiteur

I.               Le jugement

Dans le cas classique d’une décision rendue après une audience de plaidoiries, le jugement comporte essentiellement la motivation puis le dispositif. Cette dernière partie indique

- Soit que le syndicat est déclaré irrecevable ou mal fondé en sa demande

- Soit que la demande est recevable et bien (ou partiellement) fondée.

Dans ce cas, le jugement précise les condamnations prononcées au titre :

- Du principal de la demande (les charges dues)

- Des intérêts

- De l’indemnité sollicitée en vertu de l’article 700 NCPC

- Des dommages et intérêts

- Des frais et dépens

Le tribunal statue également, s’il y a lieu, sur les modalités d’application de l’article L 10-1 (voir ci-dessous)

Si le jugement est susceptible d’appel, le Tribunal peut en outre accorder pour tout ou partie de la demande l’exécution provisoire.

 

A la suite du jugement le débiteur peut prendre l’initiative de régler tout ou partie des condamnations prononcées contre lui. Ce faisant, il conserve néanmoins le bénéfice des recours possibles, soit l’appel, soit le pourvoi en cassation. C’est pourquoi il est souvent opportun de faire signifier un jugement obtenu par le syndicat lorsque l’intérêt du litige n’est pas limité à la somme réclamée mais porte également, de manière implicite ou explicite, sur une question juridique (un problème de répartition des charges par exemple). La signification fait en effet courir les délais de recours. Ces délais étant expirés, on peut considérer que le litige est éteint. Cette question doit être examinée avec l’avocat du syndicat.

Si le débiteur condamné ne s’exécute pas, il est nécessaire de procéder à l’exécution forcée. Le soin en est confié à un huissier qui, après expiration du délai d’appel, s’il y a lieu, délivrera commandement de payer et mettra en œuvre les mesures d’exécution à déterminer en fonction de la situation du débiteur, de l’importance de la somme due et des indications complémentaires fournies par le syndic. La mission du syndic est alors de surveiller périodiquement l’évolution du dossier et la remise par l’huissier des acomptes qu’il aura reçus.

En principe, le syndic ne doit pas accepter de recevoir directement du débiteur des sommes venant en compte sur une condamnation dont l’exécution est en cours. S’il le fait, ou si des versements sont faits à ce titre par virement, le syndic doit informer sans délai l’huissier en précisant le montant payé et la date du paiement.

Lorsque les sommes dues ont été intégralement payées, l’huissier adresse au syndic un décompte détaillé, accompagné du règlement du solde revenant au syndicat. C’est au vu de ce décompte que le syndic doit passer les écritures comptables générées par la procédure. C’est opération exige un soin particulier.

II.             imputation des frais nécessaires au débiteur

Le recouvrement des charges impayées impose au syndicat des frais dont le montant n’est pas négligeable. Le syndicat peut se trouver dans l’impossibilité d’en effectuer l’avance. On se trouve alors confronté à une paralysie totale du mécanisme syndical.

La croissance constante du nombre des procédures de recouvrement et l'importance des frais qui en résultent pour les syndicats pose un problème éthique et financier qui ne saurait être éludé. Aux abus qui ont pu être constatés dans le passé dans l'utilisation des clauses d'aggravation des charges a répondu une interprétation rigoureuse des dispositions de la Loi du 9 juillet 1991. L'imputation au responsable d'une aggravation quelconque des charges communes est un principe fondamental du droit des institutions collectives sans but lucratif, corollaire de l'obligation de participer de bonne foi à la gestion commune. Si l'on peut admettre qu'un commerçant doit intégrer dans ses prévisions les risques relatifs d'impayés, il ne saurait en être de même des dommages subis par une association ou une institution assimilée du fait de l'un de ses membres.

Le législateur a pris conscience de ces difficultés L’article 10-1 nouveau de la loi du 10 juillet 1965, modifiée par la loi SRU,  comportait  pour les frais de procédure deux dispositions  :

« Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l’article 10, les frais nécessaires exposés par le syndicat, à compter de la mise en demeure, pour le recouvrement d’une créance justifiée à l’encontre d’un copropriétaire, sont imputables à ce seul copropriétaire

« Le copropriétaire qui, à l’issue d’une instance judiciaire l’opposant au syndicat, voit sa prétention déclarée fondée par le juge, est dispensé de toute participation à la dépense commune des frais de procédure, dont la charge est répartie entre les autres copropriétaires.

« Le juge peut toutefois en décider autrement en considération de l’équité ou de la situation économique des parties au litige. »

Ce sont les premier et troisième paragraphes du texte qui nous intéressent. Le premier ouvrait au syndicat, pour la première fois, indépendamment de la clause d’aggravation des charges,  la possibilité de récupérer sur le débiteur les frais exposés par le syndicat pour le recouvrement des charges impayées.

 

La jurisprudence a immédiatement fait une application du texte très favorable aux débiteurs. Il suffisait d’interpréter restrictivement la notion de « frais nécessaires ». Certaines associations consuméristes ont fait de même pour, cette fois, contester la rémunération des syndics professionnels. D’où une modification de l’article 10-1 par la loi n°2006-872 du 13 juillet 2006 (art. 90) :

«  Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 10, sont imputables au seul copropriétaire concerné :

«  a) Les frais nécessaires exposés par le syndicat, notamment les frais de mise en demeure, de relance et de prise d'hypothèque à compter de la mise en demeure, pour le recouvrement d'une créance justifiée à l'encontre d'un copropriétaire ainsi que les droits et émoluments des actes des huissiers de justice et le droit de recouvrement ou d'encaissement à la charge du débiteur ;

«  b) Les honoraires du syndic afférents aux prestations qu'il doit effectuer pour l'établissement de l'état daté à l'occasion de la mutation à titre onéreux d'un lot ou d'une fraction de lot.

«  Le copropriétaire qui, à l'issue d'une instance judiciaire l'opposant au syndicat, voit sa prétention déclarée fondée par le juge, est dispensé de toute participation à la dépense commune des frais de procédure, dont la charge est répartie entre les autres copropriétaires.

«  Le juge peut toutefois en décider autrement en considération de l'équité ou de la situation économique des parties au litige. »

A.      recouvrement d’une créance justifiée

Le prétendu débiteur ne saurait être condamné à payer des frais pour une procédure engagée avec légèreté par le syndicat. Par créance justifiée il faut entendre que le tribunal a reconnu le bien fondé de la demande principale. On veut espérer néanmoins que le rejet de l’un des postes de la demande, les autres étant admis, n’entraînera pas une exonération complète du débiteur.

B.     frais nécessaires à compter de la mise en demeure

En a), le texte énumère certains frais imputables. Le terme « notamment » indique que la liste n’est pas exhaustive.

Elle comporte les frais de relance ; mais elle place la relance après la mise en demeure ! La loi valide ainsi une pratique reprochée aux syndics qui consiste à envoyer des relances facturées après la mise en demeure. Nous recommandons aux syndics, avant une nouvelle correction du texte, de facturer une relance unique, envoyée avant la mise en demeure. Ils ne doivent pas envoyer de nouvelles relances pour une créance qui a fait l’objet d’une mise en demeure.

La mise en demeure est le premier acte nécessaire. Il peut s’agir de la mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception ou de la mise en demeure par acte d’huissier, préalable à l’inscription hypothécaire. L’une et l’autre font courir les intérêts au profit du syndicat. Les frais de renseignement et d’inscription hypothécaire sont également pris en compte.

Une sommation par huissier, simple et ne visant pas l’article L 19, nous l’avons indiqué, est un acte frustratoire écarté de l’imputation directe.

Les frais d’exécution par huissier demeurent à la charge du débiteur. Ils sont recouvrés par l’huissier. La mention du droit de recouvrement ou d’encaissement paraît superfétatoire.

 

Le juge peut écarter l’imputation individuelle des frais nécessaires. Il doit motiver sa décision sur ce point puisque la loi précise les motifs susceptibles d’être pris en considération. Une simple affirmation encourt donc la censure de la Cour de cassation.

 

Les honoraires d’avocat et ceux du syndic peuvent être compensés par une indemnité allouée sur le fondement de l’article 700 NCPC. Un récent arrêt de la Cour d’appel de Paris laisse poindre un espoir. Il rejette une demande d’indemnisation à ce titre faute de justification mais sans en écarter le principe [1]

III.           L'ARTICLE 700 NCPC

Il n'entre pas dans le cadre de cette étude de disserter sur l'opposabilité aux copropriétaires des barèmes d'honoraires inclus dans le contrat de gestion ni sur les conflits entre les clauses d'aggravation des charges et les dispositions de la loi du 9 juillet 1991. L'utilisation objective de l'article 700 du Code de Procédure Civile permet de remédier aux difficultés actuelles.

Ce texte a été substantiellement modifié par l'art 75-I de la Loi du 10 juillet 1991:

Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.

La condamnation est donc le principe, si la demande a été formulée. Le Juge ne peut y déroger que par une décision motivée fondée sur l'équité ou la situation économique de la partie condamnée. En pratique, les décisions de rejet de la demande sont rarement motivées.

En matière de recouvrement de charges de copropriété l'équité commande l'indemnisation du syndicat et ne saurait justifier une dérogation au principe de la condamnation. Quant à la situation économique de la partie condamnée elle exige une motivation précise et ne peut être prise en compte qu'à l'occasion d'une instance effectivement contradictoire comportant la production de justifications par le débiteur. C'est exceptionnellement qu'elle peut justifier une exonération. Il en est ainsi a fortiori lorsque la procédure est diligentée par voie d'injonction, l'indemnité demandée et allouée demeurant modeste. L'observation demeure valable pour les décisions par défaut ou réputées contradictoires rendues en droit commun puisque le défendeur absent aux débats n'a pu justifier de difficultés économiques.

Dans une procédure d'injonction les frais non compris dans les dépens sont constitués des frais et honoraires de recouvrement débités au syndicat par le syndic. Nous abordons ici une autre difficulté. Les honoraires du syndic sont déterminés par l'assemblée générale. Ils comportent traditionnellement des honoraires de gestion courante et des honoraires exceptionnels correspondant à des prestations exceptionnelles. La solution, déjà en vigueur au temps de la taxation administrative des honoraires est judicieuse. Si les prestations afférentes aux recouvrements étaient intégrées aux prestations de gestion courante, le syndic devrait en tenir compte pour la détermination de ses honoraires par une forfaitisation a priori. Elle gonflerait inutilement les frais de gestion courante pour les syndicats dont les membres s'acquittent ponctuellement de leurs obligations.

A l'occasion des litiges relatifs à l'application de la clause d'aggravation des charges, la jurisprudence a jugé à plusieurs reprises que le barème des honoraires exceptionnels adopté par l'assemblée générale était inopposable aux copropriétaires, tenus par les seules clauses du règlement de copropriété. Cette position, qui aboutit à poser en principe que tous les contrats adoptés par l'assemblée générale sont également inopposables aux copropriétaires est certainement contestable. Les honoraires de recouvrement du syndic doivent être débités au syndicat et venir en justification d’une demande d’indemnité au titre de l’article 700. En ce qui concerne le jeu de la clause elle-même, il est admis qu’il ne peut être automatique. Elle impose donc une décision judiciaire.

IV.          OCTROI DE DÉLAIS DE PAIEMENT

L'art 1244 C Civ, par une disposition d'ordre général, permet d'accorder au débiteur des délais de paiement, en fonction de la situation du débiteur et des besoins du créancier. Ces délais ne peuvent excéder deux ans. Le Juge de l'Exécution peut, de son côté, accorder également des délais. On ne discutera pas ici sur le point de savoir si un syndicat de copropriétaires est un créancier au sens de ce texte ou si son rôle institutionnel de répartiteur des créances des fournisseurs et salariés entre les copropriétaires doit lui assurer un statut particulier.

Il n'en est pas moins vrai que tout délai de paiement accordé à un copropriétaire débiteur, qui a déjà bénéficié d'un délai de fait d'environ six mois, impose au syndicat, qui ne dispose d'aucun patrimoine propre, des retards de paiement à l'égard de ses partenaires, voire l'inexécution de travaux urgents. L'Avance Permanente de trésorerie n'a pas pour objet de couvrir des retards de paiement et il n'appartient pas au syndic de couvrir les insuffisances de trésorerie du syndicat, méthode souvent assimilée à un dysfonctionnement de gestion interdisant le recouvrement de l’avance. Deux solutions apparaissent dès lors : soit retarder les règlements dans la mesure de l'insuffisance, soit demander aux autres copropriétaires de la couvrir provisoirement, ce qui nécessite une décision de l'assemblée.

L'octroi de délais a donc une répercussion directe sur des personnes étrangères à l'instance. Il est parfois opportun d'attraire à une instance contradictoire en recouvrement des créanciers du syndicat pour leur faire déclarer opposable toute décision de ce genre. En présence de représentants d'Électricité de France, de concessionnaires de fourniture d'eau ou de fournisseurs de combustibles, le Magistrat saisi prend mieux conscience de la véritable acuité du problème.

D'autres errements sont constatés. Ainsi lorsqu'un délai est accordé, compte tenu des difficultés économiques du débiteur, à un copropriétaire défaillant qui s'est borné à écrire au Tribunal sans joindre la moindre justification à sa lettre ou lorsque le délai est accordé sans déchéance du terme à défaut de paiement des mensualités prescrites. La situation est plus grave encore lorsque des délais sont successivement accordés à un même débiteur alors qu'il est évident que sa situation se dégrade et qu'il sera dans l'impossibilité de se rétablir. Enfin le sort des nouveaux appels de fonds doit être réglé dans la décision octroyant un délai.

Pour la Commission de la Copropriété les dispositions nouvelles de l'art D 5-1 (Informations sur les charges afférentes au lot vendu pour le dernier exercice approuvé et le dernier budget prévisionnel voté) ont pour but de permettre à l'acquéreur de vérifier, en ces d'acquisition, qu'il sera en mesure de faire face aux obligations juridiques et financières attachées à sa qualité de copropriétaire. Ainsi se dessine, pour chaque copropriétaire, l'obligation de maintenir une constante adéquation entre son appartenance à un syndicat de copropriétaires et ses facultés financières. Ainsi se trouve sanctionné par la Cour d'Appel de Paris un copropriétaire s'étant maintenu abusivement dans un appartement luxueux et trop vaste dont il ne pouvait manifestement plus assumer les charges. La pratique des Commissions de surendettement allait déjà dans le même sens.

 

 

 

 

 

 

Mise à jour

22/01/2008

Révision
20/01/2008

 

 

 



[1]  CA Paris 23 B  21/02/2002  Loyers & cop. juillet 2002 185