Protection de l’acquéreur contre les vices cachés : du Code civil aux diagnostics ;
L’arrêt de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation du 27/10/2006 et le contrôle des opérateurs de diagnostics techniques par la DGCCRF

 

 

La DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) a publié un dossier établi en vue d’un concours d’accès à la faction de contrôleur principal.  Il était demandé aux candidats de rédiger une note décrivant les abus constatés sur les marchés locatif et immobilier et les mesures prises pour les prévenir ou les endiguer.

Nous évoquerons, sur le même thème, l’arrêt rendu le 27 octobre 2006 par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation, relatif à la notion de vice caché en présence d’un acquéreur profane non assisté. La vente objet du litige était, dans ce cas, antérieure (1er octobre 1999) à la mise en place complète des diagnostics.

 

L’un des documents du dossier de la DGCCRF concerne les « diagnostiqueurs »

Il décrit en premier lieu la situation faite aux acquéreurs de biens immobiliers jusqu’à la promulgation de la loi SRU du 13 décembre 2000 :

 

« L’achat d’un bien immobilier constitue l’une des décisions financières les plus importantes que puisse prendre un particulier. Pourtant, lorsqu’il s’agit d’un logement ancien, l’acquéreur dispose de peu d’informations objectives sur l’état général du bâti, des principaux équipements et sur le niveau de confort acoustique ou thermique. En effet, les réglementations applicables au logement neuf, dont le niveau d’exigence n’a pas cessé d’être relevé, n’ont aucun effet sur les bâtiments existants.

« En France, les obligations réglementaires de diagnostics préalables à une vente ou à une promesse de vente ont été instaurées afin de protéger la santé des personnes vis-à-vis de l’exposition à des substances dangereuses, pour sauvegarder le patrimoine bâti ou pour des raisons de sécurité.

« La prise en compte de préoccupations liées à la sécurité des personnes et des constructions et à la santé des occupants a conduit à la création progressive d’obligations de réalisation d’états ou de diagnostics techniques lors des actes juridiques attachés aux ventes de biens immobiliers (promesse de vente et contrat de vente). La loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains a instauré « le diagnostic technique préalable » des immeubles et logements anciens avant la vente et l’obligation d’information de l’acquéreur sur l’état de l’immeuble et du logement par le notaire. »

 

Il constate ensuite les effets néfastes d’une réforme mal étudiée et trop brutale :

 

« Sur ce marché récent interviennent de nombreuses entreprises de spécialités très diverses. Il y aurait environ 5000 entreprises de ce type en France.

« Or, ces états sont réalisés par des personnes appelées «experts» qui ont des compétences techniques non démontrées, qui souvent ne possèdent pas de couverture d’assurance correspondant aux responsabilités qu’ils prennent, ou qui n’ont pas l’indépendance que l’on est en droit d’attendre d’eux par rapport aux entreprises susceptibles de réaliser des travaux de protection ou de prévention.

« De plus, des cas de tromperie caractérisée sont signalés, les diagnostics n'étant pas réellement effectués, l'expert se contentant de signer un document, sans même se rendre sur les lieux.

« Dans un tel contexte, il importe que soient fiabilisées les prestations de ces opérateurs afin que vendeurs, intermédiaires et acquéreurs puissent disposer de la même information et des meilleures garanties pour s’engager ou investir.

« L’ordonnance du 8 juin 2005 relative au logement et à la construction a fixé les éléments d’information qui devront figurer dans « le dossier de diagnostic technique » qui doit être remis à l’acquéreur. »

 

Après avoir rappelé le cadre réglementaire du diagnostic technique :

 

·        L’ordonnance n° 2005-655 du 8 juin 2005 relative au logement et à la construction détermine les éléments relatifs à l’information et à la protection de l’acquéreur qui seront inclus dans le « dossier de diagnostic technique ».

Ces états sont prévus par les articles suivants 

Þ L 133-6 du code de la construction et de l’habitation (CCH) (termites).

Þ L 134-6 du CCH (état de l’installation intérieure de gaz naturel).

Þ L 134-1 du CCH (le diagnostic de performance énergétique).

Þ L 1334-13 du code de la santé publique (CSP) (amiante).

Þ L 1334-5 et L 1334-6 du CSP (le constat de risque à l’exposition au plomb).

Þ L 125-5 du code de l’environnement (état des risques naturels et technologiques).

·        La loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains.

·        Loi n° 96-1107 du 18 décembre 1996, dite Loi CARREZ, introduisant une obligation d’information à la charge du vendeur sur la superficie du bien / vente de lots en copropriété dont la surface privative est au moins égale à 8 m2.

·        Loi du 29 juillet 1998 concernant la lutte contre le saturnisme dans les immeubles construits avant 1948.

·        Loi n° 99-471 du 8 juin 1999, tendant à protéger les acquéreurs et propriétaires d’immeubles contre les termites et autres insectes xylophages (notamment article 9) et Décret n° 2000-613 du 3 juillet 2000.

·        Décret n° 96-97 du 7 février 1996 relatif à la protection contre les risques sanitaires liés à une exposition à l’amiante dans les immeubles bâtis (notamment article 10-6 du décret).

 

Il précise les infractions susceptibles d’être relevées

 

Code de Commerce :

     Article L. 441-3 – Facturation.

     Article L. 420-1 et suivants sur les pratiques anticoncurrentielles.

     Article L. 442-6-1 – Avantage procuré dans la concurrence.

Code de la consommation :

            Article L. 113-3 - information du consommateur sur les prix et les conditions de vente.

     Article L. 121-21 et suivants sur le démarchage à domicile.

     Article L. 213-1 sur la tromperie.

Arrêté ministériel du 29 juin 1990 relatif à la publicité des prix pratiqués par les professionnels intervenant dans les transactions immobilières.

 

Et précise enfin les modalités de mise en œuvre des vérifications

 

Les enquêteurs sélectionneront des entreprises susceptibles d’offrir un diagnostic immobilier, soit à partir des réclamations reçues, soit à partir des publicités. Ces entreprises ressortant de la profession « d’experts en techniques du bâtiment » exercent dans les domaines : surfaces Loi Carrez, diagnostic amiante, états des lieux termites – plomb – gaz radon. Il serait souhaitable que cette sélection permette de contrôler aussi bien des experts "généralistes" que des entreprises très spécialisées.

Dans les entreprises intervenant en qualité « d’expert en techniques du bâtiment », le contrôle consistera à :

1 - Vérifier l'affichage des prix et des conditions de vente ;

2 - Vérifier la qualification du prestataire, et, le cas échéant de chacun des salariés effectuant des diagnostics ;

3 - Vérifier la cohérence entre le nombre de certificats délivrés par spécialité sur une période (par exemple certificats concernant l'absence de plomb sur deux mois) et le nombre d'heures travaillées des salariés affectés à cette tâche ;

L'examen des éléments obtenus des vérifications 2 et 3 permettra pour les cas les plus flagrants de qualifier un délit de tromperie, au sens de l'article L. 213-1 du code de la consommation.

1.      Vérifier la conformité des factures ou des notes émises par ces entreprises, selon le cas ;

2.      Demander communication des tarifs, types et modalités des rabais qui sont accordés à leur clientèle. S’il apparaît que des commissions sont perçues sans que celles-ci soient portées sur factures, ou avec une désignation imprécise de la prestation concernée, une infraction aux dispositions de l’article L. 441-3 du Code de Commerce sera retenue ;

3.      Demander communication des comptes de résultat afin d'étudier les comptes de tiers, détecter toute commission susceptible d’être reversée à des prescripteurs de diagnostics immobiliers ;

4.      Demander communication de la liste des fournisseurs pour lesquels des factures ont été enregistrées sur un an ; repérer et analyser les factures de prestations de services émises par les agences immobilières à l’attention des entreprises de diagnostics ou d’expertises ;

5.      Interroger les professionnels du bâtiment sur les modalités de demande de fourniture et d’obtention des certificats d’expertise annexés aux actes de vente (pré-contrat – actes authentiques) : sont-ils contactés spontanément par l'acheteur, le vendeur, les syndics de copropriété ou les notaires interviennent-ils pour recommander un expert ;

6.      Interroger les notaires et les agences immobilières, qui auront été identifiés par les enquêteurs dans le cadre de prestations réalisées, sur la motivation de leur choix de diagnostiqueurs ;

7.      Analyser les factures de prestations de services émises par les agences immobilières à l’attention des entreprises de diagnostics ou d’expertises ;

8.      Demander les déclarations annuelles d’honoraires destinées à reprendre les commissions ou rabais obtenus afin de vérifier si elles font l’objet de factures.

Tout indice d’entente entre prescripteurs de diagnostics et experts fera l’objet d’un traitement dans le cadre du maillage concurrence, conformément aux dispositions de la N.S. n° 2005-10 du 3 février 2005.

Le cas échéant, l’infraction civile d’avantage procuré par la concurrence pourrait être retenue à l’encontre des prescripteurs qui ne favoriseraient que les experts acceptant de verser une commission ou remise, sans que celle-ci soit répercutée au vendeur de l’immeuble – L. 422-6-1 et ou connue de celui-ci. Dans un tel cas, ces faits seront traités dans le cadre du maillage PCR.

Enfin, dans ce dernier cas, le défaut d’information du consommateur sur le tarif effectivement payé en matière de diagnostic pourrait être retenu à l’encontre du prescripteur qui perçoit une commission inconnue du vendeur (Arrêté ministériel n° 90.86/A du 29/06/90).

 

 

Il est prescrit aux vérificateurs de la DGCCRF de vérifier la régularité de la situation juridique des opérateurs et la compétence des techniciens chargés de la réalisation des diagnostics. Mais il est évident que pour l’essentiel les opérations de contrôle ont pour objet de rechercher :

·        Des ententes tarifaires entre les opérateurs portant atteinte à la liberté de la concurrence

·        Des accords frauduleux entre prescripteurs et opérateurs comportant, d’une manière ou d’une autre, une rémunération, occulte ou non, des donneurs d’ordre.

 

A cet égard, des prestataires de services pourvus d’un solide carnet d’adresse ont pu être privilégiés. Mais le champ des investigations des la DGCCRF est fort large puisque les notaires eux-mêmes pourront être interrogés « sur la motivation de leur choix de diagnostiqueurs ».

 

 

Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation une expertise effectuée après la vente d’une maison d’habitation a révélé la présence, avant la vente, d’insectes xylophages infestant la charpente et que toutes les tuiles des pans ouest, sud et nord étaient gélives. Les acquéreurs avaient assigné la venderesse en paiement de dommages-intérêts en invoquant l’existence de vices cachés.

La cour d’appel de Lyon avait débouté les consorts Y...-X... de leur demande indemnitaire visant les désordres affectant la charpente de la toiture de l’immeuble litigieux mais avait fait droit à leur demande de dommages-intérêts visant les désordres affectant les tuiles de la toiture du même immeuble.

Sur un premier pourvoi, la Cour de cassation avait  reproché aux juges du fond d’avoir considéré que les désordres de structure de charpente pouvaient être remarqués ou susciter des interrogations à condition de pénétrer dans les combles au prix d’une visite acrobatique, et censuré l’arrêt déféré.

La Cour d’appel de renvoi  avait retenu « que, si les dégradations de la charpente et des tuiles ne pouvaient être constatées qu’à condition de pénétrer dans les combles et de monter sur la toiture et que l’accès aux combles, s’il était peut-être difficile, n’était pas impossible, il ne s’en déduisait pas que ces désordres constituaient des vices cachés pour les acquéreurs. »

L’Assemblée plénière censure à nouveau :

 

« Vu les articles 1641 et 1642 du code civil ;

« Attendu que, selon le second de ces textes, le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même ;

« Attendu que pour rejeter la demande des acquéreurs, l’arrêt retient que, si les dégradations de la charpente et des tuiles ne pouvaient être constatées qu’à condition de pénétrer dans les combles et de monter sur la toiture et que l’accès aux combles, s’il était peut-être difficile, n’était pas impossible, il ne s’en déduisait pas que ces désordres constituaient des vices cachés pour les acquéreurs ;

« Qu’en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser un vice dont l’acquéreur avait pu se convaincre lui-même, la cour d’appel a violé les textes susvisés »

 

La Cour d’appel de renvoi avait en outre reproché aux acquéreurs ne pas avoir pris le soin de ne pas avoir requis l’assistance d’un technicien ou d’un Homme de l’Art. L’Assemblée plénière rejette également ce moyen :

 

« Et sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :

« Vu les articles 1641 et 1642 du code civil ;

« Attendu que pour rejeter la demande des acquéreurs, l’arrêt retient qu’il leur appartenait de faire constater par un homme de l’art l’état de la charpente et de la couverture et qu’en ne faisant pas effectuer de telles constatations ils avaient été négligents de sorte que la venderesse ne saurait être tenue de ces désordres dont les acquéreurs avaient été mis en mesure de se convaincre ;

« Qu’en ajoutant ainsi à la loi une condition qu’elle ne prévoit pas, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

 

Par cet arrêt de principe, la Cour de cassation affirme de manière péremptoire la primauté des règles du Code civil pour la protection des acquéreurs abusés et la vocation qu’a le Juge d’en faire application.

Sur les vices invoqués, il consacre les décisions antérieures de la Cour de cassation relatives à la présence d’insectes xylophages [1] aussi bien qu’au caractère gélif des tuiles [2] .

Plus généralement il maintient le vice apparent dans le cadre strict de ce dont l’acquéreur a pu se convaincre lui-même à l’occasion d’une visite des lieux n’exigeant pas des investigations difficultueuses et, comme telles, réservées aux professionnels.

De même la Cour de cassation avait jugé qu’ajoutaient une condition non prévue à l’article 1642 les juges qui retiennent que le vice n’est pas caché lorsqu’il est visible par un Homme de l’art dont l’acquéreur doit demander l’avis afin de connaître l’état réel de vétusté et d’entretien de l’immeuble [3]

Notons enfin que les acquéreurs invoquaient dans leurs moyens cités en annexe la réticence dolosive de la venderesse. Le silence de l’arrêt sur ce point laisse entendre que le moyen était superfétatoire.

 

Cette décision ne doit pourtant faire disparaître à la charge de l’acquéreur l’obligation de s’informer. Mais elle s’applique plus particulièrement à des éléments accessoires du biens. Cela est vrai pour l’acquisition d’un lot de copropriété : information sur les décisions de l’assemblée générale, sur le montant des charges, sur la situation du compte du vendeur, etc.

 

Indépendamment des pratiques abusives évoquées ci dessus, dont on peut penser qu’elles sont exceptionnelles, le dispositif adopté présente plus d’inconvénients que d’avantages, même après le regroupement des diagnostics.

L’assistance réellement efficace aux acquéreurs exige l’intervention d’un généraliste et le problème se pose ici comme en matière médicale. Celui  qui ne consulte que des spécialistes n’est pas forcément bien soigné. Le recours à des instruments sophistiqués d’investigation ne peut suppléer aux connaissances et à l’expérience des techniciens confirmés du bâtiment. C’est sur le corps de ces techniciens que doit être fondé un dispositif de protection des acquéreurs, quitte à en favoriser l’accroissement en nombre et en savoir.

On peut songer aussi à exiger des professionnels immobiliers un respect plus strict des obligations de conseil et de renseignement, sans qu’ils soient pour autant tenus à une responsabilité excédant les limites raisonnables de leur activité d’intermédiaire.

Il n’est pas souhaitable que d’éventuelles mésaventures du diagnostic de performance énergétique conduisent à proclamer l’inanité de l’ensemble du mécanisme.

Le problème de la protection des acquéreurs reste posé.

 

 

 

Cour de Cassation  Assemblée plénière  27 octobre 2006            Cassation

Cour d’appel de Dijon (chambre civile B) 2005-06-30 

N° de pourvoi : 05-18977

 

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 4 février 2004, Bull. 2004, III, n 20), que par acte notarié du 29 septembre 1999, Mme X... et M. Y... (les acquéreurs) ont acquis de Mme Z..., une maison d’habitation ; qu’une expertise a révélé la présence, avant la vente, d’insectes xylophages infestant la charpente et que toutes les tuiles des pans ouest, sud et nord étaient gélives ; que les acquéreurs ont assigné la venderesse en paiement de dommages-intérêts en invoquant l’existence de vices cachés ;

 

Sur le premier moyen :

 

Attendu que les acquéreurs font grief à l’arrêt d’avoir rejeté leur demande tendant à la condamnation de la venderesse à leur payer le coût des travaux de réfection de l’immeuble, outre des dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que la censure qui s’attache à un arrêt de cassation est limitée à la portée du moyen qui constitue la base de la cassation ; que sur les points non atteints par la cassation, la décision acquiert l’autorité irrévocable de la chose jugée ; qu’en l’espèce, par arrêt en date du 30 mai 2002, la cour d’appel de Lyon avait débouté les consorts Y...-X... de leur demande indemnitaire visant les désordres affectant la charpente de la toiture de l’immeuble litigieux mais avait fait droit à leur demande de dommages-intérêts visant les désordres affectant les tuiles de la toiture du même immeuble ; que dans le cadre du pourvoi formé par les consorts Y... X..., il était exclusivement fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir débouté les consorts Y... X... de leur demande au titre des désordres affectant la charpente ; que statuant sur ce seul moyen, et reprochant aux juges du fond d’avoir considéré que les désordres de structure de charpente pouvaient être remarqués ou susciter des interrogations à condition de pénétrer dans les combles au prix d’une visite acrobatique, la Cour de cassation a censuré l’arrêt déféré ; que le chef du dispositif visant les tuiles de la toiture de l’immeuble, non atteint par la cassation, était donc devenu définitif ; qu’en affirmant que la venderesse ne pouvait être tenue des désordres affectant les tuiles de la toiture du bien immobilier et en déboutant en conséquence les consorts Y... X... de leur demande à ce titre, la juridiction de renvoi a violé l’article 624 du nouveau code de procédure civile, ensemble l’article 1351 du code civil ;

 

Mais attendu que la cassation prononcée par l’arrêt du 4 février 2004 de la décision attaquée “dans toutes ses dispositions” investissait la juridiction de renvoi de la connaissance de l’entier litige dans tous ses éléments de fait et de droit ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

 

Mais, sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles 1641 et 1642 du code civil ;

 

Attendu que, selon le second de ces textes, le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même ;

 

Attendu que pour rejeter la demande des acquéreurs, l’arrêt retient que, si les dégradations de la charpente et des tuiles ne pouvaient être constatées qu’à condition de pénétrer dans les combles et de monter sur la toiture et que l’accès aux combles, s’il était peut-être difficile, n’était pas impossible, il ne s’en déduisait pas que ces désordres constituaient des vices cachés pour les acquéreurs ;

 

Qu’en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser un vice dont l’acquéreur avait pu se convaincre lui-même, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

 

Et sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu les articles 1641 et 1642 du code civil ;

 

Attendu que pour rejeter la demande des acquéreurs, l’arrêt retient qu’il leur appartenait de faire constater par un homme de l’art l’état de la charpente et de la couverture et qu’en ne faisant pas effectuer de telles constatations ils avaient été négligents de sorte que la venderesse ne saurait être tenue de ces désordres dont les acquéreurs avaient été mis en mesure de se convaincre ;

 

Qu’en ajoutant ainsi à la loi une condition qu’elle ne prévoit pas, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

 

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen :

 

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 30 juin 2005, entre les parties, par la cour d’appel de Dijon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Riom ;

 

Condamne Mme Z... aux dépens ;

Vu l’article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... et M. Y... et la demande de Mme Z... ;

 

 

 

Moyens produits par la SCP Gatineau, avocat aux Conseils, pour Mme X... et M. Y... ;

 

MOYENS ANNEXES à l’arrêt n° 545 (plénière) ;

 

PREMIER MOYEN DE CASSATION

 

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté les consorts Y... X... de leur demande tendant à la condamnation de Mme Z... à leur payer le coût des travaux de réfection de l’immeuble qu’ils ont acquis de cette dernière, outre la somme de 3 048,98 euros à titre de dommages-intérêts.

 

AUX MOTIFS QUE l’expert a relevé deux types de désordres affectant les bois de la structure de charpente et la couverture du bien immobilier acquis par les consorts Y... X... ; qu’en ce qui concerne les premiers, il a relevé que l’ensemble de fermes traditionnelles en bois de chêne, situé près de la trappe d’accès aux combles était pourri en tête, que la panne faîtière présentait une attaque importante d’insectes xylophages, que sur le pan nord, la panne intermédiaire en bois de chêne, présentait un important aubier attaqué par les insectes xylophages et que, côté ouest, la tête de la panne, les arbalétriers, les poinçons et bras de force étaient attaqués par des insectes xylophages ; qu’en ce qui concerne les seconds, il a constaté que toutes les tuiles des pans ouest, sud et nord étaient gélives et que quelques unes d’entre elles se délitaient sur le plan sud ; qu’il n’est pas discuté que ces désordres préexistaient à l’achat du bien par les consorts Y... X... ; qu’il ne peut non plus être sérieusement contesté que les dégradations du bois de charpente et des tuiles, constatées par l’expert, étaient visibles par un non professionnel, les photographies figurant dans le rapport d’expertise étant sur ce point suffisamment probantes ; qu’il n’est de ce fait pas possible que Mme Z... n’ait pas eu connaissance de ces désordres au moment de la vente alors, d’une part, que les fuites d’eau se manifestaient à ce moment là dans le bâtiment et qu’il n’est pas imaginable qu’elle n’ait pas en tant que propriétaire alors cherché à en connaître l’origine et donc à visiter les combles et alors, d’autre part, que M. A..., entrepreneur de charpente, consulté par Mme Z... en 1994, avait attiré son attention sur la sensibilité des tuiles à l’humidité et avait remplacé quelques tuiles gélives, ce qui nécessitait qu’une surveillance soit effectuée par les propriétaires ; que les consorts Y... X... considèrent que Mme Z... a été de mauvaise foi en leur cachant des désordres qu’ils n’ont pas été mis en mesure de découvrir eux-mêmes compte tenu de l’inaccessibilité des lieux ;

 

que ces désordres ne pouvaient, ainsi que l’a relevé l’expert, être constatés qu’à condition de pénétrer dans les combles et de monter sur la toiture ; que pour autant il ne s’en déduit pas qu’ils constituaient des vices cachés pour les acquéreurs ; qu’en effet, tout acquéreur normalement diligent se préoccupe de l’état de la toiture du bâtiment qu’il projette d’acheter et ne se contente pas de l’impression qu’il a pu avoir de son état par un simple coup d’oeil extérieur ou de l’avis du vendeur dont il sait pertinemment qu’il peut ne pas être d’une objectivité totale ;

 

qu’il appartenait donc aux consorts Y... X..., qui d’ailleurs ne prouvent pas que la venderesse leur aurait affirmé que la couverture était en bon état, de constater eux-mêmes ou de faire constater par un homme de l’art l’état de la charpente et de la couverture, étant observé que l’accès aux combles, s’il était peut être difficile, n’était pas impossible ; qu’en n’effectuant pas ou en ne faisant pas effectuer de telles constatations, ils ont été d’autant plus négligents que le bâtiment acquis datait de la fin du 18e ou du début du 19e siècle, que, de plus, la présence de lierre sur le pan nord de la toiture aurait dû les inciter à vérifier l’état de la toiture que cette végétation masquait en partie, les dégâts pouvant en résulter étant connus et que, surtout, ils n’avaient pas pu ne pas constater les infiltrations à l’intérieur de l’habitation que l’expert qualifie d’importantes, précision étant apportée que la visite des lieux par l’expert est intervenue moins de trois mois après la signature du contrat de vente, ce qui permet d’affirmer que ces fuites existaient et étaient visibles au moment de la vente ce qui aurait dû conduire les acquéreurs à en rechercher l’origine ;

 

qu’ainsi, leur manque de diligence a été certaine alors qu’il est par ailleurs établi qu’ils ont visité cinq fois la propriété entre le 18 juin 1999 et le 10 juillet, date de la signature du compromis et qu’ils ont été en possession des clés le 15 septembre 1999 soit deux semaines avant la signature du contrat de vente qui est intervenue le 29 septembre 1999, ce dont il résulte qu’ils ont disposé de tout le temps nécessaire pour que soient effectuées toutes les vérifications utiles ; qu’enfin, la Cour ne peut que s’interroger sur les circonstances qui ont conduit les consorts Y... X... à faire établir le 16 octobre 1999, soit deux semaines après la vente, un devis concernant la réfection de l’intégralité de la charpente et de la couverture ; qu’il résulte en tout cas de la rapidité d’intervention du professionnel que leur conviction du bon état de celle-ci n’était pas celle dont ils se prévalent nécessairement pour fonder leurs prétentions dans le cadre du présent litige ; qu’en vertu des dispositions de l’article 1642 du code civil, le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre ; que dès lors Mme Z... ne saurait, au vu des éléments ci-dessus analysés, être tenue des désordres affectant la charpente et la toiture du bien immobilier acquis par Mme X... et M. Y..., dont ils ont été mis en mesure de se convaincre ; que le jugement doit être infirmé, et Mme X... et M. Y... déboutés de l’ensemble de leurs demandes ;

 

ALORS QUE la censure qui s’attache à un arrêt de cassation est limitée à la portée du moyen qui constitue la base de la cassation ; que sur les points non atteints par la cassation, la décision acquiert l’autorité irrévocable de la chose jugée ; qu’en l’espèce, par arrêt en date du 30 mai 2002, la cour d’appel de Lyon avait débouté les consorts Y... X... de leur demande indemnitaire visant les désordres affectant la charpente de la toiture de l’immeuble litigieux mais avait fait droit à leur demande de dommages-intérêts visant les désordres affectant les tuiles de la toiture du même immeuble ; que dans le cadre du pourvoi formé par les consorts Y... X..., il était exclusivement fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir débouté les consorts Y... X... de leur demande au titre des désordres affectant la charpente ; que statuant sur ce seul moyen, et reprochant aux juges du fond d’avoir considéré que les désordres de structure de charpente pouvaient être remarqués ou susciter des interrogations à condition de pénétrer dans les combles au prix d’une visite acrobatique, la Cour de cassation a censuré l’arrêt déféré ; que le chef du dispositif visant les tuiles de la toiture de l’immeuble, non atteint par la cassation, était donc devenu définitif ; qu’en affirmant que la venderesse ne pouvait être tenue des désordres affectant les tuiles de la toiture du bien immobilier et en déboutant en conséquence les consorts Y... X... de leur demande à ce titre, la juridiction de renvoi a violé l’article 624 du nouveau code de procédure civile, ensemble l’article 1351 du code civil.

 

 

SECOND MOYEN DE CASSATION

 

Il est fait grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR débouté M. Y... et Mme X... de leur demande tendant à la condamnation de Mme Z... à leur payer la somme de 64 401,01 euros au titre des travaux de réfection de l’immeuble qu’ils ont acquis de cette dernière, avec intérêts au taux légal à compter de la demande, outre la somme de 3 048,98 euros à titre de dommages-intérêts.

 

AUX MOTIFS QUE l’expert a relevé deux types de désordres affectant les bois de la structure de charpente et la couverture du bien immobilier acquis par les consorts Y... X... ; qu’en ce qui concerne les premiers, il a relevé que l’ensemble de fermes traditionnelles en bois de chêne, situé près de la trappe d’accès aux combles était pourri en tête, que la panne faîtière présentait une attaque importante d’insectes xylophages, que sur le pan nord, la panne intermédiaire en bois de chêne, présentait un important aubier attaqué par les insectes xylophages et que, côté ouest, la tête de la panne, les arbalétriers, les poinçons et bras de force étaient attaqués par des insectes xylophages ; qu’en ce qui concerne les seconds, il a constaté que toutes les tuiles des pans ouest, sud et nord étaient gélives et que quelques unes d’entre elles se délitaient sur le plan sud ; qu’il n’est pas discuté que ces désordres préexistaient à l’achat du bien par les consorts Y... X... ; qu’il ne peut non plus être sérieusement contesté que les dégradations du bois de charpente et des tuiles, constatées par l’expert, étaient visibles par un non professionnel, les photographies figurant dans le rapport d’expertise étant sur ce point suffisamment probantes ; qu’il n’est de ce fait pas possible que Mme Z... n’ait pas eu connaissance de ces désordres au moment de la vente alors, d’une part, que les fuites d’eau se manifestaient à ce moment là dans le bâtiment et qu’il n’est pas imaginable qu’elle n’ait pas en tant que propriétaire alors cherché à en connaître l’origine et donc à visiter les combles et alors, d’autre part, que M. A..., entrepreneur de charpente, consulté par Mme Z... en 1994, avait attiré son attention sur la sensibilité des tuiles à l’humidité et avait remplacé quelques tuiles gélives, ce qui nécessitait qu’une surveillance soit effectuée par les propriétaires;

 

que les consorts Y... X... considèrent que Mme Z... a été de mauvaise foi en leur cachant des désordres qu’ils n’ont pas été mis en mesure de découvrir eux-mêmes compte tenu de l’inaccessibilité des lieux ; que ces désordres ne pouvaient, ainsi que l’a relevé l’expert, être constatés qu’à condition de pénétrer dans les combles et de monter sur la toiture ; que, pour autant, il ne s’en déduit pas qu’ils constituaient des vices cachés pour les acquéreurs ; qu’en effet, tout acquéreur normalement diligent se préoccupe de l’état de la toiture du bâtiment qu’il projette d’acheter et ne se contente pas de l’impression qu’il a pu avoir de son état par un simple coup d’oeil extérieur ou de l’avis du vendeur dont il sait pertinemment qu’il peut ne pas être d’une objectivité totale ; qu’il appartenait donc aux consorts Y... X..., qui d’ailleurs ne prouvent pas que la venderesse leur aurait affirmé que la couverture était en bon état, de constater eux-mêmes ou de faire constater par un homme de l’art l’état de la charpente et de la couverture, étant observé que l’accès aux combles, s’il était peut être difficile, n’était pas impossible ; qu’en n’effectuant pas ou en ne faisant pas effectuer de telles constatations, ils ont été d’autant plus négligents que le bâtiment acquis datait de la fin du 18e ou du début du 19e siècle, que, de plus, la présence de lierre sur le pan nord de la toiture aurait dû les inciter à vérifier l’état de la toiture que cette végétation masquait en partie, les dégâts pouvant en résulter étant connus et que, surtout, ils n’avaient pas pu ne pas constater les infiltrations à l’intérieur de l’habitation que l’expert qualifie d’importantes, précision étant apportée que la visite des lieux par l’expert est intervenue moins de trois mois après la signature du contrat de vente, ce qui permet d’affirmer que ces fuites existaient et étaient visibles au moment de la vente ce qui aurait dû conduire les acquéreurs à en rechercher l’origine ;

 

qu’ainsi, leur manque de diligence a été certaine alors qu’il est par ailleurs établi qu’ils ont visité cinq fois la propriété entre le 18 juin 1999 et le 10 juillet, date de la signature du compromis et qu’ils ont été en possession des clés le 15 septembre 1999, soit deux semaines avant la signature du contrat de vente qui est intervenue le 29 septembre 1999, ce dont il résulte qu’ils ont disposé de tout le temps nécessaire pour que soient effectuées toutes les vérifications utiles ; qu’enfin, la Cour ne peut que s’interroger sur les circonstances qui ont conduit les consorts Y... X... à faire établir le 16 octobre 1999, soit deux semaines après la vente, un devis concernant la réfection de l’intégralité de la charpente et de la couverture ; qu’il résulte en tout cas de la rapidité d’intervention du professionnel que leur conviction du bon état de celle-ci n’était pas celle dont ils se prévalent nécessairement pour fonder leurs prétentions dans le cadre du présent litige ; qu’en vertu des dispositions de l’article 1642 du code civil, le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre ; que, dès lors, Mme Z... ne saurait, au vu des éléments ci-dessus analysés, être tenue des désordres affectant la charpente et la toiture du bien immobilier acquis par Mme X... et M. Y..., dont ils ont été mis en mesure de se convaincre ; que le jugement doit être infirmé, et Mme X... et M. Y... déboutés de l’ensemble de leurs demandes.

 

1 ) ALORS QUE l’acheteur, profane, d’une maison n’est pas tenu de pénétrer dans les combles, afin de procéder à l’examen de l’état de la charpente, lorsque l’accès en est rendu difficile par la situation des lieux ou de monter sur le toit afin d’examiner la couverture ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que l’accès aux combles de la maison vendue par Mme Z..., permettant de se rendre compte de l’état de la charpente attaquée par des insectes xylophages, était “difficile” ; qu’en effet, la visite des combles, qualifiée par l’expert lui-même, “d’acrobatique”, nécessitait de disposer d’une échelle et d’ouvrir une trappe située au-dessus du palier de l’étage ; quant à l’examen de l’état de la couverture, compte tenu de la hauteur du toit, il nécessitait également la mise en place d’une échelle afin de pouvoir monter sur la toiture et de constater la présence de nombreuses tuiles gélives ; qu’en reprochant aux acquéreurs, les consorts Y... X..., d’avoir fait preuve d’un manque de vigilance en ne procédant pas à la visite des combles pour examiner la charpente de la maison qu’ils projetaient d’acquérir ainsi que de ne pas être montés sur la toiture pour se rendre compte de l’état de la couverture de sorte qu’ils ne pouvaient se prévaloir de la garantie des vices cachés, alors même que ceux-ci n’étaient pas tenus de prendre des risques pour satisfaire à leur obligation de diligence, la cour d’appel a violé les articles 1641 et 1642 du code civil.

 

2 ) ALORS QUE l’acquéreur n’est pas tenu de recourir à un homme de l’art afin de connaître l’état réel de l’immeuble ; qu’en reprochant à M. Y... et à Mme X... de ne pas avoir fait constater par un homme de l’art l’état de la charpente et de la couverture de l’immeuble vendu par Mme Z..., la cour d’appel a violé les articles 1641 et 1642 du code civil.

 

3 ) ALORS QUE le vendeur doit contracter de bonne foi et que la réticence dolosive de ce dernier rend toujours excusable l’erreur provoquée de l’acquéreur ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que Mme Evelyne B..., épouse Z..., avait nécessairement connaissance des désordres affectant la charpente et la couverture de l’immeuble vendu et n’en avait pas informé les acquéreurs, M. Y... et Mme X..., préalablement à la vente ; que cette réticence dolosive de Mme B..., épouse Z..., rendait donc nécessairement excusables l’absence de vigilance de ces derniers, dépourvus de toute expérience en matière immobilière compte tenu de leur âge et de leur situation professionnelle, quant aux désordres prétendument apparents qui affectaient la charpente et la couverture de l’immeuble vendu et l’erreur les ayant conduits à acquérir cet immeuble ; qu’en déboutant néanmoins M. Y... et Mme X... de leur demande tendant à condamner Mme Z... à les garantir au titre des désordres affectant la charpente et la couverture de cet immeuble, la cour d’appel a violé les articles 1116, 1134,1641 et 1642 du code civil.

 

 

 

 

 

Mise à jour

29/12/2006

 

 

 



[1]  Cass civ 1e 31/03/1954 

[2]  Cass civ 3e 27/03/1991 JCP 1992 II 21935 note Ginestet

[3]  Cass civ 3e 08/05/1989 Defrénois 1990 502 note Vermelle