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Changement de syndic

Preuve de la remise des archives vivantes et dormantes

preuve de la remise à la charge du syndic sortant (art. 1315 C. civ.)

Nécessité de produire le bordereau détaillé de la remise

 

 

Cassation  civile 3e     29 mars 2011

Décision attaquée : Cour d’appel de Caen du 12 janvier 2010

N° de pourvoi: 10-14159

 

Cassation

 

 

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Caen, 12 janvier 2010) que par une décision du 15 décembre 2007, l’assemblée générale des copropriétaires de la résidence l’Orée du Bois à Deauville, a désigné la Société normande de gestion immobilière (SNGI) en qualité de syndic en remplacement de la société Urbania Côte Fleurie Deauville immobilier ; que la SNGI a adressé à l’ancien syndic une mise en demeure d’avoir à lui remettre avant le 15 janvier 2008 la situation de trésorerie, les fonds immédiatement disponibles et l’ensemble des documents et archives du syndicat, et avant le 15 février, le solde des fonds après apurement des comptes, l’état des comptes des copropriétaires et les comptes du syndicat ; que deux procès verbaux de remise de documents ont été signés par les deux syndics les 28 janvier et 20 mars 2008 ; que par acte du 14 mars 2008, réitéré le 2 avril, la SNGI a assigné en référé la société Urbania afin qu’il lui soit enjoint de remettre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 8e jour suivant la signification de la décision à venir, le solde des fonds disponibles, les pièces de l’exercice en cours, la situation des comptes et notamment celle de chacun des copropriétaires ;

 

 

Sur le moyen unique :

Vu l’article 18-2 de la loi du 10 juillet 1965, ensemble l’article 1315 du code civil ;

 

Attendu qu’en cas de changement de syndic, l’ancien syndic est tenu de remettre au nouveau syndic, dans le délai d’un mois à compter de la cessation de ses fonctions, la situation de trésorerie, la totalité des fonds immédiatement disponibles et l’ensemble des documents et archives du syndicat ; que dans le délai de deux mois suivant l’expiration du délai mentionné ci dessus, l’ancien syndic est tenu de verser au nouveau syndic le solde des fonds disponibles après apurement des comptes, et de lui fournir l’état des comptes des copropriétaires ainsi que celui des comptes du syndicat ;

 

Attendu que pour rejeter la demande de la SNGI, l’arrêt retient que la mauvaise foi de la société Urbania n’est pas établie et qu’il n’est pas établi avec certitude qu’elle détienne les pièces demandées ;

 

Qu’en statuant ainsi, alors qu’il appartenait à l’ancien syndic de démontrer qu’il avait remis l’ensemble des documents et fonds qu’il détenait pour le compte du syndicat des copropriétaires, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

 

PAR CES MOTIFS :

 

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 12 janvier 2010, entre les parties, par la cour d’appel de Caen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Caen, autrement composée ;

 

Condamne la société Lecourtois exerçant sous le nom commercial Urbania Côte Fleurie aux dépens ;

 

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Lecourtois exerçant sous le nom commercial Urbania Côte Fleurie ;

 

 

commentaires

 

Nous retiendrons deux enseignements de l’arrêt reproduit :

1) le mépris dans lequel certains syndics professionnels tiennent les procédures de gestion les plus élémentaires, au grand dam de leurs mandants et des copropriétaires eux-mêmes. C’est le cas pour la transmission des archives vivantes et dormantes en cas de changement de syndic.

2) un rappel pour les praticiens de la copropriété : il faut parfois aller chercher ailleurs que dans les textes du statut de la copropriété les règles applicables à certaines difficultés litigieuses. C’est ici l’article 1315 du  Code civil qui est le fondement de la règle posée par la Cour de cassation : c’est au syndic sortant qu’il appartient de rapporter la preuve de l’exécution parfaite de son obligation de sa remise

 

Comme la Cour d’appel avait fait valoir « qu’il n’est pas établi avec certitude qu’elle détienne les pièces demandées », nous prenons la liberté d’y ajouter une seconde règle : un syndic sortant ne peut contester détenir ou avoir détenu des pièces ou documents que sa fonction lui impose de détenir ou établir s’il y a lieu. Il est question en l’espèce du carnet d’entretien.

Tout syndicat doit être doté d’un carnet d’entretien. Sauf aveu de sa carence à cet égard, le syndic sortant ne peut constater avoir détenu ledit carnet. S’il prétend l’avoir transmis à son successeur, il doit présenter le bordereau de transmission sur lequel doit figurer explicitement le carnet. En vertu de l’article 1315 du Code civil, la présentation du bordereau génère l’interversion de l’obligation de preuve. Il faudrait que le successeur puisse prouver que, nonobstant la mention figurant dans le bordereau, la remise n’a pas été effectuée. Il est rarement possible de produire une telle preuve.

 

Par une décision du 15 décembre 2007, l’assemblée générale des copropriétaires de la résidence l’Orée du Bois à Deauville, a désigné la Société normande de gestion immobilière (SNGI) en qualité de syndic en remplacement de la société Urbania Côte Fleurie Deauville immobilier.

 

Le moyen de cassation (reproduit ci dessous) nous indique

- que le premier juge avait relevé le caractère général des intitulés figurant dans les bordereaux ; qu’y figurait notamment « comptabilité 2006/2007 » ;

- que sur divers autres postes, rien ne permettait d’établir que des documents avaient été établis ;

- que la demande était assez vague, notamment en ce qu’il était affirmé que la société Urbania (Lecourtois) était restée en possession de «pièces comptables » ;

 

Il est clair que les archives ont été transmises « à la louche » pour reprendre le jargon du métier.

Les syndics n’ont pas respecté les sages recommandations de la Commission.

Le sortant n’a pas établi de bordereau détaillé.

Le nouveau a pris ce que le sortant lui a donné sans « vérifier la concordance entre les archives qui lui sont transmises et celles indiquées dans l’état qui les accompagne ».

 

Responsabilité partagée pour le profane !

Mais il est bien évident que c’est avant tout au syndic sortant qu’il appartient de rapporter la preuve de l’exécution parfaite de son obligation de sa remise.

L’article 1315 du Code civil exprime clairement cette solution : « Celui qui se prétend libéré doit justifier le payement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ».

 

On ne peut donc qu’approuver l’arrêt relaté …et s’étonner au surplus de la position adoptée par le Tribunal de Grande Instance puis par la Cour d’appel de Caen. La règle posée par l’article 1315 entre dans la catégorie des règles-couperets qui ne supportent ni  atténuation ni, a fortiori, interversion de la charge de la preuve.

 

Les conseils syndicaux devraient s’impliquer un peu plus dans les opérations de transfert en cas de changement de syndic. L’expérience montre qu’ils se désintéressent à tort du sort des archives du syndicat.

 

 

L’arrêt nous donne l’occasion de revenir sur la question importante de la conservation des archives des syndicats de copropriétaires.

 

Il y a aura bientôt quinze ans que nous avons sonné l’alerte à propos de la conservation des archives des syndicats de copropriétaires ( JP Mantelet Les archives du syndicat des copropriétaires Administrer juillet 1997 p. 15)

A cette époque, c’était bien la conservation des fonds documentaires qui était en cause prioritairement.

Les syndics professionnels sortants apportaient généralement un grand soin à la transmission des dossiers en cours et des comptes et pointaient scrupuleusement avec leurs successeurs les documents remis. Un bordereau détaillé en était établi en deux exemplaires.

Mais déjà les nouveaux syndics rechignaient à « s’encombrer » des archives anciennes dites « dormantes » dont la grande utilité n’apparaît que lorsqu’elles ont disparu.

 

La Commission de la copropriété a bien voulu prendre en considération l’alerte. La Recommandation n° 20 a ainsi vu le jour en 1999.

 

La Commission a pris le soin de traiter distinctement

La constitution des archives syndicales

La conservation des archives

La transmission des archives

En ajoutant opportunément à nos propos des éléments, observations et prescriptions très pertinents.

A très juste titre, elle a ajouté une partie consacrée à la communication de pièces par le syndic.

 

Sur tous ces points, la Recommandation constitue un véritable Guide « pas à pas ». On y lit notamment des deux recommandations :

Au syndic sortant : d’établir, et d’adresser, ou de remettre au nouveau syndic, en même temps que la transmission, un état faisant apparaître le montant des fonds et le contenu des archives transmises, ainsi que la date de cette transmission

Au syndic nouveau : de vérifier la concordance entre les archives qui lui sont transmises et celles indiquées dans l’état qui les accompagne

 

Cependant, l’article 18-2 de la loi de 1965, issu de la loi du 25  mars 1985, a été complété par la loi n°  2009-323. L’article 33 du décret du 17 mars 1967 a été modifié par le décret du 27 mai 2004 qui a inséré de plus l’article 33-1 ainsi conçu :

« En cas de changement de syndic, la transmission des documents et archives du syndicat doit être accompagnée d’un bordereau récapitulatif de ces pièces. Copie de ce bordereau est remis au conseil syndical. »

 

Peu soucieuses de la conservation des archives, les organisations professionnelles et consuméristes ont ferraillé pendant mois et années à propos du « contrat de syndic » et de la détermination du contenu de  la catégorie des prestations de gestion courante. On sait pourtant depuis des lustres qu’elles sont caractérisées par leur prévisibilité et leur récurrence.

Dans le domaine de la gestion des archives, il est évident que les prestations sont prévisibles et récurrentes pour les archives vivantes comme pour les archives dormantes. Leur rémunération est donc couverte par l’honoraire forfaitaire de gestion courante.

Il est aussi évident que la remise des dossiers à un successeur n’est pas une prestation récurrente et qu’elle peut donner lieu à une rémunération. Le bon sens commandait au surplus de l’admettre pour assurer aux syndicats concernés une exécution soignée de la prestation de la part du sortant. 

 

Faute de s’en tenir aux deux critères sus-énoncés, la recommandation de la CNC de 2007, les jugements du TGI de Grenoble et le catastrophique arrêté Novelli du 19 mars 2010 n’ont pas mis fin à la controverse de manière satisfaisante.

 

Notons au passage que, s’agissant des archives, les rédacteurs de l’arrêté Novelli ont cru devoir écarter les travaux de la Commission de la copropriété pour déterminer le contenu de l’obligation du syndic au titre de leur détention :

« Détention, conservation des archives utiles dans le cadre de la gestion courante de l’immeuble [il convient de préciser expressément leur nature, leur volume et leur ancienneté], notamment les plans, le règlement de copropriété, l’état de répartition des charges, l’état de division, les procès-verbaux des assemblées générales, les contrats de travail des préposés du syndicat, les contrats d’assurance de l’immeuble et documents nécessaires pour leur mise en œuvre, les documents et décisions de justice relatifs à l’immeuble dont les délais de contestation ne sont pas révolus, les contrats d’entretien et de maintenance des équipements communs, ainsi que toute pièce administrative datant de moins de deux ans ».

 

En fin de compte, le décret du 20 avril 2010, - cinq semaines après l’arrêté Novelli -, a complété l’article 33 du décret du 17 mars 1967 comme suit : « « La conservation et la gestion des archives sont comprises dans la mission ordinaire du syndic. »

Il confirme donc notre avis émis plus haut. La remise des archives ne relève pas de la gestion courante et sa rémunération peut être admise. Les rédacteurs ne pouvaient en effet ignorer le détail des points de friction. C’est volontairement que cette prestation non récurrente a été omise.

 

 

 

 

 

 

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

 

Moyen produit par Me de Nervo, avocat aux Conseils, pour la société Normande de gestion immobilière

 

La lecture du moyen présente un grand intérêt. Nous avons apporté quelques modifications à la mise en forme traditionnelle des moyens pour en faciliter la lecture.

 

Le moyen reproche à l’arrêt attaqué D’AVOIR repoussé la demande de la société Normande de Gestion Immobilière tendant à voir condamner la société Lecourtois à lui remettre, en sa qualité de nouveau syndic du syndicat des copropriétaires de la résidence « L’Orée de Deauville »,

la copie du relevé individuel de charges de chaque copropriétaire,

la copie des appels de fonds, un état des dépenses du 1er juillet 2007 au 13 mars 2008,

les factures du 1er juillet 2007 au 13 mars 2008,

les bordereaux de remise de chèques,

les relevés de banque,

les états de transfert de propriété,

le carnet d’entretien

et les chéquiers concernant le syndicat des copropriétaires

 

 

AUX MOTIFS QUE les bordereaux de remise de pièces des 28 janvier et 20 mars 2008 avaient fait l’objet de réception sans réserves, suivant actes signés par les deux parties ; que selon la société Normande de Gestion Immobilière, manqueraient les pièces ci-dessus énumérées ; que les pièces manquantes concernaient l’exercice 2007-2008, générant des charges inscrites en comptabilité, sans que leur origine puisse être identifiée, ce qui empêchait la répartition ; que la défenderesse affirmait ne pouvoir remettre ces pièces dont elle ne disposait plus ; qu’il était impossible d’ordonner la remise de pièces sans qu’il soit établi que la personne les détenait ;

que le premier juge avait relevé le caractère général des intitulés figurant dans les bordereaux ; qu’y figurait notamment « comptabilité 2006/2007 » ;

que sur divers autres postes, rien ne permettait d’établir que des documents avaient été établis ;

que la demande était assez vague, notamment en ce qu’il était affirmé que la société Urbania (Lecourtois) était restée en possession de «pièces comptables » ;

que pour les pièces comptables 2008, on ne voyait pas pourquoi elles seraient restées en possession du syndic démis en 2007 ;

que la mauvaise foi de la société Urbania n’était pas établie ; qu’il n’était pas établi qu’elle détenait les pièces demandées ;

 

 

ALORS QU’il appartient à l’ancien syndic d’apporter la preuve de la remise des pièces énumérées par l’article 18-2 de la loi du 10 juillet 1965 ;

que l’ancien syndic a l’obligation de détenir ces pièces et même, le cas échéant, de faire toutes diligences pour les récupérer et les transmettre au nouveau syndic;

que la Cour d’appel ne pouvait rejeter la demande du nouveau syndic tendant à la remise de pièces précises (relevé individuel des charges ; relevés de banque), sous prétexte que la mauvaise foi du défendeur n’était pas établie ;

que la Cour d’appel, en statuant comme elle l’a fait, a renversé la charge de la preuve, violant, ensemble, l’article 18-2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 et l’article 1315 du code civil.

 

 

ET ALORS QUE le juge des référés tient de l’article 18-2 de la loi du 10 juillet 1965, le pouvoir d’ordonner la transmission des pièces énumérées dans ce texte, de l’ancien syndic au nouveau syndic ; que l’ancien syndic doit détenir ces pièces, sauf à établir qu’il les a transmises ; que le juge des référés ne peut affirmer, comme l’a fait la Cour d’appel, qu’il n’a pas la possibilité d’ordonner la remise de pièces sans qu’il soit établi que le défendeur les détenait ; qu’en statuant de la sorte, la Cour d’appel a méconnu ses propres pouvoirs, violant de ce fait l’article 18-2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965.

 

 

 

 

 

 

 

 

Mise à jour

20/04/2011