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Cour de cassation chambre civile 3 Audience publique du 29 février 2012

Décision attaquée : Cour d’appel de Pau du 7 septembre 2010

N° de pourvoi: 10-27259

Cassation

 

 

 

 

 

Sur le moyen unique :

 

Vu l’article 416 du code de procédure civile, ensemble les articles 17, 18 et 25 de la loi du 10 juillet 1965 et l’article L. 236-3 du code de commerce ;

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Pau, 7 septembre 2010), que, sur requête du syndicat des copropriétaires de la résidence Henri IV (le syndicat), une ordonnance portant injonction de payer une certaine somme a été rendue le 6 février 2007 à l’encontre de M. et Mme X... au titre de charges de copropriété impayées en janvier 2007 ; que ceux-ci ont formé opposition et ont soulevé l’irrecevabilité de la demande ;

 

Attendu que, pour dire que la société Cabinet Couture Gramont a qualité à agir au nom du syndicat, l’arrêt retient que celle-ci, élue aux fonctions de syndic par une assemblée générale du 31 mars 2008, est intervenue valablement avant cette date dès lors qu’elle est le fruit d’une fusion, ayant pris effet le 29 septembre 2005, de la société Gramont et de la société Cabinet Aquitaine Gestion Immobilière exerçant sous l’enseigne “Cabinet Couture”, ancien syndic, et qu’une telle opération entraîne en application des articles L. 236-1 et suivants du code de commerce transmission de l’entier patrimoine des dites sociétés à la nouvelle société comprenant les droits et actions dont elles bénéficiaient au titre des contrats en cours d’exécution ;

 

Qu’en statuant ainsi, alors que la loi du 10 juillet 1965, excluant toute substitution du syndic sans un vote de l’assemblée générale des copropriétaires, ne permet pas à une société titulaire d’un mandat de syndic de dessaisir les copropriétaires de leur pouvoir exclusif de désignation du syndic par le moyen d’une opération de fusion-absorption ayant pour résultat, après disparition de sa personnalité morale, de lui substituer la société absorbante, personne morale distincte, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

 

PAR CES MOTIFS :

 

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 7 septembre 2010, entre les parties, par la cour d’appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Bordeaux ;

 

Condamne le syndicat des copropriétaires de la résidence 3, rue Henri IV à Pau aux dépens ;

 

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande du syndicat de la résidence 3, rue Henri IV à Pau ; le condamne à payer à M. et Mme X... la somme de 2 500 euros ;

 

 

 

Commentaire :

 

Par cet arrêt, la 3e Chambre civile de la Cour de cassation maintient et affirme plus clairement encore la solution exprimée par l’arrêt du 10 novembre 1998.

Dans celui ci, il était reproché au Tribunal de Grande Instance de Grasse de n’avoir pas recherché comme il le lui était demandé si la société AIC avait qualité et pouvoir pour représenter légalement en justice le syndicat des copropriétaires, privant ainsi sa décision de base légale.

 

Dans l’arrêt rapporté ci-dessus, la Cour de cassation pose une véritable règle de droit :

« la loi du 10 juillet 1965, excluant toute substitution du syndic sans un vote de l’assemblée générale des copropriétaires, ne permet pas à une société titulaire d’un mandat de syndic de dessaisir les copropriétaires de leur pouvoir exclusif de désignation du syndic par le moyen d’une opération de fusion-absorption ayant pour résultat, après disparition de sa personnalité morale, de lui substituer la société absorbante, personne morale distincte »

 

Chaque mot compte dans ce paragraphe.

On note que les Hauts Conseillers ont pris en considération la force et l’étendue des effets des articles L. 236-1 et suivants du code de commerce qui, dans le cas d’une fusion-absorption, génèrent la transmission de l’entier patrimoine de la société absorbée à la société absorbante, comprenant les droits et actions dont elles bénéficiaient au titre des contrats en cours d’exécution.

L’arrêt ne dit pas que l’interdiction de substitution résultant de l’article 18 de la loi de 1965 prive d’effet les articles L 236-1 et suivants du Code de commerce en vertu d’une hiérarchisation subite et quasiment miraculeuse.

Pris à sa lettre, il dit qu’une société titulaire de mandats de syndic ne peut les « céder » par le truchement d’une opération de fusion-absorption.

Il justifie cette prohibition par l’existence d’un conflit fondamental entre

L’interdiction de substitution du syndic sans un vote favorable de l’assemblée générale

Et l’effet de substitution de plein droit que comporte la fusion-absorption, après disparition de la personnalité morale de l’absorbée, au profit de l’absorbante, personne morale distincte.

 

Il faut lire, en outre, qu’une telle opération exigerait l’approbation préalable de l’opération envisagée par tous les syndicats mandants réunis respectivement en assemblée générale,.

Dans la pratique le respect de cette obligation est généralement impossible.

On sait bien que, dans la plupart des cas, les « cessions » par fusion-absorption sont réalisées à la hussarde. C’est après réalisation de la « cession »  que la société absorbante tente de faire ratifier le transfert des mandats par les assemblées générales des syndicats concernés.

Or ces assemblées générales sont convoquées par la société absorbante qui est dépourvue de la qualité de syndic à la date d’expédition de la convocation. Elles sont donc annulables, voire même inexistantes dans la mesure où la manœuvre peut apparaître délibérément frauduleuse.

 

Toujours du point de vue pratique, l’arrêt interdit donc la réalisation d’une « cession » par le truchement d’une fusion-absorption.

 

On ne peut oublier sur tous ces points le bon sens élémentaire qui commande de ne pas confier à des sociétés commerciales une mission de nature purement civile.

 

 

Voir également les commentaires suivants :

Recueil Dalloz, n° 11, 15 mars 2012, Actualité / droit immobilier, p. 683, note Yves Rouquet « Fusion-absorption : pas de transmission automatique du mandat de syndic ».

La Semaine juridique, édition générale, n° 15, 9 avril 2012, Chronique - droit des biens, n° 465, p. 754 à 759, spéc. n° 11, p. 758, note Hugues Périnet-Marquet « Toute substitution d’une personne morale à une autre assurant les fonctions de syndic doit être entérinée par un vote de l’assemblée générale ».

 

 

 

 

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour M. et Mme X....

 

 

Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’avoir condamné un copropriétaire (M. et Mme X..., les exposants) à payer à un syndicat de copropriété (celui du 3 rue Henri IV représenté par son syndic en exercice, le cabinet COUTURE4 GRAMONT) la somme de 4.798,43 € au titre des charges de copropriété et de sa quote-part de travaux votés en assemblée générale arrêtés au 10 janvier 2007 ;

 

AUX MOTIFS QUE, sur la qualité à agir du cabinet COUTURE GRAMONT au nom du syndicat de copropriétaires de la résidence 3 rue Henri IV : ledit cabinet avait été expressément élu aux fonctions de syndic par assemblée générale du 31 mars 2008 ; qu’il intervenait donc valablement à cette procédure en cause d’appel ; qu’il intervenait également auparavant tout aussi valablement, étant le fruit d’une fusion de la SARL GRAMONT et de la SARL CABINET AQUITAINE GESTION IMMOBILIER, ancien syndic, sous l’enseigne “cabinet COUTURE”, ayant pris effet à compter du 29 septembre 2005 selon l’extrait K bis produit ;

qu’une telle opération entraînait, en application des articles L. 236-1 et suivants du code de commerce, transmission de l’entier patrimoine desdits sociétés à la nouvelle société, comprenant les droits et actions dont elles bénéficiaient au titre des contrats en cours d’exécution ; qu’en conséquence, la réalité d’un contrat de mandat antérieur valable au profit de l’une des sociétés absorbées n’étant pas contestée, la SARL Cabinet COUTURE-GRAMONT avait bien qualité à agir judiciairement pour le compte du syndicat des copropriétaires ; que le syndic n’avait en outre, en application de l’article 55 du décret du 17 mars 1967, pas à justifier d’une habilitation spécifique de la copropriété pour agir en recouvrement de créances à l’encontre des copropriétaires défaillants ; que l’action du syndicat était recevable ;

que, sur le fond, le syndicat des copropriétaires avait produit aux débats un décompte d’où il résultait que des sommes étaient réclamées non seulement au titre de travaux votés en assemblée générale le 28 juin 2005 et de travaux sur linteaux en pierre votés par délibération n° 14 de l’assemblée générale du 31 mai 2006 qui visait des travaux de confortement de linteaux, mais encore au titre d’appel de fonds sur charges de copropriété échus au 1er janvier 2007 ;

que M. X... était présent à ces assemblées générales et y avait exprimé ses points de désaccord ; que les délibérations avaient été notifiées aux époux X... qui n’avaient pas soulevé de contestation dans le délai de deux mois suivant la notification ; que, comme ci-dessus indiqué, le cabinet COUTURE-GRAMONT, aux droits du cabinet COUTURE, ancien syndic, occupait les fonctions de syndic de la copropriété, les convocations aux dites assemblées étaient valables ; qu’en conséquence, par application de l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965, les époux X... n’étaient plus recevables à contester les décisions prises aux assemblées générales de 2005 et 2006 tant pour les travaux votés que pour les charges réclamées, en raison de l’adoption des budgets y afférents ;

 

 

ALORS QUE, d’une part, un syndic ne peut se substituer un tiers sans l’agrément explicite de l’assemblée des copropriétaires ; qu’en cas de fusion-absorption d’une société titulaire d’un mandat de syndic par création d’une entité juridique nouvelle, la transmission universelle du patrimoine de l’ancien syndic ne suffit pas à établir la qualité et le pouvoir de la société absorbante pour représenter légalement le syndicat de copropriété ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé les articles 17, 18 et 25 de la loi du 10 juillet 1965, ensemble les articles L. 236-1 et suivants du code de commerce ;

 

ALORS QUE, d’autre part, la convocation irrégulièrement délivrée par une personne sans qualité entache de nullité l’assemblée des copropriétaires ; qu’en se bornant à énoncer que la société nouvelle avait été expressément élue aux fonctions de syndic par assemblée générale du 31 mars 2008 et qu’elle intervenait donc valablement en cause d’appel, sans vérifier, bien qu’elle y ait été invitée, si, en raison de la disparition de l’ancien syndic consécutive à la fusion à effet au 29 septembre 2005, ladite assemblée avait pu être valablement convoquée par la société nouvelle non encore investie dans ses fonctions, la cour d’appel a violé les articles 17 de la loi du 10 juillet 1965 et 7 du décret du 17 mars 1967 ;

 

ALORS QUE, en outre, en accueillant les demandes du syndicat des copropriétaires au titre des travaux et appels de fonds votés en assemblées générales des 28 juin 2005, 31 mai 2006 et 1er janvier 2006, sur la constatation que le nouveau syndic, aux droits de l’ancien, occupait les fonctions de syndic et que les convocations auxdites assemblées étaient valables, quand la société nouvelle, non expressément désignée comme syndic, était dépourvue de qualité pour convoquer les copropriétaires, la cour d’appel a violé les articles 17 de la loi du 10 juillet 1965 et 7 du décret du 17 mars 1967.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mise à jour

08/03/2012