Vente de lots de copropriété dans un IGH

Clause d’exonération de la garantie des vices cachés

Compagnie d’assurances venderesse

Qualité de vendeur professionnel (non)

Vétusté des installations de sécurité incendie  Vice caché (non)

 

Cassation civile 3e  25 avril 2007                                                                                       Rejet

Cour d’appel de Paris (19e chambre, section B) 27-01-2006

N° de pourvoi : 06-13290

 

 

 

Donne acte à l’association foncière urbaine libre Orient Occident, à MM. X... et Y..., ès qualités, au syndicat des copropriétaires de la tour Orient et au syndicat des copropriétaires de la tour Occident du désistement de leur pourvoi en ce qu’il est dirigé contre la société Cofathec services et contre la société Socotec ;

 

 

Sur le moyen unique :

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 27 janvier 2006), qu’en 1996 la société Aviva assurances, venant aux droits de la compagnie Abeille Paix, a vendu des appartements dans deux immeubles de grande hauteur, les tours Orient et Occident, qu’elle avait fait construire et soumis au statut de la copropriété ; que l’association foncière urbaine libre Orient Occident (l’Aful) et les syndicats des copropriétaires des tours Orient et Occident (les syndicats) ont assigné la société Aviva assurances, la société Socotec, qui avait réalisé un diagnostic des installations de sécurité incendie en vue des ventes et la société Cofathec services qui assurait la maintenance de ces installations, pour obtenir paiement du coût des travaux à réaliser sur le fondement des vices cachés ;

 

Attendu que L’Aful et les syndicats font grief à l’arrêt de rejeter leurs demandes formées à l’encontre de la société Aviva assurances, alors, selon le moyen :

 

1 / que le vendeur professionnel ne peut pas opposer une limitation de sa garantie au titre des vices cachés ; qu’il résulte des propres constatations de la cour d’appel que la vente de l’immeuble a été réalisée dans le cadre de la gestion du patrimoine de la société Aviva assurances, dont elle devait disposer pour garantir ses engagements en tant qu’assureur ; qu’en estimant qu’elle n’avait pas effectué cette vente en tant que professionnel, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant l’article 1643 du code civil ;

 

2 / que les juges d’appel ont l’obligation de s’expliquer sur les motifs du jugement entrepris lorsque l’une des parties en a demandé la confirmation ; qu’en l’espèce, les syndicats de copropriétaires et l’Aful demandaient la confirmation du jugement entrepris qui, pour retenir la mauvaise foi de la société Aviva assurances, avait considéré qu’il résultait d’une lettre du 20 novembre 2000 que la société Cerberus avait refusé, à partir de 1995, de continuer à en assurer la maintenance dans la mesure où la centrale de détection incendie n’était plus fabriquée ni commercialisée pour des installations neuves depuis 1983 et où son entretien ainsi que celui des détecteurs n’était plus possible, faute de pièces de rechange ; qu’en décidant néanmoins qu’en juillet 1996, au moment de vendre par appartements lesdits immeubles, la société Aviva assurances pouvait légitimement ignorer les conséquences non évidentes de la vétusté de l’installation incendie sans s’expliquer sur le moyen péremptoire des conclusions des syndicats de copropriétaires et de l’AFUL tiré du refus par la société Cerberus de continuer à assurer la maintenance de la centrale de détection incendie, la cour d’appel a violé les articles 455 et 954 du code civil ;

 

 

Mais attendu qu’ayant retenu, d’une part, que si une société d’assurances, tenue de constituer une réserve pour garantir ses engagements, était amenée à effectuer des opérations sur le marché de l’immobilier et si la société Aviva assurances disposait, compte tenu de sa taille, d’un patrimoine immobilier justifiant l’existence d’un service immobilier, ces éléments ne suffisaient pas à lui donner la qualité de professionnel de la vente immobilière, et, d’autre part, que rien n’établissait que la société Aviva assurances connaissait les conséquences non évidentes de la vétusté de l’installation incendie alors que les allégations de l’Aful et des syndicats se fondaient sur une expertise dont les conclusions étaient critiquées par trois professionnels en matière de sécurité incendie et que l’attention de la société Aviva assurances n’avait été attirée ni par la société Cofathec services, qui avait assuré l’entretien du dispositif de sécurité incendie pendant plusieurs années, ni par la société Socotec à qui la société Aviva assurances avait demandé un audit, avant les ventes, portant sur le fonctionnement des installations techniques de sécurité, la cour d’appel, répondant aux conclusions, a pu en déduire que la clause de non-garantie contenue dans les actes de vente devait recevoir application ;

 

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

 

PAR CES MOTIFS :

 

REJETTE le pourvoi ;

 

Condamne, ensemble, l’association foncière urbaine libre Orient Occident, MM. X... et Y..., ès qualités, et les syndicats des copropriétaires des tours Orient et Occident aux dépens ;

 

Vu l’article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne, ensemble, l’association foncière urbaine libre Orient Occident, MM. X... et Y..., ès qualités, et les syndicats des copropriétaires des tours Orient et Occident à payer la somme de 2 000 euros à la société Aviva assurances ; rejette la demande de l’association foncière urbaine libre Orient Occident, MM. X... et Y..., ès qualités, et des syndicats des copropriétaires des tours Orient et Occident ;

 

 

 

Commentaires :

 

Les compagnies d’assurances sont tenues de constituer une réserve pour garantir leurs engagements. Cette réserve comporte notamment un patrimoine immobilier qui peut évoluer.

En 1996, la société Aviva assurances, venant aux droits de la compagnie Abeille Paix, a vendu des appartements dans deux immeubles de grande hauteur, les tours Orient et Occident, qu’elle avait fait construire et soumis au statut de la copropriété.

Ces immeubles de grande hauteur étaient dotés d’installations de sécurité incendie, dont la maintenance était assurée par la société Cofatech.. La société venderesse a fait établir un diagnostic de ces installations en vue des ventes par la société Socotec.

La société Cerberus avait refusé, à partir de 1995, de continuer à en assurer la maintenance dans la mesure où la centrale de détection incendie n’était plus fabriquée ni commercialisée pour des installations neuves depuis 1983 et où son entretien ainsi que celui des détecteurs n’était plus possible, faute de pièces de rechange. Ces faits étaient confirmés par une lettre du 20 novembre 2000.

 

Les deux syndicats de copropriétaires et l’AFUL avaient assigné la société Aviva pour obtenir le paiement des travaux rendus nécessaires par l’état des installations de sécurité incendie. Les demandeurs invoquaient l’existence d’un vice caché et l’impossibilité pour un vendeur professionnel de se prévaloir d’une limitation de sa garantie au titre des vices cachés.

 

Le tribunal avait admis la mauvaise foi de la société venderesse en se fondant sur la lettre du 20 novembre 2000.

La Cour d’appel a infirmé le jugement et rejeté les demandes formulées. Elle a jugé

- que la compagnie d’assurances venderesse n’avait pas agi en qualité de vendeur professionnel

- qu’en juillet 1996, au moment de vendre par appartements lesdits immeubles, la société Aviva assurances pouvait légitimement ignorer les conséquences non évidentes de la vétusté de l’installation incendie

 

La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par les syndicats et l’AFUL.

Elle approuve la Cour d’appel d’avoir « retenu, d’une part, que si une société d’assurances, tenue de constituer une réserve pour garantir ses engagements, était amenée à effectuer des opérations sur le marché de l’immobilier et si la société Aviva assurances disposait, compte tenu de sa taille, d’un patrimoine immobilier justifiant l’existence d’un service immobilier, ces éléments ne suffisaient pas à lui donner la qualité de professionnel de la vente immobilière »

Elle estime d’autre part, « que rien n’établissait que la société Aviva assurances connaissait les conséquences non évidentes de la vétusté de l’installation incendie alors que les allégations de l’Aful et des syndicats se fondaient sur une expertise dont les conclusions étaient critiquées par trois professionnels en matière de sécurité incendie et que l’attention de la société Aviva assurances n’avait été attirée ni par la société Cofathec services, qui avait assuré l’entretien du dispositif de sécurité incendie pendant plusieurs années, ni par la société Socotec à qui la société Aviva assurances avait demandé un audit, avant les ventes, portant sur le fonctionnement des installations techniques de sécurité »

Et juge enfin que « la cour d’appel, répondant aux conclusions, a pu en déduire que la clause de non-garantie contenue dans les actes de vente devait recevoir application ; »

 

La consultation des arrêts de jurisprudence concernant des « tours » ou autres immeubles importants, à usage d’habitation ou de bureaux, laisse souvent le lecteur ébahi. Il constate en effet qu’à une époque où fleurissent les enseignements et diplômes de management immobilier de haut niveau, des bévues se multiplient, dont on se demande si elles seraient commises par un modeste épicier. L’arrêt survient après celui du 27 mars 2007 relatif au désamiantage d’une tour dans des conditions juridiques et techniques assez rocambolesques.

 

On peut relever toutefois, dans un premier temps, un enseignement pratique important :

si une société d’assurances, tenue de constituer une réserve pour garantir ses engagements, est amenée à effectuer des opérations sur le marché de l’immobilier et si elle dispose, compte tenu de sa taille, d’un patrimoine immobilier justifiant l’existence d’un service immobilier, ces éléments ne suffisent pas à lui donner la qualité de professionnel de la vente immobilière.

 

Depuis que la Cour de cassation a jugé, en 1995,  que le vendeur professionnel ne pouvait ne prévaloir d’une clause d’exonération de la garantie des vices cachés [1] , la jurisprudence reste incertaine dans l’appréciation subjective de la qualité de profession ou non ! On nous dit aujourd’hui, à propos des installations de sécurité incendie,  qu’une compagnie d’assurances est un non professionnel alors qu’on nous a dit hier qu’un homme retraité depuis près de tente ans est resté un professionnel [2] et qu’il en est de même pour une SCI familiale n’ayant réalisé qu’une seule opération [3] !

 

Pour ce qui est de la vétusté des installations en question, il semble, à la lecture de l’arrêt, que le diagnostic de Socotec ne concluait pas à un risque immédiat d’arrêt du fonctionnement. Cela semble confirmé par le fait que la société Cofatech avait pu continuer à assurer la maintenance après le désistement de la société Cerberus. On était donc en présence d’installations qui se trouvait peut-être dans un état d’usage avancé mais qui fonctionnaient encore. Il est également possible que Cofatech ait pu disposer d’un stock de pièces détachées que n’avait pas Cerberus. Le cas est fréquent.

 

Notons encore que la demande était présentée par les syndicats de copropriétaires et l’AFUL, et non par des copropriétaires acquéreurs. On se trouvait sans doute devant un préjudice affectant tous les lots de manière identique, mais le moyen éventuel n’a pas été soulevé.

 

Au final, on constate une fois de plus que la multiplication des textes assurant la protection des acquéreurs, - pour ne parler des consommateurs -, n’est pas aussi efficace que l’assistance d’acquéreurs avisés par des professionnels compétents.

 

 

 

 

Mise à jour

06/08/2007

 

 

 



[1]  Cass. civ. 3e 22/03/1995 (n°93-11990) Droit et patrimoine septembre 1995 n° 1039 p. 69 note Saint-Alary

[2] Cass. civ. 3e 26/04/2006 n° 04-18466

[3] CA Paris 23e A 27/10/1999 RL 2000 p. 209