Règlement de copropriété ; ÉnoncÉ de la consistance du lot

Droit de jouissance privative d’une terrasse

Droit de « fermer » la terrasse

Droit de fermeture assimilé à un droit accessoire aux parties communes (oui)

Application de l’article L 37 ; exercice tardif du droit (oui)

 

 

Cassation civile  3e  24 mai 2006                                                                           Rejet

Cour d’appel de Paris (23e chambre civile, section B) 27-01-2005

N° de pourvoi : 05-14038

 

 

Sur le moyen unique :

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la SCI Viry Vallon, propriétaire depuis 1997 du lot n° 2 d’un immeuble placé sous le statut de la copropriété en 1990 et formé d’un local avec jouissance privative de la terrasse et faculté de la fermer, et à laquelle l’assemblée générale des copropriétaires du 27 mars 2002 avait refusé l’autorisation de la clore que la SCI lui avait demandée le 30 janvier 2002, a fait assigner le syndicat des copropriétaires 144 rue de Paris à Charenton pour annuler cette décision, autoriser la construction d’une véranda et le condamner à lui payer des dommages-intérêts ;

 

Attendu que la SCI Viry Vallon fait grief à l’arrêt de la débouter de sa demande, alors, selon le moyen :

 

1 / que le règlement de copropriété peut constituer les droits accessoires aux parties communes tel le droit de jouir d’une terrasse et de la clore, en droits privatifs appartenant en propre au titulaire du lot considéré ; que l’arrêt attaqué constate que, selon le descriptif de division, le lot litigieux est décrit comme : “un local commercial sis au rez-de-chaussée avec jouissance privative de la terrasse et la faculté de la fermer représentant 170/10.000èmes” ; qu’en l’état de ces constatations, d’où il résulte que l’usage privatif de la terrasse et la faculté de la fermer avaient été érigés en droit appartenant exclusivement au titulaire du lot dévolu à la SCI Viry Vallon, viole les articles 3 et 37 de la loi du 10 juillet 1965, ensemble l’article 1134 du Code civil, la cour d’appel qui décide que cette SCI n’était titulaire que d’une autorisation de fermer la terrasse révocable dans les conditions prévues par l’article 37 précité ;

 

2 / que seuls sont révocables ou susceptibles d’être atteints de caducité faute d’usage dans un délai de 10 années les droits institués par convention passée avec un copropriétaire et un tiers ; tel n’est pas le cas des droits accessoires qui prennent leurs sources dans le règlement de copropriété lui-même ; en sorte qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé derechef les textes susvisés ;

 

3 / que l’article 37 de la loi du 10 juillet 1965 ne rend caducs faute d’exercice dans un délai de 10 ans que les droits qu’énumère limitativement l’article 3 de la même loi ; qu’échappe aux prévisions de ces textes le droit reconnu à un propriétaire de clore la terrasse sur laquelle il a un droit d’usage privatif, cette modalité d’exercice de son droit n’étant assimilable ni à une surélévation d’un bâtiment affecté à un usage commun, ni à l’édification d’un bâtiment nouveau dans les cours, parcs et jardins, en sorte qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel viole derechef les textes susvisés ;

 

Mais attendu qu’ayant exactement retenu, par motifs propres et adoptés, que la liste des droits accessoires définis par l’article 3 de la loi du 10 juillet 1965 n’était pas limitative et relevé, interprétant souverainement les stipulations du règlement de copropriété, que la faculté de fermer la terrasse constituait un des droits accessoires visés à cet article, la cour d’appel en a déduit à bon droit que cette faculté ne pouvait être exercée par le copropriétaire que pendant une période de dix ans et que ce droit était devenu caduc ;

 

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

 

PAR CES MOTIFS :

 

REJETTE le pourvoi ;

 

Condamne la SCI Viry Vallon aux dépens ;

 

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la SCI Viry Vallon à payer au syndicat des copropriétaires 144 rue de Paris à Charenton la somme de 2 000 euros ;.

 

 

COMMENTAIRES :

 

La décision relatée ci dessus est fort contestable !

 

La SCI Viry (la SCI) est propriétaire d’un lot dont la description par le règlement de copropriété comporte la jouissance privative d’une terrasse et la faculté de la « fermer ».

La SCI sollicite de l’assemblée l’autorisation de construire une véranda pour l’exercice de ce droit de fermeture. L’assemblée refuse cette autorisation. La SCI conteste ce refus.

La Cour d’appel de Paris déboute la SCI. Elle retient :

·      Que la liste des droits accessoires figurant l’article L 3 n’est pas limitative

·      Que le droit de fermer la terrasse était un droit accessoire aux parties communes au sens du même article

·      Que la faculté d’exercer ce droit devait être exercée dans le délai de dix années prévu par l’article L 37

·      Qu’en l’espèce ce délai est expiré et qu’ainsi le droit est atteint de caducité.

 

La Cour de cassation rejette le pourvoi contre l’arrêt de la Cour d’appel..

 

En premier lieu, les auteurs les plus qualifiés ont considéré comme limitative la liste figurant dans l’article L 3. La raison est que la caducité par dix ans prévue par l’article L 37 est une sanction dont la portée ne peut faire l’objet d’une interprétation extensive. On sait parfaitement que cette sanction visait principalement les promoteurs et les découpeurs d’immeubles qui se réservaient l’exercice de ces droits. C’est aussi la raison pour laquelle le syndicat a la faculté de s’opposer, par une décision prise à la majorité de l’article 25, à l’exercice du droit, contre indemnité le cas échéant si le bénéficiaire rapporte la preuve d’une contrepartie lors de l’établissement du droit.

Il faut en réalité admettre qu’il existe des droits accessoires aux parties communes autres que ceux visés par l’article L 3. Il suffit de songer aux droits attachés à la personnalité morale du syndicat pour s’en assurer. Mais de plus il a été admis que le règlement de copropriété pouvait comporter une clause complétant la liste. Ainsi pour le droit d’affichage [1]

On a recherché différentes solutions pour éviter en ce cas les risques d’application de l’article L 37. La solution de la réserve stipulée perpétuelle ayant été écartée, on en est venu à pratiquer la constitution du droit d’affichage en un lot « dont il serait la partie privative » Cette solution a été justement écartée par la Cour de cassation [2] ! Il nous semble plus simple de relever que l’article L 37 ne vise que « l’exercice de l’un des droits accessoires visés à l’article 3, autre que le droit de mitoyenneté » et qu’il ne s’applique pas aux autres droits accessoires, qu’ils soient établis par le règlement de copropriété ou générés par l’effet de textes étrangers au statut de la copropriété comme c’est le cas pour les droits liés à la personnalité morale du syndicat.

Nous retenons donc ici comme hypothèse de discussion qu’il peut y avoir d’autres droits accessoires aux parties communes que ceux énumérés dans l’article 3, mais qu’ils ne sont pas affectés par les dispositions de l’article L 37.

 

En second lieu : le droit de fermer la terrasse est-il bien un droit accessoire aux parties communes ? En l’espèce, le « droit de jouissance privative » portant sur la terrasse n’est pas remis en cause. Il s’agit d’un droit réel et perpétuel [3] , ne se perdant pas par le non-usage, attaché à la partie privative du lot, donc au droit de propriété du lot. Il ne s’agit pas d’un droit accessoire aux parties communes. Le droit de « fermer » la terrasse est lui-même attaché au droit de jouissance privative et consubstantiel à ce droit. Il ne s’agit pas non plus d’un droit accessoire aux parties communes mais bien à une partie privative.

Le droit de jouissance privative porte sur la superficie de la terrasse et s’étend au volume d’espace supérieur raisonnablement utilisable. Le droit de « fermer » s’analyse en une autorisation d’effectuer des travaux donnée a priori par le règlement de copropriété. Nous tombons alors sur une difficulté certaine, mais d’un autre genre. En effet, dans le cadre particulier de l’article 25 b, - qui n’est pas visé dans cette affaire -, la jurisprudence récente écarte totalement les autorisations ainsi pré-constituées, même lorsqu’elles figurent dans la définition du lot donnée par le règlement de copropriété.

Nous retenons donc ici comme hypothèse de discussion que le droit de « fermer » la terrasse n’est pas un droit accessoire aux parties communes.

 

Il est alors sans intérêt d’examiner le problème de l’application de l’article L 37.

 

La décision relatée nous semble finalement porter atteinte au contenu du droit réel de copropriété de la SCI. Elle se place dans la ligne des multiples décisions méprisant les stipulations des règlements de copropriété. Il suffisait en l’espèce d’imposer au bénéficiaire de présenter son projet de fermeture à l’assemblée générale pour permettre aux copropriétaires de formuler leurs observations et d’obtenir éventuellement des modifications. Le droit de réaliser des travaux conféré par le règlement de copropriété ne saurait en effet confiner à l’arbitraire.

 

 

 

 

 

Mise à jour

03/12/2006

 

 

 



[1] CA Paris 23 A 05/03/1984  RDI 1984 p. 344

[2] Cass civ 3e 19/11/1985 n° 84-13404 Administrer mars 1986 p. 37 note Guillot ; RDI 1986 p. 236 ; en l’espèce le bénéficiaire était le « diviseur » de l’immeuble !

[3] Cass civ 04/03/1992 D 1992 jurisp. 386 note Souleau