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Répartition des charges d’ascenseur

Unicité de la base de répartition

 

 

 

Cassation civile 3e    23 juin 2010

Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 10 avril 2009

N° de pourvoi: 09-67529

Cassation

 

 

 

Sur le moyen unique :

Vu l’article 10, alinéa 1er, de la loi du 10 juillet 1965 ;

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 avril 2009), que M. et Mme X..., propriétaires de lots dans un immeuble en copropriété, ont assigné, avec d’autres copropriétaires Mme et MM. Y... et M. et Mme Z..., le syndicat des copropriétaires dénommé ensemble immobilier 27 rue d’Italie en annulation de la décision n° 9 de l’assemblée générale du 3 novembre 2006 prévoyant des travaux de remplacement et de mise en conformité sur l’ascenseur de l’immeuble, l’acceptation de devis fixant leur coût et l’appel de fonds correspondant avec son échéancier, voir déclarer non écrit l’article 12 du règlement de copropriété relatif à la répartition des charges de l’ascenseur, pour être contraire aux dispositions d’ordre public de l’article 10, alinéa 1er, de la loi du 10 juillet 1965, voir désigner un expert afin de déterminer une répartition des charges conforme à la loi ;

 

Attendu que pour rejeter leur demande, l’arrêt retient qu’il est justifié de ce qu’aux termes du règlement de copropriété les dépenses d’énergie électrique nécessaires au fonctionnement de l’ascenseur sont réparties proportionnellement à l’étage où se trouve chaque lot ; que s’il est loisible aux rédacteurs des règlements de copropriété, pour satisfaire aux exigences de l’article 10, alinéa 1, de la loi du 10 juillet 1965, de tenir compte, pour l’établissement de la répartition des charges de réparation et d’entretien des éléments d’équipement commun, de modalités plus précises, il n’en demeure pas moins qu’une clause qui se contente de disposer que ‘‘Tous les frais de répartition, d’entretien concernant l’ascenseur et sa machinerie, ou son remplacement, ainsi que les frais d’assurances contre les accidents causés par l’ascenseur, seront supportés par les copropriétaires des étages au prorata de leurs droits dans les parties communes de l’immeuble. Les copropriétaires du rez-de-chaussée n’auront pas à y participer” ne contrevient pas à ces prescriptions, dès lors que ce texte, s’il impose que soit convenue une répartition des charges selon un critère d’utilité, ce qui en exclut les lots non servis, n’exige pas que cette répartition, en ce qu’elle est relative à la réparation et à l’entretien des équipements communs, parties communes, tienne compte d’une utilisation effective qui, au demeurant, ne dépend pas seulement de la situation de chaque lot dans l’immeuble mais aussi de circonstances de fait tenant à l’intérêt que présente l’équipement pour chacun, circonstances qui ne sauraient être déterminées a priori ;

 

Qu’en statuant ainsi, sans rechercher si la répartition des charges de réparation et d’entretien de l’ascenseur au prorata des droits des copropriétaires dans les parties communes était conforme à l’utilité pour chaque lot de cet élément d’équipement, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

 

PAR CES MOTIFS :

 

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 10 avril 2009, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, autrement composée ;

 

Condamne le syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier 27 rue d’Italie aux dépens ;

 

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne le syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier 27 rue d’Italie à payer à M. et Mme X..., ensemble, la somme de 2 500 euros ; rejette la demande du syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier 27 rue d’Italie ;

 

 

Commentaires :

 

En l’espèce, l’examen de l’arrêt impose l’analyse de l’article 12 d’un règlement de copropriété, traitant de la répartition des charges d’ascenseur.

La Cour d’appel rappelle explicitement « qu’il est justifié de ce qu’aux termes du règlement de copropriété les dépenses d’énergie électrique nécessaire au fonctionnement de l’ascenseur sont réparties proportionnellement à l’étage où se trouve chaque lot »

Les frais de fonctionnement de l’appareil, - donc d’utilisation effective par les usagers indifféremment -,  sont répartis conformément aux dispositions de l’article 10 alinéa 1, en fonction de l’utilité que présente l’ascenseur à l’égard de chaque lot. La répartition a été établie en fonction d’un coefficient d’étage.

 

Mais pour d’autres rubriques de charges liées à l’ascenseur, le règlement de copropriété précise :

Tous les frais de répartition, d’entretien concernant l’ascenseur et sa machinerie, ou son remplacement, ainsi que les frais d’assurances contre les accidents causés par l’ascenseur, seront supportés par les copropriétaires des étages au prorata de leurs droits dans les parties communes de l’immeuble. Les copropriétaires du rez-de-chaussée n’auront pas à y participer

Il existe une erreur dans le texte de l’arrêt : il convient de remplacer « répartition » par « réparations »

C’est ce texte qui est contesté.

Le litige porte donc sur le point de savoir si la base de répartition comportant un coefficient d’étage doit s’appliquer impérativement à toutes les charges liées à l’ascenseur ou s’il peut exister deux catégories de charges d’ascenseur. Cette controverse est ancienne.

 

Notons d’abord que la clause exonère les lots du rez-de-chaussée de toute contribution à cette seconde catégorie de charges. L’appareil est donc considéré comme un élément d’équipement commun aux seuls propriétaires des lots des étages. Sur ce point la clause est conforme aux dispositions de l’article 10.

 

Avant la loi de 1965 les charges d’ascenseur étaient réparties entre tous les lots, - y compris ceux du rez-de-chaussée -, au prorata des tantièmes généraux de copropriété.

La loi de 1965 a imposé la répartition des charges liées aux éléments d’équipement commun en fonction du critère de l’utilité potentielle objective. Le législateur n’a prévu aucune disposition spécifique facilitant  la mise en œuvre de ce nouveau mécanisme. La loi SRU du 13 décembre 2000 imposant l’adaptation des règlements de copropriété n’a apporté aucun remède à cette situation. Il est donc encore nécessaire de faire figurer les dispositions de l’article 10 dans le règlement « adapté » tout en conservant des grilles de répartition illégales !

Dès la promulgation de la loi de 1965, les spécialistes ont relevé la difficulté qu’il y avait à concevoir des critères d’utilité pour chacun des divers éléments d’équipement. Pour l’ascenseur, le recours à un coefficient d’étage fait souvent doublon lorsqu’il a déjà été tenu compte d’un tel coefficient pour la détermination des tantièmes de copropriété.

 

L’expérience a montré le bien-fondé de ces observations. Pour la plupart des éléments d’équipement et même des services, la jurisprudence a fini par admettre que l’utilité objective pouvait être

- Soit déterminée en fonction des tantièmes de copropriété : pour la répartition des frais de chauffage notamment, dès lors qu’il y a proportionnalité entre les tantièmes et les surfaces ou volumes chauffés. La Cour de cassation a admis cette solution : Cass. civ. 04/01/1991 Loyers et copropriété 1991 n° 136 et plus récemment 28/03/2006 Administrer juin 2006 p. 51 note Bouyeure) ; Même solution pour les éléments des vide-ordures considérés comme des éléments d’équipement : Cass. civ. 11/10/2006  et CA Paris 23e B 05/07/2007 Loyers et copropriété 2007 n° 239 et aussi pour les charges liées aux interphones et autres systèmes de contrôle d’accès.

- Soit présumée identique pour chaque lot desservi (un lot = une part) : cette solution est adoptée pour la répartition des charges liées aux antennes. Elle a été admise par la Cour de cassation (Cass. civ. 10/05/1994 Loyers et copropriété 1994 n° 353). Elle est parfois utilisée et admise pour d’autres éléments d’équipement

Dans ces deux cas, l’article 10 alinéa 1 est bien respecté, mais le coefficient d’utilité licitement utilisé est égal aux tantièmes de copropriété attachés à chaque lot ou il est identique pour tous les lots.

L’ascenseur est de nos jours le seul élément d’équipement commun dont les charges demeurent  réparties en fonction d’un coefficient d’utilité spécifique. Autant dire que le mécanisme de l’article 10 de la loi de 1965, qui depuis quarante ans a richement enrichi les rôles des juridictions françaises, est tombé dans une désuète mascarade.

 

Revenons à l’instance concernée.

La Cour d’appel a fait valoir que la clause du règlement de copropriété ne contrevient pas à l’article 10 dès lors que « ce texte, s’il impose que soit convenue une répartition des charges selon un critère d’utilité, ce qui en exclut les lots non servis, n’exige pas que cette répartition, en ce qu’elle est relative à la réparation et à l’entretien des équipements communs, parties communes, tienne compte d’une utilisation effective qui, au demeurant, ne dépend pas seulement de la situation de chaque lot dans l’immeuble mais aussi de circonstances de fait tenant à l’intérêt que présente l’équipement pour chacun, circonstances qui ne sauraient être déterminées a priori »

Et plus simplement :

- Que l’exigence d’une répartition selon un critère d’utilité n’a pour conséquence nécessaire que l’exonération des lots du rez-de-chaussée de toute contribution aux charges d’ascenseur, quelle qu’en soit la nature

- Qu’elle n’interdit pas, pour les charges relatives à la réparation et à l’entretien des équipements communs, parties communes, que la répartition tienne compte d’une utilisation effective.

Ici, la Cour d’appel évoque une ambiguïté certaine de la loi. Les éléments d’équipement communs figurent en effet au rang des parties communes. A ce titre ils devraient aussi relever de l’article 10 alinéa 2. Mais il est certain qu’ils constituent une sous-catégorie distincte qui peut fait l’objet d’un régime propre. C’est ce qu’exprime l’article 10 alinéa 1.

Quant à l’expression « utilisation effective » elle ne présente d’intérêt que lorsqu’il s’agit de préciser que le propriétaire d’un lot desservi par un service doit supporter le coût des dépenses générées par le service et l’installation qui le fournit même s’il a décidé de ne pas utiliser le service qui lui est proposé et qui présente une utilité objective à l’égard de son lot.

A propos de l’utilisation effective, la Cour d’appel précise qu’elle « ne dépend pas seulement de la situation de chaque lot dans l’immeuble mais aussi de circonstances de fait tenant à l’intérêt que présente l’équipement pour chacun, circonstances qui ne sauraient être déterminées a priori ». Cette observation n’apporte d’élément déterminant au débat.

 

La Cour de cassation casse l’arrêt, en reprochant à la Cour d’appel de n’avoir pas « recherché si la répartition des charges de réparation et d’entretien de l’ascenseur au prorata des droits des copropriétaires dans les parties communes était conforme à l’utilité pour chaque lot de cet élément d’équipement ».

L’arrêt aixois encourait sans doute la cassation dès lors qu’il admettait l’existence d’un double système de répartition des charges d’ascenseur. Le moyen présenté par les demandeurs à la cassation était parfaitement clair sur ce point :

« que le critère d’utilité posé par le premier alinéa de ce texte est dès lors d’application impérative pour toutes les charges afférentes à un élément d’équipement commun, sans qu’il y ait lieu de distinguer selon la nature des charges en cause ; qu’en décidant que le critère d’utilité est d’application facultative pour les travaux de réparation et d’entretien d’un ascenseur, valablement répartis en fonction des tantièmes en ce qu’ils portent sur les « parties communes », la cour d’appel a violé les dispositions d’ordre public de l’article 10 de la loi du 10 juillet 1965 »

Le vice était bien une illégalité et non pas une omission de recherche.

 

 

 

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....

 

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté les époux X... de leurs demandes ;

AUX MOTIFS QU’aux termes de l’article 10 de la loi du 10 juillet 1965, les copropriétaires sont tenus de participer aux charges entraînées par les services collectifs et les éléments d’équipement commun en fonction de l’utilité que ces services et éléments présentent à l’égard de chaque lot ;

qu’il est justifié de ce qu’aux termes du règlement de copropriété les dépenses d’énergie électrique nécessaire au fonctionnement de l’ascenseur sont réparties proportionnellement à l’étage où se trouve chaque lot ;

que s’il est loisible aux rédacteurs des règlements de copropriété, pour satisfaire aux exigences de ce texte, de tenir compte, pour l’établissement de la répartition des charges de réparation et d’entretien des éléments d’équipement commun, de modalités plus précises, il n’en demeure pas moins qu’une clause qui se contente de disposer que ‘‘Tous les frais de répartition, d’entretien concernant l’ascenseur et sa machinerie, ou son remplacement, ainsi que les frais d’assurances contre les accidents causés par l’ascenseur, seront supportés par les copropriétaires des étages au prorata de leurs droits dans les parties communes de l’immeuble. Les copropriétaires du rez-de-chaussée n’auront pas à y participer » ne contrevient pas à ces prescriptions, dès lors que ce texte, s’il impose que soit convenue une répartition des charges selon un critère d’utilité, ce qui en exclut les lots non servis, n’exige pas que cette répartition, en ce qu’elle est relative à la réparation et à l’entretien des équipements communs, parties communes, tienne compte d’une utilisation effective qui, au demeurant, ne dépend pas seulement de la situation de chaque lot dans l’immeuble mais aussi de circonstances de fait tenant à l’intérêt que présente l’équipement pour chacun, circonstances qui ne sauraient être déterminées a priori ;

 

1°) ALORS QUE l’article 10 de la loi du 10 juillet 1965 distingue, en considération de leur objet, les charges spécifiquement générées par des « services collectif » et des « éléments d’équipement commun » qui sont réparties selon un critère d’utilité (alinéa 1), des autres charges communes générales réparties en fonction des tantièmes de copropriété (alinéa 2) ; que le critère d’utilité posé par le premier alinéa de ce texte est dès lors d’application impérative pour toutes les charges afférentes à un élément d’équipement commun, sans qu’il y ait lieu de distinguer selon la nature des charges en cause ; qu’en décidant que le critère d’utilité est d’application facultative pour les travaux de réparation et d’entretien d’un ascenseur, valablement répartis en fonction des tantièmes en ce qu’ils portent sur les « parties communes », la cour d’appel a violé les dispositions d’ordre public de l’article 10 de la loi du 10 juillet 1965 ;

 

2°) ALORS QU’il résulte de l’article 10 alinéa 1 de la loi de 1965 que le critère d’utilité est d’application impérative pour la répartition des charges spéciales « à l’égard de chaque lot » ; qu’en affirmant que, s’agissant des charges de réparation et d’entretien, ce texte impose une répartition en fonction de l’utilité à seule fin d’exclure de la répartition les lots non servis par l’élément d’équipement commun en cause, et non pour la répartition proprement dite des charges de réparation et d’entretien entre les lots servis par cet équipement, la Cour d’appel a violé les dispositions impératives du texte susvisé ;

 

3°) ALORS QUE l’article 10 alinéa 1 de la loi du 10 juillet 1965 impose que la clé de répartition des charges stipulée au règlement de copropriété concernant un élément d’équipement commun ait été déterminée de manière objective, au regard de « l’utilité » que cet élément présente « à l’égard de chaque lot », abstraction faite de l’utilisation effective que pourrait en faire chacun des copropriétaires ; qu’en affirmant que le critère d’utilité ne saurait être déterminé a priori en ce qu’il dépend « d’une utilisation effective » qui est notamment fonction « de circonstances de fait tenant à l’intérêt que présente l’équipement pour chacun » pour en déduire que l’article 12 b alinéa 2 du règlement de copropriété est valable, la Cour d’appel a, derechef, violé les dispositions de l’article 10 alinéa 1er de la loi du 10 juillet 1965.

 

 

 

 

 

 

 

Mise à jour

09/07/2010