Copropriété avec services

Gestion des services confiée à une association (loi de 1901)

Liberté d’association ; liberté de démission (oui)

 

 

Cassation civile 3e  20 décembre 2006                                                                                                                                Rejet

Cour d’appel de Poitiers (3e chambre civile) 07-09-2005

N° de pourvoi : 05-20689

 

 

Sur le moyen unique :

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Poitiers, 7 septembre 2005), que M. Eric X..., devenu, à la suite du décès de son père, propriétaire d’un lot dans une résidence en copropriété, a été assigné par l’association Résidence services Carnot-Blossac (l’association) en paiement des cotisations dues d’avril 2000 à mars 2001 ;

 

Attendu que l’association fait grief à l’arrêt de la débouter de sa demande, alors, selon le moyen :

 

1 / que l’article 3 des statuts du 13 novembre 1990 de l’association Résidence services Carnot-Blossac stipulait en termes clairs et précis : Durée. L’association est constituée pour une durée de cinquante années à compter de ce jour ; qu’en déboutant ladite association de sa demande en paiement des cotisations à partir du 1er avril 2000, date à laquelle M. X... avait manifesté sa volonté de se retirer, sur l’affirmation que cette association “n’était pas créée pour un temps déterminé”, l’arrêt infirmatif a dénaturé cet article 3 des statuts en cause, faisant la loi des parties et a ainsi violé l’article 1134 du code civil ;

 

2 / que le principe de la liberté d’association ne dispense par le membre adhérent qui se retire de payer les cotisations statutaires tant que le lot, dont il est resté propriétaire, le rend bénéficiaire des activités de l’association ; que M. Eric X..., demeuré propriétaire du lot n° 405 après son refus de paiement des cotisations postérieures au 1er avril 2000 et l’ayant donné à bail, toujours en cours comme reconnu dans ses propres conclusions récapitulatives d’appel du 15 avril 2004, était resté ainsi bénéficiaire des activités de l’association, avant l’échéance de son terme, et tenu de régler les appels de fonds postérieurs au 1er avril 2000 ;

 

qu’en décidant le contraire, pour débouter l’association de sa demande en paiement correspondante, l’arrêt infirmatif attaqué a violé, par fausse application, l’article 4 de la loi du 1er juillet 1901 ;

 

 

Mais attendu qu’hormis les cas où la loi en décide autrement, nul n’est tenu d’adhérer à une association régie par la loi du 1er juillet 1901 ou, y ayant adhéré, d’en demeurer membre ; qu’ayant relevé que l’association était régie par les dispositions de cette loi, la cour d’appel, qui a constaté que M. X... avait cessé à partir d’avril 2000 de payer ses cotisations et avait manifesté par ce refus de paiement sa volonté de ne plus faire partie de l’association, en a déduit, à bon droit, abstraction faite d’un motif surabondant relatif à la durée pour laquelle celle-ci avait été constituée, que la demande devait être rejetée ;

 

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

 

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

 

Condamne l’association Résidences services Carnot-Blossac aux dépens ;

 

Vu l’article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes ;

 

 

COMMENTAIRE :

 

L’affaire est simple ! Nous sommes en présence d’une résidence en copropriété, avec services. L’exploitation des services a été confiée à une association (loi du 1er juillet 1901). Un copropriétaire a décidé de se retirer de l’association et cessé de payer les cotisations nécessaires au fonctionnement de l’association et des services qu’elle est chargée d’assurer. Son bon droit est reconnu.

Un réflexe instinctif est de stigmatiser la mauvaise foi du copropriétaire. Mais la loi est la loi : « nul n’est tenu d’adhérer à une association régie par la loi du 1er juillet 1901 ou, y ayant adhéré, d’en demeurer membre ». Nous sommes ici dans le domaine des droits de l’Homme !

 

La solution exprimée par l’arrêt contredit frontalement les avis de spécialistes éminents. M. Vigneron indique [1]: « L’organisme gestionnaire peut être également une association régie par la loi du 1er juillet 1901 dont les copropriétaires et locataires successifs sont membres obligés dès le transfert de propriété ou avant toute prise de possession. Dans ce cas, il n’y a pas lieu à établissement d’un contrat ; il suffit d’imposer à chaque nouveau copropriétaire ou locataire son adhésion à l’association dont les statuts, établis  dès la constitution de la copropriété, fixent les conditions de fonctionnement ».

Le Professeur Giverdon, de son côté, marquait une préférence [2] pour des organismes à forme coopérative. Même dans ce cas, le problème de l’obligation d’adhérer avait été soulevé. On faisait valoir qu’elle constituait une restriction aux droits des copropriétaires, contraire à l’article 8 de la loi du 10 juillet 1965, et que l’objet du syndicat des copropriétaires ne pouvait comporter l’exploitation de services de type hôtelier. La Cour de cassation  [3] avait rejeté cette dernière objection dès 1980. De son côté, la Cour d’appel de Toulouse [4] avait jugé que la restriction était justifiée par la destination de l’immeuble.

 

La vérité est qu’il ne faut limiter ni le débat, ni la portée de l’arrêt au secteur particulier des résidences-services. On trouve dans toutes les catégories d’ensembles immobiliers la pratique de la gestion par une association de la loi de 1901 de parties, services et surtout d’équipements communs : club-house, tennis, piscines, etc. On la trouve également dans les centres commerciaux dont les conventions diverses comportent souvent l’obligation d’adhérer à une association de commerçants chargée de différentes missions tendant au développement des activités et de l’achalandage.

L’arrêt relaté ci-dessus est conforme à ceux rendus le 9 février 2001 par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation [5] au sujet de la liberté d’association. La 3e chambre de la Cour de cassation [6]  avait de même déclaré nulle l’obligation d’adhérer à une association de la loi de 1901 assumant la gestion d’un centre sportif et de loisirs.

Cependant, la Cour de cassation [7] avait adopté une position différente pour l’obligation faite aux copropriétaires d’acquérir une part de la société civile exploitant des installations sportives dépendant de l’immeuble. Solution identique pour l’obligation d’adhérer à un groupement d’intérêt économique constitué pour l’exploitation de restaurants d’entreprises [8] .

 

C’est donc bien, semble-t-il, la nature juridique de l’organisme chargé de la gestion qui doit être prise en considération. Ce n’est pas le rôle d’une association de la loi de 1901 que de gérer les équipements communs d’une copropriété. Les tenants du secteur associatif peuvent être satisfaits mais on sourit quand on connaît les activités réelles (et parfaitement légales) de certaines associations et la possibilité qu’a l’administration fiscale de les assujettir à l’imposition sur les sociétés commerciales.

 

 

 

 

Mise à jour

19/02/2007

 

 



[1]  Jurisclasseur copropriété fasc. 350 n° 52 (2005)

[2]  Giverdon Les « charges » correspondant aux services spécifiques fournis par les résidences-services pour personnes âgées Administrer mars 1996 p. 9 ss.

[3]  Cass. Civ. 3e 04/03/1980

[4]  CA Toulouse 25/07/1981 JCP 1982 Ed. N ii p. 260  note Barbieri

[5]  Cass. Ass. Plén. AJDI  2001 p. 611 note Giverdon ; voir aussi P. Capoulade La liberté d’association : entre restrictions tolérées et atteintes prohibées  Inf. rap. Cop. Oct. 2001 p. 4

[6]  Cass. Civ. 3e  19/07/2000

[7]  Cass. Civ. 3e 08/07/1998 Loy. et cop. Oct. 1998 n° 256 note Vigneron

[8]  Cass. Civ. 21/07/1999 RDI 1999 p. 683 note Capoulade