vente de lot

opposition prématurée et irrégulière du syndic

seconde opposition rectificative  possibilité (non)

ouverture du délai de quinze jours par la délivrance de la première

 

Cassation civile 2e    20 octobre 2005

Rejet

Cour d’appel de Versailles (chambres civiles réunies) 28 mai 2003

N° de pourvoi : 03-17550

 

 

Donne acte au syndicat des copropriétaires de la résidence de l’Orme de ce qu’il se désiste de son pourvoi en tant que dirigé contre M. X..., Mlle Y..., M. et Mme Z... ;

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Civ. 3, 18 juillet 2001, Bull. n° 99), que la société Crédit foncier de France (la société) a interjeté appel d’un jugement ayant déclaré régulière l’opposition formée par le syndicat des copropriétaires de la résidence de l’Orme (le syndicat) pour avoir paiement d’une certaine somme représentant des arriérés de charges, à la suite de la vente sur saisie immobilière d’un lot de copropriété ;

 

Sur le premier moyen : (sans intérêt)

 

Sur le second moyen :

 

Attendu que le syndicat fait grief à l’arrêt d’avoir dit qu’il n’avait pas formé d’opposition régulière, alors, selon le moyen :

 

1 ) que l’objet du litige est limité par les prétentions respectives des parties ; qu’en l’espèce, le syndicat soutenait dans ses écritures d’intimé que l’opposition du 21 décembre 1995, en ce qu’elle rappelait “le caractère privilégié de la créance et notamment les dispositions de l’article 2103 du Code civil (et) énonçait, conformément au vœu du législateur le montant et les causes des créances du syndicat afférents aux charges et travaux mentionnées aux articles 10 et 30 de la loi du 10 juillet 1965 pour les années 1995, 1994, 1993 et 1992, soit pour l’année en cours et les deux années antérieures, les deux années antérieures aux deux dernières années échues, en distinguant chacun des appels de fonds en raison de sa nature (charges ou travaux) et sa date (...)”, satisfaisait ainsi aux exigences de l’article 5-1 du décret du 17 mars 1967 ; qu’en affirmant cependant que “le syndicat (...) ne conteste pas l’irrégularité de son opposition du 21 décembre 1995”, la cour d’appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ;

 

2 ) qu’en l’absence de notification au syndicat de l’avis de mutation prévu à l’article 20 de la loi du 10 juillet 1965, au cas de vente par adjudication d’un lot de copropriété, aucun délai ne court ; que l’opposition du syndicat, qui constitue un acte de procédure valant saisie, n’est donc en pareil cas sujette à aucune forclusion ; que par ailleurs, un acte de procédure irrégulier ne peut faire courir aucun délai ; qu’il résulte de la combinaison de ces principes qu’une opposition irrégulière peut faire l’objet d’une régularisation ultérieure dans les conditions de l’article 115 du nouveau Code de procédure civile, sans qu’aucune forclusion puisse lui être opposée jusqu’à ce que le juge statue ; qu’en l’espèce, il est constant que l’opposition formée par le syndicat le 21 décembre 1995, alors qu’aucun délai n’avait pu courir en l’absence de notification de l’avis de mutation, dût-elle être tenue pour irrégulière, a été régularisée par voie de conclusions devant le tribunal et avant que celui-ci ne statue ; qu’en invalidant cette régularisation comme forclose, au prétexte que nonobstant son irrégularité l’opposition initiale aurait fait courir le délai légal de quinze jours de l’article 20 de la loi du 10 juillet 1965, la cour d’appel a violé, outre ces dernières dispositions et celles des articles 5-1 et 6 du décret d’application du 17 mars 1967, celles des articles 115 et 121 du nouveau Code de procédure civile ;

 

Mais attendu que la cour d’appel a retenu que l’opposition du 21 décembre 1995 était irrégulière comme ne faisant pas apparaître de manière précise le montant et les causes des créances du syndicat, contrairement aux dispositions de l’article 20 de la loi du 10 juillet 1965 et de l’article 5-1 du décret du 27 mars 1967 ; que par ce seul motif, et abstraction faite de celui critiqué par le moyen, sa décision se trouve légalement justifiée ;

 

Et attendu qu’en retenant que la première opposition formée par le syndicat le 21 décembre 1995, même irrégulière, le privait du droit de former ultérieurement toute nouvelle opposition et, à tout le moins après l’expiration du délai de quinze jours à compter de la date de l’opposition initialement formée, la cour d’appel de renvoi a statué en conformité de l’arrêt de cassation qui l’avait saisie ;

 

D’où il suit que le moyen, inopérant en sa première branche, est irrecevable en la seconde ;

 

PAR CES MOTIFS :

 

REJETTE le pourvoi ;

 

Condamne le syndicat des copropriétaires de la résidence de l’Orme aux dépens ;

 

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande du syndicat des copropriétaires de la résidence de l’Orme ; le condamne à payer au Crédit foncier de France la somme de 2 000 euros ;

 

 

Commentaires :

 

Notons en premier lieu que la Cour de cassation statue ici sur un second pourvoi portant sur un arrêt de la Cour d’appel de Versailles (chambres civiles réunies). L’arrêt présente de ce fait un intérêt tout particulier.

Et en second lieu que le litige est antérieur à l’entrée en vigueur des dispositions du décret du 27 mai 2004 modifiant celui du 17 mars 1967. Pour autant son intérêt n’est pas moindre.

 

Le contenu de l’arrêt est triple :

d’une part, il apporte une solution de principe à une difficulté inhabituelle (opposition du syndic au paiement du prix de vente avant notification de l’avis prévu par l’article 20 de la loi).

D’autre part, il énonce que la notification de l’opposition, même en l’absence de l’avis de l’article 20, a épuisé les recours du syndicat et rend inefficace une seconde opposition.

Enfin, il approuve la constatation par la Cour d’appel de l’irrégularité de l’opposition, indépendamment de son caractère prématuré.

 

En l’espèce le syndic avait notifié une opposition en vertu de l’article 20 de la loi du 10 juillet 1065 alors qu’il n’avait pas reçu l’avis prévu par ce même texte. La régularité de cette opposition ayant été contestée quant à ses énonciations, il avait régularisé une seconde opposition présumée valide tant en ce qui concerne son contenu qu’en ce qui concerne le respect du délai d’opposition.

Sur ce point, la seconde Chambre de la Cour de cassation constate que la Cour de Versailles s’est conformée à l’arrêt de cassation[1] qui l’avait saisie. Cet arrêt énonçait « qu’en statuant ainsi, alors que l’opposition formée par le syndicat le 21 décembre 1995, fut-elle irrégulière, le privait du droit de former ultérieurement toute nouvelle opposition, à tout le moins après l’expiration du délai de quinze jours à compter de la date de l’opposition initialement formée ».

Plus clairement, la Cour de cassation, suivie par la Cour d’appel de Versailles, a ainsi jugé que la signification de l’opposition prématurément délivrée a pu faire courir le délai  prévu par le texte. Autant dire que cette initiative malheureuse valait réception de l’avis prévu par l’article 20 ! La solution est aussi dure que déconcertante, pour le plus grand profit du Crédit foncier de France, créancier inscrit en rang préférable, qui aurait vu son gage amputé par l’effet du privilège spécial du syndicat ! On peut légitimement penser que la Cour de cassation a ajouté à la loi en substituant à la notification de l’avis, seule habile à fixer le point de départ du délai en vertu de l’article 20, la signification d’une opposition prématurée.

Un enseignement pratique : tout syndic ne voyant arriver ni la notification de transfert de propriété liée à un dossier de mutation en cours, ni surtout l’avis prévu par l’article 20, doit prendre contact avec le notaire pour s’informer.

 

Pour ce qui est de la régularité de l’opposition prématurée, la Cour de cassation retient que «  la Cour d’appel a retenu que l’opposition du 21 décembre 1995 était irrégulière comme ne faisant pas apparaître de manière précise le montant et les causes des créances du syndicat, contrairement aux dispositions de l’article 20 de la loi du 10 juillet 1965 et de l’article 5-1 du décret du 17 mars 1967 ; que par ce seul motif, et abstraction faite de celui critiqué par le moyen, sa décision se trouve légalement justifiée ».

Il faut rappeler sur ce point la rigueur des exigences de l’article D 5-1 qui subsiste en sa rédaction de l’époque (décret du 17 février 1995). Un texte fréquemment oublié est l’article 19-2 de la loi : « L’année, au sens de l’article 2103-1° du Code civil, s’entend de l’année civile comptée du 1er janvier au 31 décembre ». Sa mise en œuvre pose de sérieux problèmes lorsque les exercices comptables du syndicat ne coïncident pas avec l’année civile ainsi définie. Le syndic se trouve alors dans l’obligation de reconstituer les comptes et de présenter des justificatifs qui ne sont pas confortés par l’approbation de l’assemblée générale.

Cet inconvénient était mineur au temps des comptes trimestriels. Cette pratique étant désormais interdite, il faut recommander d’ajuster les exercices en fonction de l’année civile.

 

 

 

 

 

 

Mise à jour

05/02/2006

 

 



[1] Cass. civ. 3e 18/07/2001 Loyers et copropriété 2001 n° 277 Administrer novembre 2001 note Capoulade ; Defrénois 2002 p. 1094 note Atias