Assemblée générale

Limitation du nombre des mandats

Époux co-indivisaire n’exerçant pas le droit de vote

Prise en compte des voix attachées au lot indivis (non)

 

 

Cassation civile 3e   20 juillet 1994                                                                          Cassation.

Cour d’appel de Versailles, 1992-01-16

N° de pourvoi : 92-12973

 

 

Sur le premier moyen :

 

Vu l’article 22, alinéa 3, de la loi du 10 juillet 1965, modifié par la loi du 31 décembre 1985 ;

 

Attendu que tout copropriétaire peut déléguer son droit de vote à un mandataire, que ce dernier soit ou non membre du syndicat, que chaque mandataire ne peut recevoir plus de trois délégations de vote ; que, toutefois, un mandataire peut recevoir plus de trois délégations de vote si le total de voix dont il dispose lui-même et de celles de ses mandants n’excède pas 5 % des voix du syndicat ;

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que les époux Steib et Nicco, étant respectivement propriétaires indivis de lots dépendant d’un immeuble en copropriété, M. Steib et M. Nicco ont, le 3 novembre 1988, exercé, l’un et l’autre, à l’assemblée générale du syndicat secondaire, le droit de vote avec les voix correspondant aux biens indivis, tandis que Mme Steib et Mme Nicco participaient à cette même assemblée avec plus de trois mandats, dépassant chacune la limite de 5 % des voix du syndicat, en comprenant les droits indivis dont elles disposaient dans ce syndicat ; que les époux Marchesseau ont assigné le syndicat secondaire, dont ils sont membres, en nullité de cette assemblée générale ;

 

Attendu que, pour accueillir cette demande, l’arrêt retient que les voix attachées au lot indivis doivent être prises en compte pour chacun des copropriétaires indivis et non pas pour l’un d’eux seulement et que Mmes Steib et Nicco, l’une et l’autre membre du syndicat et ayant reçu chacune plus de trois délégations de vote, n’ont pu voter valablement la limite de 5 % des voix du syndicat ayant été dépassée pour chacune d’elles ;

 

Qu’en statuant ainsi, alors que Mmes Steib et Nicco ne disposaient pas du droit de vote attaché aux lots dont elles étaient indivisément propriétaires avec leurs époux qui avaient, au nom de l’indivision, exercé ce droit à l’assemblée générale, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

 

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

 

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 16 janvier 1992, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris.

 

 

 

commentaires

 

 

Nous sommes ici en présence d’époux co-indivisaires.

La loi impose que l’un d’eux (ou même un tiers) aient été désigné en qualité de mandataire commun. Celui-ci est seul destinataire de la convocation. Il a seul qualité pour participer à l’assemblée, aux débats et aux scrutins. Pour autant, il n’est pas interdit à l’autre époux d’assister à l’assemblée. La pratique est courante.

L’époux mandataire commun peut recevoir par ailleurs des pouvoirs établis par des copropriétaires n’ayant pas eu la possibilité d’être physiquement présents.

L’autre époux peut pareillement recevoir des pouvoirs.

A ce titre, chaque époux peut recevoir trois pouvoirs, quel que soit le nombre des voix attachées à ces pouvoirs.

Comment la limitation légale du nombre des voix détenues par un copropriétaire mandataire (plafond de 5 % des voix y compris celles dont il dispose lui-même) doit-elle jouer ? Telle était la question posée à la Cour de cassation.

 

La Cour d’appel avait jugé «que les voix attachées au lot indivis doivent être prises en compte pour chacun des copropriétaires indivis et non pas pour l’un d’eux seulement».

 

La Cour de cassation juge au contraire «qu’en statuant ainsi, alors que Mmes Steib et Nicco ne disposaient pas du droit de vote attaché aux lots dont elles étaient indivisément propriétaires avec leurs époux qui avaient, au nom de l’indivision, exercé ce droit à l’assemblée générale, la cour d’appel a violé le texte susvisé».

 

C’est donc le droit de disposer des voix attachées au lot indivis qui est déterminant. La solution est en parfaite concordance avec le texte de l’article 22 de la loi qui précise que la condition nécessaire est suffisante pour que le copropriétaire mandataire puisse représenter régulièrement d’autres mandants est que «le total de voix dont il dispose lui-même et de celles de ses mandants n’excède pas 5 % des voix du syndicat».

 

Voici un exemple d’application :

 

Dans une copropriété les parties communes sont réparties en 10 000 / 10 000e.

M. et Mme Dupont, mariés sous le régime de la séparation de biens, sont propriétaires pour 50 % chacun, d’un lot auquel sont attachés 180 / 10 000e. soit 180 voix sur 10 000 en assemblée générale.

Un copropriétaire peut détenir 3 pouvoirs sans limitation du nombre des voix, ou plus si le total de voix dont il dispose lui-même et de celles de ses mandants n’excède pas 5 % des voix du syndicat, soit 500 voix.

 

M. Dupont, mandataire commun de l’indivision, participe à l’assemblée et aux scrutins.

Il peut donc détenir

Soit trois mandats, quel que soit le nombre des voix attachées

Soit quatre mandats, si le nombre des voix attachées à ces mandats n’excède pas 320.

 

Mme Dupont peut détenir :

Soit trois mandats, quel que soit le nombre des voix attachées

Soit six mandats (par exemple) mais le total des voix attachées à ces six mandats

- Ne peut excéder 320 si l’on retient que les voix attachées au lot indivis doivent être prises en compte pour chacun des copropriétaires indivis et non pas pour l’un d’eux seulement (solution de la Cour d’appel).

- Peut atteindre 500 voix si l’on retient qu’elle ne dispose pas du droit de vote attaché au lot dont elle est indivisément propriétaire avec son époux (solution de la Cour de cassation.)

 

L’interprétation de la Cour de cassation peut-elle être étendue au cas des époux communs en biens ? On ne voit pas ce qui pourrait s’y opposer sérieusement.

L’assimilation fréquente de la communauté à une indivision d’un genre particulier est contestée. Mais il est bien certain que la communauté, pas plus que l’indivision, n’est une personne morale. La notion de « couple » est juridiquement inexistante.

 

Nous pensons donc que, dans un cas comme dans l’autre, l’époux ne participant pas aux scrutins peut détenir un nombre a priori indéterminé de pouvoirs dès lors que le total des voix attachées n’excède pas le plafond fixé par l’article 22.

 

 

 

 

 

 

Mise à jour

24/11/2007