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Cassation civile 3e 20 janvier 2010 Cour d’appel de Versailles du 16
avril 2008 N° de pourvoi: 08-16088 Cassation sans renvoi Sur le moyen unique : Vu l’article 809, alinéa 1er, du
code de procédure civile, ensemble l’article 544 du code civil ; Attendu, selon l’arrêt attaqué
(Versailles, 16 avril 2008), statuant en référé, que la société d’HLM France
habitation (la société d’HLM), propriétaire d’un ensemble immobilier, a
assigné en expulsion pour occupation sans droit ni titre M. et Mme X..., M.
et Mme Z..., M. et Mme A..., M. et Mme B..., M. et Mme C..., M. et Mme D...,
M. et Mme E..., M. et Mme F..., M. et Mme G..., M. et Mme H... et M. et Mme
I..., qui s’étaient installés avec leurs enfants sous des tentes dressées sur
l’aire de jeux de l’ensemble immobilier; que l’association Droit au logement
(DAL) et l’Association socio-culturelle et du logement de la Coudraie (ASCLC)
sont intervenues volontairement à l’instance ; Attendu que pour rejeter la
demande et renvoyer les parties à se pourvoir au principal, l’arrêt retient
que les personnes physiques assignées justifient toutes être, du fait de
leurs difficultés de logement, dans une situation précaire et indigne, que si
l’installation de tentes méconnaît, au nom du droit de revendiquer et
d’obtenir un logement décent, le droit de propriété de la société d’HLM, qui
n’a pas donné son accord à l’occupation de son bien, fût-ce une aire de jeux
située dans un ensemble immobilier voué à la démolition, le seul constat de
la méconnaissance du droit d’autrui n’établit pas le trouble manifestement
illicite obligeant le juge des référés à ordonner des mesures pour y mettre
fin, que la société d’HLM ne prouve pas d’atteinte à la sécurité des
personnes ou des biens, que les occupants établissent que leur démarche, qui
avait pour unique but d’atteindre l’objectif reconnu de valeur
constitutionnelle de disposer d’un logement décent, leur a permis de
remporter quelques succès contre l’inertie et l’indifférence, que cette
action s’est accomplie sans violence, ni dégradation quelconque, ni entrave à
la circulation des occupants actuels des appartements de la résidence, que le
droit de revendiquer est le corollaire évident de celui d’exercer sa liberté
d’expression, liberté publique dont le juge judiciaire est le gardien, et
qu’en présence de deux droits dont l’un correspond à l’exercice d’une liberté
publique et en l’absence de violence ou de gêne démontrée établissant le
caractère illicite du trouble occasionné, cette installation nécessairement
temporaire de structures légères et nomades caractérise une méconnaissance du
droit de propriété de la société d’HLM susceptible d’ouvrir droit à
réparation, mais ne relève pas de mesures provisoires destinées à y mettre
fin et qu’il y a lieu de renvoyer la société d’HLM à se pourvoir devant le
juge du fond seul compétent pour opérer un contrôle de proportionnalité entre
les droits respectifs en cause ; Qu’en statuant ainsi, alors
qu’elle constatait une occupation sans droit ni titre d’un immeuble
appartenant à autrui, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences
légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ; Et vu l’article 627, alinéa 1er,
du code de procédure civile ; Attendu que la situation
litigieuse ayant pris fin, il n’y a plus rien à juger ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses
dispositions, l’arrêt rendu le 16 avril 2008, entre les parties, par la cour
d’appel de Versailles ; DIT n’y avoir lieu à renvoi ; Condamne les défendeurs aux dépens
exposés tant devant la Cour de cassation qu’en première instance et en appel
; Vu l’article 700 du code de
procédure civile et l’article 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991,
rejette les demandes ; commentaire La Cour de cassation a été amenée
à prendre position, dans cette affaire, sur la confrontation entre deux
droits fondamentaux et reconnus par la Constitution française : le droit
de propriété et le droit au logement. Les faits sont dramatiquement
simples. Des « sans-logis » s’étaient installés avec leurs enfants sous
des tentes dressées sur l’aire de jeux de l’ensemble immobilier appartenant à
une société HLM, à l’initiative de l’association « Droit au
logement » et d’une association locale. La société HLM a demandé leur
expulsion. La Cour d’appel de Versailles a
rejeté cette demande aux motifs que - le seul constat de la méconnaissance du droit
d’autrui n’établit pas le trouble manifestement illicite obligeant le juge
des référés à ordonner des mesures pour y mettre fin - la société d’HLM ne prouve pas d’atteinte à la
sécurité des personnes ou des biens - les occupants établissent que leur démarche, qui avait pour unique but d’atteindre l’objectif reconnu de valeur constitutionnelle de disposer d’un logement décent, leur a permis de remporter quelques succès contre l’inertie et l’indifférence, que cette action s’est accomplie sans violence, ni dégradation quelconque, ni entrave à la circulation des occupants actuels des appartements de la résidence - le droit de revendiquer est le corollaire
évident de celui d’exercer sa liberté d’expression, liberté publique dont le
juge judiciaire est le gardien - en présence de deux droits dont l’un
correspond à l’exercice d’une liberté publique et en l’absence de violence ou
de gêne démontrée établissant le caractère illicite du trouble occasionné,
cette installation nécessairement temporaire de structures légères et nomades
caractérise une méconnaissance du droit de propriété de la société d’HLM
susceptible d’ouvrir droit à réparation, mais ne relève pas de mesures
provisoires destinées à y mettre fin La Cour de cassation casse l’arrêt
versaillais au visa de l’article 809, alinéa 1er, du code de procédure
civile, ensemble l’article 544 du code civil : « Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle
constatait une occupation sans droit ni titre d’un immeuble appartenant à
autrui, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses
propres constatations, a violé les textes susvisés ; » Force est donc de reconnaître que
le droit au logement gravé dans le marbre de la Constitution n’est qu’un
mirage institutionnel. La collectivité nationale a « botté en
touche » sans traiter efficacement un problème social d’importance
majeure. Ce type critiquable de réaction ne
peut aboutir qu’à des troubles sociaux. L’étude
réalisée par le service de documentation, d'études et du rapport, bureau du
contentieux de la troisième chambre civile de la Cour de cassation et publiée
dans le Bulletin n° 718 du 15 mars 2010 de la Cour de cassation montre que
certaines juridictions du fond ne se rallieront pas facilement à la position
expropriée par les Hauts Conseillers. Les propriétaires n’auront pas
tous les moyens de former un pourvoi en cassation. MOYEN ANNEXE au
présent arrêt Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société HLM France habitation IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt
attaqué d’AVOIR confirmé en toutes ses dispositions l’ordonnance de référé
rendue par le président du Tribunal de grande instance de Versailles le 15
juin 2007 en ce qu’elle avait débouté la société HLM FRANCE HABITATION de ses
demandes et renvoyé celle-ci à se pourvoir au principal ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « les
personnes physiques assignées justifient toutes être, du fait de leurs
difficultés de logement, dans une situation précaire et indigne et qu’il
entre dans l’objet des associations personnes morales de les assister dans
leur quête ; Considérant que les intimés exposent que leur occupation du
terrain appartenant à la société d’HLM appelante leur a permis d’engager des
négociations avec la Préfecture et pour certains occupants d’obtenir un
logement qu’ils attendaient depuis des mois, voire des années ; Considérant
qu’à l’évidence, si l’installation de tentes sur le terrain a été en ce sens
bénéfique, il n’en reste pas moins qu’elle méconnaît, au nom du droit de
revendiquer et d’obtenir un logement décent, le droit de propriété de la
société HLM FRANCE HABITATION qui n’a pas donné son accord à l’occupation de
son bien, fût-ce, une aire de jeux située dans un ensemble immobilier voué à
la démolition ; Que néanmoins, le seul constat de la méconnaissance du droit
d’autrui n’établit pas le trouble manifestement illicite obligeant le juge
des référés à ordonner des mesures pour y mettre fin ; Considérant que la
société FRANCE HABITATION qui ne verse aux débats qu’une seule pièce qu’il y
a lieu d’écarter en raison des liens de dépendance économique dans laquelle
se trouve le directeur du foyer ADEF, auteur de la plainte déposée, ne
rapporte pas la preuve d’atteinte à la sécurité des personnes ou des biens,
Considérant que les intimés établissent, au contraire, que leur démarche qui
avait pour unique but d’atteindre l’objectif reconnu de valeur
constitutionnelle de disposer d’un logement décent, leur a permis de
remporter quelques succès contre l’inertie et l’indifférence et que cette
action s’est accomplie sans violence, ni dégradation quelconque, ni entrave à
la circulation des occupants actuels des appartements de la résidence ;
Considérant que le droit de revendiquer est le corollaire évident au droit
d’avoir et à celui d’exercer sa liberté d’expression, une des libertés
publiques dont le juge judiciaire est le gardien ; Qu’en présence de deux
droits dont l’un correspond à l’exercice d’une liberté publique et en
l’absence de violence ou de gêne démontrée établissant le caractère illicite
du trouble occasionné, cette installation nécessairement temporaire de
structures légères et nomades, caractérise une méconnaissance du droit de
propriété de la société HLM FRANCE HABITATION susceptible d’ouvrir droit à
réparation, mais ne relève pas de mesures provisoires destinées à y mettre
fin ; Qu’il y a lieu de renvoyer la société HLM FRANCE HABITATION à se
pourvoir devant le juge du fond seul compétent pour opérer un contrôle de
proportionnalité entre les droits respectifs en cause ; Que l’ordonnance
entreprise sera confirmée » ; ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU’ « aux
termes de l’article 809 du nouveau Code de procédure civile, le président du
tribunal de grande instance peut toujours, même en présence d’une contestation
sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état
qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire
cesser un trouble manifestement illicite. En l’occurrence, la société FRANCE
HABITATION demande l’expulsion de personnes hébergées sous des tentes
installées sans son autorisation dans une cour de l’ensemble de logements
sociaux du domaine de la Coudraye à Poissy qui lui appartient, en faisant
valoir que cette atteinte à son droit de propriété, à la tranquillité et à la
sécurité des habitants de l’ensemble immobilier qui sont ses locataires et à
l’égard desquels elle engage sa responsabilité de bailleur, lui cause un
trouble manifestement illicite. On comprend, à travers les débats à
l’audience, que l’installation de tentes par les défendeurs au cœur d’un
ensemble de logements sociaux désaffectés pour les deux tiers et voués à la
démolition, constitue une forme d’expression, une manière d’attirer
l’attention sur leur situation au regard du logement. Et selon les pièces
produites, aux débats, Monsieur et Madame F... et leurs deux enfants sont
depuis plusieurs mois hébergés de manière précaire par différents amis –
Monsieur et Madame A..., qui indiquent avoir perdu leur logement à la suite
d’un incendie, justifient de ce que Madame A... et trois de leurs cinq
enfants sont logés en chambre d’hôtel – Madame D... vit depuis huit ans avec
deux enfants également dans une chambre d’hôtel – Monsieur et Madame B... et
leurs neuf enfants, dans trois chambres d’hôtel depuis deux ans. Tous
démontrent être inscrits auprès des services d’attribution de logements
sociaux. La liberté d’expression trouvant sa limite dans le trouble
manifestement excessif qu’elle serait susceptible de causer, la question est
ici de déterminer si l’installation dans les tentes et l’occupation par les
défendeurs de la propriété de la société FRANCE HABITATION crée pour celle-ci
un tel trouble qui justifierait que le juge des référés ordonne les mesures
propres à le faire cesser. Il sera d’abord observé que la preuve de
l’atteinte à la tranquillité et à la sécurité des locataires du domaine de la
Coudraie, qu’invoque la demanderesse, n’est pas rapportée alors au contraire
que les défendeurs produisent les attestations de deux habitantes qui certifient
que le campement installé ne les dérange pas ; au surplus, l’intervention
volontaire de l’ASCLC visant l’article 330 du nouveau Code de procédure
civile, c’est-à-dire destinée à appuyer les prétentions des défendeurs,
conforte cette analyse. S’agissant du trouble apporté par principe au droit
de propriété de la société FRANCE HABITATION par l’occupation, il convient en
effet de mettre en perspective les principes de droit en cause. Il est dans
le débat public que, dans son rapport au premier ministre d’octobre 2006, le
Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées a rappelé que se
loger est un besoin vital, ce pourquoi le droit au logement a été reconnu par
la France comme un droit fondamental par les lois des 22 juin 1982 et 31 mai
1990, et que le Conseil constitutionnel a conféré par une décision du 19
janvier 1995 à ce droit une valeur constitutionnelle ; le rapport constate
que le logement des plus défavorisés se heurte à des obstacles structurels et
que le droit au logement, “certes proclamé… est défini comme un simple
objectif… (qui) n’est pas atteint”. Il est également notoire que Madame
Christine J..., rapporteure de la commission des affaires sociales sur le
projet de loi adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, instituant le
droit au logement opposable, soulignait le 6 février 2007 que, s’il
s’agissait bien dans le projet d’un droit au logement opposable, “il ne
s’agi(ssai)t pas de gérer des pierres et du béton, mais bien évidemment des
hommes, des femmes et des enfants”, se référant en cela à l’action de
l’association Les ENFANTS de DON QUICHOTTE, dont on sait qu’elle avait
contribué à développer le débat public à partir de l’installation de
personnes sous tente le long du Canal Saint-Martin à Paris. D’où le projet de
loi déposé par le ministère de l’emploi, de la cohésion sociale et du
logement, instituant un droit opposable au logement, qui précisait, dans
l’exposé dans ses motifs, que sont concernées les personnes qui se trouvent
dans une situation particulièrement difficile, hébergées temporairement ou
logées dans un taudis ou une habitation insalubre ; la loi a été adoptée le 5
mars 2007. On voit bien, ainsi, que le législateur a érigé le droit au
logement en droit fondamental, qu’il a récemment marqué sa volonté de lui
donner un contenu effectif, qu’il entend à cet égard garantir le droit au
logement des personnes défavorisées ; le juge des référés, juge de
l’évidence, ne saurait dans ses conditions considérer comme acquis que la
protection du droit de propriété prime nécessairement et en toutes
circonstances sur celle du droit au logement. Dès lors, à supposer que
l’installation sous tente au domaine de la Coudraye de personnes par ailleurs
dépourvues de logement dans des conditions décentes, ce qui n’est pas
contesté par la société FRANCE HABITATION, constitue pour celle-ci un
trouble, ce trouble n’apparaît pas manifestement illicite. Les demandes
formées en référé par la société FRANCE HABITATION seront en conséquence
rejetées » ; ALORS QUE l’occupation sans droit
ni titre de la propriété d’autrui constitue un trouble manifestement illicite
justifiant la compétence du juge des référés ; que ni le droit au logement
invoqué par les occupants, dont seul l’État se trouve débiteur, ni la liberté
d’expression, laquelle peut s’exercer hors l’emprise de la propriété des
personnes privées, ni le caractère pacifique ou non gênant de l’occupation,
ne sauraient ôter à ce trouble son caractère manifestement illicite ; qu’en
l’espèce, après avoir reconnu qu’à l’évidence, l’occupation par les intimés
du terrain appartenant à la société HLM FRANCE HABITATION méconnaissait le
droit de propriété de celle-ci, la Cour d’appel a affirmé que seul le juge du
fond était compétent pour opérer un contrôle de proportionnalité entre le
droit de propriété d’une part, le droit au logement et celui de revendiquer
ce dernier sans violence ou gêne démontrée d’autre part ; qu’en se
déterminant ainsi, quand, à elle seule, l’occupation sans droit ni titre de
la propriété d’autrui constituait un trouble manifestement illicite
justifiant la compétence du juge des référés, la Cour d’appel, qui n’a pas
déduit les conséquences légales qui s’évinçaient de ses propres
constatations, a violé l’article 809 du Code de procédure civile, ensemble
l’article 544 du Code civil. |
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