Société civile immobilière

Obligation aux dettes des associés

Condition de vaines poursuites préalables

Liquidation judiciaire de la SCI ;

Déclaration de la créance valant vaines poursuites (oui)

 

Cassation Chambre mixte 18 mai 2007                                                                           Rejet

Cour d’appel d’Agen (1re chambre) 13-10-2004

N° de pourvoi : 05-10413

 

 

Sur le premier moyen :

 

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X... a assigné la société civile immobilière Lalande (la SCI) en paiement d’un solde d’honoraires ; qu’à la suite de la mise en redressement judiciaire de la SCI, le tribunal a arrêté le plan de continuation ; qu’un arrêt irrévocable du 28 juin 2000 ayant fixé la créance de M. X... au passif du redressement judiciaire de la SCI, ce dernier a assigné M. Y..., en sa qualité d’associé de la SCI, en paiement de la dette sociale à proportion des parts détenues par lui ; que le tribunal a prononcé la résolution du plan de la SCI et sa mise en liquidation judiciaire ; qu’un jugement a déclaré irrecevable la demande de M. X..., qui l’a réitérée en soutenant que la mise en liquidation judiciaire de la SCI suffisait à démontrer qu’il avait engagé des poursuites à l’encontre de celle-ci ;

 

 

Attendu que M. Y... fait grief à l’arrêt d’avoir déclaré recevable la demande de M. X..., alors, selon le moyen :

 

1 / qu’aux termes de l’article 1858 du code civil, les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu’après avoir préalablement poursuivi en vain la personne morale ; que la cour d’appel qui, pour déclarer recevable l’action en paiement de la dette de la SCI dirigée contre M. Y..., s’est bornée à relever que l’arrêt du 28 juin 2000 condamnant la SCI au paiement était définitif et que celle-ci faisait l’objet d’une procédure collective mais qui s’est abstenue de rechercher, comme elle y était invitée, si, avant d’assigner en paiement M. Y..., par acte du “16 août 1996”, M. X... avait fait, au préalable, diligenter à l’égard de la SCI des mesures d’exécution qui s’étaient révélées vaines a, en statuant ainsi, privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

 

2 / que, conformément à l’article 1858 du code civil, le créancier d’une société civile déclarée en liquidation judiciaire ne peut poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu’à la condition d’établir que le patrimoine de la société est insuffisant pour le désintéresser ; que la cour d’appel qui, pour déclarer recevable l’action en paiement de la dette de la SCI dirigée contre M. Y..., s’est bornée à relever que la SCI faisait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire et que M. X... était créancier chirographaire mais qui s’est abstenue de rechercher, comme elle y était invitée, si M. X... avait, en vain, poursuivi la SCI et si le patrimoine de celle-ci était insuffisant pour le désintéresser a, en statuant ainsi, privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

 

 

Mais attendu qu’il résulte des dispositions de l’article 1858 du code civil que les créanciers d’une société civile de droit commun ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre les associés, débiteurs subsidiaires du passif social envers les tiers, qu’après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale et que dans le cas où la société est soumise à une procédure de liquidation judiciaire, la déclaration de la créance à la procédure dispense le créancier d’établir que le patrimoine social est insuffisant pour le désintéresser ; que l’action peut être régularisée si la créance a été régulièrement déclarée à la procédure ; qu’ayant relevé que la SCI avait été mise en liquidation judiciaire et dès lors qu’il n’était pas contesté que la créance avait été déclarée à cette procédure, la cour d’appel en a exactement déduit que les vaines poursuites à l’égard de la SCI étaient établies ;

 

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

 

Et attendu que le second moyen ne serait pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;

 

PAR CES MOTIFS :

 

REJETTE le pourvoi ;

 

Condamne M. Y... aux dépens ;

 

Vu l’article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne M. Y... à payer à M. X... la somme de 2 000 euros ; rejette la demande de M. Y... ;

 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en chambre mixte, et prononcé par le président de chambre faisant fonction de premier président, en son audience publique du dix-huit mai deux mille sept.

 

 

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

 

PREMIER MOYEN DE CASSATION

 

Le moyen fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir déclaré M. X... recevable en son action tendant à voir condamner M. Y..., en sa qualité d’associé de la SCI LALANDE, à lui payer 99 % du montant des condamnations prononcées contre elle par arrêt du 28 juin 2000 ;

 

AUX MOTIFS QUE par arrêt du 28 juin 2000, la cour d’appel d’AGEN a condamné la SCI LALANDE à payer à M. X... qui avait effectué des travaux de maîtrise d’œuvre pour son compte la somme de 480 181 F avec intérêts outre la somme de 20 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 15 000 F au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ; que la SCI faisant l’objet d’une procédure collective, les créances n’ont pas été honorées ; que M. X..., se fondant sur les statuts de la SCI aux termes desquels M. Y... détient 99 % des parts et Mme Y... 1 %, les a assignés en paiement ; que l’arrêt du 28 juin 2000 est définitif ; que la SCI a été déclarée en liquidation judiciaire le 6 avril 2001 ; que la créance de M. X... est chirographaire ; que ces éléments sont suffisants pour admettre que les vaines poursuites préalables à l’encontre de la société sont établies et que les dispositions de l’article 1858 du Code civil doivent recevoir application ;

 

1) ALORS QUE aux termes de l’article 1858 du Code civil, les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu’après avoir préalablement poursuivi en vain la personne morale ; que la cour d’appel qui, pour déclarer recevable l’action en paiement de la dette de la SCI LALANDE dirigée contre M. Y..., s’est bornée à relever que l’arrêt du 28 juin 2000 condamnant la SCI au paiement était définitif et que celle-ci faisait l’objet d’une procédure collective mais qui s’est abstenue de rechercher, comme elle y était invitée, si, avant d’assigner en paiement M. Y..., par acte du 16 août 1996, M. X... avait fait, au préalable, diligenter à l’égard de la SCI des mesures d’exécution qui s’étaient révélées vaines a, en statuant ainsi, privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

 

 

2) ALORS QUE, conformément à l’article 1858 du Code civil, le créancier d’une société civile déclarée en liquidation judiciaire ne peut poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu’à la condition d’établir que le patrimoine de la société est insuffisant pour le désintéresser ; que la cour d’appel qui, pour déclarer recevable l’action en paiement de la dette de la SCI LALANDE dirigée contre M. Y..., s’est bornée à relever que la SCI LALANDE faisait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire et que M. X... était créancier chirographaire mais qui s’est abstenue de rechercher, comme elle y était invitée, si M. X... avait, en vain, poursuivi la SCI LALANDE et si le patrimoine de celle-ci était insuffisant pour le désintéresser a, en statuant ainsi, privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé.

 

SECOND MOYEN DE CASSATION

 

Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté la demande formée par M. Y... aux fins de voir condamner M. X... à lui payer la somme de 85 182 euros à titre de dommages-intérêts,

 

AUX MOTIFS QUE dans son appel incident, M. Y... entend voir juger que M. X... était lié par une mission complète de maîtrise d’œuvre, qu’il a volontairement omis de produire l’intégralité des pièces dans la procédure antérieure l’ayant opposé à la SCI LALANDE, qu’il a usé de faux pour tromper les juridictions, que ces fautes lui ont causé un préjudice qui doit être réparé par des dommages-intérêts d’un montant équivalent aux sommes dues ou de la somme de 85 182 euros ; que cette demande reconventionnelle s’analyse en une remise en cause des décisions déjà rendues et revêtues de l’autorité de la chose jugée ; que M. Y... ne peut reprendre, dans le cadre de la présente procédure, une contestation déjà tranchée autrement que par tierce opposition ; qu’il appartiendra éventuellement à la SCI ou à son liquidateur d’agir, en cas de révélation de faits nouveaux, en révision ou devant les juridictions répressives ;

 

ALORS QUE l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement et il faut notamment que la demande oppose les mêmes parties et soit formée par elles et contre elles en cette même qualité ; qu’en opposant, à la demande de M. Y... tendant à voir réparer le préjudice résultant pour lui de l’action en paiement de la dette de la SCI LALANDE, l’autorité de la chose jugée attachée à la décision judiciaire fixant la dette de la SCI à l’issue d’une instance à laquelle il n’avait pas été partie et qui n’avait pas le même objet, la cour d’appel a violé l’article 1351 du Code civil.

 

 

commentaires

 

L’article 1858 du Code civil énonce : « Les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu'après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale. »

 

L’arrêt ci dessus met un terme à la controverse générée par la question suivante :

Dupont est créancier d’une société civile immobilière (SCI)

N’ayant pu obtenir le paiement de sa créance, il peut agir en paiement contre les associés.

Mais aux termes de l’article 1858 du Code civil, les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu’après avoir préalablement poursuivi en vain la personne morale ;

Que se passe-t-il lorsque la SCI est mise en liquidation judiciaire ?

Il a été juge que, toujours conformément à l’article 1858 du Code civil, le créancier d’une société civile déclarée en liquidation judiciaire ne peut poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu’à la condition d’établir que le patrimoine de la société est insuffisant pour le désintéresser ;

Il lui faut donc patienter, parfois pendant de longues années, pour pouvoir soit obtenir paiement de sa créance dans le cadre de la liquidation judiciaire (hypothèse rare), soit poursuivre les associés.

 

En l’espèce, la Chambre mixte juge « qu’il résulte [aussi] des dispositions de l’article 1858 du code civil  dans le cas où la société est soumise à une procédure de liquidation judiciaire, la déclaration de la créance à la procédure dispense le créancier d’établir que le patrimoine social est insuffisant pour le désintéresser ; que l’action peut être régularisée si la créance a été régulièrement déclarée à la procédure »

 

Après relecture de l’article 1858, on admet que la Chambre mixte met à la disposition des créanciers une solution pratique qui est dans le vent de la révolution du droit des procédures collectives. Il s’agit bien de protéger les créanciers. La solution est d’autant plus judicieuse que, dans ce cas particulier, les salariés ne sont pas lésés. Ce sont au contraire les associés de la SCI qui devront assumer leurs obligations élémentaires.

 

L’arrêt présente donc un grand intérêt pour les syndicats de copropriétaires. Mais les syndics devront assurer «  la veille aux SCI » avec une grande diligence. Une seule solution efficace : l’inscription de l’hypothèque du syndicat. C’est le seul moyen assurant l’information du syndic en cas de « faillite » de la SCI.

Étant informés de l’ouverture d’une procédure collective, ils devront déclarer immédiatement la créance du syndicat et formuler, à toutes fins utiles, de réserves pour les provisions et charges ultérieures.

Ceci étant fait, ils pourront poursuivre les associés.

 

Attention : il s’agit ici du cas des sociétés civiles immobilières classiques, dites encore « familiales ». Dans le cas des sociétés d’attribution, c’est l’associé ayant vocation à l’attribution du lot supportant les charges qui doit être poursuivi.

 

Note JPM 18/08/2007

Une extension de cette bienveillante assimilation serait à notre concevable au profit de la mise en œuvre du privilège spécial du syndicat des copropriétaires. Il serait souhaitable que la déclaration de la créance entraînât également la mise en œuvre du privilège spécial.

Par son arrêt du 15/02/2006, la Cour de cassation a rappelé qu’en l’état des textes la créance de charges du syndicat demeure jusqu’à la vente effective une créance chirographaire, figurant comme telle dans l’état des créances en cas de liquidation judiciaire du copropriétaire débiteur.

Or la détermination des exercices dont les charges bénéficient du privilège est effectuée par référence à la date effective de la mutation. La tardiveté de celle-ci préjudicie donc au syndicat.

Voir sur cette suggestion nos observations sous Cass 15-02-2006-2 .

 

 

 

 

 

 

 

Mise à jour

19/08/2007