00043608

 

CHARTE

 

Ne sont autorisées que
 1) les reproductions et copies réservées à l’usage privé, non commercial du copiste à l’exclusion de toute utilisation collective

2) les analyses et courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration

3) l’insertion d’extraits dans un ouvrage de formation

associées, pour 2) et 3) à la citation du site

 

 

 

 

 

Lettre recommandée avec demande d’avis de réception

Vol du pli contenant une carte bancaire

Prélèvements effectués par le voleur au moyen de la carte

Limitation du préjudice réparable au forfait réglementaire (oui)

 

 

Cassation  civile 1e 18 février 2009

Décision attaquée : Cour d’appel de Bordeaux du 18 décembre 2007

N° de pourvoi: 08-12855

Cassation

 

 

 

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

 

Vu l’article L. 8 du code des postes et télécommunications modifié par la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

Attendu que la Caisse du crédit mutuel de Chabanais (la caisse) a adressé, le 17 mars 2003, par lettre recommandée avec avis de réception une carte bancaire à un client auquel elle n’est jamais parvenue ; que celle-ci ayant servi à effectuer des retraits frauduleux pour 4 336,64 euros, la caisse, après avoir indemnisé ce dernier, a sollicité de La Poste le remboursement des sommes versées à ce titre ; que celle-ci n’ayant offert que la somme de 8 euros, forfait prévu par la réglementation eu égard au taux de recommandation le plus bas choisi en l’espèce par la caisse, celle-ci l’a assignée en justice en réparation de son préjudice ;

 

Attendu que la perte, la détérioration, la spoliation des objets recommandés donnent droit, sauf le cas de force majeure, soit au profit de l’expéditeur, soit, à défaut ou sur la demande de celui-ci, au profit du destinataire, à une indemnité dont le montant est fixé par décret ;

 

Attendu que, pour condamner La Poste à payer à la caisse la somme de 4 336,34 euros, l’arrêt retient que les règles d’indemnisation fixées par le code des postes et télécommunications sont censées assurer la réparation forfaitaire du coût de l’objet lui-même et non des conséquences d’une utilisation dommageable de cet objet ; que la demande ne tend pas à obtenir le remboursement de la carte perdue dépourvue en elle-même de valeur marchande mais la réparation du dommage à elle causé par les retraits d’argent auxquels l’utilisation frauduleuse de la carte a permis de procéder ;

 

Qu’en statuant ainsi, alors que l’indemnisation forfaitaire prévue par la réglementation répare l’entier préjudice subi, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

 

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 18 décembre 2007, entre les parties, par la cour d’appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Bordeaux, autrement composée ;

 

Condamne la Caisse du crédit mutuel de Chabanais aux dépens ;

 

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

 

 

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

 

 

Moyen produit par la SCP Defrenois et Levis, avocat aux Conseils pour La Poste.

 

Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’AVOIR condamné La Poste à payer à la société Crédit mutuel de Chabanais les sommes de 4.336,34 euros et de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

 

AUX MOTIFS PROPRES QUE l’obligation de délivrance du courrier est assimilable à une obligation de résultat dont La Poste ne peut s’exonérer que par la preuve de la force majeure ; que, contrairement à ce que soutient La Poste, le régime de responsabilité auquel elle est soumise est bien celui de la responsabilité contractuelle de droit commun, le régime dérogatoire qu’elle invoque se rapportant au mode de réparation régi par le code des PTT et aux limitations d’indemnisation qu’il prévoit ;

qu’en l’espèce, il est constant que la carte bancaire que la Caisse du crédit mutuel de Chabanais a adressée à son client, M. X..., sous pli recommandé avec accusé de réception, n’est jamais parvenue à son destinataire, et qu’elle a été utilisée frauduleusement par un tiers non identifié qui s’en est servi pour régler différents achats sur le territoire belge ; que force est de constater que La Poste ne rapporte pas la preuve d’un événement de force majeure susceptible de l’exonérer de la responsabilité qu’elle encourt pour manquement à son obligation d’avoir délivré le pli contenant la carte bancaire ; que le fait pour la Caisse du crédit mutuel de Chabanais d’avoir eu recours à la transmission par voie postale de préférence à une remise directe de la carte entre les mains de son client n’est pas critiquable dès lors que l’agence qui a délivré la carte se trouvait en Charente et que M. X... résidait à Toulouse, ce qui ne permettait décemment pas à la banque de lui demander de passer à ses guichets pour la récupérer, et ne lui laissait d’autre solution que l’envoi en la forme recommandée censée garantir a priori un acheminement sans risque de l’objet entre les mains du destinataire ;

que l’attitude de la banque, qui ne peut être considérée comme fautive dans de telles circonstances, ne peut a fortiori être assimilée à la force majeure exonératoire ; qu’au demeurant, La Poste a admis implicitement sa responsabilité en proposant à la Caisse du crédit mutuel de Chabanais un dédommagement selon les barèmes du code des postes et télécommunication ; qu’il convient dans ces conditions de confirmer le jugement frappé d’appel en ce qu’il a retenu la responsabilité de La Poste ;

que sur le préjudice, pour s’opposer à la demande de la Caisse du crédit mutuel de Chabanais qui sollicite le remboursement des détournements opérés au moyen de la carte bleue, La Poste se prévaut des dispositions de l’article 8 du code des PTT qui prévoient, s’agissant des objets recommandés, que leur perte donne droit, sauf cas de force majeure, au profit de l’expéditeur, à une indemnité dont le montant est fixé par décret, soit en l’espèce une indemnité de 8 euros en fonction du mode d’expédition choisi par la Caisse du crédit mutuel de Chabanais ; mais qu’il convient de relever que les règles d’indemnisation fixées par le code des PTT sont censées assurer la réparation forfaitaire du coût de l’objet lui-même, et non des conséquences d’une utilisation dommageable de cet objet ; qu’en l’espèce, la demande de la Caisse du crédit mutuel de Chabanais ne tend pas à obtenir le remboursement de la carte perdue, dépourvue en elle-même de valeur marchande, mais la réparation du dommage à elle causé par les retraits d’argent auxquels l’utilisation frauduleuse de la carte a permis de procéder ;

qu’or le retrait de ces fonds est en relation de causalité directe avec le manquement de La Poste à son obligation contractuelle de résultat de délivrer la carte à son destinataire ; qu’il en résulte que la Caisse du crédit mutuel de Chabanais est fondée à lui réclamer le remboursement du montant des détournements opérés, qui n’entrent pas dans les prévisions de limitation d’indemnisation, applicables aux seuls objets envoyés en recommandé, envisagées par le code des PTT ;

 

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU’il résulte de l’examen des faits qu’il doit être tenu pour acquis que La Poste s’est bien retrouvée gardienne du pli litigieux, que ce pli n’a pas été remis à son destinataire et qu’aucune trace de l’envoi n’a pu être retrouvée ; que les correspondances adressées par La Poste, notamment les 14 et 24 avril 2003 sont sans équivoque puisque La Poste y indique très clairement avoir été en possession de cette lettre et entreprendre les recherches nécessaires pour déterminer les causes exactes du dysfonctionnement ; qu’il convient de noter que dans sa lettre du 24 avril 2003, La Poste indiquait au crédit mutuel « que son envoi avait été assuré » ; qu’il est donc établi que La Poste avait le document litigieux sous sa garde dans le but précis de l’acheminer vers son destinataire, que la carte bleue a été volée puis utilisée frauduleusement ; que force est cependant de constater qu’en l’espèce cette assurance est dépourvue de toute réalité puisque, justement l’envoi n’a été nullement « assuré » n’étant jamais parvenu à son destinataire ; qu’il convient de faire application des articles 1147 du code civil, 8 et 9 du code des Postes et Télécommunications (…) ; qu’en l’espèce la circonstance du vol est établie, en tout cas reconnue par La Poste du fait de l’utilisation frauduleuse de la carte de crédit postérieurement à sa remise à La Poste ; qu’en vertu de l’article 9, La Poste, qui dispose d’un monopole en la matière, s’est vue confier une lettre aux fins d’acheminement à un destinataire précis ; que cet acheminement devait, selon les propres termes de La Poste, - et conformément d’ailleurs à l’article 9 - être « assuré » ; que cela n’a pas été le cas puisqu’il est établi que La Poste n’a jamais été « déchargée » de cette lettre par remise à son destinataire ; qu’en conséquence, et toujours en application de l’article 9, La Poste est responsable de la lettre et par voie de conséquence de l’utilisation qui en est faite, entre le moment où la lettre recommandée lui est confiée et le moment où elle est déchargée de son obligation de résultat par la remise de la lettre à son destinataire ; qu’il résulte donc de l’ensemble des dispositions applicables, que La Poste a engagé sa responsabilité contractuelle à l’égard de la SA crédit mutuel puisqu’elle a failli à son obligation de résultat ;

 

 

ALORS, D’UNE PART, QU’il résulte de l’article 8 du code des postes et des télécommunications que la perte ou le vol d’une lettre recommandée donne droit à une indemnité dont le montant est fixé par décret ; qu’en condamnant La Poste à réparer l’entier préjudice consécutif à la perte ou vol d’un courrier recommandé, la cour d’appel a violé l’article susvisé ;

 

ALORS, D’AUTRE PART, QUE nul ne peut voir sa responsabilité engagée en l’absence d’un lien de causalité directe entre la faute commise et le dommage subi ; qu’en condamnant La Poste à réparer le dommage résultant non pas du défaut l’acheminement du courrier mais de l’utilisation frauduleuse par un tiers de la carte bancaire qui avait été adressée par lettre recommandée, la cour d’appel a violé l’article 1151 du code civil ;

 

ALORS, DE TROISIEME PART, QU’en matière contractuelle, seul le dommage prévisible est réparable ; qu’en condamnant La Poste à réparer le dommage résultant de l’utilisation frauduleuse par un tiers de la carte bancaire que l’établissement bancaire avait adressée à son client par pli recommandé, quand La Poste ignorait le contenu du pli, la cour d’appel a accordé la réparation d’un dommage imprévisible et violé l’article 1150 du code civil.

 

 

 

Commentaires :

 

L’article L 8 du code des postes et télécommunications (présentement code des postes et des communications électroniques), issu de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 rédigé est ainsi conçu:

« La perte, la détérioration, la spoliation des objets recommandés donnent droit, sauf le cas de force majeure, soit au profit de l'expéditeur, soit, à défaut ou sur la demande de celui-ci, au profit du destinataire, à une indemnité dont le montant est fixé par décret ».

S'agissant d'une lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR), la réglementation prévoit une réparation forfaitaire dont le montant s'élève à 8 €.

En l’espèce, la banque avait adressé à son client une carte bancaire. Le pli a été volé au cours de son acheminement. Le voleur est parvenu à effectuer des retraits pour un montant supérieur à 4 000 €. Il faut supposer qu’il a pu se procurer également le code d’utilisation de la carte ou qu’il a utilisé une technique quelconque de contournement des dispositifs de sécurité.

La Cour d’appel a distingué deux préjudices différents :

- la perte de la carte, couverte par le forfait de 8 €

- les retraits irréguliers, dont le remboursement a été imposé par l’arrêt d’appel

 

La Cour de cassation n’a pas admis cette tentative de contournement du texte de l’article 8. Elle a jugé « qu’en statuant ainsi, alors que l’indemnisation forfaitaire prévue par la réglementation répare l’entier préjudice subi, la cour d’appel a violé le texte susvisé ; »

 

La solution est conforme aux principes du droit de la responsabilité qui limitent la réparation au seul préjudice direct. Or il est difficile en l’espèce d’intégrer les prélèvements dans le préjudice direct, bien que le vol ait permis leur réalisation.

 

La solution n’est différente qu’en présence d’une faute lourde de La Poste. Nous avons déjà reproduit l’arrêt de la 1e Chambre de la Cour de cassation du 19 septembre 2007 (voir l’arrêt)

Dans cette affaire, répondant à un appel d’offres, une entreprise de travaux publics routiers, avait  adressé à une commune un pli en recommandé avec demande d’avis de réception. Ce pli était parvenu au centre de distribution le 13 novembre 2000, date limite fixée par le maire pour la réception des offres mais n’avait été remis que le 15 novembre 2000, soit hors délai et, de plus, sans mention de la date de première présentation.

L’entreprise ayant demandé réparation de son préjudice, la Cour d’appel n’avait retenu qu’une simple négligence du préposé.

La Cour de cassation n’a pas admis cette appréciation, jugeant sévèrement « qu’en statuant ainsi, alors qu’en omettant d’indiquer sur l’envoi la date de première présentation, l’agent de La Poste, qui a ainsi enfreint la procédure applicable à la distribution des plis recommandés, a, par son comportement, caractérisé l’inaptitude de La Poste à l’accomplissement de sa mission, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».

 

On peut citer encore, sur la responsabilité du service postal,  l’arrêt de l'Assemblée plénière du 30 juin 1998, D. 1999. Somm. 262, obs. Mazeaud ; RTD civ. 1999. 119, obs. Jourdain ; JCP 1998. II. 10146, note Delebecque ;

 

Notons que la nouvelle rédaction de l'article L. 8 précité résulte de la loi n° 2005-516 du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales en son art. 2.

 

Pour les syndicats de copropriétaires, les problèmes de responsabilité des services postaux sont liés à la délivrance des notifications et notamment des convocations en assemblée générale. La délivrance irrégulière d’une seule convocation peut entraîner l’annulation de l’assemblée avec, dans certains cas, de lourdes conséquences financières.

 

 

 

 

 

Mise à jour

05/03/2009