ASSURANCE DOMMAGE OUVRAGE

REFUS DE COUVERTURE TARDIF ET FAUTIF DE  L’ASSUREUR

INDEMNISATION DU PRÉJUDICE COMMERCIAL

DEMANDE EN VERTU DE L’ART. L 242-1 Code Ass.  MAL FONDÉE

NÉCESSITÉ D’UNE ACTION EN RESPONSABILITÉ DÉLICTUELLE

 

 

Cassation civile 1e    17 juillet 2001                                   Cassation partielle.

 

N° de pourvoi : 98-21913

Décision attaquée :Cour d’appel d’Amiens, 1998-06-30

 

 

Attendu que, en 1988, la Société de construction Décorum (Décorum), locataire, en vertu d’un contrat de crédit-bail, d’un bâtiment à usage commercial appartenant à la société Bail investissement, a fait procéder par une société ACMM à des travaux de transformation de la façade du bâtiment consistant en un bardage décoratif masquant la toiture ; qu’à cette occasion, elle a souscrit un contrat d’assurance dommages-ouvrage auprès de la compagnie Albingia ; que, le 25 janvier 1990, une partie du bardage s’est effondrée entraînant la chute de certains éléments de toiture et de maçonnerie et provoquant divers autres dommages ; que la société Décorum a déclaré le sinistre à son assureur le 26 janvier 1990 ; que faute de réponse de celui-ci, elle a financé elle-même les travaux de remise en état qui ont été exécutés en mai 1991 ; que, par la suite, la société Décorum a été remboursée par le responsable du sinistre et son assureur et indemnisée de son préjudice commercial pour la période de février à août 1990 ; que, par une lettre du 22 décembre 1992, la compagnie Albingia l’a ultérieurement informée qu’elle refusait de la garantir ; que, par assignation du 28 octobre 1994, la société Décorum a demandé à cet assureur le paiement de diverses sommes ;

 

Sur le premier moyen :

 

Attendu que la compagnie Albingia fait grief à l’arrêt de l’avoir condamnée à payer à la société Décorum une somme de 120 000 francs, à titre de dommages-intérêts, alors que, en attribuant, pour décider ainsi, le droit de réclamer l’indemnité d’assurance à un simple preneur de l’ouvrage endommagé, après avoir relevé les circonstances inopérantes que le crédit-bailleur ne revendiquait aucun droit sur cette indemnité et que le preneur avait financé les travaux en vue de la conservation de la chose louée, l’arrêt attaqué aurait violé l’article L. 242-1 du Code des assurances ;

 

Mais attendu que c’est à bon droit que la cour d’appel, après avoir relevé que la société Décorum avait souscrit l’assurance dommages-ouvrage et l’intérêt qu’elle avait à le faire, a décidé que cette société avait la qualité d’assuré et qu’elle avait droit à l’indemnité due en vertu du contrat d’assurance dès lors qu’elle avait financé les travaux de remise en état et que le crédit-bailleur ne revendiquait aucun droit sur cette indemnité ; que le moyen n’est donc pas fondé ;

 

Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches : (Publication sans intérêt) ;

 

Mais, sur le troisième moyen :

 

Vu l’article L. 242-1 du Code des assurances ;

 

Attendu que, pour condamner la compagnie Albingia au paiement d’une somme de 120 000 francs à titre de dommages-intérêts, l’arrêt énonce que l’assuré devait être indemnisé d’une partie des pertes d’exploitation qu’il avait subies compte tenu de la carence de la société d’assurance qui aurait dû financer les travaux dans les délais prévus tant par la loi que par la police d’assurance ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi alors que l’article L. 242-1 du Code des assurances, qui oblige l’assureur dommages-ouvrage à prendre position sur la demande de garantie qui lui est adressée par son assuré dans des délais déterminés, fixe limitativement les sanctions applicables aux manquements de l’assureur à ces obligations, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

 

PAR CES MOTIFS :

 

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a condamné la compagnie Albingia à payer à la Société de construction Décorum la somme de 120 000 francs à titre de dommages-intérêts, l’arrêt rendu le 30 juin 1998, entre les parties, par la cour d’appel d’Amiens ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Rouen.

 

 

COMMENTAIRE /

 

L’arrêt relaté peut constituer un excellent thème de travaux pratiques pour les étudiants en droit.

Un maître d’ouvrage a souscrit une police d’assurance dommage ouvrage.

L’ouvrage ayant subi un sinistre, le maître d’ouvrage fait une déclaration à son assureur qui laisse la déclaration sans réponse. Le maître d’ouvrage, pressé d’en terminer, assure le financement des travaux de remise en état et assigne ensuite l’assureur pour obtenir

·        d’une part le remboursement du coût des travaux

·        d’autre part une indemnité distincte pour réparer le préjudice commercial qu’il a subi du fait du retard apporté à la mise en route des travaux du fait de son silence fautif.

Les deux demandes sont fondées sur l’article L 242-1 du Code des assurances. Ce texte comporte une sanction : «  Lorsque l'assureur ne respecte pas l'un des délais prévus aux deux alinéas ci-dessus ou propose une offre d'indemnité manifestement insuffisante, l'assuré peut, après l'avoir notifié à l'assureur, engager les dépenses nécessaires à la réparation des dommages. L'indemnité versée par l'assureur est alors majorée de plein droit d'un intérêt égal au double du taux de l'intérêt légal. ». Elle reste dans le cadre strict de l’assurance dommage ouvrage.

 

La Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel d’Amiens qui avait accordé au maître d’ouvrage une indemnité de 120 000 francs au titre du préjudice commercial.

 

La solution s’imposait.

Sur le fondement de l’article L 242-1, qui est d’ordre public, l’assureur ne pouvait être condamné qu’à l’exécution du contrat, c’est à dire le paiement des l’indemnité, assorti, le cas échéant, de la sanction spécifique.

La cause du préjudice commercial est une faute délictuelle dans la gestion du dossier. La demande de réparation de ce préjudice distinct devait  être fondée sur l’article 1382 du Code civil.

 

 

 

 

 

Mise à jour

12/09/2006