043608

 

 

Obligation de conseil du syndic

Projet de résolution présenté à l’assemblée

Activité nouvelle prohibée par le règlement de copropriété

Obligation de signaler le risque d’annulation de la décision (oui)

Omission ; faute du syndic (oui)

 

 

 

Cassation civile 3e  17 janvier 2006   Rejet

Cour d’appel de Paris (19e chambre, section A) du 22 septembre 2004

N° de pourvoi: 04-20414

 

 

 

Joint les pourvois n° X 04-20.414 et n° M 04-20.427 ;

 

Sur le moyen unique du pourvoi n° M 04-20.427, ci-après annexé :

 

Attendu qu’ayant relevé que le trouble de droit que constituait la demande de M. X... trouvait sa cause exclusive dans l’exercice par la société locataire d’une activité nouvelle prohibée par le règlement de copropriété alors que le bail faisait l’obligation expresse au locataire d’en respecter les clauses et que les articles de ce règlement relatifs aux droits et obligations des copropriétaires sur les parties privatives figuraient au bail sous le titre “conditions particulières”, la cour d’appel, après examen des pièces produites, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

 

 

Sur le premier moyen du pourvoi n° X 04-20.414, ci-après annexé :

Attendu, d’une part, que le pourvoi de la société Oldis étant rejeté, le moyen est devenu pour partie sans portée ;

 

Attendu, d’autre part, qu’ayant relevé que si le syndic, la société NNN, s’était montré diligent dans l’instruction technique du projet, en revanche, en sa qualité de professionnel de la gestion immobilière, il était à même de se convaincre, à l’examen des clauses du règlement de copropriété sur la destination de l’immeuble, du caractère discutable de la conformité de l’activité projetée à ce document et que tenu d’un devoir de conseil, il lui appartenait d’ informer l’assemblée de cette difficulté créant un risque réel d’annulation, ce dont il s’était abstenu cette abstention ayant été déterminante dans l’adoption de la décision contestée, la cour d’appel a légalement justifié sa décision de chef en retenant que M. X... démontrait la faute du syndic et un préjudice en relation directe avec cette faute ;

 

Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi X 04-20.414 qui ne serait pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;

 

PAR CES MOTIFS :

 

REJETTE le pourvoi ;

 

Condamne, ensemble, la société NNN, ès qualités, le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble Rond Point Mirabeau et la société Oldis aux dépens des pourvois ;

 

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne, ensemble, la société NNN, ès qualités, le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble Rond Point Mirebeau et la société Oldis à payer à M. X... la somme de 2 000 euros et aux consorts Y... la somme de 2 000 euros ;

 

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette toutes les autres demandes de ce chef ;

 

 

 

 

Commentaires :

 

L’arrêt relaté présente un cas patent de manquement du syndic à son obligation de conseil.

Il rejette le pourvoi en cassation contre l’arrêt rendu le 22 septembre 2004 par la 19e chambre de la Cour d’appel de Paris. Nous reproduisons ci dessous nos commentaires à propos de cet arrêt. Il n’y a rien à ajouter dès lors que la Cour de cassation approuve la position de la Cour d’appel.

 

 

CA Paris 19e chambre 22 septembre 2004

Syndicat immeuble Rond Point Mirabeau  c/ L…

Loyers et copropriété Mars 2005 n° 58 et 59

 

L’arrêt rendu par la 19e chambre de la Cour d’appel de Paris le 22 septembre 2004 nous présente un cas pratique inhabituel.

Le règlement de copropriété d’un immeuble interdit les activités commerciales susceptibles de gêner les habitants de l’immeuble en occasionnant des odeurs.

L’assemblée générale a été saisie d’une demande d’autorisation pour l’installation par une société locataire d’un restaurant rapide avec friteuse et rôtissoire. Elle a répondu favorablement à la demande formulée, après avoir pris connaissance du rapport de l’architecte de la copropriété mentionnant notamment l’installation d’un extracteur de fumée permettant, selon les termes de l’arrêt, de réduire au maximum[1] la propagation d’odeurs éventuelles, et non à la rendre impossible.

Le voisin supérieur demande l’annulation de la décision de l’assemblée en se fondant sur la rédaction de la clause du règlement de copropriété faisant référence aux « activités commerciales susceptibles de gêner… ». Selon le demandeur, le terme « susceptibles » devait conduire l’assemblée à écarter a priori la demande présentée. Il établit, après ouverture du restaurant rapide, que son lot est affecté par des odeurs de cuisine. C’est un premier aspect original de l’affaire puisqu’il est généralement jugé que les effets d’une clause relative aux gênes d’une activité commerciale ne peuvent être appréciés qu’après constatation d’une gêne effective.

Une seconde originalité est que la société locataire demande que soit retenue la responsabilité du syndicat des copropriétaires pour le cas où l’autorisation serait annulée. Le syndicat aurait commis alors une faute en donnant une autorisation alors qu’il devait savoir être dans l’impossibilité juridique de la donner !

Une troisième enfin est que la responsabilité du syndic lui-même est mise en cause pour n’avoir pas éclairé correctement les copropriétaires. En vertu de son obligation de conseil, il aurait dû indiquer qu’ils ne devaient pas voter en faveur de l’autorisation compte tenu de la rédaction de la clause.

 

La Cour juge que l’autorisation a été donnée en contravention avec les dispositions du règlement de copropriété.

Elle juge qu’en donnant l’autorisation le syndicat a causé préjudice à la société locataire en la conduisant à engager de bonne foi des frais de transformation des locaux et d’achat de matériel qu’elle ne pourra plus amortir par les recettes générées par l’activité de restauration rapide qu’elle doit cesser.

Elle juge enfin que le syndic était à même « de se convaincre, à l’examen des clauses du règlement de copropriété sur la destination de l’immeuble du caractère douteux, discutable, de la conformité de la nouvelle activité de la société au document contractuel précité. Tenu d’un devoir de conseil il lui appartenait d’informer l’assemblée de cette difficulté créant un risque réel d’annulation d’une décision autorisant l’activité de restauration rapide, ce dont il s’est abstenu. »

 

Il est certain qu’en interdisant les activités commerciales susceptibles de gêner les habitants de l’immeuble en occasionnant des odeurs, le règlement de copropriété permet et même commande d’écarter a priori tout projet comportant ce risque. C’est une lecture conforme à l’esprit de la clause (prévention des troubles à la bonne jouissance) comme à sa lettre, même si, en l’espèce, l’utilisation du terme « susceptible » est malheureuse.

L’emploi de « susceptible de » au sens de « pouvant » relève du parler commun et ne peut être suivi, dans ce cas, que d’une forme passive. En l’espèce la forme est active (susceptible de gêner). Mais on ne peut pas se méprendre sur l’intention du rédacteur de la clause.

Il suffisait donc de constater que la présence d’une friteuse et d’une rôtissoire comporte intrinsèquement un risque de diffusion d’odeurs gênantes pour conseiller à la société demanderesse de ne pas persévérer.

Pourtant la Cour semble prendre en considération la possibilité technique d’éviter ce risque. Elle retient finalement à charge du syndicat de s’être contenté d’une simple réduction du risque et d’avoir admis « contre la lettre et l’esprit de l’article 2 [du règlement de copropriété] » que la nouvelle activité qu’elle autorisait puisse causer des nuisances résiduelles aux habitants de l’immeuble. C’est cette résignation qui est fautive.

 

On constate alors que c’est l’objectivité de l’étude technique qui est la source des malheurs du syndicat. L’arrêt reconnaît que «  le syndic s’est montré diligent dans l’instruction technique du projet de la société qu’il a soumis pour étude et avis à l’architecte de la copropriété ». Les études de ce genre sont souvent sommaires. Elles mentionnent péremptoirement que les installations proposées apporteront calme et confort au voisinage. Les juges valident alors des décisions d’autorisation. Parfois même ils annulent un refus d’autorisation, en faisant remarquer qu’est ainsi sauvegardée une liberté primordiale : celle du commerce. Il faut alors attendre les premières gênes pour demander que soit ordonnée la cessation d’activité.

 

La tâche du syndic n’est guère aisée dans ce genre de situation. S’il prend l’initiative de décourager un candidat locataire, c’est le propriétaire du lot, tout heureux d’avoir trouvé un bon preneur, qui va lui reprocher de donner un avis non sollicité ! La position du syndic est plus difficile encore lorsqu’il contribue personnellement à l’instruction technique par le truchement de collaborateurs qualifiés. On peut faire la même observation au sujet d’un avis juridique éventuel s’il est établi par un autre collaborateur tout aussi qualifié.

 

Que dire enfin de l’indemnisation accordée à la société locataire ? L’arrêt ne fait pas mention du copropriétaire bailleur. C’est lui qui a demandé l’inscription de la demande d’autorisation à l’ordre du jour de l’assemblée. Ne devait-il pas, de son côté, vérifier sa conformité aux dispositions du règlement de copropriété, veiller à l’établissement de l’étude technique et s’assurer de la totale efficacité de l’installation d’extraction des fumées ?

La société locataire n’avait-elle pas les mêmes obligations, dès lors qu’elle ne pouvait ignorer l’opposabilité à son égard des dispositions du règlement ?

Si l’on peut admettre une maladresse du syndic, il semble qu’un partage de responsabilité  aurait été équitable dans de telles circonstances. On veut espérer que la couverture vraisemblable du dommage par l’assurance de responsabilité civile professionnelle du syndic n’a pas conduit les juges à lui imputer la totalité des torts.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mise à jour

08/06/2008

 

 

 



[1] Nous aurions écrit réduire au minimum.