043608

 

 

 

Action en nullité de toutes les décisions de l’assemblée

Irrégularité ou omission de la convocation d’un copropriétaire

Action en nullité d’un copropriétaire autre que la victime

Accueil favorable de cette action (non)

 

 

 

Cassation civile 3 14 novembre 2007                                                                    Rejet

Formation plénière de chambre

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims du 3 avril 2006

N° de pourvoi : 06-16392

 

 

 

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 3 avril 2006), que la société civile immobilière Jean-Paul (la SCI) a acquis des lots dans un immeuble en copropriété ; que l'assemblée générale du 8 septembre 2003 ayant mandaté le syndic pour engager toute action pour dénoncer les travaux entrepris dans ces lots sans autorisation par la SCI, le syndicat des copropriétaires du 5 rue Salin à Reims (le syndicat) l'a assignée en référé pour lui voir interdire la poursuite des travaux et faire remettre les lieux en leur état initial ; que la SCI a assigné à jour fixe le syndicat en annulation de l'assemblée du 8 septembre 2003 ;

 

Sur le premier moyen :

 

Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de déclarer valable la convocation à l'assemblée générale du 8 septembre 2003 et de rejeter sa demande, alors selon le moyen, que le délai que font courir les notifications du décret du 17 mars 1967 a pour point de départ le lendemain du jour de la première représentation de la lettre recommandée au domicile du destinataire ; qu'en retenant cependant que le point de départ du délai de convocation devait être fixé au 25 août 2003, alors qu'elle avait tantôt constaté qu'un copropriétaire avait "été convoqué par la lettre recommandée avec accusé de réception en date du 25 août 2003", et que cette lettre recommandée avait été signée par son destinataire à cette même date, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 63 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 en sa rédaction applicable en la cause, antérieure au décret n° 2004-479 du 27 mai 2004 ;

 

Mais attendu que seul le copropriétaire non convoqué ou irrégulièrement convoqué pouvant se prévaloir de l'absence ou de l'irrégularité de la convocation à l'assemblée générale, la cour d'appel a exactement retenu que le moyen de nullité relatif au point de départ du délai de convocation d'un autre copropriétaire, invoqué par la SCI pour obtenir l'annulation de l'assemblée générale du 8 septembre 2003, ne pouvait être accueilli ;

 

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

 

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le second moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

 

PAR CES MOTIFS :

 

REJETTE le pourvoi ;

 

Condamne la SCI Jean-Paul aux dépens ;

 

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette

la demande de la SCI Jean-Paul ;

 

 

 

 

 

 

 

 

Note de la Cour de cassation sous 3e Civ., 14 novembre 2007,

La question tranchée pour la première fois par cet arrêt est celle de savoir si un copropriétaire régulièrement convoqué à une assemblée générale peut, pour en obtenir l'annulation, se prévaloir de la convocation irrégulière d'un autre copropriétaire qui, lui-même représenté à cette assemblée, ne s'en est pas prévalu.

Entre dans la catégorie des actions en nullité des assemblées générales de copropriétaires, pour inobservation des formalités légales, la violation des dispositions concernant la tenue de l'assemblée et notamment la violation soit des dispositions du décret du 17 mars 1967, soit du règlement de copropriété conforme à celles-ci visant les délais de convocation.

L'article 7 du décret du 17 mars 1967 dispose que "Dans tout syndicat de copropriété, il est tenu, au moins une fois chaque année, une assemblée générale des copropriétaires. Sous réserve des dispositions prévues aux articles 8 (alinéa 2 et 3), 47 et 50 du présent décret, l'assemblée générale est convoquée par le syndic" et l'article 9 précise que "(...) Sauf urgence, cette convocation est notifié au moins quinze jours à l'avance (vingt un jours depuis le décret du 1er mars 2007 rentré en vigueur le 1er avril) avant la date de la réunion, à moins que le règlement de copropriété n'ait prévu un délai plus long (...)".

Par un arrêt du 3 octobre 1974, non publié au bulletin, la troisième chambre avait jugé que la violation d'une règle impérative en matière d'assemblée générale devait entraîner, en toute hypothèse et même sans grief, l'annulation de la décision prise.

Depuis cette date, cette jurisprudence n'avait pas été démentie et était même devenue encore plus rigoureuse (par exemple, 3e Civ., 25 novembre 1998, Bull. 1998, III, n° 223 ou 3e Civ., 18 juin 2003, Bull. 2003, III, n° 132) jusqu'à un arrêt du 12 octobre 2005 (Bull. 2005, III, n° 191, Rapport annuel de la Cour de cassation 2005, p. 291), selon lequel "même fondées sur une absence de convocation ou sur une convocation irrégulière, les actions qui ont pour objet de contester les décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants, dans un délai de deux mois à compter de la notification desdites décisions qui leur est faite, à la diligence du syndic, dans un délai de deux mois à compter de la tenue de l'assemblée générale".

La question posée par l'arrêt rapporté, par le biais de l'inobservation des délais de convocation d'un copropriétaire soulevée par un copropriétaire régulièrement convoqué, était celle de savoir si tout copropriétaire peut invoquer l'irrégularité et/ou l'absence de la convocation d'un autre copropriétaire à une assemblée générale, pour en obtenir l'annulation. La troisième chambre civile n'avait jamais statué sur cette question.

Par l'arrêt du 14 novembre 2007, rendu en formation plénière de chambre, il a été décidé qu'un copropriétaire régulièrement convoqué ne pouvait poursuivre l'annulation d'une assemblée générale en invoquant l'irrégularité de la convocation d'un autre copropriétaire. Cette décision s'inscrit dans le souci d'assurer une plus grande efficacité aux décisions des assemblées générales, qui ne doivent pas être l'objet de contestations médiocres par des copropriétaires chicaniers cherchant à profiter d'une erreur qui ne leur cause aucun préjudice.

 

 

 

commentaires

 

A l’occasion d’une assemblée générale devant se tenir le 8 septembre 2003, un copropriétaire a été convoqué par un pli recommandé dont l’accusé de réception porte la date du 25 août 2003.

Notons que la Cour de cassation n’évoque pas ici la date de première présentation du pli. Dans ce cas curieux la lettre de convocation porte également la date du 25 août 2003. Elle aurait donc été expédiée, présentée pour la première fois et effectivement remise le même jour !

Quoiqu’il en soit le délai de convocation,- de quinze jours à l’époque-, n’a pas respecté. Le copropriétaire concerné ne se prévaut pas de l’irrégularité mais un autre copropriété (la SCI) l’a invoquée pour demander l’annulation de l’assemblée. Elle y avait un intérêt incontestable car l’assemblée avait pour objet d’habiliter le syndic pour agir en justice à son encontre.

 

L’annulabilité d’une assemblée (ou plus exactement de toutes les décisions d’une assemblées) à raison de l’omission ou de l’irrégularité de la convocation d’un copropriétaire est avant tout une mesure de protection de la victime. A ce titre, celle-ci, même si elle a été mise dans l’impossibilité de participer à l’assemblée, peut renoncer à exercer l’action en annulation.

 

Mais les principes anciens du droit des assemblées posent la nécessité d’une pleine effectivité du débat entre les copropriétaires. Si la victime n’a pu participer au débat en raison de l’irrégularité ou de l’omission de la convocation, le débat est vicié. Ce copropriétaire avait peut-être des arguments importants à faire valoir pour une solution ou pour l’autre. La décision aurait peut-être été différente. A cet égard il ne s’agit pas de recalculer les votes enregistrés. Les arguments de la victime auraient pu avoir une incidence sur tout ou partie des copropriétaires.

On peut alors concevoir que tout opposant à la décision prise puisse se prévaloir des vices de la convocation. L’argument tombe bien entendu si, de fait, la victime a pu participer quand même à l’assemblée.

 

La note de la Cour de cassation rappelle la rigueur de la jurisprudence ancienne  « Par un arrêt du 3 octobre 1974, non publié au bulletin, la troisième chambre avait jugé que la violation d'une règle impérative en matière d'assemblée générale devait entraîner, en toute hypothèse et même sans grief, l'annulation de la décision prise. ». On peut ajouter qu’en présence de la violation d’une règle impérative, la victime n’était pas liée par le délai de contestation prévu par l’article 42 alinéa 2.

 

A cette époque, il s’agissait avant tout de sanctionner sévèrement toutes les irrégularités graves pour obtenir des syndics une gestion plus rigoureuse de la convocation et de la tenue des assemblées générales.

 

Ce temps est passé. Depuis quelques années la Cour de cassation applique à la lettre les dispositions précises de l’article 42 alinéa 2 de la loi. En particulier, toute contestation de décision relève du délai de déchéance de deux mois.

Il n’est écarté qu’on se trouve en présence d’une irrégularité conduisant à constater l’inexistence de l’assemblée ou d’une décision. Il ne s’agit plus de contester une, plusieurs ou toutes les décisions de l’assemblée viciée, mais les faire annuler sur le fondement des principes et textes généraux étrangers au statut de la copropriété.

 

En l’espèce, la Cour d’appel Reims avait rejeté la demande de la SCI.

 

La Cour de cassation approuve sa position : « Mais attendu que seul le copropriétaire non convoqué ou irrégulièrement convoqué pouvant se prévaloir de l'absence ou de l'irrégularité de la convocation à l'assemblée générale, la cour d'appel a exactement retenu que le moyen de nullité relatif au point de départ du délai de convocation d'un autre copropriétaire, invoqué par la SCI pour obtenir l'annulation de l'assemblée générale du 8 septembre 2003, ne pouvait être accueilli ; »

 

Du point de vue pratique, le solution est heureuse.

Tour porte à penser que de toute manière, la décision d’habilitation aurait été prise.

On évite par ailleurs la multiplication des demandes d’annulation.

La décision n’empêche pas la SCI de faire valoir ses droits au cours de l’instance à venir.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mise à jour

16/03/2008