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Contribution aux charges

Lot grevé d’un droit d’usage et d’habitation

Usager tenu aux seules charges locatives (non)

Usager tenu aux charges incombant à l’usufruitier (oui)

Clause de l’acte conforme

 

 

Cassation  civile 3e  14 novembre 1996                                 Cassation partielle.

Cour d’appel de Paris, 29-03-1994

N° de pourvoi : 94-14846

 

 

 

Sur le moyen unique :

 

Vu l’article 635 du Code civil, ensemble l’article 1134 de ce Code ;

 

Attendu que si l’usager absorbe tous les fruits du fonds, ou s’il occupe la totalité de la maison, il est assujetti aux frais de culture, aux réparations d’entretien et au paiement des contributions comme l’usufruitier ; que s’il ne prend qu’une partie des fruits, ou s’il n’occupe qu’une partie de la maison, il contribue au prorata de ce dont il jouit ;

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 29 mars 1994), que les époux Saint-Mard ont acquis de Mme Beghain des droits portant sur des biens immobiliers situés dans un immeuble en copropriété, la venderesse se réservant le droit d’usage et d’habitation des lots 14 et 51 et l’usufruit du lot 9, l’acte de vente stipulant “ tant que Mme Beghain conservera le droit d’usage sur les lots objets des présentes, elle conservera à sa charge tous les frais d’entretien, les assurances, les impôts, le ravalement conformément à la loi “ ; que les époux Saint-Mard ayant cédé leurs droits aux époux Amar, ces derniers ont assigné Mme Beghain en remboursement d’une somme correspondant aux charges de copropriété qu’ils estimaient avoir indûment payées ;

 

Attendu que, pour dire que Mme Beghain n’était tenue que des charges et frais d’entretien incombant normalement à un locataire, l’arrêt retient qu’une clause susceptible de plusieurs sens doit être interprétée en faveur de celui qui s’oblige, que les époux Saint-Mard avaient, durant la période où ils étaient propriétaires, réglé les charges de copropriété en ne laissant à Mme Beghain que celles dont est tenu le locataire, qu’aux termes de l’article 608 du Code civil, l’usufruitier est tenu pendant sa jouissance de toutes les charges annuelles telles que les contributions et autres qui, dans l’usage, sont censées charges des fruits et qu’il n’est tenu, aux termes de l’article 605 de ce Code, qu’aux réparations d’entretien, qu’en revanche, en matière de droit d’usage et d’habitation, aux termes de l’article 630 du même Code, celui qui a l’usage des fruits d’un fonds ne peut en exiger qu’autant qu’il lui en faut pour ses besoins ;

 

Qu’en statuant ainsi, alors que la clause contractuelle liant les parties faisait expressément référence à l’application des dispositions légales et qu’il résultait des constatations de l’arrêt que le droit d’usage et d’habitation de Mme Beghain portait sur la totalité de l’appartement constituant les lots 14 et 51, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

 

PAR CES MOTIFS :

 

 

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a dit que Mme Beghain n’était tenue que des charges et frais d’entretien incombant aux locataires en ce qui concerne les lots 14 et 51 de la copropriété de l’immeuble sis 13, rue Puccini à Paris dont elle s’était réservé le droit d’usage et d’habitation, l’arrêt rendu le 29 mars 1994, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles.

 

 

 

commentaires

 

Mme Beghain (venderesse usager)  a vendu aux époux Saint-Mard (acquéreurs grevés) trois lots d’une copropriété. Elle s’est réservé le droit d’usage et d’habitation de deux des lots vendus et l’usufruit du troisième.

S’agissant de la contribution aux charges de copropriété, l’acte stipule : « “ tant que Mme Beghain conservera le droit d’usage sur les lots objets des présentes, elle conservera à sa charge tous les frais d’entretien, les assurances, les impôts, le ravalement conformément à la loi »

Les époux Saint-Mard ont cédé leurs droits aux époux Amar (sous acquéreurs grevés)

La répartition des charges de copropriété a été effectuée de manière erronée. La contribution incombant à Mme Beghain a été limitée aux charges « locatives récupérables ». Il a été indiqué ensuite aux époux Amar que les termes de la clause de l’acte permettaient une répartition plus favorable pour eux. Selon l’indication, les charges incombant à la venderesse devaient être calculées conformément au régime de l’usufruit. Ils ont alors demandé à Mme Amar le paiement de la différence indûment payée par eux.

Mme Beghain a refusé ce remboursement en maintenant qu’elle n’était tenue qu’au paiement des charges locatives récupérables.

La Cour d’appel de Paris lui a donné satisfaction. Elle a retenu :

- qu’une clause susceptible de plusieurs sens doit être interprétée en faveur de celui qui s’oblige

- qu’en matière de droit d’usage et d’habitation, aux termes de l’article 630 du même Code, celui qui a l’usage des fruits d’un fonds ne peut en exiger qu’autant qu’il lui en faut pour ses besoins ;

- qu’aux termes de l’article 608 du Code civil, l’usufruitier est tenu pendant sa jouissance de toutes les charges annuelles telles que les contributions et autres qui, dans l’usage, sont censées charges des fruits et qu’il n’est tenu, aux termes de l’article 605 de ce Code, qu’aux réparations d’entretien

La Cour d’appel ne précisait pas en quoi la clause de l’acte était susceptible de plusieurs sens.

 

La Cour de cassation casse sur ce point l’arrêt d’appel. Elle fait valoir :

- que la clause contractuelle liant les parties faisait expressément référence à l’application des dispositions légales, ce qui écartait l’existence d’une difficulté d’interprétation.

- qu’il résultait des constatations de l’arrêt que le droit d’usage et d’habitation de Mme Beghain portait sur la totalité de l’appartement constituant les lots 14 et 51

Il en résulte pour la Haute Juridiction que la répartition des charges de copropriété doit être effectuée, s’agissant d’un droit d’usage et habitation, comme dans le cas de l’usufruit.

 

La solution retenue par la Cour de cassation est dans le sens de la jurisprudence antérieure [1]

Elle est aussi admise par la doctrine [2] 

On ne pouvait à la vérité s’interroger qu’à propos du ravalement qui, même sous sa forme la plus simple d’opération d’entretien, se présente comme une opération à périodicité décennale. Le droit d’usage et d’habitation est par nature viager et l’on peut souvent considérer qu’un usager risque de ne pas profiter très longtemps des avantages d’une telle opération. Mais il faut admettre que l’ensemble de l’opération présente un caractère aléatoire qui, selon les cas, laisse à l’une ou l’autre des parties une chance de gain ou un risque de perte.

 

Les praticiens, qui ont tendance à toujours retenir le régime des charges locatives récupérables pour établir la répartition des charges dans un tel cas, devront noter une fois pour toutes la solution pratique à appliquer.

 

 

 

 

Mise à jour

05/07/2007

 

 



[1] CA Versailles 1e  28/06/1990 Administrer novembre 1990 p. 54

[2] Guillot Qui doit payer les charges quand un lot es grevé d’un droit d’usage et d’habitation ? Administrer novembre 1979 p. 16