Syndicat dépourvu de syndic (mandat expiré)

Assemblée générale convoquée régulièrement aux fins de renouvellement du mandat

Demande en rétractation de la désignation d’un administrateur provisoire

Refus de rétractation postérieur au renouvellement du mandat

Obligation pour le Juge de vérifier la situation à la date de son refus (oui)

 

 

Cour de Cassation civile 3e  12 septembre 2006                                               Cassation

Cour d’appel de Paris (14e chambre, section B) 2005-03-25

N° de pourvoi : 05-16747

 

 

 

Sur le moyen unique :

 

Vu les articles 47 du décret du 17 mars 1967, 496, 497 et 812 du nouveau code de procédure civile ;

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué  rendu en matière de référé, que le groupe d’immeubles situé 184-188 rue Lafayette à Paris 10ème, comporte plusieurs bâtiments ; que M. X... et Mme Y..., propriétaires indivis de lots dans les bâtiments III et V, ont été autorisés à convoquer des assemblées générales spéciales des copropriétaires de ces bâtiments afin de décider de l’opportunité de la création de syndicats secondaires, lesquels ont effectivement été créés par les assemblées générales du 15 mai 2001, qui ont désigné M. X... comme syndic à compter du 16 mai 2001 ; qu’alléguant que le mandat de celui-ci était venu à expiration le 16 mai 2004, le syndicat principal a sollicité et obtenu le 19 mai 2004, la désignation de Mme Z... en qualité d’administrateur provisoire de ces syndicats ; que M. X... et Mme Y... ont saisi le juge des référés en rétractation de cette ordonnance ;

 

Attendu que pour rejeter la demande, l’arrêt retient qu’il n’est pas contestable que les mandats confiés à M. X... le 15 mai 2001 pour une durée de trois années étaient expirés le 16 mai 2004 et que si M. X... a convoqué les assemblées des deux syndicats secondaires pour le 10 juin 2004, ces syndicats secondaires étaient dépourvus de syndic le 19 mai 2004, date à laquelle Mme Z... a été désignée en qualité d’administrateur provisoire ;

 

Qu’en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si, à la date de l’ordonnance du 20 juillet 2004, les assemblées des deux syndicats secondaires tenues le 10 juin 2004 après avoir été convoquées par M. X... avant l’expiration de son mandat n’avaient pas désigné à nouveau celui-ci comme syndic, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

 

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 25 mars 2005, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

 

Condamne le syndicat des copropriétaires du 184-188 rue Lafayette et Mme A..., M. B... et Mme C... aux dépens ;

 

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne ensemble le syndicat des copropriétaires du 184-188 rue Lafayette ainsi que Mme A..., M. B... et Mme C... à payer à M. X... et à Mme Y... la somme de 2 000 euros et rejette la demande du syndicat des copropriétaires du 184-188 rue Lafayette, de Mme A..., de M. B... et de Mme C... ;

 

 

COMMENTAIRES :

 

L’instance concerne un groupe d’immeubles organisé en syndicats secondaires.

Le syndic incriminé a été désigné le 16 mai 2001 comme syndic de deux des syndicats secondaires ; ses mandats venaient à expiration le 16 mai 2004.

Le syndicat principal a obtenu le 19 mai 2004 la désignation d’un administrateur provisoire des deux syndicats secondaires.

Or le syndic secondaire avait convoqué les  assemblées des syndicats secondaires avant l’expiration de ses mandats, qui ont été renouvelés par ces assemblées tenues le 10 juin 2004.

Une demande de rétractation de l’ordonnance du 19 mai 2004 a été formulée. Le Magistrat l’a rejetée par une nouvelle ordonnance du 20 juillet 2004. La Cour d’appel de Paris a confirmé cette décision de rejet. Elle a fait valoir que les mandats confiés à M. X... le 15 mai 2001 pour une durée de trois années étaient incontestablement expirés le 16 mai 2004 et que si M. X... a convoqué les assemblées des deux syndicats secondaires pour le 10 juin 2004, ces syndicats secondaires étaient dépourvus de syndic le 19 mai 2004.

La Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel. Elle énonce que le Magistrat devait, en statuant sur la demande de rétractation, se placer à la date de sa décision, - en l’espèce le 20 juillet 2004 -, pour rechercher si le syndicat était alors pourvu d’un syndic.

L’intervention du Juge dans la vie d’une copropriété est une mesure d’assistance exceptionnelle. Elle  a pour seule justification la nécessité de remédier à une situation anormale pour la régularisation de laquelle le syndicat ne dispose d’aucun moyen légal.

En l’espèce, ce moyen existait et avait été mis en œuvre puisque le syndic secondaire avait convoqué régulièrement, - avant l’expiration de ses mandats - , l’assemblée générale et qu’il suffisait alors aux copropriétaires de renouveler le mandat du syndic et d’en désigner un autre pour revenir à une situation normale.

La procédure sur requête, gracieuse et non contradictoire, présente l’inconvénient de ne pas assurer au Juge une information complète et objective. On peut se demander quelle aurait été la position du Magistrat dans le cas d’une procédure contradictoire (référé). Il pouvait soit se borner à constater la situation à la date de l’audience (le syndicat n’était pas pourvu d’un syndic), soit renvoyer l’affaire à une date postérieure au 10 juin 2004.

La Cour de cassation exprime une conception restrictive de l’intervention du Juge qui est conforme à la notion supérieure d’utilité de la décision judiciaire. A la date du 20 juillet 2004, la désignation d’un administrateur provisoire ne présentait plus aucune utilité. Elle se présentait comme une sanction et non comme une mesure d’assistance. La Cour de cassation a, sans doute, voulu éviter cet aspect disciplinaire de l’intervention du Juge en énonçant qu’il devait se placer à la date de sa seconde décision pour apprécier si les syndicats étaient dépourvus de syndic.

Notons que la 14e chambre de la Cour d’appel de Paris a adopté une solution identique dans un arrêt du 23 mars 2005 [1]

 

 

 

 

Mise à jour

02/05/2007

 

 

 



[1]  CA Paris 14e 23/03/2005  RL 2005 p. 199 note Guégan