00043608

 

CHARTE

 

Ne sont autorisées que
 1) les reproductions et copies réservées à l’usage privé, non commercial du copiste à l’exclusion de toute utilisation collective

2) les analyses et courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration

3) l’insertion d’extraits dans un ouvrage de formation

associées, pour 2) et 3) à la citation du site

 

 

 

 

Responsabilité de l’employeur

Mise à disposition du personnel d’ équipements de travail appropriés

Chute dans un escalier après la fin du travail

Application de la prescription réglementaire (oui)

Faute inexcusable de l’employeur (oui) !!

 

 

 

Cassation civile 2e  9 juillet 2009

Cour d’appel de Paris du 22 novembre 2007

N° de pourvoi: 08-16241

Cassation

 

 

 

Sur le moyen unique :

 

Vu les articles L. 452 1 du code de la sécurité sociale, L. 232 2 devenu L. 4221 1 du code du travail, et 1147 du code civil ;

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X..., employée par le Centre hospitalier de Montereau (le centre hospitalier), en qualité d’agent d’entretien, a chuté dans un escalier , pendant son temps de travail ; que les conséquences de cet accident ayant été prises en charge au titre de la législation professionnelle, elle a saisi la juridiction de sécurité sociale d’une demande d’ indemnisation complémentaire en raison de la faute inexcusable de son employeur ;

 

Attendu que pour rejeter la demande de Mme X..., l’arrêt retient que le fait de marcher sur un sol ou une marche d’escalier que son nettoyage avait rendu humide était un acte de la vie courante, tant dans le domaine privé que dans le domaine du travail salarié qui n’imposait pas à l’employeur, sous peine de reconnaissance de sa faute inexcusable, de prendre des précautions spécifiques, même s’il était effectivement conseillé de fournir à son personnel des chaussures adaptées, étant précisé que la fiche de poste de Mme X... lui demandait de porter une tenue de travail adaptée ;

 

Qu’en se déterminant ainsi, alors qu’il résultait de ces constatations que l’employeur avait conscience du danger auquel était exposée sa salarié, et n’avait pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

 

 

PAR CES MOTIFS :

 

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 22 novembre 2007, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

 

Condamne le Centre hospitalier de Montereau aux dépens ;

 

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande du Centre hospitalier de Montereau ;

 

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

 

 

commentaire

 

Cet arrêt présente un aspect inattendu de l’application du principe de précaution.

Un escalier avait été lavé et demeurait accessible aussi bien aux salariés qu’aux visiteurs d’un centre hospitalier.

Madame X…, agent d’entretien, avait terminé son travail l’utilisait pour quitter l’établissement. Elle a glissé et fait une chute. Elle a été victime d’une entorse. Cet accident a été reconnu comme accident de travail.

La victime a ensuite fait valoir que l’employeur a le devoir de mettre à la disposition de son personnel des équipements de travail appropriés aux conditions dans lesquelles le travail est effectué, et qu’en omettant de le faire il a commis une faute inexcusable justifiant une indemnisation complémentaire.

 

On ne peut qu’approuver les dispositions imposant à l’employeur de mettre à la disposition des salariés des équipements de travail adaptés aux conditions dans lesquelles le travail est effectué. C’est par exemple le cas des masques en cas d’utilisation de produits nocifs. Il serait néanmoins raisonnable de limiter le domaine d’application de cette prescription aux conditions d’exécution du travail présentant des risques particuliers.

 

La Cour d’appel a rejeté les prétentions de Madame X…, retenant notamment :

« que le fait de marcher sur un sol ou sur une marche d’escalier que son nettoyage a rendu humide, l’humidité des marches de l’escalier en cause n’étant au demeurant pas établie avec certitude en l’espèce, est un acte de la vie courante ».

« Qu’il est évident que cet escalier situé dans les locaux administratifs du CENTRE HOSPITALIER pouvait être utilisé par multiples personnes même s’il avait été rendu humide ; Que, dès lors, Mme X... n’établit ni qu’elle était exposée à un risque inhérent à ses fonctions, ni que son employeur a manqué à son obligation de sécurité, ni qu’il avait ou aurait dû avoir conscience de quelque danger »

« Que lors de la descente (ou la montée) de l’escalier, Mme X... n’effectuait aucun travail spécifique correspondant à sa mission d’entretien puisque son nettoyage avait déjà été effectué par une collègue »

On peut penser que cet argument était le plus péremptoire. En admettant qu’elle ait été équipée de chaussures de travail, la victime les aurait abandonnées à la fin de son travail et elle aurait repris ses propres chaussures pour quitter l’établissement. On aurait retrouvé alors le cas bien connu de la responsabilité « du fait de l’escalier » en droit commun.

 

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel et juge « qu’en se déterminant ainsi, alors qu’il résultait de ces constatations que l’employeur avait conscience du danger auquel était exposée sa salarié, et n’avait pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».

 

La décision, malgré son caractère contestable, a une portée générale. Les syndics de copropriété auront à en tenir compte.

 

 

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

 

Moyen produit par la SCP Thomas-Raquin et Bénabent, avocat aux Conseils, pour Mme X...

 

 

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir infirmé le jugement déféré en ce qu’il avait reconnu l’existence d’une faute inexcusable du centre hospitalier de MONTEREAU dans la survenance de l’accident du travail dont Madame Jeannine X... a été victime le 14 août 2002 ;

 

AUX MOTIFS QUE : « l’activité médicale spécifique du CENTRE HOSPITALIER n’exposait pas Mme X... à un risque particulier ; Que, selon la déclaration d’accident du travail, le 14 août 2002 à 9 heures, « l’intéressée descendait l’escalier et est tombée » et a été atteinte à la cheville gauche, subissant ainsi une entorse qui a été qualifiée « grave » aux termes du certificat médical initial daté du même jour ; Qu’il ressort de la requête de Mme X... adressée à la commission de recours amiable de la C.P.A.M que, effectivement, le sol ayant été lavé par l’une de ses collègues, il était humide de sorte qu’elle n’a pas pu éviter une glissade ou une chute dans l’escalier, cause de son accident du travail, étant précisé que c’est à tort que son conseil plaide qu’elle a chuté sur le sol alors qu’elle a chuté dans l’escalier ; Que, certes, l’employeur a le devoir de mettre à la disposition de son personnel des équipements de travail appropriés aux conditions dans lesquelles le travail est effectué ; Que, certes, le contrat de travail oblige l’employeur à une obligation de sécurité de résultat et que sa faute inexcusable, lors de la survenance d’un accident du travail peut être reconnue s’il avait ou avait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son personnel sans avoir pris les mesures nécessaires pour l’en préserver ;

Que, cela étant, le fait de marcher sur un sol ou sur une marche d’escalier que son nettoyage a rendu humide, l’humidité des marches de l’escalier en cause n’étant au demeurant pas établie avec certitude en l’espèce, est un acte de la vie courante, tant dans le domaine privé que dans le domaine du travail salarié qui n’impose pas à l’employeur, sous peine de reconnaissance de sa faute inexcusable, de prendre des précautions spécifiques, même s’il lui est effectivement conseillé de fournir à son personnel des chaussures adaptées, étant précisé que la fiche de poste de Mme X... lui demandait de porter une tenue de travail adaptée ;

Que lors de la descente (ou la montée) de l’escalier, Mme X... n’effectuait aucun travail spécifique correspondant à sa mission d’entretien puisque son nettoyage avait déjà été effectué par une collègue ; Qu’il est évident que cet escalier situé dans les locaux administratifs du CENTRE HOSPITALIER pouvait être utilisé par multiples personnes même s’il avait été rendu humide ; Que, dès lors, Mme X... n’établit ni qu’elle était exposée à un risque inhérent à ses fonctions, ni que son employeur a manqué à son obligation de sécurité, ni qu’il avait ou aurait dû avoir conscience de quelque danger ; Que, en cours de délibéré, cette dernière a fait parvenir à la Cour une demande de réouverture des débats afin de lui «permettre d’exposer de façon contradictoire les éléments relatifs aux accidents du travail causés par glissade », y joignant des extraits de documents diffusés par l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) concernant les accidents de plain-pied ; Mais que, s’il est effectivement préconisé, ce que la Cour sait, que l’employeur mette à la disposition de son personnel des chaussures appropriées, il n’a nulle obligation à ce titre dont le manquement serait constitutif d’une faute inexcusable, s’agissant d’une simple recommandation ; Que, au demeurant, les documents de l’INRS joints à cette demande de réouverture des débats n’évoquent nullement la faute inexcusable de l’employeur qui ne suivrait pas cette recommandation ; Qu’il résulte de l’ensemble de ces observations que la Cour qui ne rouvrira pas les débats infirmera le jugement déféré ainsi qu’il sera dit au dispositif ci-après» ;

 

 

ALORS, D’UNE PART, QUE le manquement par l’employeur à son obligation de sécurité de résultat a le caractère d’une faute inexcusable lorsque celui-ci avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé ses salariés et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour les en préserver ; Qu’un employeur averti doit avoir conscience du danger encouru par ses salariés, agents d’entretien, du fait de l’accomplissement fréquent de leur prestation de travail sur des sols rendus humides par le nettoyage et qu’il doit, en conséquence, prendre les mesures nécessaires pour les protéger des risques de glissade ou de chute ; Qu’en jugeant, en l’espèce, que le centre hospitalier n’avait pas commis de faute inexcusable, cependant qu’elle avait préalablement constaté que l’accident de Madame X... était intervenu lorsque « le sol ayant été lavé par l’une de ses collègues, il était humide de sorte qu’elle n’a pas pu éviter une glissade ou une chute dans l’escalier » et que son employeur ne contestait pas qu’aucune mesure n’avait été prise pour prévenir une telle chute, la Cour d’appel a violé l’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, ensemble l’article 1147 du Code civil.

 

ALORS, D’AUTRE PART QU’en retenant que la salariée n’établissait pas que son employeur « avait ou aurait dû avoir conscience de quelque danger » tout en constatant qu’il «est effectivement conseillé à l’employeur de fournir à son personnel des chaussures adaptées » et qu’« il est effectivement préconisé, ce que la Cour sait, que l’employeur mette à la disposition de son personnel des chaussures appropriées » - ce dont il résultait nécessairement que le fait de marcher sur un sol humide comportait des dangers dont l’employeur pouvait avoir conscience et qu’il pouvait aisément prévenir -, la Cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles L 452-1 du Code de la sécurité sociale et 1147 du Code civil du Code de procédure civile.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mise à jour

30/09/2009