http://www.copyrightdepot.com/images/Sceau1.gif

00043608

 

CHARTE

 

Ne sont autorisées que
 1) les reproductions et copies réservées à l’usage privé, non commercial du copiste à l’exclusion de toute utilisation collective

2) les analyses et courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration

3) l’insertion d’extraits dans un ouvrage de formation

associées, pour 2) et 3) à la citation du site

 

 

 

Amélioration aux frais d’un copropriétaire (ascenseur)

Demande de rachat d’usage par d’autres copropriétaires

Ascenseur partie privative (non)

Possibilité de rachat d’usage (oui)

 

 

Cassation civile 3e  8 octobre 2003

Décision attaquée : cour d’appel de Versailles (4e Chambre civile) du 15 octobre 2001

N° de pourvoi: 01-17112

Rejet

 

Sur le moyen unique :

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Versailles, 15 octobre 2001), que M. et Mme X..., propriétaires de lots dans un immeuble en copropriété, notamment du lot n° 8, correspondant à un appartement en duplex situé aux deuxième et troisième étages du bâtiment A, ont, courant 1979 et 1992, fait installer à leurs frais, dans la trémie partie commune spéciale à ce bâtiment, un ascenseur desservant leur appartement, puis ont fait procéder aux travaux de mise en conformité de cet équipement aux normes de sécurité ; qu’à la suite de la demande de mise à disposition des autres copropriétaires de cet ascenseur, une décision de l’assemblée générale du 27 mars 1996 a autorisé deux copropriétaires à ouvrir au premier étage une porte desservant la trémie en prévoyant les conditions matérielles de réalisation des travaux, sous réserves d’un accord du projet préalable entre les parties concernées ; qu’une délibération de l’assemblée générale du 2 avril 1998 a décidé l’exécution des travaux et le partage des frais et dépenses ainsi que les remboursements à effectuer à M. X..., pour la transformation et l’utilisation de la cabine d’ascenseur par l’ensemble des copropriétaires ;

 

que M. X... ayant voté contre, les consorts X..., Mme X... étant décédée, ont assigné le syndicat des copropriétaires en annulation de cette décision ;

 

Attendu que les consorts X... font grief à l’arrêt de les débouter de leur demande d’annulation de la décision de l’assemblée générale du 2 avril 1998 relative aux travaux nécessaires à l’utilisation de l’ascenseur par l’ensemble des copropriétaires du bâtiment, alors, selon le moyen :

 

1 / que la délibération du 27 mars 1996, adoptée à l’unanimité, ayant classé l’ascenseur comme partie privative, la délibération attaquée du 2 avril 1998 ne pouvait revenir sur ce classement que par un vote à l’unanimité des copropriétaires (violation des articles 2 et 26 de la loi du 10 juillet 1965) ;

 

2 / que l’ouvrage construit aux frais exclusifs d’un copropriétaire demeure sa propriété exclusive ; qu’en n’ayant pas recherché, comme elle y était invitée, si l’ascenseur n’avait pas été financé exclusivement par M. X..., la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 2 de la loi du 10 juillet 1965 ;

 

3 / que les décisions relatives à l’ouvrage financé par certains copropriétaires doivent être adoptées à l’unanimité des titulaires des droits indivis ; qu’en considérant que le syndicat réuni en assemblée générale pouvait modifier les conditions de jouissance de l’ascenseur sans rechercher encore si la cabine d’ascenseur n’avait pas été exclusivement financée par M. X..., la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 25 b de la loi du 10 juillet 1965 ;

 

Mais attendu, d’une part, que la délibération de l’assemblée générale du 27 mars 1996 n’ayant pas classé l’ascenseur dans les parties privatives, le moyen manque en fait de ce chef ;

 

Attendu, d’autre part, qu’ayant relevé que l’ascenseur ayant été installé par les époux X... à leurs frais et que divers copropriétaires avaient exprimé le désir de pouvoir bénéficier de cet équipement réservé jusqu’alors aux époux X... en les indemnisant des frais par eux exposés, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

 

PAR CES MOTIFS :

 

REJETTE le pourvoi ;

 

Condamne les consorts X... aux dépens ;

 

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne les consorts X... à payer au syndicat des copropriétaires de la Résidence Les Chevau-Légers la somme de 1 900 euros ;

 

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande des consorts X... ;

 

 

Commentaires :

 

L’arrêt, sous un aspect minimaliste, apporte une contribution notable à la détermination du régime des améliorations réalisées aux frais de certains copropriétaires, voire d’un seul copropriétaire comme c’est le cas ici.

Les faits de la cause sont clairement exposés dans l’arrêt.

Nous reprenons donc le régime des travaux d’amélioration. Il a marqué une évolution remarquable du statut de la copropriété figé par les rigueurs de la loi du 28 juin 1938, qui exigeaient une décision unanime pour la moindre modification apportée à l’immeuble. Pour l’essentiel, on trouve les principales dispositions dans les articles 25, 26 et 30 de la loi du 10 juillet 1965 :

 

 

Article 25

« Ne sont adoptées qu’à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant :

(…)

b) L’autorisation donnée à certains copropriétaires d’effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble, et conformes à la destination de celui-ci ; »

 

Article 26

« Sont prises à la majorité des membres du syndicat représentant au moins les deux tiers des voix les décisions concernant :

(…)

c) Les travaux comportant transformation, addition ou amélioration, à l’exception de ceux visés aux e, g, h, i, j, m , n et o de l’article 25 ; »

 

Article 30

« L’assemblée générale des copropriétaires, statuant à la double majorité prévue à l’article 26, peut, à condition qu’elle soit conforme à la destination de l’immeuble, décider toute amélioration, telle que la transformation d’un ou de plusieurs éléments d’équipement existants, l’adjonction d’éléments nouveaux, l’aménagement de locaux affectés à l’usage commun ou la création de tels locaux.

Elle fixe alors, à la même majorité, la répartition du coût des travaux et de la charge des indemnités prévues à l’article 36 ci-après, en proportion des avantages qui résulteront des travaux envisagés pour chacun des copropriétaires, sauf à tenir compte de l’accord de certains d’entre eux pour supporter une part de dépenses plus élevée.

Elle fixe, à la même majorité, la répartition des dépenses de fonctionnement, d’entretien et de remplacement des parties communes ou des éléments transformés ou créés.

 

 

« Lorsque l’assemblée générale refuse l’autorisation prévue à l’article 25 b, tout copropriétaire ou groupe de copropriétaires peut être autorisé par le tribunal de grande instance à exécuter, aux conditions fixées par le tribunal, tous travaux d’amélioration visés à l’alinéa 1er ci-dessus ; le tribunal fixe en outre les conditions dans lesquelles les autres copropriétaires pourront utiliser les installations ainsi réalisées. Lorsqu’il est possible d’en réserver l’usage à ceux des copropriétaires qui les ont exécutées, les autres copropriétaires ne pourront être autorisés à les utiliser qu’en versant leur quote-part du coût de ces installations, évalué à la date où cette faculté est exercée. »

 

Ce sont les dispositions reproduites ci-dessus de l’article 26 qui ont permis aux syndicats de copropriétaires de décider des travaux d’amélioration comme l’installation d’un ascenseur dans un immeuble qui en était dépourvu, sans nécessité d’une décision unanime.

Elles sont explicitées par celles de l’article 30 en ses trois premiers paragraphes.

Les travaux d’amélioration demeurent néanmoins soumis à une double majorité :

- la majorité des membres du syndicat ( 17 têtes s’il y a 32 copropriétaires)

- représentant au moins les deux tiers des voix (6667 voix sur 10 000)

Cette majorité n’est pas toujours facilement obtenue.

Le législateur de 1965, très attaché à la nécessaire évolution technique des copropriétés, a mis en place un dispositif de secours ouvert, dans le cadre de la conformité à la destination de l’immeuble, à des copropriétaires actifs et disposant de moyens financiers suffisants.

 

 

Aussi la portée de l’article 25 b n’est-elle pas limitée à l’autorisation d’une ouverture dans la toiture pour l’aménagement d’un comble privatif. Elle permet aussi à plusieurs copropriétaires de prendre l’initiative d’installer un ascenseur en se répartissant le coût de l’installation.

Ils doivent présenter leur demande d’autorisation à l’assemblée conformément aux dispositions de l’article 25 b. Ils peuvent alors se heurter à une relative frilosité de certains copropriétaires et à un « rejet » de leur demande dès lors que le projet n’a pas recueilli la moitié au moins des voix de tous les copropriétaires, ni même le tiers au moins permettant un second vote en vertu de l’article 25-1.

L’article 30, en son dernier alinéa, leur permet alors de saisir le Tribunal de grande instance pour obtenir une autorisation judiciaire de réaliser l’installation. Lorsqu’elle est accordée, elle se substitue à la décision de l’assemblée sans annulation de celle-ci.

Un copropriétaire seul peut recourir à ce dispositif.

 

On parle alors d’une « amélioration aux frais d’un, - ou de certains -, copropriétaire(s).

Dans un premier temps, les juristes ont apprécié la disparition du carcan de l’unanimité et les perspectives qu’offrait la première partie de l’article 26 dans des copropriétés anciennes de petite et moyenne importance, avec une population relativement homogène et dotée de moyens financiers appréciables.

Ils ont été troublés par la possibilité ouverte à quelques copropriétaires de faire procéder à l’installation d’un ascenseur. On s’est interrogé à propos du statut de ce nouvel élément d’équipement mais aussi à propos du groupement formé par les copropriétaires constructeurs et encore à propos des modalités d’administration de l’installation nouvelle.

MM. Givord et Giverdon, dans «  La copropriété » (4e  édition 1992 n° 664 et ss) rappellent la description de l’amélioration réalisée « qui forme un îlot à part dans la copropriété » et leur propre description d’une « sorte de copropriété de l’installation à l’intérieur de la copropriété.

 

Ils ont pu légitimement considérer que les règles d’organisation figurant dans le dernier alinéa de l’article 30 ne pouvaient trouver application que dans les cas où l’installation est réalisée avec l’autorisation judiciaire après refus de l’assemblée générale.

Les praticiens ont fait le saut. Ils ont monté des opérations initiées par un groupe de copropriétaires, approuvées par une décision de l’assemblée générale, et comportant en outre un dispositif inspiré de l’article 30 pour permettre l’extension progressive du droit d’utilisation à tous les copropriétaires.

Ils ont ainsi répondu au vœu du législateur qui était sans nul doute de multiplier les possibilités de modernisation des immeubles tout en sauvegardant les intérêts des copropriétaires modestes.

 

On a vite considéré que les constructeurs étaient propriétaires en indivision de l’installation. Tout rachat ultérieur de l’usage de l’appareil se présentait donc comme celui d’une quote-part de l’indivision.

Il restait à préciser la nature juridique de l’installation. Le bon sens commandait d’en faire une partie commune à certains copropriétaires et plus précisément un élément d’équipement spécial. En l’espèce l’arrêt relève justement que M. et Mme X… ont « fait installer à leurs frais, dans la trémie partie commune spéciale à ce bâtiment, un ascenseur desservant leur appartement ». L’installation réalisée dans ce volume commun spécial a vocation à revêtir le même habit.

 

M. et Mme X ont plaidé « que l’ouvrage construit aux frais exclusifs d’un copropriétaire demeure sa propriété exclusive ». Ils ont oublié que dans le cas de l’article 30 de la loi, les constructeurs sont tenus d’accueillir tout acquéreur d’un droit d’usage et que le constructeur initial unique est pareillement tenu. L’installation a donc une vocation essentielle à un usage collectif.

 

L’arrêt admet  enfin une pratique  tout à fait nouvelle :

à la suite de la demande de mise à disposition des autres copropriétaires de cet ascenseur, une décision de l’assemblée générale du 27 mars 1996 a autorisé deux copropriétaires à ouvrir au premier étage une porte desservant la trémie en prévoyant les conditions matérielles de réalisation des travaux, sous réserves d’un accord du projet préalable entre les parties concernées ;

une délibération de l’assemblée générale du 2 avril 1998 a décidé l’exécution des travaux et le partage des frais et dépenses ainsi que les remboursements à effectuer à M. X..., pour la transformation et l’utilisation de la cabine d’ascenseur par l’ensemble des copropriétaires

 

On considère habituellement que le rachat d’usage est une opération étrangère au syndicat, qui fait l’objet de pourparlers entre l’acquéreur et les indivisaires.

En l’espèce le rachat exigeait différents travaux affectant les parties communes. Il était donc nécessaire de solliciter l’accord de l’assemblée. L’assemblée du 27 mars 1996 a donné l’autorisation nécessaire mais ensuite une autre assemblée   du 2 avril 1998 « a décidé l’exécution des travaux et le partage des frais et dépenses ainsi que les remboursements à effectuer à M. X..., pour la transformation et l’utilisation de la cabine d’ascenseur par l’ensemble des copropriétaires »

C’est en vain que M. X a fait valoir « que les décisions relatives à l’ouvrage financé par certains copropriétaires doivent être adoptées à l’unanimité des titulaires des droits indivis ; qu’en considérant que le syndicat réuni en assemblée générale pouvait modifier les conditions de jouissance de l’ascenseur sans rechercher encore si la cabine d’ascenseur n’avait pas été exclusivement financée par M. X..., la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 25 b de la loi du 10 juillet 1965 ».

 

Il n’est donc plus question d’un « îlot à part dans la copropriété ». L’amélioration initialement financée par un groupe de copropriétaires doit être considérée comme une partie commune. Elle est fatalement spéciale lors de sa création mais peut devenir générale si elle présente un avantage potentiel pour tous les lots de la copropriété.

Elle est donc administrée par le syndic. Elle est assurée par le syndicat. Il faut raisonnablement admettre que les décisions la concernant peuvent être prises au cours d’une assemblée générale. Le scrutin spécial n’est ouvert qu’aux indivisaires.

 

Une opération de ce type doit être préparée soigneusement en tenant compte de ces enseignements.

 

 

 

Mise à jour

08/07/2014