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Individualisation des frais de chauffage

Application au sein d’une union de syndicats

répartition des frais de chauffage entre les syndicats

 

 

Cassation civile 3e  8 juillet 1992                                                                 Rejet.

Décision attaquée :Cour d’appel de Paris, 27-06-1990

N° de pourvoi : 90-20389

 

 

 

Sur les trois moyens, réunis :

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 27 juin 1990), que, pour la gestion de certains équipements communs, une union, dénommée Union des syndicats de la résidence de l’Ilot Labrouste-Vouillé-Rosenwald (l’Union) a été constituée entre le syndicat des copropriétaires du 48, rue de Vouillé/52, rue Labrouste, celui du 54, rue Labrouste et celui du 3/11, rue Rosenwald, à Paris ; que les deux premiers syndicats estimant que la répartition des frais de chauffage, telle que stipulée dans les statuts de l’Union, était lésionnaire, ont assigné celle-ci pour faire juger que cette stipulation devait être réputée non écrite, la répartition devant être effectuée en fonction des consommations relevées sur des compteurs de calories dont la pose était demandée ; que l’Union a appelé en cause le syndicat du 3/11, rue Rosenwald ;

 

Attendu que les syndicats des 48, rue de Vouillé/52, rue Labrouste et 54, rue Labrouste font grief à l’arrêt de rejeter leur demande, alors, selon le moyen,

1°) que la cour d’appel, qui avait constaté, d’une part, l’intention manifestée par les parties de répartir les charges de chauffage au prorata de la puissance calorifique pour chaque bâtiment (article 19 des statuts) et, d’autre part, les anomalies des puissances calorifiques calculées qui conduisaient à des différences de charges de chauffage très importantes dépassant 50 %, a, en refusant de rectifier l’erreur de calcul des puissances calorifiques, refusé de faire application de la volonté de principe, manifestée par les contractants, de répartir les dépenses de chauffage au prorata des consommations thermiques réelles, et a ainsi violé l’article ll34 du Code civil ;

2°) que l’action en rescision pour lésion de plus du quart est applicable au partage de toute indivision, quelle que soit son origine ; qu’en jugeant que l’action en rescision pour lésion de plus du quart aurait eu un domaine limité au partage d’une succession entre cohéritiers, et n’aurait pu être formée au sujet du partage de l’indivision conventionnelle créée relativement aux charges de chauffage par des syndicats de copropriétaires, la cour d’appel a méconnu le domaine des articles 887 et 888 du Code civil ;

3°) que la cour d’appel, qui, sans réfuter le moyen selon lequel le délai de prescription ne pouvait courir que du jour où la lésion avait été découverte soit, en l’espèce, que du jour du dépôt du rapport d’expertise, le 29 avril 1981, a jugé prescrite une action formée, selon ses propres motifs, par assignation du 6 janvier 1986, soit moins de 5 années après que le délai de prescription eut commencé à courir, n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, au regard de l’article 1304 du Code civil ;

4°) que, en jugeant que l’assignation du 4 novembre 1981, qui tendait à la rectification de la répartition des charges sur le fondement des constatations de l’expert, relatives au caractère lésionnaire de la répartition opérée par le calcul fait à l’article 19 des statuts, n’aurait pas interrompu le délai de la prescription de l’action en rescision, la cour d’appel n’a pas justifié légalement sa décision, au regard des articles 1304, 2244 et 2246 du Code civil ;

5°) que tout immeuble collectif pourvu d’un chauffage commun doit comporter, quand la technique le permet, une installation permettant de déterminer la quantité de chaleur et d’eau chaude fournie à chaque local occupé à titre privatif ; qu’en jugeant que ce texte, qui s’applique à tous les immeubles collectifs, quel que soit leur statut juridique et vise aux économies d’énergie, n’aurait pas été applicable à la répartition des dépenses de chauffage entre les syndicats de copropriétaires de trois immeubles collectifs à l’intérieur d’une union de syndicats, la cour d’appel a méconnu le domaine d’application de l’article L. 131-3 du Code de la construction et de l’habitation ;

6°) que la cour d’appel, qui a jugé que le texte d’application instituant une date limite pour la mise en service des compteurs imposés par la loi, aurait privé la règle de principe, posée par le législateur, de force obligatoire et aurait été de nature à dispenser les syndicats intéressés de satisfaire à leur obligation de principe de procéder à une installation permettant de déterminer la quantité de chaleur fournie à chaque immeuble, a faussement appliqué les articles R.131-3 et R. 131-5 du Code de la construction et de l’habitation ;

 

Mais attendu qu’après avoir constaté qu’il n’était pas établi qu’une erreur matérielle ou de calcul fût à l’origine de la disparité prétendue et relevé justement que les syndicats ayant décidé de créer une installation commune de chauffage, tout en prévoyant la répartition entre eux des charges correspondantes, il n’y avait pas partage d’une masse indivise auquel une action en rescision puisse s’appliquer, la cour d’appel, qui a exactement retenu que, dans sa rédaction applicable à l’espèce, l’article R. 131-5 du Code de la construction et de l’habitation, fixant au 31 décembre 1990 la date limite pour la mise en service des appareils de comptage, n’entraînait pas la nullité des stipulations des statuts de l’Union, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

 

PAR CES MOTIFS :

 

REJETTE le pourvoi

 

Résumé de l’arrêt établi par les services de la Cour de cassation :

Justifie légalement sa décision une cour d’appel qui rejette la demande de syndicats de copropriétaires tendant à faire réputer non écrite une stipulation des statuts de l’union constituée entre ces syndicats pour la gestion d’une installation commune de chauffage et relative à la répartition des charges en découlant aux motifs, d’une part, qu’il ne s’agissait pas du partage d’une masse indivise auquel une action en rescision pour lésion puisse s’appliquer et, d’autre part, que l’article R. 131-5 du Code de la construction et de l’habitation, dans sa rédaction applicable à l’espèce, fixant une date limite pour la mise en service d’appareils de comptage, n’entraînait pas la nullité des stipulations des statuts de l’union.

 

Commentaire   (établi en 1993)  :

 

L’arrêt présente un intérêt évident.

Trois syndicats de copropriétaires ont constitué une Union de syndicats pour la gestion de certains équipements communs, dont une chaufferie.

L’article 19 des statuts de l’Union prévoyait de répartir les charges de chauffage au prorata de la puissance calorifique pour chaque bâtiment. Deux des syndicats ont allégués des anomalies dans le calcul des puissances calorifiques, qui conduisaient à des différences de charges de chauffage très importantes dépassant 50 % aires de ces syndicats.

Devant la Cour de cassation les syndicats plaignants ont prétendu que la Cour d’appel avait constaté les anomalies des puissances calorifiques calculées. L’arrêt de la Cour de cassation énonce au contraire que la Cour d’appel avait « constaté qu’il n’était pas établi qu’une erreur matérielle ou de calcul fût à l’origine de la disparité prétendue ». Une contradiction de ce type est étonnante à ce stade de l’instance !

 

Les syndicats plaignants demandaient, en langage courant, la modification de la répartition des charges de chauffage entre les bâtiments concernés.

Leur action se présentait sous un double aspect.

 

D’une part, ils prétendaient « que l’action en rescision pour lésion de plus du quart est applicable au partage de toute indivision, quelle que soit son origine »

La Cour d’appel a jugé que l’action en rescision pour lésion de plus du quart a un domaine limité au partage d’une succession entre cohéritiers, et ne pouvait être formée au sujet du partage de l’indivision conventionnelle créée relativement aux charges de chauffage par des syndicats de copropriétaires ;

L’argumentation des syndicats était juridiquement intenable. On ne peut pas assimiler une répartition de charges de copropriété au partage d’une indivision. Il est donc sans intérêt de s’attarder sur la motivation concernant la prescription ou non de l’action en rescision.

 

D’autre part, et beaucoup plus solidement, ils rappelaient qu’en vertu de l’article 4 de la loi n° 74-904 du 29 octobre 1974 «  tout immeuble collectif pourvu d’un chauffage commun doit comporter, quand la technique le permet, une installation permettant de déterminer la quantité de chaleur et d’eau chaude fournie à chaque local occupé à titre privatif ».

La position de la Cour d’appel sur ce point est assez surprenantes :

Elle a jugé en premier lieu n’aurait pas été applicable à la répartition des dépenses de chauffage entre les syndicats de copropriétaires de trois immeubles collectifs à l’intérieur d’une union de syndicats.

Elle a jugé en second lieu que l’article R. 131-5 du Code de la construction et de l’habitation, dans sa rédaction applicable à l’espèce, fixant une date limite pour la mise en service d’appareils de comptage, n’entraînait pas la nullité des stipulations des statuts de l’union.

 

La Cour de cassation retient cette dernière motivation en jugeant que la Cour d’appel « qui a exactement retenu que, dans sa rédaction applicable à l’espèce, l’article R. 131-5 du Code de la construction et de l’habitation, fixant au 31 décembre 1990 la date limite pour la mise en service des appareils de comptage, n’entraînait pas la nullité des stipulations des statuts de l’Union, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ».

On se demande en quoi la fixation d’une date limite pour l’exécution des travaux imposés par l’individualisation des frais de chauffage aurait une incidence sur ce litige.

La réponse est fournie par le 6° de l’argumentation des syndicats :

« que la cour d’appel, qui a jugé que le texte d’application instituant une date limite pour la mise en service des compteurs imposés par la loi, aurait privé la règle de principe, posée par le législateur, de force obligatoire et aurait été de nature à dispenser les syndicats intéressés de satisfaire à leur obligation de principe de procéder à une installation permettant de déterminer la quantité de chaleur fournie à chaque immeuble, a faussement appliqué les articles R.131-3 et R. 131-5 du Code de la construction et de l’habitation »

 

La date évoquée est simplement celle à partir de laquelle les propriétaires des immeubles se sont trouvés en infraction avec les prescriptions légales et réglementaires relatives à la répartition des frais de chauffage. Elle ne pouvait en aucun cas priver la règle de principe, posée par le législateur, de force obligatoire, ni être de nature à dispenser les syndicats intéressés de satisfaire à leur obligation de principe de procéder à une installation permettant de déterminer la quantité de chaleur fournie à chaque immeuble.

C’est aussi à partir de cette date que, face à l’inaction du syndicat, un copropriétaire pouvait exiger l’inscription de cette question à l’ordre du jour d’une assemblée. Cela montre bien que la règle de principe n’est pas privée de force obligatoire.

 

Reste enfin la question la plus importante, qui est demeurée sans réponse de la Cour de cassation :

Le « comptage » s’impose-t-il au sein de l’Union ?

La réponse instinctive est affirmative. On ajouterait même volontiers qu’il est plus utile entre les bâtiments qu’entre les lots qu’ils comportent !

Le problème se pose plus souvent encore dans le cas des ensembles immobiliers dotés d’une association syndicale assurant la gestion du chauffage.

 

La Cour de Cassation vient certes de rappeler dans un arrêt récent (Cass. civ. 3e 30/03/1993 n° 91-14212) la primauté des clauses du règlement de copropriété sur les propositions de modification de la répartition faite par un expert spécialisé. Mais la situation juridique est alors différente.

 

Il est nous paraît bien certain qu’en raison de son intérêt économique majeur, l’obligation d’une installation « permettant de déterminer la quantité de chaleur et d’eau chaude fournie à chaque local occupé à titre privatif » subsiste et s’impose à tout ensemble collectif. Dans une copropriété dépendant d’un groupe d’immeubles, d’une union de syndicats ou d’une association syndicale, comment pourrait-on la respecter si la chaleur fournie à chaque bâtiment par l’institution collective n’est pas décomptée ?

 

 

 

 

 

Mise à jour

30/11/2008