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Location meublée de courte durée

Exploitation soumise à autorisation de l’assemblée (Clause RC)

Licéité de la clause (NON)

Exercice d’une profession libérale autorisé (Clause RC)

Inconvénients similaires

 

 

 

Cassation civile 3e     8 juin 2011

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris du 3 février 2010

N° de pourvoi: 10-15891

Rejet

 

 

 

Sur le moyen unique :

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 3 février 2010), que les époux X..., propriétaires d’un lot de copropriété composé d’un appartement avec cave et d’une chambre de service située au-dessus qu’ils donnaient à bail en meublé, ont assigné le syndicat des copropriétaires du 11 bis rue Chomel à 75007 Paris qui entendait s’y opposer pour que soit notamment réputée non écrite la clause du règlement de copropriété soumettant la location en meublé à autorisation du syndicat sous le contrôle du juge ;

 

Attendu que le syndicat des copropriétaires fait grief à l’arrêt d’accueillir cette demande, alors, selon le moyen :

 

1°/ que chaque copropriétaire use et jouit librement des parties privatives comprises dans son lot sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble ; que la clause litigieuse du règlement de copropriété dispose que “les appartements ne pourront être occupés que bourgeoisement et par des personnes de bonnes vies et mœurs. Ils ne pourront être consacrés à la location meublée sans l’autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires (...)” ; qu’en estimant que cette clause instituait une restriction aux droits des copropriétaires qui n’était pas justifiée par la destination bourgeoise de l’immeuble et en ajoutant que l’activité de location meublée de M. et Mme X... n’avait provoqué aucune nuisance démontrée, tout en constatant cependant que cette activité entraînait, comme l’exercice d’une profession libérale,” des allées et venues importantes de personnes étrangères à l’immeuble”, ce dont il résultait nécessairement que la destination de l’immeuble se trouvait contrariée par cette activité de location meublée, le caractère bourgeois de l’occupation des appartements supposant nécessairement un nombre restreint de preneurs, qui seule peut garantir une jouissance paisible compatible avec une occupation bourgeoise de l’immeuble, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales des ses constatations et a violé les articles 8 et 9 de la loi du 10 juillet 1965 ;

 

2°/ que dans ses conclusions d’appel, le syndicat des copropriétaires faisait valoir que la clause litigieuse ne posait aucune interdiction de principe mais qu’elle organisait un régime d’autorisation, sous le contrôle du juge ; qu’en déclarant cette clause non écrite, au motif qu’elle imposerait des restrictions excessives aux droits des copropriétaires, sans répondre aux conclusions susvisées, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

 

Mais attendu qu’ayant relevé que le règlement de copropriété autorisait expressément l’exercice d’une profession libérale qui entraînait des inconvénients similaires à ceux dénoncés par le syndicat pour la location meublée de courte durée et souverainement retenu que celle-ci n’avait provoqué aucune nuisance, la cour d’appel, qui, en retenant que la restriction n’était pas justifiée par la destination de l’immeuble a répondu aux conclusions, a pu en déduire que la clause restreignant les droits des époux X... sur les parties privatives de leur lot était réputée non écrite ;

 

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

 

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

 

Condamne le syndicat des copropriétaires du 11 bis rue Chomel à 75007 Paris aux dépens ;

 

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne le syndicat des copropriétaires du 11 bis rue Chomel à 75007 Paris au paiement de la somme de 2 500 euros aux époux X... ; rejette la demande du syndicat des copropriétaires du 11 bis rue Chomel à 75007 Paris ;

 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille onze.

 

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

 

 

Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour le syndicat des copropriétaires du 11 bis rue Chomel Paris 7e

 

 

Il est reproché à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir dit que la clause du règlement de copropriété relative à la location meublée devait être réputée non écrite ;

 

AUX MOTIFS QUE la clause litigieuse du règlement de copropriété du 25 mai 1954 (page 14) est la suivante : «Ils (les appartements) ne pourront être occupés que bourgeoisement et par des personnes de bonnes vie et mœurs. Ils ne pourront être consacrés à la location meublée sans l’autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires, votant à la majorité, comme prévu sous le chapitre IV. Cette autorisation pourra être retirée par l’assemblée générale, sans que celle-ci ait à motiver sa décision et sans que le propriétaire visé puisse prétendre à aucune indemnité» ; que se fondant sur les articles 8 et 43 de la loi du 10 juillet 1965, M. et Mme X... demandent que cette clause soit réputée non écrite ; que cette clause donne à l’assemblée générale le pouvoir discrétionnaire d’autoriser un copropriétaire à louer ses lots en meublé et de retirer à tout moment cette autorisation ; que l’assemblée n’est pas tenue de motiver sa décision en vertu de la clause même ; qu’aucun critère objectif notamment de durée n’est posé par cette clause, M. et Mme X... ne pouvant donc soutenir qu’elle ne viserait que la location meublée définie à l’article L.632-1 du code de la construction et de l’habitation ; que si le règlement de copropriété de l’immeuble prévoit que la destination de l’immeuble est l’habitation bourgeoise, il y autorise expressément l’exercice d’une profession libérale ; que l’exercice d’une telle activité entraîne des inconvénients similaires à ceux dénoncés par le syndicat pour la location meublée de courte durée, soit des allées et venues importantes de personnes étrangères à l’immeuble ; qu’une telle clause restreignant les droits de M. et Mme X... sur leurs parties privatives en les soumettant au pouvoir discrétionnaire de l’assemblée pour pouvoir louer leur bien et sans que cette restriction soit justifiée par la destination contractuelle de l’immeuble sera réputée non écrite en application des articles 8 et 43 de la loi du 10 juillet 1965, étant précisé qu’en mettant en location meublée l’appartement dont ils sont propriétaires, M. et Mme X... n’exercent pas une activité commerciale ; que l’exercice de cette activité n’est cependant possible que si elle ne porte pas atteinte aux droits des autres copropriétaires, par des nuisances fautives des locataires, l’article 9 de la loi du 10 juillet 1965 prévoyant que chaque copropriétaire use et jouit librement de ses parties privatives sous cette réserve ; que de telles nuisances ne peuvent être envisagées qu’in concreto ; que les seuls éléments versés aux débats par le syndicat ne sont pas suffisants pour établir leur existence au cours de la procédure ; que les nuisances invoquées et justifiées par des pièces (pièces 9 et 10 du syndicat) pouvant être retenues comme éléments de preuve même si elles émanent de membres du conseil syndical tiennent à des faits ponctuels (eau du bain ayant coulé longtemps les 11 et 12 juin 2008, porte d’entrée laissée ouverte les 23 et 30 mars 2008) et sans réelle preuve que l’ensemble de ces «incidents» soient le fait des locataires de M. X... ;

 

 

ALORS, D’UNE PART, QUE chaque copropriétaire use et jouit librement des parties privatives comprises dans son lot sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble ; que la clause litigieuse du règlement de copropriété dispose que «les appartements ne pourront être occupés que bourgeoisement et par des personnes de bonnes vie et moeurs. Ils ne pourront être consacrés à la location meublée sans l’autorisation de l’assemblée générale des propriétaires (…)» ; qu’en estimant que cette clause instituait une restriction aux droits des copropriétaires qui n’était pas justifiée par la destination bourgeoise de l’immeuble et en ajoutant que l’activité de location meublée de M. et Mme X... n’avait provoqué aucune nuisance démontrée, tout en constatant cependant que cette activité entraînait, comme l’exercice d’une profession libérale, «des allées et venues importantes de personnes étrangères à l’immeuble» (arrêt attaqué, p. 4 in fine), ce dont il résultait nécessairement que la destination de l’immeuble se trouvait contrariée par cette activité de location meublée, le caractère bourgeois de l’occupation des appartements supposant nécessairement un nombre restreint de preneurs, qui seul peut garantir une jouissance paisible compatible avec une occupation bourgeoise de l’immeuble, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 8 et 9 de la loi du 10 juillet 1965 ;

 

 

ALORS, D’AUTRE PART, QUE dans ses conclusions d’appel (signifiées le 3 novembre 2009, p. 12), le syndicat des copropriétaires faisait valoir que la clause litigieuse ne posait aucune interdiction de principe mais qu’elle organisait un régime d’autorisation, sous le contrôle du juge ; qu’en déclarant cette clause non écrite, au motif qu’elle imposerait des restrictions excessives aux droits des copropriétaires, sans répondre aux conclusions susvisées, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.

 

commentaires

 

La lecture de l’arrêt peut être perturbatrice dans un premier temps parce qu’il y est question de location meublée de courte durée.

Il s’agit fréquemment de périodes très courtes, - une semaine souvent -, et l’exploitation s’avère alors assez proche d’une exploitation de garnis (*) . Il n’y a alors ni emménagement ni déménagement bien entendu, mais néanmoins des arrivées souvent bruyantes et encombrantes de familles respectables, certes, mais pas toujours au courant des us et coutumes de l’immeuble.

Les praticiens savent que parfois la respectabilité est contestable.

Dans certains cas, l’exploitation se présente sous la forme d’une sorte de concession à une compagnie aérienne ou à une agence de voyage. La question se pose d’une éventuelle exploitation commerciale.

Le syndicat des copropriétaires n’invoquait apparemment que « des allées et venues importantes de personnes étrangères à l’immeuble ». Il ne rapportait la preuve d’aucune nuisance. L’argumentation était d’une insigne faiblesse.

 

On peut donc comprendre que la Cour d’appel de Paris, approuvée par la Cour de cassation, ait relevé « que le règlement de copropriété autorisait expressément l’exercice d’une profession libérale qui entraînait des inconvénients similaires à ceux dénoncés par le syndicat pour la location meublée de courte durée »

Nous considérons que l’arrêt, - qu’on doit en l’espèce approuver -, n’est pas déterminant à propos de ce type de location. Il sera néanmoins invoqué par les spécialistes de ce genre d’activité, ce que l’on peut regretter.

 

(*) La location en garni est définie comme une location en meublé dans laquelle le bailleur ou le logeur fournit des prestations secondaires, telles que location de linge, entretient et nettoyage des locaux, etc. Le service des garnis de la préfecture de police de Paris exerce son contrôle sur les hôtels et maisons meublées.

 

 

 

 

 

Mise à jour

02/07/2011