L’enregistrement d’une communication téléphonique est un moyen de preuve déloyal

Cass. civ. 2e 07/10/2004

 

 

Cass. civ.  2e    07/10/2004 

N° de pourvoi   03-12653

 

 

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu les articles 9 du nouveau Code de procédure civile et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

 

Attendu qu'en 1989 Mme X... a reçu de M. Y... une somme d'argent que les héritières de ce dernier lui ont réclamée au motif qu'elle aurait été prêtée et non donnée ; qu'afin de rapporter la preuve de leur allégation, elles ont versé aux débats une cassette contenant l'enregistrement d'une conversation téléphonique effectué par M. Y... à l'insu de son interlocutrice, Mme X... ;

Attendu que pour condamner Mme X... à payer aux consorts Z... une somme de 150 000 francs outre les intérêts et dire qu'elle serait redevable des conséquences fiscales d'une réintégration de la créance au patrimoine de M. Y..., tardive en raison de son refus de reconnaître le prêt, la cour d'appel a énoncé que le secret des correspondances émises par la voie des télécommunications était opposable aux tiers mais pas à M. Y... qui avait pu valablement enregistrer une conversation qu'il avait eue personnellement avec une autre personne, ni à ses héritiers qui sont l'émanation de sa personne ;

que sa production à la présente instance ne portait pas atteinte à la vie privée de Mme X... dès lors qu'aucun fait relevant de la sphère de son intimité n'était révélée, la discussion rapportée portant exclusivement sur le remboursement du prêt consenti par M. Y... et que la production de la cassette était un moyen de preuve recevable ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'enregistrement d'une conversation téléphonique privée, effectué et conservé à l'insu de l'auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

 

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

 

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 janvier 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne les consorts Z... et Mlle A... aux dépens ;

 

 

 

COMMENTAIRES :

 

Rappelons les dispositions de l’article 226-1 du Code pénal, dans rédaction actuelle (Ordonnance nº 2000-916 du 19 septembre 2000 art. 3  en vigueur le 1er janvier 2002), antérieure aux faits de la cause :

 

« Est puni d'un an d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende le fait, au moyen d'un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui :

« En captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ;

« En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé.

« Lorsque les actes mentionnés au présent article ont été accomplis au vu et au su des intéressés sans qu'ils s'y soient opposés, alors qu'ils étaient en mesure de le faire, le consentement de ceux-ci est présumé. »

 

Notons au passage que, s’agissant de l’enregistrement des débats d’une assemblée générale de copropriétaires, et réserve faite de la qualification de « paroles prononcées à titre privé ou confidentiel », le consentement des copropriétaires doit être présumé si l’enregistrement est effectué au vu et au su des intéressés.

 

 

 

 

 

Mise à jour

23/04/2006