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Copropriété horizontale Règlement de copropriété Claude interdisant de se clore Licéité (oui) Article 647 Code civil ; ordre public (non) Cassation civile
3e 7 mars 2007 Cassation Cour d’appel d’Orléans (chambre solennelle) 2005-03-11 N° de pourvoi : 06-12702 Sur le moyen unique : Vu l’article 1134 du code civil, ensemble l’article 8 de la loi du 10 juillet 1965 ; Attendu, selon l’arrêt attaqué (Orléans, 11 mars 2005), rendu sur renvoi après cassation (3ème Civ., 16 septembre 2003, pourvoi n° 02-10.287), que les époux X..., propriétaires d’un lot dans une copropriété dénommée “Le Hameau Coudray III”, ont assigné Mme Y..., propriétaire d’un lot contigü, en suppression de la clôture qu’elle avait édifiée sur sa partie privative pour séparer leurs garages respectifs en violation du règlement de copropriété ; Attendu que pour rejeter cette demande, l’arrêt retient que le règlement de copropriété invoqué par les époux X... ne saurait faire échec à l’application à la cause de l’article 647 du code civil qui dispose que tout propriétaire peut clore son héritage ; Qu’en statuant ainsi, alors que, l’article 647 du code civil n’étant pas d’ordre public les stipulations du règlement de copropriété s’imposent à tous les copropriétaires, la cour d’appel a violé les textes sus-visés ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 11 mars 2005, entre les parties, par la cour d’appel d’Orléans ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Orléans, autrement composée ; Condamne Mme Y... aux dépens ; Vu l’article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne Mme Y... à payer aux époux X... la somme de 2 000 euros ; Vu l’article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande de Mme Y... ; COMMENTAIRES : L’arrêt relaté casse un arrêt de la Cour d’appel
d’Orléans réunie en Chambre solennelle. En zone rurale, le droit de se clore est
considéré traditionnellement comme un attribut primordial et imprescriptible
du droit de propriété, sauf existence d’un titre contraire. Il a été établi
par la loi des 28 septembre et 6 octobre 1791 qui a abrogé « toutes les
lois et coutumes qui peuvent contrarier ce droit ». Le titre contraire établissait à l’origine un droit
collectif de parcours et vaine pâture au profit des habitants
« reconnus » d’une ou plusieurs communes. En clôturant ses terres,
un habitant perdait ipso facto le bénéfice du droit collectif. On retrouve
cette sanction dans l’article 648 du Code civil. En l’espèce, nous sommes également en présence d’un
conflit entre une prétention individuelle fondée sur le droit de propriété et
la charte collective d’une copropriété. En zone urbaine (villes et faubourgs), et
pour mémoire, chacun peut contraindre son voisin à élever et entretenir à
frais communs un mur de séparation [1]
entre leurs maisons, cours et jardins. La servitude de clôture a toujours
pour but de pourvoir à la sûreté et à la tranquillité publiques, de garantir
les personnes et les propriétés, de protéger contre les indiscrétions, les
secrets de la vie privée et d’éviter les querelles de voisinage. La raison
d’être de la servitude exige donc que toute nouvelle clôture soit totale. De nos jours le droit de clore se présente : - Comme la faculté unilatérale de se clore prévue par
l’article 647 C. civ., qui réserve l’exception de la servitude de passage
régie par l’article 682. Dans ce cas le mur est construit sur le terrain de
celui qui prend l’initiative. - Comme l’obligation faite à un propriétaire de
contribuer à l’établissement d’une clôture commune sur la réquisition de son
voisin, prévue par l’article 663 C. civ. , dans le cas des villes et
faubourgs, et dans les termes énoncés plus haut. Dans ce cas, la clôture
mitoyenne est établie sur la ligne séparative des deux terrains. La solution énoncée lapidairement par la Cour de
Cassation fait prévaloir les dispositions du règlement de copropriété au
motif que l’article 647 n’est pas d’ordre public. On considérait jusqu’à
présent que, seules, des dispositions administratives relevant de la
politique de l’urbanisme pouvaient faire échec au droit de se clore. Le
premier arrêt de cassation, statuant sur une difficulté procédurale, énonçait
d’ailleurs que les aménagements effectués étaient contraires au règlement de
copropriété et aux règles d'urbanisme concernant les
accès pour handicapés et au plan de masse ; On peut néanmoins considérer que la prohibition des
clôtures entre dans les caractéristiques déterminantes d’un ensemble en
copropriété au même titre que sa destination, et que la règle doit être
respectée dès lors qu’elle a été librement acceptée. Nous sommes alors dans
le cas d’application de l’article 1134 du Code civil, visé dans l’arrêt. Il eût été souhaitable de mieux faire valoir qu’il y a
une différence fondamentale entre propriété et copropriété. Cette
différence justifie d’écarter les dispositions révolutionnaires de la loi de
1791, fortement attachées au droit de propriété. A cet égard, affirmer
seulement que l’article 647 n’est pas d’ordre public est un peu mesquin.
C’est faire peu de cas des sources historiques. Mais l’arrêt répond à des nombreuses interrogations sur
le point concerné. La navette judiciaire montre l’acuité de la controverse.
La solution pratique adoptée est satisfaisante à notre avis. Elle est
certainement applicable aux institutions collectives connexes, notamment les
associations syndicales libres. |
Mise à jour |
[1] Le mur de séparation est celui pouvant supporter des constructions de part et d’autre, par opposition au mur de simple clôture.