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Contribution aux charges

Action en nullité de la répartition des charges d’ascenseur

Clause réputée non écrite  « n’ayant jamais existé »

Effet rétroactif de l’annulation (oui)

 

 

Cassation  civile 3e    2 mars 2005

Cassation partielle

N° de pourvoi : 03-16731

Cour d’appel de Basse-Terre 2e chambre civile 10/02/2003

 

Président : M. WEBER

 

 

 

Sur le moyen unique :

 

Vu l’article 43, alinéa 1er, de la loi du 10 juillet 1965 ;

 

Attendu que toutes clauses contraires aux dispositions des articles 6 à 37, 42 et 46 de cette loi et celles du règlement d’administration publique prises pour leur application sont réputées non écrites ;

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Bazar des Iles (la société), condamnée à payer un arriéré de charges de copropriété, a assigné le syndicat des copropriétaires de la résidence La Darse en annulation des clauses du règlement de copropriété lui imposant de contribuer aux charges d’ascenseur pour le lot en rez-de-chaussée dont elle est propriétaire et à celles d’entretien pour des parkings qu’elle ne possède pas ;

 

Attendu que pour condamner la société à payer à ce titre une certaine somme au syndicat des copropriétaires, l’arrêt qui annule ces clauses énonce que sa décision n’a pas de caractère rétroactif et retient que la nouvelle répartition des charges ne prendra effet qu’après la signification de l’arrêt qui, au vu du résultat d’une mesure d’instruction, la déterminera ;

 

Qu’en statuant ainsi, alors qu’une clause réputée non écrite est censée n’avoir jamais existé, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

 

PAR CES MOTIFS :

 

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il dit que la nouvelle répartition des charges ne prendra effet qu’après signification de l’arrêt qui l’entérinera, et en ce qu’il condamne la société Bazar des Iles à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence La Darse la somme de 38 910,45 euros, l’arrêt rendu le 10 février 2003, entre les parties, par la cour d’appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Fort-de-France ;

 

Condamne le syndicat des copropriétaires de la Résidence La Darse aux dépens ;

 

 

Commentaire :

 

La clause litigieuse imposait à un lot du rez-de-chaussée une contribution aux charges d’ascenseur. Cette catégorie de charges est la seule demeurant assujettie strictement aux dispositions de l’article L 10 alinéa 1. Il a été admis, pour toutes les autres catégories, que la répartition pouvait être effectuée au prorata des tantièmes de copropriété, sauf à rapporter la preuve d’une discordance manifeste avec le critère de l’utilité.

Dans la quasi-totalité des cas, une clause imposant aux lots du rez-de-chaussée une contribution aux charges d’ascenseur se trouve dans un règlement de copropriété antérieur à l’entrée en vigueur de la loi de 1965. Elle était donc légale lors de la rédaction du règlement de copropriété, puisque conforme aux dispositions de la loi du 28 juin 1938.

La Cour de cassation peut-elle alors poser comme règle générale, si l’on s’en tient à la lecture de l’arrêt, « qu’une clause réputée non écrite est censée n’avoir jamais existé » ? La réponse est évidente : l’affirmation posée est contraire aux principes généraux du droit. Plus grave encore est de prétendre qu’une loi d’ordre public peut avoir un effet rétroactif.

S’il apparaît qu’une clause traditionnelle est de nature à perturber l’équilibre économique des relations contractuelles, une loi d’ordre public du 15 octobre 2005 peut imposer son effacement pour l’avenir et son remplacement par les dispositions qu’elle impose. Si les parties n’ont pas tenu compte immédiatement des nouvelles dispositions légales, l’une d’elle pourra, le 15 janvier 2007, l’invoquer à son profit. Le Juge pourra alors dire que la clause est réputée non écrite depuis le 15 octobre 2005 et ordonner la remise en ordre des affaires à compter rétroactivement de cette date. C’est en cela seulement que la loi peut être rétroactive. L’application du principe énoncé par la Cour de cassation permettrait au juge d’ordonner la remise en ordre des affaires pour la période antérieure à la promulgation de la loi d’ordre public, ce qui n’est pas concevable, hormis le cas différent d’une décision interprétative d’une loi plus ancienne.

Généralement le texte d’ordre public se suffit à lui-même. Il interdit une clause déterminée et prescrit de la remplacer par une disposition nouvelle qu’il suffit de substituer à l’ancienne. Ce n’est pas le cas en l’espèce. Pour respecter les dispositions nouvelles de l’article L 10 alinéa 1, les syndicats devaient prendre la peine d’établir  de nouvelles grilles de répartition et les adopter dans les conditions, - difficiles -, prévues par la loi pour toute modification de la répartition des charges. A défaut, il était nécessaire de provoquer une intervention judiciaire.

Le législateur de 1965, décidant d’effacer un régime légal antérieur conforme à des pratiques parfois centenaires, se devait de prévoir un régime transitoire. C’est à juste titre qu’on a estimé, puis jugé, que l’ancienne répartition devrait rester en vigueur jusqu’à son remplacement par une nouvelle répartition régulièrement fixée, soit par décision de l’assemblée, soit par une décision judiciaire devenue définitive. La solution était d’autant plus justifiée qu’elle s’appliquait initialement à la révision légale de la répartition, en l’absence de toute action en nullité prévue par la loi.

La jurisprudence a remédié à cette lacune. On a adopté d’emblée le même système. Dès lors qu’une répartition est annulée judiciairement, il faut en créer une nouvelle. La répartition ancienne subsiste comme il est indiqué ci dessus pour la révision. La loi du 31 décembre 1985 a complété à cet effet l’article L 43 : « Lorsque le juge, en application de l’alinéa premier du précédent article, répute non écrite une clause relative à la répartition des charges, il procède à leur nouvelle répartition. ». On a admis, ce qui était raisonnable, que la répartition nouvelle prenait effet à la date de la décision judiciaire  devenue définitive. C’est ce mécanisme qui est remis en cause par l’arrêt.

 

Il est vrai que maints syndicats, bien que parfaitement informés de l’illégalité manifeste d’une répartition de charges, n’ont pas cru devoir s’en soucier. Il n’est pas injuste qu’ils soient sanctionnés à ce titre. On peut regretter à cet égard que l’article L 49, relatif à l’adaptation des règlements de copropriété, ne comporte aucune disposition propre à remédier à ce genre de situation. Autant dire que le législateur de 2000, comme celui de 1965, n’est pas exempt de tout reproche.

Encore faut-il que la sanction soit cohérente. Est-il vraiment nécessaire d’aggraver le désordre créé dans une copropriété par une procédure longue et coûteuse en prescrivant des mesures réparatrices dont on sait bien que leur mise en œuvre est matériellement impossible ?

 

L’effet pratique de l’arrêt est en effet que l’annulation remet en cause tous les comptes établis dans le passé, sans qu’on connaisse d’ailleurs la date à laquelle on doit ainsi remonter théoriquement. On a sur cette question un exemple frappant des errements de la jurisprudence. Dans un premier temps (1981) il a été jugé que l’annulation prenait effet à la date de la décision devenue définitive[1] La solution est identique à celle admise pour l’action en révision de la répartition. A cette époque subsiste le problème de l’établissement d’une nouvelle répartition. Le Juge n’a pas le pouvoir de l’établir. Les difficultés subsistent si l’assemblée générale ne parvient pas à l’établir.

Cette question a été réglée par la loi du 31 décembre 1985 qui a modifié l’article L 43 en prescrivant au Juge de l’établir.

La non-rétroactivité reste la règle jusqu’à ces derniers temps [2] La Cour d’appel de Versailles, dans un arrêt du 15 mars 2004 (Syndicat 11 rue de Solferino à Boulogne), jugeait encore que le demandeur ayant obtenu l’annulation d’une clause de répartition ne pouvait, pour autant, obtenir le remboursement des charges indûment payées.

C’est donc une solution ancienne qui est ainsi jetée aux orties.

 

 

 

Mise à jour

22/09/2005

 

 



[1] Cass. civ. 20/10/1981 Administrer janvier 1982 p. 34.

[2] Cass 03/05/1990 ; 10/10/1995 ; 03/07/1996 (Loyers et copropriété 1996-n° 406)