ACTION DU CRÉANCIER DU SYNDICAT

ACTION EN RECOUVREMENT CONTRE LES COPROPRIÉTAIRES

LOYERS DU BAIL A CONSTRUCTION DU BÂTIMENT

PRESCRIPTION OPPOSABLE QUINQUENNALE (NON)  DÉCENNALE (OUI)

 

 

Cour de Cassation  Chambre civile 3  du 1 mars 2006         Cassation

 

N° de pourvoi : 05-11522

Cour d’appel de Pau (1re civ)   18/10/2004

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la commune d’Aragnouet a donné à bail à construction à la SCI Hôtel du Piau une parcelle de terrain pour y construire un immeuble à usage d’hôtel et ce, moyennant un loyer de 10 francs le mètre carré ; que le gérant de la SCI a fait établir un règlement de copropriété destiné à s’appliquer à l’hôtel en construction qui stipulait en son article 22 qu’au nombre des charges communes incombant aux copropriétaires figurait le loyer du terrain ; que M. X... et Mme X... ainsi que la SCI Leca, constituée entre eux, ont respectivement acquis du 27 juin 1985 au 18 juillet 1999, divers lots ; que le syndicat des copropriétaires ne réglant pas les loyers, la commune a obtenu par une décision irrévocable la condamnation de celui-ci à lui payer une certaine somme représentant les loyers impayés de 1983 à 1995 inclus ; que n’ayant pu obtenir du syndicat paiement de sa créance, la commune a émis à l’encontre des époux X... et de la SCI Leca des titres exécutoires ; que Mme X... a assigné la commune en annulation de ces titres et en fixation de sa dette non prescrite ;

 

Sur la recevabilité du pourvoi contestée par la défense :

 

Attendu que la commune d’Aragnouet soutient que le pourvoi formé par Mme X... est irrecevable en application de l’article 608 du nouveau Code de procédure civile comme étant dirigé contre un arrêt confirmant un jugement qui a seulement écarté l’autorité de la chose jugée et la prescription, et qui, “avant dire droit” sur la validité des titres exécutoires, a ordonné une expertise ;

 

Mais attendu que la cour d’appel ayant statué sur la recevabilité de l’action oblique exercée par la commune d’Aragnouet à l’encontre des copropriétaires, et de ce fait tranché une partie du principal, le pourvoi est recevable ;

 

Mais sur le premier moyen :

 

Vu les articles 1166 du Code civil, ensemble l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965 ;

 

Attendu que pour déclarer la commune recevable à agir contre les époux X... et la SCI Leca, l’arrêt retient que tout créancier du syndicat peut agir directement en paiement de la dette de celui-ci en proportion de la part contributive de chaque copropriétaire telle que fixée par le règlement de copropriété, que la commune peut donc leur réclamer paiement par le biais de l’action oblique distincte en son fondement contractuel du bail à construction, qu’enfin cette demande ne se heurte en rien à la prescription quinquennale, s’agissant de recouvrement de sommes fixées par décision de justice à l’encontre d’un copropriétaire par le biais de l’action oblique ;

 

Qu’en statuant ainsi, sans rechercher si, s’agissant de charges incombant aux copropriétaires défendeurs à l’action oblique, la prescription décennale n’était pas acquise, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

 

 

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

 

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt n° RG/03/00820 rendu le 18 octobre 2004, entre les parties, par la cour d’appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Toulouse ;

 

Condamne la commune d’Aragnouet aux dépens ;

 

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la commune d’Aragnouet à payer à Mme X... la somme de 1 800 euros ; rejette la demande de la commune d’Aragnouet ;

 

 

Commentaires :

 

Cet arrêt présente un double intérêt :

Il permet de rappeler qu’un immeuble en copropriété peut être bâti sur un terrain appartenant à autrui, notamment par le biais d’un bail à construction.

Il permet également de constater les inconvénients de qualification d’action oblique de la procédure permettant à un créancier impayé du syndicat de demander paiement aux copropriétaires, chacun pour sa quote-part.

 

L’article 1er de la loi permet sans nul doute d’appliquer le régime de la copropriété à un immeuble construit dans le cadre d’un bail à construction. On se trouve ainsi en présence d’une copropriété qui n’a pas forcément vocation à la perpétuité.

L’article L 251-2 CCH dispose en effet : « Les parties conviennent de leurs droits respectifs de propriété sur les constructions existantes et sur les constructions édifiées. A défaut d'une telle convention, le bailleur en devient propriétaire en fin de bail et profite des améliorations. ». Les acquéreurs d’un lot dans une copropriété de ce genre ont le plus grand intérêt à prendre connaissance des termes du bail qui doivent être reproduits dans le règlement de copropriété.

Une autre particularité est que le syndicat des copropriétaires est tenu de respecter les dispositions de l’article 251-4 CCH relatives aux obligations du preneur, pour ce qui est des charges locatives, du maintien des constructions en bon état d’entretien et des réparations de toute nature. Les assemblées générales ont donc l’obligation de prendre les décisions nécessaires pour le respect de ces obligations.

Le syndicat des copropriétaires est tenu au paiement du loyer. C’est la question principalement traitée par l’arrêt.

 

En l’espèce, les loyers étaient demeurés impayés de 1983 à 1995. La commune propriétaire avait  décidé de poursuivre « directement » les copropriétaires, chacun pour sa quote-part. A cet effet elle a émis des titres exécutoires à l’encontre des deux seuls copropriétaires. L’un d’eux a opposé la prescription quinquennale. Ce faisant, il opposait au bailleur une exception que le syndicat, preneur débiteur principal et créancier du copropriétaire débiteur en second, aurait pu soulever. La Cour d’appel de Pau a jugé que cette prescription ne pouvait être opposée au bailleur dès lors que la créance relevait d’un jugement exécutoire.

La Cour de cassation, pour sa part, a cassé l’arrêt. Elle reproche à la Cour d’appel de ne pas avoir examiné l’application possible de la prescription décennale prévue par l’article 42 en matière de copropriété.

On se bornera, sur cette affaire sans doute mal engagée initialement, à rappeler la controverse relative à la qualification de l’action en paiement du créancier du syndicat des copropriétaires contre les copropriétaires. Action directe au sens propre du terme pour les uns, action oblique pour les autres. Dans le premier cas, le copropriétaire ne peut opposer au créancier demandeur les exceptions opposables au syndicat, créancier en second. Dans le second cas, il le peut comme on le voit ici.

Sur cette controverse voir sur JPM-COPRO Cass. civ. 3e 26/10/2005 (04-16664) et le commentaire.

 

 

 

 

 

 

 

Mise à jour

15/03/2006