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Superficie Carrez

Erreur dans l’estimation établie par un expert

Restitution du prix proportionnelle à la moindre mesure

Garantie légale sans constatation d’une faute ou d’un préjudice

Absence de tout autre préjudice que celui réparé forfaitairement par la loi

Responsabilité de l’expert envers le vendeur (oui)

indemnité égale au montant de la réduction du prix

Responsabilité de l’expert envers l’acquéreur (non) ; lien de droit (non)

 

 

Cour d’appel de Nîmes  1e chambre A   25 septembre 2007

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Nîmes du 4 mai 2004

 

 

 

APPELANTE :

Madame Lydia Z... épouse A...

 

INTIMES :

Mademoiselle Célia X...

 

Monsieur Serge Y...

 

SOCIÉTÉ D’ASSURANCE MUTUELLES DES ARCHITECTES FRANÇAIS-MAF

 

 

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 04 Mai 2007

 

COMPOSITION DE LA COUR

[…]

 

DÉBATS :

à l’audience publique du 30 Mai 2007, où l’affaire a été mise en délibéré au 25 Septembre 2007.

 

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

 

ARRÊT :

 

Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Pierre BOUYSSIC, Président, publiquement, le 25 Septembre 2007, date indiquée à l’issue des débats, par mise à disposition au greffe de la Cour.

 

****

 

Par acte notarié du 8 octobre 2002, Mademoiselle Célia X... a vendu à Madame Lydia Z... épouse A...le lot no 5 d’un ensemble immobilier sis Nîmes,... pour le prix de 160 071,47 €. L’acte précise que conformément aux dispositions de la loi du 18 décembre 1996, le vendeur a déclaré au vu d’une attestation établie par Monsieur Y..., architecte, que la surface vendue était de 137,81 m2. Doutant de la surface déclarée, Madame Z... l’a fait vérifier par Monsieur Joël C..., expert en diagnostic du bâtiment, lequel a établi le 7 novembre 2002 une attestation Loi CARREZ relevant une surface habitable de 124,22 m2, soit une différence de 13,58 m2 par rapport à la surface vendue.

Après lui avoir adressé une lettre recommandée demeurée sans suite, Madame Z... a fait assigner Mademoiselle X... devant le tribunal de grande instance de NÎMES, devant lequel Mademoiselle X... a appelé en garantie Monsieur Y... et son assureur la MAF.

 

Par jugement du 4 mai 2004, le tribunal a, au motif que Monsieur C... n’avait pas explicité les exclusions de superficie en procédant à une contre-mesure détaillant le calcul des surfaces non comptabilisées :

-débouté Mme Z... de ses demandes

-déclaré sans objet l’appel en garantie formé par Mme X... à l’encontre de M.Y... et de le MAF

-condamné Mme Z... à payer à M.Y... et la MAF une somme de 800 € en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile

-débouté Mme X... de sa demande formulée au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile

-condamné Mme X... aux dépens de l’appel en garantie et Mme Z... au surplus des dépens.

 

Madame Z... et Mademoiselle X... ont relevé appel de ce jugement.

 

Le conseiller de la mise en état a prononcé la jonction des instances par ordonnance du 16 juillet 2004, et il a confié une mission d’expertise à Monsieur E...par ordonnance du 24 novembre 2004.

L’expert a déposé son rapport le 20 octobre 2005.

***

Par conclusions du 26 janvier 2007 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et de ses moyens, Madame Z... demande à la Cour de :

En la forme,

Recevoir l’appel principal de Madame Z... contre Madame X..., et l’appel incident contre Y... et MAF.

Au fond,

Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Vu le rapport d’expertise établi par Monsieur E...et Monsieur F....

Prononcer jonction des instances.

Dire et juger que Monsieur Y... a commis une faute qui engage sa responsabilité sur le fondement de l’Article 1382 du Code Civil et que LA MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS est tenue à une obligation de garantie.

Dire et juger que Madame X... engage sa responsabilité contractuelle en sa qualité de venderesse.

 

En conséquence,

Condamner conjointement et solidairement Madame X..., Monsieur Serge Y... et la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS à payer à Madame Z... :

-14. 335 € au titre de la diminution du prix proportionnel à la moindre mesure et ce avec les intérêts au taux légal à compter de l’assignation initiale

-en remboursement des droits d’enregistrement indûment impayés pour 4,69 % HT soit 672,31 € HT

-au titre des honoraires du notaire indûment payés sur la base de 0,825 % soit 118,26 € HT

soit au total pour ces deux réclamations la somme de 945,52 € TTC

-5. 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et préjudice subi

-4. 000 € sur le fondement de l’article 700 du NCPC en considération de toutes les démarches que Madame Z... a été contrainte de réaliser et des frais qu’elle a du engager

Les condamner aux entiers dépens, qui comprendront les frais de première instance et les frais d’appel en ceux compris les frais d’expertise et ceux distraits au profit de la SCP TARDIEU.

 

Par conclusions du 15 décembre 2005 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et de ses moyens, Mademoiselle X..., qui conteste le rapport de Monsieur C...et ne formule aucune observation sur le rapport de l’expert judiciaire E..., demande à la Cour de :

CONFIRMANT la décision du premier juge

VU les articles 46 alinéa 7 de la loi du 10 juillet 1965 et 4-1 du décret du 17 mars 1967,

DEBOUTER Mme Z... de ses fins et demandes

LA CONDAMNER au paiement de la somme de 2000 € en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens

SUBSIDIAIREMENT,

S’il était fait droit à la demande de Mme Z...,

VU les articles 1146 et suivants du code civil

CONDAMNER Serge Y..., solidairement avec son assureur la M.A.F., à relever et garantir la concluante de toute condamnation susceptible d’être prononcée à son encontre

LES CONDAMNER au paiement de la somme de 2000 € en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

 

Par conclusions du 19 mai 2006 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens, Monsieur Serge Y... et la Mutuelle des Architectes Français MAF, qui ne formulent aucune observation sur le rapport de l’expert judiciaire E...et font valoir que Monsieur Y... n’a encaissé aucun prix et ne saurait être tenu à restitution, que le lien de causalité entre la faute invoquée et le préjudice allégué n’est pas établi et que si le mesurage avait établi une superficie inférieure à celle mentionnée dans l’acte le prix aurait été réduit d’autant, demandent à la Cour de :

Statuant sur l’Appel contre le jugement rendu par le T.G.I. DE NIMES du 4. 05. 2004

Confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a mis hors de cause Monsieur Y....

Rejeter toutes demandes à l’encontre des concluants,

Condamner la partie succombant aux dépens de première instance et d’appel, ces derniers distraits au profit de la SCP POMIES RICHAUD VAJOU, Avoués.

 

La mise en état a été clôturée par ordonnance du 4 mai 2007.

 

SUR QUOI, LA COUR :

Attendu que la demande de jonction est vidée de son objet par l’ordonnance du conseiller de la mise en état du 16 juillet 2004 qui l’a prononcée.

Attendu que l’article 46 de la loi no 65-557 du 10 juillet 1965 dispose que :

« Toute promesse unilatérale de vente ou d’achat, tout contrat réalisant ou constatant la vente d’un lot ou d’une fraction de lot mentionne la superficie de la partie privative de ce lot ou de cette fraction de lot.

« Si la superficie est inférieure de plus d’un vingtième à celle exprimée dans l’acte, le vendeur, à la demande de l’acquéreur, supporte une diminution du prix proportionnelle à la moindre mesure. »

 

Attendu que les superficies à déduire de la surface de plancher sont définies à l’article 4-1 du décret no 67-223 du 17 mars 1967.

Attendu que du rapport contradictoire et exempt de critique de l’expert E..., il résulte que la surface de plancher est de 161,62 m ² et que la superficie privative totale « loi Carrez » est de 125,47 m ².

Attendu que la superficie privative mentionnée dans l’acte est de 137,81 m ² ; que le déficit de superficie privative est ainsi de 12,34 m ², donc supérieur à un vingtième.

Attendu que le lot litigieux a été vendu au prix de 160 071,47 € soit 1161,54 € le m ² de superficie privative ; que la somme due par Mademoiselle X... à Madame Z... en application des dispositions légales susvisées est donc de :

1161,54 x 12,34 = 14333,40 €.

 

Attendu que Madame Z..., qui ne perd l’avantage d’aucune partie du bien qu’elle a acquis et qui lui a été délivré tel qu’elle a pu le visiter, ne justifie d’aucun autre préjudice que celui réparé forfaitairement par la loi, et doit être déboutée de ses autres demandes.

 

Attendu qu’en fournissant à Mademoiselle X... une mesure inexacte alors que les superficies à déduire sont précisément définies par les dispositions réglementaires susvisées et donnent un résultat mathématiquement nécessaire, Monsieur Y... a commis une faute engageant sa responsabilité contractuelle.

Attendu que la superficie réglementée n’est pas le seul élément entrant dans la détermination du prix de vente d’un lot de copropriété ; que l’allégation selon laquelle, si le mesurage avait été exact, le prix aurait été réduit d’autant constitue une supputation ; qu’aucun élément objectif ne permet d’affirmer que l’acquéreur aurait eu une perception différente de l’intérêt présenté par le volume visité, alors qu’il n’est allégué ni établi aucune erreur quant à la surface de plancher ; que la faute commise par Monsieur Y... a eu pour effet d’exposer Mademoiselle X..., qui a pris le soin de s’adresser à un professionnel pour satisfaire à ses obligations, à la rigueur de la sanction légale entraînant l’obligation de rembourser une partie du prix ; que celle-ci est fondée en son appel en garantie contre Monsieur Y....

 

Attendu que la MAF, assureur de la responsabilité civile professionnelle de Monsieur Y..., lui doit sa garantie.

 

Attendu que s’agissant, à l’égard de Madame Z..., d’une garantie légale qui ne repose ni sur la constatation d’une faute ni sur celle d’un préjudice, sa demande n’est pas fondée contre Monsieur Y..., avec lequel elle n’a aucun lien contractuel, et son assureur.

 

Attendu que le jugement entrepris doit être infirmé ; que Mademoiselle X... qui succombe au principal doit supporter les frais et dépens et doit en être relevée par Monsieur Y... et son assureur ; que pour faire valoir ses droits, Madame Z... a dû exposer en première instance puis en appel des frais non compris dans les dépens, au titre desquels il doit lui être alloué la somme de 3000,00 € ; que pour défendre sur l’action Madame Z..., Mademoiselle X... a également dû exposer des frais non compris dans les dépens, au titre desquels il doit lui être alloué la somme de 2000,00 €.

 

PAR CES MOTIFS, la Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière civile, en dernier ressort,

En la forme, reçoit Madame Lydia Z... épouse A...en son appel et le dit fondé.

Infirme le jugement déféré et, statuant à nouveau :

Condamne Mademoiselle Célia X... à payer à Madame Lydia Z... épouse A...la somme de 14 333,40 € à titre de réduction de prix.

Déboute Madame Lydia Z... épouse A...du surplus de ses demandes contre Mademoiselle Célia X....

Déboute Madame Lydia Z... épouse A...de ses demandes dirigées contre Monsieur Serge Y... et la Mutuelle des Architectes Français.

Condamne Mademoiselle Célia X... à payer à Madame Lydia Z... épouse A...la somme de 3000,00 € en application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Condamne in solidum Monsieur Serge Y... et la Mutuelle des Architectes Français à relever et garantir Mademoiselle Célia X... des condamnations mises à sa charge en principal et au titre des frais et des dépens.

Condamne in solidum Monsieur Serge Y... et la Mutuelle des Architectes Français à payer à Mademoiselle Célia X... la somme de 2000,00 € en application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Condamne Mademoiselle Célia X..., Monsieur Serge Y... et la Mutuelle des Architectes Français aux dépens comprenant le coût de l’expertise, et alloue à la SCP POMIES-RICHAUD-VAJOU le bénéfice des dispositions de l’article 699 du nouveau Code de procédure civile.

 

 

Commentaires :

 

L’arrêt de la Cour d’appel de Nîmes reproduit ci dessus présente l’intérêt de statuer clairement sur les conséquences d’une erreur dans l’indication de la surface d’un bien vendu dans les rapports entre les parties habituellement intéressées :

Le vendeur

L’expert ayant effectué l’estimation

L’acquéreur

L’assureur RCP de l’expert

 

L’article 46 de la loi du 10 juillet 1965 a mis en place un mécanisme quasiment automatique. Le juge régulièrement saisi n’a pour seule fonction que de vérifier l’existence d’une superficie « Carrez » inférieure de plus d’un vingtième à celle indiquée dans l’acte.

Ceci étant fait, il doit imposer une restitution partielle du prix à concurrence du montant de la moindre mesure.

L’arrêt précise que, dans ses rapports avec le vendeur « Madame Z..., [l’acquéreur] qui ne perd l’avantage d’aucune partie du bien qu’elle a acquis et qui lui a été délivré tel qu’elle a pu le visiter, ne justifie d’aucun autre préjudice que celui réparé forfaitairement par la loi, et doit être déboutée de ses autres demandes.

La Cour de cassation (Cass. civ. 3e 22/09/2012 09-68469 Administrer janvier 2011 62 note Bouyeure) a jugé que la réduction du prix est la seule sanction prévue par l’article 46 de la loi.

 

Il précise également que,  que s’agissant, à l’égard de Madame Z..., [l’acquéreur], d’une garantie légale qui ne repose ni sur la constatation d’une faute ni sur celle d’un préjudice, sa demande n’est pas fondée contre Monsieur Y..., [l’expert], avec lequel elle n’a aucun lien contractuel, et son assureur.

 

Très opportunément, la Cour d’appel fait observer que la superficie réglementée n’est pas le seul élément entrant dans la détermination du prix de vente d’un lot de copropriété ; que l’allégation selon laquelle, si le mesurage avait été exact, le prix aurait été réduit d’autant constitue une supputation ; qu’aucun élément objectif ne permet d’affirmer que l’acquéreur aurait eu une perception différente de l’intérêt présenté par le volume visité, alors qu’il n’est allégué ni établi aucune erreur quant à la surface de plancher ;

Ainsi est mis en exergue le particularisme discriminatoire d’un mécanisme juridique contestable réservé aux lots de copropriété.

 

Quant à la responsabilité de l’auteur professionnel du mesurage, - en l’espèce un architecte, elle ne peut être sérieusement contestée. Mais il y a controverse en ce qui concerne la détermination du montant de l’indemnité.

Ici la Cour d’appel de Nîmes impute purement et simplement au professionnel l’intégralité de la restitution imposée au vendeur.

Il est habituellement jugé que la restitution du prix ne constitue pas en elle-même un préjudice indemnisable permettant d’accueillir l’appel en garantie de vendeurs contre le cabinet d’expertise ayant établi le métrage erroné des biens vendus (Cf Lafond et Roux in Code de la copropriété Lexisnexis ss art. 46 de la loi n° 31 et Cass. civ. 1e 05/02/2009  07-18057 Administrer mai 2009 51 note Bouyeure.

On considère à cet égard « que la condamnation n’a eu pour conséquence que de ramener le prix de vente au montant que les vendeurs auraient dû normalement percevoir (Cass. civ. 21/11/2006 Administrer février 2007 46 note Bouyeure).

On rappelle alors « qu’aucun élément objectif ne permet d’affirmer que l’acquéreur aurait eu une perception différente de l’intérêt présenté par le volume visité, alors qu’il n’est allégué ni établi aucune erreur quant à la surface de plancher ».

On peut aussi faire valoir qu’une faute spécifique du professionnel est d’avoir commis une erreur entraînant un écart supérieur à un vingtième. Une erreur moindre n’aurait pas généré une restitution du prix.

 

Les Conseillers nîmois ont clairement fait valoir que Madame Z..., [acquéreur] n’a perdu l’avantage d’aucune partie du bien qu’elle a acquis et qui lui a été délivré tel qu’elle a pu le visiter ».

En l’espèce, il est fort admissible que le prix réduit n’est pas équitablement le montant que les vendeurs auraient dû normalement percevoir ».

 

 

En conclusion, nous rappelons nos observations antérieures relatives aux modalités de mise en œuvre de la loi Carrez. Alors que se profile à l’horizon la discussion du projet de loi présenté par Mme Duflot, c’est l’existence même des agents immobiliers qui est mise en cause. On conteste la réalité de leurs actions d’intermédiaires et, plus justement sans doute, le caractère excessif de leur rémunération.

Il eut été opportun de leur confier la charge technique  et la responsabilité des mesurages de lots, en exigeant également de leur part la constitution de dossiers sérieux pour l’information des acquéreurs.

En présence de l’inaction des pouvoirs publics, ils auraient dû prendre des initiatives en ce sens.

Nous admettons bien volontiers qu’une telle réforme pouvait poser des problèmes, notamment en présence de mandats non exclusifs. Il fallait donc réorganiser plus tôt le régime des mandats de vente, sans attendre une réforme qui se présente comme un terrain dénudé pour des fantassins.

 

 

 

 

 

 

 

 

Mise à jour

20/08/2013