http://www.copyrightdepot.com/images/Sceau1.gif

00043608

 

CHARTE

 

Ne sont autorisées que
 1) les reproductions et copies réservées à l’usage privé, non commercial du copiste à l’exclusion de toute utilisation collective

2) les analyses et courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration

3) l’insertion d’extraits dans un ouvrage de formation

associées, pour 2) et 3) à la citation du site

 

 

 

 

Responsabilité du syndicat

Troubles de voisinage liés à la construction de l’immeuble

vues plongeantes   Art. 544 Code civil

Qualité de propriétaire du syndicat (oui)

Responsabilité (oui)

 

 

 

Cour d’appel de Montpellier 1o chambre section d   Audience publique du 24 septembre 2013

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Narbonne , du 8 mars 2012

N° de RG: 12/03585

 

 

APPELANTS :

Monsieur Michel Louis Jacques Y...

 

Madame Marie-Claude Annie A...épouse Y...

 

INTIME :

 

SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES de la RÉSIDENCE LE CARNOT pris en la personne de son syndic en exercice la SA FONCIA LIMOUZY 56 Rue Jean Jaurès BP 416 6 11104 NARBONNE CEDEX prise en la personne de son représentant légal en exercice  

 

INTERVENANTE :

SAS FONCIA LIMOUZY en qualité de syndic du SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES de la RESIDENCE LE CARNOT

 

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 05 Juin 2013

COMPOSITION DE LA COUR :

 

ARRET :

- CONTRADICTOIRE.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile ;

- signé par Monsieur Jacques MALLET, Président, et par Madame Myriam RUBINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE :

Les époux Y... sont propriétaires d’une maison d’habitation située ...à Narbonne qu’ils ont fait édifier en 1976.

Une résidence composée d’un logement individuel et d’un immeuble en copropriété de trois étages comprenant 48 logements était construite en 2006 sur la parcelle voisine située au no 78 de l’avenue Carnot.

Invoquant une promiscuité portant atteinte à leur intimité, les époux Y... assignaient le syndicat des copropriétaires de la Résidence Le Carnot pris en la personne de son syndic en exercice, la SA Foncia Limouzy, devant le tribunal de grande instance de Narbonne, par acte en date du 1er mars 2010, à l’effet d’obtenir une somme de 117 814 ¿ à titre de dommages et intérêts en réparation de ce trouble anormal de voisinage, outre la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.

 

Par jugement contradictoire en date du 8 mars 2012, cette juridiction a :

 

  débouté les époux Y... de l’ensemble de leurs demandes,

  dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

  condamné les époux Y... à payer à la SA Foncia Limouzy la somme de 1 000 ¿ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

 

 

Le 10 mai 2012, les époux Y... ont relevé appel de ce jugement.

Vu les dernières conclusions déposées :

* le 21 janvier 2013 par les époux Y... ;

* le 11 janvier 2013 par le syndicat des copropriétaires de la Résidence Le Carnot.

 

L’ordonnance de clôture a été rendue le 5 juin 2013.

 

******

 

Les époux Y... concluent, au visa des articles 544 et 1382 du Code civil, à la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a déclaré recevable l’action dirigée contre le syndicat des copropriétaires pris à la personne de son syndic, à sa réformation pour le surplus, demandant à la cour de :

déclarer le syndicat des copropriétaires de la résidence responsable du trouble anormal de voisinage subi par eux ;

le condamner à leur payer la somme de 70 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

le condamner à leur payer la somme de 5 000 ¿ en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

 

 

Le syndicat des copropriétaires de la Résidence Le Carnot conclut au visa des articles 544 du Code civil et 9 du code de procédure civile,

* à titre principal, à la réformation du jugement entrepris en ce qu’il retient que le syndicat des copropriétaires demeure le seul à pouvoir à répondre de l’abus commis dans l’exercice du droit de propriété, demandant à la cour de :

dire et juger que seul le promoteur constructeur peut être tenu pour responsable du trouble de voisinage prétendument causé aux tiers par l’édification de l’immeuble ;

débouter en conséquence les époux Y... de l’ensemble de leurs demandes en ce qu’elles sont injustifiées et abusives,

* à titre subsidiaire, à la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a débouté les époux Y... de leurs demandes en l’absence de troubles excessifs par rapport aux inconvénients normaux du voisinage,

* à titre infiniment subsidiaire, demandant à la cour de :

dire et juger que les époux Y... ont commis une faute en engageant tardivement l’action en réparation d’un trouble anormal de voisinage,

dire et juger que les époux Y... ont fait perdre au syndic de la copropriété une chance de recouvrir sur le promoteur constructeur aujourd’hui dissout, les sommes éventuellement mises à sa charge dans le cadre de la présente procédure,

dire et juger que le comportement négligeant des époux Y... a causé au syndic de la copropriété un préjudice équivalent à la dépréciation qu’ils invoquent aujourd’hui,

débouter en conséquence les époux Y... de l’ensemble de leurs demandes en ce qu’elles ont injustifiées et abusives,

 

* en tout état de cause,

condamner les époux Y... à lui payer la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d’appel.

 

SUR CE :

 

Sur le trouble anormal de voisinage :

Le droit pour un propriétaire de jouir de son bien de la manière la plus absolue, consacré par l’article 544 du code civil, est limité par l’obligation qu’il a de ne causer aux tiers aucun dommage dépassant les inconvénients normaux de voisinage.

 

En l’espèce, il est constant que les époux Y... sont propriétaires depuis l’année 1976 d’une maison à usage d’habitation située ...à Narbonne et qu’en 2006, la résidence en copropriété Le Carnot, composée de trois étages avec 48 logements, a été construite sur la parcelle mitoyenne.

Les époux Y... reprochent au syndicat des copropriétaires de la Résidence Le Carnot une promiscuité particulièrement préjudiciable, par l’existence de nombreuses vues directes sur leur fonds aussi bien dans leur jardin que sur leur terrasse et l’intérieur de leur maison, portant atteinte à leur intimité et engendrant une diminution importante de la valeur de leur immeuble, caractérisant un trouble dépassant les inconvénients normaux de voisinage.

Le syndicat des copropriétaires de la Résidence Le Carnot conclut au principal au débouté des demandes formées contre lui en ce que l’action devait être exercée à l’encontre du promoteur en sa qualité de maître d’ouvrage, pour être le seul responsable du trouble de voisinage allégué causé par l’édification de l’immeuble.

Il convient, d’une part, de rappeler que la responsabilité pour troubles anormaux de voisinage est une responsabilité autonome, détachée de toute notion de faute.

D’autre part, si la responsabilité du promoteur, maître d’ouvrage, à l’origine de la construction litigieuse, est susceptible d’être engagée sur ce fondement, il n’en reste pas moins que le propriétaire de l’immeuble, auteur des nuisances, répond de même de ces troubles engendrés par l’exercice de son droit de propriété.

En conséquence ce premier moyen sera écarté.

 

Sur le fond, il ressort des photographies non discutées produites aux débats ainsi que celles annexées à l’évaluation immobilière établie le 7 août 2009 par le cabinet Expert Immo et au rapport d’expertise non contradictoire établi le 2 mai 2012 par Hélène B..., que la villa des époux Y...établie sur quatre faces avec jardin, subit la proximité immédiate de la Résidence Le Carnot qui est un immeuble d’importance, élevé de trois étages avec balcons, lequel surplombe cette maison, avec des vues directes et plongeantes sur l’une de ses façades et la partie de jardin attenante avec terrasse.

Il n’est pas discuté que la cuisine et une salle de bain se trouvent dans cette partie de la maison.

Ces éléments laissent apparaître que la présence de cette résidence engendre sur cette partie de l’habitation des époux Y..., une atteinte radicale et permanente de toute intimité pour les occupants, dépassant manifestement les troubles supportables du voisinage même en milieu urbanisé.

Par ailleurs, le respect des dispositions légales n’excluant pas l’existence d’éventuels troubles excédant les inconvénients normaux du voisinage, le fait non discuté que la résidence litigieuse ait été édifiée dans le respect des règles d’urbanisme et notamment du PLU de Narbonne, ne saurait exclure toute responsabilité du syndicat de la copropriété.

Il convient à cet égard de rappeler que les permis de construire sont toujours accordés, sous réserve qu’ils ne nuisent pas aux droits des tiers.

De plus, le fait que la zone d’implantation de l’immeuble des époux Y... fasse partie d’une zone urbaine vouée à être densifiée, ne saurait tenir en échec le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage.

Enfin, pour s’opposer à la demande, le syndicat des copropriétaires de la Résidence Le Carnot soutient la faute des époux Y... liée à l’engagement tardif de la procédure lui ayant fait perdre la chance de recourir contre le promoteur, dont la société est aujourd’hui dissoute, lui causant par cela même un préjudice égal à la réparation susceptible d’être mise à sa charge.

Or, outre le fait qu’aucune demande en dommages et intérêts sur ce fondement n’est formée par le syndicat intimé susceptible de justifier une compensation de créances, la cour relève que la perte de chance de recours contre le promoteur de l’opération immobilière n’est pas établie avec certitude dans la mesure où la fiche Infogreffe produite à ce titre laisse apparaître la simple mention de la radiation de sa société et non sa liquidation.

Dès lors, ce dernier moyen de défense est inopérant.

 

En conséquence, le syndicat des copropriétaires de la Résidence Le Carnot sera déclaré responsable du trouble anormal de voisinage subi par les époux Y... lesquels sont bien fondés à solliciter indemnisation de leur préjudice lié à la dépréciation de leur immeuble.

A ce titre, si les époux Y... produisent une évaluation immobilière établi par le cabinet L. P. Immobilier, le 18 mai 2009, retenant une moins value de 30 % de la valeur du bien des époux Y... induite par la proximité de la Résidence Le Carnot et le rapport d’expertise non contradictoire susvisé établi le 2 mai 2012 par Hélène B... évaluant cette moins value à 20 %, la cour relève toutefois que ces derniers qui ne réclament pas indemnisation de leur préjudice de jouissance, ne justifient pas de leurs difficultés à vendre leur bien et en conséquence d’un préjudice certain à hauteur de la somme réclamée de 70 000 euros retenue par ce dernier rapport.

 

Pour procéder à l’évaluation du préjudice subi par les époux Y... à raison du trouble précité dûment rapporté, la cour observe :

 

* que les époux Y... ne pouvaient exclure la possibilité que soit édifié dans l’avenir, sur la parcelle mitoyenne à la leur et sans qu’ils ne puissent faire état d’un trouble particulier, un ensemble immobilier moderne de plusieurs étages, en l’occurrence trois étages, ayant plusieurs ouvertures ou balcons donnant directement sur leur propriété ;

* que leur bien immobilier subit, en tout état de cause, une dépréciation à raison de cette construction normalement implantée sur la parcelle voisine constructible ;

* mais que seul le préjudice financier subi par eux en raison du trouble anormal qui leur est causé par le syndicat intimé et qui résulte, non de l’intégralité de la construction, mais de son implantation particulière qui fait ouvrir deux tiers de la façade de cette construction sur leur fonds, soit six balcons sur neuf surplombant ainsi leur villa sur toute sa longueur, en les exposant ainsi à des vues directes et plongeantes sur une façade de leur villa et la terrasse attenante.

 

Dans ces conditions, tenant les éléments d’appréciation produits par les appelants, sans que l’intimé ne vienne y opposer une contradiction sérieuse et étayée, la cour retiendra que ces troubles anormaux sont responsables d’une dépréciation de l’immeuble appartenant aux époux Y... à hauteur de la somme de 30 000 € qui leur sera versée à titre de dommages et intérêts.

Le jugement déféré qui a débouté les époux Y... de ce chef de demande sera en conséquence infirmé de ce chef.

Sur les autres demandes :

En équité, une somme de 3 000 euros sera allouée aux époux Y... en remboursement de leurs frais irrépétibles tandis que la demande du syndicat des copropriétaires de la Résidence Le Carnot tant en première instance qu’en cause d’appel sur le même fondement sera rejetée.

Le jugement dont appel sera infirmé en ce sens.

Le syndicat des copropriétaires de la Résidence Le Carnot supportera les dépens de première instance et d’appel, avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

 

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Dit que le syndicat des copropriétaires de la Résidence Le Carnot a engagé sa responsabilité à l’égard des époux Y... pour trouble anormal de voisinage,

Condamne le syndicat des copropriétaires de la Résidence Le Carnot à payer aux époux Y... la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts en indemnisation de leur préjudice lié à la dépréciation de leur immeuble,

Condamne le syndicat des copropriétaires de la Résidence Le Carnot à payer aux époux Y... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

Déboute le syndicat des copropriétaires de la Résidence Le Carnot de sa demande sur le même fondement,

Déboute les époux Y... du surplus de leur demande,

Condamne le syndicat des copropriétaires de la Résidence Le Carnot aux dépens de première instance et d’appel, avec pour ces derniers, distraction au profit de la SCP Pinet, avocats, par application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

 

 

Commentaires :

 

L’arrêt relaté fait écho à l’arrêt de la Cour d’appel de Nîmes du 13/11/2007 que nous avons publié récemment. Il s’agissait alors d’une privation d’ensoleillement. Nous en rappelons l’extrait suivant :

« Attendu que certes c’est chacun des copropriétaires qui est propriétaire d’une quote-part indivise de l’ensemble immobilier formant la copropriété ; que cependant la loi n 65-557 du 10 juillet 1965 organise la représentation de la collectivité des copropriétaires par le syndicat des copropriétaires dont la personnalité morale autorise les tiers à agir contre lui au titre de la responsabilité de la copropriété ; que le moyen spécieux tiré de ce que le syndicat n’est pas propriétaire ne peut être accueilli.

« Attendu que sur le fondement de l’article 544 du Code civil, le propriétaire du fonds répond, sans qu’il y ait lieu de rechercher l’existence d’une faute, du trouble causé à autrui dès lors qu’il dépasse les inconvénients normaux de voisinage ; qu’il appartient à celui qui, sans commettre aucune faute, exerce conformément aux autorisations administratives son droit de construire, d’apprécier l’équilibre économique de son entreprise en tenant compte des inconvénients anormaux qui en sont la conséquence pour le voisinage, et dont la réparation fait objectivement partie des charges de l’opération de construction ; que dès lors, peu importe que les troubles causés aux tiers proviennent de la construction à un moment où le syndicat des copropriétaires n’avait pas encore d’existence légale et que le constructeur ne soit plus le propriétaire du bien au temps de l’exercice des recours des voisins ; que c’est par une exacte application de l’article 544 susvisé que le tribunal a retenu la responsabilité de plein droit du propriétaire actuel et du constructeur auteur du dommage.

« Attendu qu’il n’est pas contesté que les bâtiments visibles sur les clichés photographiques versés aux débats sont bien ceux appartenant aux parties ; qu’il appartenait au premier juge, sans omettre l’influence des effets de cadrage et de perspective inhérents à la prise de vue, d’exercer lui-même son pouvoir d’appréciation sur la gêne visuelle et la privation d’ensoleillement ; que s’agissant d’un quartier alors caractérisé par un habitat discontinu, la construction d’un immeuble de plus de 13 mètres de hauteur au faîtage au voisinage immédiat d’un pavillon, précisément en limite de propriété, à l’Ouest de la parcelle X... entraîne une privation d’ensoleillement dépassant les inconvénients normaux de voisinage, affectant tant l’agrément que la valeur du bien concerné. »

 

La Cour de Nîmes présente les risques d’indemnisation du voisinage comme une charge banale pour le constructeur. Il doit la prendre en considération pour le calcul de son prix de revient.

L’affaire se présente différemment lorsque les voisins ont tardé à se manifester. Ils sont habiles à diriger leur action contre le syndicat des copropriétaires qui doit, par fiction juridique, être considéré comme propriétaire de l’immeuble construit sans nécessité de mettre en cause tous les copropriétaires constituant le syndicat. Le syndicat assigné peut par contre mettre en cause le constructeur s’il peut être retrouvé.

 

La Cour de Montpellier rappelle les observations nîmoises :

Le droit pour un propriétaire de jouir de son bien de la manière la plus absolue, consacré par l’article 544 du code civil, est limité par l’obligation qu’il a de ne causer aux tiers aucun dommage dépassant les inconvénients normaux de voisinage

Il convient de rappeler que la responsabilité pour troubles anormaux de voisinage est une responsabilité autonome, détachée de toute notion de faute.

D’autre part, si la responsabilité du promoteur, maître d’ouvrage, à l’origine de la construction litigieuse, est susceptible d’être engagée sur ce fondement, il n’en reste pas moins que le propriétaire de l’immeuble, auteur des nuisances, répond de même de ces troubles engendrés par l’exercice de son droit de propriété.

Et de même pour les plaignants :

* que les époux Y... ne pouvaient exclure la possibilité que soit édifié dans l’avenir, sur la parcelle mitoyenne à la leur et sans qu’ils ne puissent faire état d’un trouble particulier, un ensemble immobilier moderne de plusieurs étages, en l’occurrence trois étages, ayant plusieurs ouvertures ou balcons donnant directement sur leur propriété ;

 

Ils obtiennent en fin de compte une indemnité de 30 000 €

 

 

 

 

 

Mise à jour

19/08/2014