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Éléments historiques

 

 

TABLE (cliquez sur le titre souhaité)

 

I.         TECHNIQUE ET SOCIOLOGIE DE L'HABITAT

II.       ÉVOLUTION HISTORIQUE DES INSTITUTIONS COLLECTIVES

III.     HISTOIRE DE LA COPROPRIÉTÉ IMMOBILIÈRE

A.      ANCIEN DROIT ET CODE CIVIL

B.      LOI DU 28 JUIN 1938

C.      la loi du 10 juillet 1965

 

 

La connaissance historique nourrit toute réflexion sur le temps présent. Nous brosserons ici un tableau rapide

·        de l'évolution des techniques d'habitat

·        de celle des institutions collectives

Nous consacrerons de plus longs développements à l'histoire de la copropriété immobilière et, plus particulièrement nous examinerons les travaux préparatoires et les débats parlementaires qui ont abouti à la promulgation de la loi du 10 juillet 1965.

Nous verrons en effet que l'interprétation de ce texte exige fréquemment de recourir à ces travaux préparatoires et débats.

 

A l'issue de cette ultime étude d'ordre général nous pourrons aborder l'étude exhaustive du statut de la copropriété lui-même.

 

I.               TECHNIQUE ET SOCIOLOGIE DE L'HABITAT

 

La copropriété est une forme d'habitat qui s'insère peu à peu dans un urbanisme spécifique. Son évolution est fonction de la complexité et de la sophistication croissantes des immeubles et de leurs équipements. Quelques notions historiques doivent être rappelées ici pour mieux appréhende certains aspects particuliers de cette institution.

Il n'était pas besoin d'un texte législatif pour rappeler que le logement est un besoin primordial de l'homme. A la notion initiale d'abri est venue rapidement s'ajouter une coloration religieuse, puis simplement sentimentale, liée à la présence et à la permanence du foyer.

Les historiens de l'habitat retiennent classiquement plusieurs distinctions traditionnelles, dans ce domaine :

A l'habitat naturel, exclusif aux origines, mais qui subsiste encore de nos jours, s'oppose l'habitat construit. Contrairement à l'espèce animale, l'homme ne parait pas doté de l'instinct de nidification et la construction des maisons parait être l'une des étapes principales de l'histoire des techniques humaines.

Si l'homme a toujours construit, dans les premiers temps, sa propre maison, certains se sont rapidement spécialisés dans ce genre de travail et, à l'auto construction est venue ainsi s'adjoindre la construction par des professionnels rémunérés à cet effet, ou travaillant dans le cadre de relations d'esclavage. De cette relation contractuelle est née peu à peu la responsabilité du constructeur.

L'habitat ne présente initialement aucune valeur marchande. C'est un " habitat pour rien ". La restriction des terrains constructibles, la valeur des matériaux, le coût des prestations de construction donneront progressivement à la maison une valeur marchande qui fera finalement de l'immobilier l'un des secteurs économiques principaux.

Les recherches archéologiques ont mis en lumière les remarquables techniques d'urbanisme, de construction et d'équipement connues dans les temps les plus anciens, ce qui doit nous inciter, dans ce domaine, à une certaine humilité.

On peut écrire avec Thierry Paquot [1] que la découverte des cités sumériennes permet de mesurer l'ampleur de l'organisation sociale, des règlements d'urbanisme, de l'importance du droit et du rôle privilégié des prêtres.

Les zones d'urbanisme ne sont pas une création contemporaine. Dès le Ve siècle avant JC, Hippodamos de Milet préconisait le plan en échiquier comportant une spécialisation des espaces, militaire, commerciale et résidentielle.

Les textes anciens recèlent d'innombrables considérations relatives à la création et à l'amélioration des villes et la visite des cités antiques permet de constater qu'elles comportaient des équipements collectifs qu'on aurait vainement recherchés dans la plupart des villes françaises du XVIe siècle.

Les matériaux de construction traditionnels sont également trouvés dans les constructions les plus anciennes, notamment la brique, qui constitue l'enceinte fortifiée de Babylone. Elle serait d'ailleurs, pour les Akkadiens, une création de Marduk, le dieu suprême d'Hammourabi. Le ciment lui-même serait une invention de la Chine Ancienne. Il était connu, en tout cas, des Phéniciens et fut retrouvé par Parker en 1791.

Dans ces temps, la qualité des matériaux et celle des constructeurs permet la construction d'édifices d'une hauteur appréciable, et leur division par étages. Il s'agissait toutefois soit d'édifices publics soit d'habitat mono familial. Citons encore Paquot, décrivant Sanaa, la capitale de l'Arabie Heureuse : Ce sont des immeubles de cinq, six ou sept étages, édifiés il y a trois et parfois quatre siècles. Chacun abrite une famille : au rez de chaussée, on loge les animaux; la cuisine occupe le premier étage, et les étages suivants abritent les diverses femmes du propriétaire ou la famille de ses fils. Le dernier étage consiste en un vaste salon, le mafrej, où l'on reçoit les invités, à qui l'on sert du thé et du qât.

On connaît mieux, évidement, l'urbanisme romain ou l'on trouve trace incontestablement, de l'habitat collectif en immeubles divisés par étages.

Nous nous référerons ici, en particulier, aux travaux de Léon Homo [2].

Rome connaît la pratique des immeubles de rapport ou insulae, qui correspond aux sunoikia des grecs [3], par opposition à la domus, maison individuelle. Certains comportaient un très grand nombre de logements et pouvaient être assimilés à nos grands ensembles.

Comme partout, le coût des terrains fût à l'origine de la construction par étages, et la plupart des insulae étaient étroites et hautes, comportant des boutiques au rez-de-chaussée et des logements en étages.

La plupart des insulae comportent une loge pour le concierge (insularius) et une adduction d'eau particulière, qui ne desservait pas les étages. Par contre les murs d'escalier retrouvés laissent apparaître la trace de tuyaux de décharge ce qui, selon Homo, laisse supposer qu'il existait des latrines communes à chaque étage. On peut supposer aussi qu'il s'agissait de simples vidanges communes. Encore s'agissait-il des immeubles les plus huppés, la plupart des insulae ne disposant pas de ces facilités.

Destinés à une exploitation locative intensive, les insulae sont souvent mal construites et mal entretenues. Il en résulte fréquemment des écroulements et des incendies qui nécessitèrent rapidement l'intervention du législateur romain. On trouve ici l'origine de notre législation actuelle sur la responsabilité décennale et sur la responsabilité en cas de propagation d'incendie entre propriétés voisines.

La mise en location des logements faisait l'objet d'une publicité par affichage qui permettait d'entrer en relation avec le gérant (procurator insulae) qui est en général un esclave, de même d'ailleurs que la concierge. Les baux, d'une durée fixée le plus souvent à un an, précisent très strictement les obligations respectives du propriétaire et du locataire. On les retrouve sensiblement dans la législation du code civil.

L'exploitation par location principale avec sous-location des logements était aussi fréquemment pratiquée. Les logements eux-mêmes étaient sous loués par chambres. Il en résultait une chaîne de rapports juridiques assez complexes dans la pratique, et qui venaient s'ajouter à une spéculation immobilière généralisée. Aussi Juvenal remarquait-il qu'on pouvait avoir un joli manoir à Sora ou à Fabretaria au même pris que coûte ici le loyer annuel d'un réduit ténébreux.

La copropriété était connue à Rome et cette connaissance est issue d'une tradition ancienne puisque l'on y trouve une allusion en 593 Av. J-C dans la Loi de Solon:

Si des citoyens du même dème ou de la même phratrie, si des prêtres des mystères sacrés, des gens de mer, des commensaux, des compagnons de plaisir, des sociétaires pour l'habitation continuelle et commune ou pour un objet de négoce ont fait entre eux des contrats mutuels, que ce soit leur Loi, à moins que les lois publiques ne le leur défendent.

La loi d'Icilius, afin de remédier à l'insuffisance des terrains constructibles, organisa en 456 Av J-C le lotissement de l'Aventin. A cette occasion des plébéiens s'associèrent pour faire l'acquisition d'une parcelle et construire un immeuble dont ils se répartirent les étages.

Par ailleurs, Homo fait état d'inscriptions attestant de mutations parcellaires d'insulae. Mieux encore, ces inscriptions laissent apparaître l'existence d'une numérotation parcellaire, incluse dans un véritable état descriptif de division [4]. Il s'agissait le plus souvent de mutations successorales et il ne semble pas que les sociétés de construction aient connu à cette époque un développement considérable.

Le pouvoir romain fit beaucoup pour lutter contre les abus incontestables des constructeurs et des propriétaires, édictant de nombreuses règles d'urbanisme et sanctionnant le défaut d'entretien du parc immobilier. Néron accorda le droit de cité aux Latins disposant d'une fortune minimum de 200.000 sesterces et en affectant la moitié à la construction d'immeubles. Les propriétaires d'immeubles récemment construits bénéficièrent au Bas Empire de distributions alimentaires. Ce droit était attaché à la propriété de l'immeuble et disparaissait donc en cas de vente.

Cette organisation de l'habitat s'étendra en Gaule et subsistera en France jusqu'à l'époque moderne. C'est en effet une structure sensiblement identique que l'on trouve en France médiévale et pratiquement jusqu'à l'apparition d'une nouvelle catégorie d'immeubles de rapport avec les transformations haussmaniennes.

A coté des hôtels de la noblesse, dans lesquels l'essentiel du volume habitable est consacré aux salons d'apparat fourmillent des immeubles généralement petits mais souvent assez hauts dans lesquels s'entassent familles et domesticité.

Montesquieu, en 1721, l'atteste dans ses Lettres Persanes : Paris est aussi grand qu'Hispahan. Les maisons y sont si hautes qu'on jurerait qu'elles ne sont habitées que par des astrologues. Tu juges bien qu'une ville bâtie en l'air, qui a six ou sept maisons les unes sur les autres, est extrêmement peuplée, et que, quand tout le monde est descendu dans la rue, il s'y fait un bel embarras[5].

La densité d'occupation varie bien entendu avec la fortune des occupants mais les Français ignoreront longtemps la spécialisation des pièces et la réelle intimité individuelle, de même que les équipements de confort les plus élémentaires.

Fritz STAHL [6] résume fort bien les observations concordantes de tous les chroniqueurs sur Paris : C'était déjà [au Moyen Age] une métropole surpeuplée qui fut contrainte de porter l'étroite ceinture d'une fortification. La masse du peuple ne disposait ni d'une maison particulière ni même d'un modeste logis individuel. On élevait des immeubles de plusieurs étages sur une parcelle très étroite, le plus seulement large seulement pour permettre deux fenêtres en façade, sinon une seule, alors qu'une largeur de trois fenêtres était de règle partout ailleurs. L'immeuble n'était recouvert, d'une manière générale, que d'un crépi uni et, quand il ne s'arrêtait pas brusquement au faîte, on y mettait tout au plus un pignon.

Peu d'études ont été consacrées à l'histoire de l'habitat privé français, et a fortiori parisien. On peut toutefois se référer par exemple aux travaux de Jurgens et Couperie [7] et à des monographies ou études consacrées à des classes sociales spécifiques, comme la remarquable étude de Françoise Lehoux sur le cadre de vie des médecins parisiens aux XVIe et XVIIe siècles [8]. Elle note en particulier : A Paris, l'usage courant voulait qu'une même demeure fût partagée entre plusieurs occupants, que ceux ci fussent riches ou pauvres. Cette cohabitation  présentait bien des inconvénients; elle imposait, en particulier, la communauté de la cour, du puits, souvent des lieux d'aisances et de l'escalier ce qui nuisait incontestablement à l'intimité du foyer [9]. Elle entraînait une contrainte de tous les instants lorsque la maison était louée, chambre par chambre, à des célibataires, à des jeunes ménages ou à des veuves. Ces inconvénients se trouvaient par contre limités quand la famille était assez nombreuse ou assez fortunée pour se réserver en totalité soit un corps de logis, soit au moins toute une tranche verticale d'un bâtiment, de puis le rez-de-chaussée jusqu'aux combles.

La division des immeubles est en effet fréquemment verticale. On trouve encore de nos jours la trace de ces divisions verticales dans certains immeubles très anciens. A l'occasion de ces divisions de fond en comble, notamment pour des partages successoraux, de véritables copropriétés étaient créées, avec constitution de parties communes, notamment des sièges. Les frais de vidange étaient partagés entre les ayants droit.

Une caractéristique primordiale des logements était l'existence ou non d'une salle. Il est fréquent de faire la cuisine dans un recoin d'escalier, dans une pièce à feu ou dans une garde-robes.

Françoise Lehoux note l'extraordinaire exiguïté des logements de certains médecins parisiens manifestement fortunés et pourvus de plusieurs enfants et de domestiques. A cette époque, la chambre n'est d'ailleurs pas réservée au repos nocturne mais doit être comprise comme une pièce. De cet entassement familial vient sans nul doute l'habitude parisienne de prendre le frais sur le pas de la porte, lorsque le bâtiment n'est pas pourvu d'un jardin.

A cette époque les hôtels sont encore réservés à l'aristocratie et l'un des rares médecins cités par Mme Lehoux, et bénéficiant d'un logement relativement luxueux, n'a pu y parvenir qu'en s'existant dans le faubourg Saint-Victor. On trouvait néanmoins dans nombres de logements bourgeois des études ou cabinets qui étaient la pièce réservée au chef de famille qui y serrait ses livres et y recevait ses clients.

L'habitat parisien privé était donc caractérisé par son exiguïté et la promiscuité parfois insupportable qui en résultait. Cette promiscuité, et ses inconvénients évidents, sont condamnés par l'Église qui prône, pour des raisons de moralité, la sauvegarde de l'intimité non seulement familiale, mais personnelle. Le Concile de Trente (1545-1563), le Jansénisme et la Contre Réforme catholique ont eu sur les mœurs une influence capitale avec ses inévitables exagérations. Le Moyen Age avait connu un développement considérable de l'hygiène mais les bains et les étuves étaient publics et mixtes, la nudité n'étant pas perçue comme une anomalie. A partir du XVIe siècle la nudité publique est peu à peu proscrite et un moralisme excessif ira jusqu'à critiquer la nudité intime d'où une diminution, parfois une véritable disparition des pratiques de propreté dont les effets se feront sentir jusqu'à l'époque moderne.

On retrouve ce souci d'intimité dans les usages de la table. L'ethnologue Zeev Gourarier, conservateur au Musée des Arts et Traditions Populaires, a étudié les enseignements que l'on peut tirer à cet égard du tableau de Véronèse Les Noces de Cana, achevé en 1563. Il remarque l'apparition de serviettes et d'assiettes individuelles alors que l'usage ancien était de puiser avec les mains aux mêmes plats [10]

Dès lors les architectes vont s'attacher à modifier les distributions intérieures pour se conformer à cette exigence nouvelle d'intimité. Les hôtels en seront bien entendu les premiers bénéficiaires. Ce n'est qu'au début du XIXe siècle qu'apparaîtront les nouveaux immeubles de rapport, comportant réellement une division horizontale par étages, l'étage noble étant marqué par la présence d'un balcon accessible. On trouve trace de la vulgarisation de cette nouvelle architecture dans l'étude consacrée par César Daly à l'architecture privée, et plus précisément dans le second tome consacré aux immeubles à loyers [11]. Des innovations techniques capitales permettent également la modification et l'amélioration du parc immobilier. Les systèmes de canalisations permettent l'alimentation de chaque appartement en eau, puis en gaz de ville. Le chauffage collectif à air chaud apparaît également.

On sait que les transformations immobilières de Paris ont, dans de nombreux cas, provoqué l'exil des classes sociales les plus pauvres. Dans les nouveaux immeubles bourgeois subsistent néanmoins des stratifications sociales, le niveau social étant inversement proportionnel à la hauteur d'étages. L'installation des premiers ascenseurs hydrauliques apporte un nouveau bouleversement à cette organisation sociale, les étages élevés, devenus plus facilement accessibles sont recherchés pour leur clarté et leur meilleure aération.

 

Enfin la structure familiale elle-même est modifiée. La vie rurale du Moyen Age avait connu les communautés taisibles groupant plusieurs cellules conjugales pour l'exploitation des terres communes. Le développement urbain réduit le groupe familial à deux ou trois générations qui restent groupées pour l'exploitation des boutiques et ateliers.

Pour Frédéric Le Play, c'est la société industrielle qui provoque l'apparition de la famille nucléaire, réduite au couple conjugal et à ses enfants. C'est pour lui un facteur d'instabilité et traitant du logement social, il plaide pour la construction de maisons permettant la permanence de la famille souche, groupant plusieurs générations. Si les idées de Le Play ont pu être retenues, notamment en province, il n'en reste pas moins que les constructions d'immeubles sociaux par étages se multiplient également, encouragées par les théories de Napoléon III et par des initiatives individuelles. On citera, parmi bien d'autres, les logements collectifs de la Société Civile Coopérative de Consommation du XVIIIe arrondissement [12] et, dans un autre registre, le Familistère de Guise construit à l'initiative de Godin pour le logement des ouvriers de son usine.

Le Familistère de Guise, outre une architecture très particulière, présente une particularité notable : l'apparition de nombreux services communs : restaurants, lingeries, théâtre même. La faiblesse du système, justement critiquée par Zola, vient de l'emprise exagérée de la collectivité sur la vie familiale. Une critique objective et constructive de cette opération aurait pourtant permis d'éviter, après la Seconde Guerre Mondiale, de nombreuses erreurs en matière de logement social. Le Familistère de Guise existe d'ailleurs toujours, mais, après rénovation, sous la forme d'une copropriété.

Il était nécessaire, nous semble-t-il dresser un rapide tableau de l'évolution dans le temps de l'habitat collectif. L'étude d'une organisation juridique exige une bonne connaissance de son objet matériel et économique. Séparée de son support matériel, la règle juridique perd toute raison d'être et sa discussion tombe dans une abstraction exégétique critiquable.

La copropriété régit des immeubles, mais aussi des groupes humains qui méritent également, et pour les mêmes raisons, quelques observations.

 

II.             ÉVOLUTION HISTORIQUE DES INSTITUTIONS COLLECTIVES

 

La vie communautaire remonte à la plus haute antiquité, mais c'est l'histoire des groupements volontaires, constitués entre individus qui nous intéresse plus particulièrement.

Le groupement qui est l'objet de notre brève étude est celui constitué à l'initiative d'un promoteur et qui a pour objet d'apporter, par le truchement d'une organisation collective, satisfaction à des intérêts communs à tous ses membres.

La connaissance que nous avons de ces groupements permet de les distinguer en groupements commerciaux constitués pour la réalisation d'affaires et présentant corrélativement un risque de perte et en groupements civils qui n'ont pour but que la réalisation de l'objet proposé sans recherche de bénéfice financier. Les uns et les autres bénéficient, au moins à l'époque moderne, de la personnalité morale dans la mesure ou ils sont dotés d'un statut conventionnel comportant :

·        un patrimoine différent de ceux de leurs membres

·        un objet social clairement défini

·        une durée d'existence

·        une procédure d'élaboration de la volonté collective

·        un système d'administration et de représentation

 

On trouve trace des sociétés de commerce dans le code d'Hammourabi (1770 Av J-C). Ce sont le plus souvent des sociétés en commandite simple. Elles existaient certainement dans d'autres contrées mais n'ont pas laissé de traces écrites. Il n'en est pas de même du droit commercial grec dont le particularisme vient du fait qu'il était pratiqué par les Métèques, qui ne bénéficiaient pas de la citoyenneté et qui ont logiquement développé un particularisme juridique dont les traces subsistent de nos jours : arbitrage, juridictions spéciales, procédure rapide et non formaliste, théorie des avaries communes, etc...

La Grèce, berceau de la démocratie, connaît les différents groupements. La société commerciale se développe et la théorie de la participation de chaque associé aux bénéfices et aux pertes proportionnellement aux apports apparaît à cette époque. La personnalité morale est reconnue et c'est en Grèce qu'apparaît le syndic chargé d'assurer en justice la représentation des intérêts d'un groupement déterminé. La fonction syndicale marque la considération des membres du groupement pour celui qui est désigné. Cette conception honorifique liée à la compétence reconnue marquera la fonction syndicale jusqu'à nos jours.

Le droit des sociétés connaît à Rome un grand développement. Issue de la société civile, la société commerciale romaine est fondée essentiellement sir l'affection societatis. A cette époque la disparition d'un associé entraîne donc celle de la société. La notion de durée propre de la société apparaît avec les sociétés de Publicains, constituées entre grands bourgeois chargés de la levée des impôts. Dès lors les sociétés sont constituées pour une durée déterminée et subsistent nonobstant la disparition des associés. Ce sont déjà nos sociétés de capitaux, dotées d'un conseil d'administration, d'une direction, et dont les membres se réunissent en assemblées générales.

Les corporations, elles, sont, à l'origine, des associations d'entraide. Elles consacrent peu à peu leur activité à l'ensemble des questions professionnelles. L'obligation des corporations, limitées initialement aux boulangers, bouchers, et transporteurs par eau, sera généralisée au Bas Empire. Les sociétés de Publicains et les corporations sont dotées de la personnalité morale. Elles disposent d'un patrimoine autonome et d'organes de représentation. Les corporations sont représentées par un syndic.

Au Moyen Age les sociétés commerciales se développent encore en raison des nécessités du commerce maritime mais on voit apparaître également de nombreux groupements civils destinés à la satisfaction de besoins définis, sans recherche de bénéfice. Ces organisations, que rappellent encore nos associations syndicales qui en sont directement issues, sont essentiellement rurales. Elles sont caractérisées par l'établissement d'un règlement d'usage du bien commun (forêt, cours d'eau, prairie ou autres) et la répartition entre les syndicataires de certaines charges financières d'exploitation. On ne connaît pas, semble-t-il, d'organisations ayant pour objet l'attribution de biens privatifs desservis par des équipements ou services communs, ce qui s'explique par l'absence de toute nécessité technique ou économique.

Le secteur communautaire est extrêmement développé mais se manifeste par un apport risqué à une société commerciale ou par l'utilisation en commun de certains biens qui demeurent indivis ou propriété de la communauté.

La division des immeubles par étages reste une simple superposition de propriétés individuelles régies par des rapports de servitudes réciproques. Certaines coutumes feront apparaître la notion de parties communes.

Au moment de la Révolution les organisations juridiques collectives sont donc bien connues et le droit connaît parfaitement la personnalité morale, le fonctionnement des assemblées et des notions plus fines telles que l'abus de majorité ou de minorité.

 

La notion de personnalité a subi, au long des siècles, de nombreuses vicissitudes, demeurant ainsi, et France et à l'aube du vingtième siècle, l'objet de nombreuses contestations. La raison principale en est certainement, en tous lieux et en tous temps, la méfiance des gouvernants à l'égard de groupements contestataires ou dominateurs. Il est en effet établi que les finesses et les subtilités du système avaient été assimilées dès l'Antiquité et ce ne sont certainement pas les incertitudes, qui subsistent de nos jours, sur la réalité ou la fiction de la personne morale, qui ont véritablement entravé son développement juridique.

A Rome, la formation du groupement était subordonnée à une autorisation du Sénat ou du Prince. L'octroi de l'autorisation entraînant celui de la personnalité morale. Celle ci est, à l'époque, un prolongement de la personnalité de l'État.

Dans l'Ancien Droit, comma à Rome, la méfiance est de règle et le Pouvoir, de la même manière, n'autorise les groupements que dans la mesure ou ils exercent d'une certaine manière son propre pouvoir par délégation. C'est ainsi qu'outre l'Église, qui conserve son privilège ancien, les corporations bénéficient de la personnalité car elles réglementent pour le compte du Pouvoir, l'activité économique. Quant aux sociétés commerciales, certaines en bénéficient également par privilège royal.

La Révolution, toujours pour la même raison, supprime pratiquement la personnalité morale, en supprimant par ailleurs les corporations de métiers par la Loi Le Chapelier. Napoléon ne modifiera pas beaucoup ce tableau. C'est seulement le rétablissement des syndicats professionnels par la Loi du 21 mars 1884, puis celui de la liberté d'association par la loi du 1er juillet 1901 qui consacre à nouveau, aux yeux des juristes, l'existence de la personnalité morale.

Certains juristes, et non des moindres, étaient pourtant hostiles à la conception de la personnalité octroyée. C'est ainsi que le Professeur Hauriou, commentant l'arrêt du Conseil d'État du 21 janvier 1892 [13]  écrivait : la personnalité d'une association, même la personnalité civile, n'est point une concession de l'État : elle existe par elle-même, par sa propre vertu; elle est en somme de droit naturel. Le professeur Marcel Waline opinait dans le même sens, estimant que la personnalité morale existe quant les conditions de son existence sont réunies  leur reconnaître la personnalité morale, ce n'est pas créer, faire œuvre nouvelle, c'est uniquement tirer les conséquences juridiques de la réalité. Aussi ne peut-on la faire dépendre du caprice arbitraire du législateur

Effectivement la Cour de Cassation, avant la loi de 1901, avait reconnu le droit d'ester en justice à une société chargée de construire un canal [14], à une société hippique [15] , à une société de chasse [16]. Plus récemment elle  rappelait [17] que la personnalité civile n'est pas une création de la loi mais appartient en principe à tout groupement pourvu d'une possibilité d'expression collective pour la défense d'intérêts licites, dignes par suite d'être juridiquement reconnus et protégés. La discussion s'est donc perpétuée depuis les temps les plus anciens jusqu'à nos jours, la réalité sociologique des personnes morales ayant été masquée par le souci des pouvoirs de conserver le contrôle de leurs activités.

 

Notre droit contemporain est tombé dans un vice contraire, poussé par des conceptions sociales et économiques vicieuses, tendant à un développement déraisonnable du mouvement associatif.

 

III.           HISTOIRE DE LA COPROPRIÉTÉ IMMOBILIÈRE

L'ignorance des origines d'une institution juridique est une infirmité intellectuelle majeure. Nous retracerons donc rapidement l'évolution du droit positif en notre matière mais insisterons sur les travaux préparatoires de la Loi du 10 juillet 1965 dans lequel on peut trouver fréquemment, nous semble-t-il, des éléments d'interprétation du texte.

 

A.             ANCIEN DROIT ET CODE CIVIL

On trouve trace, dans les droits les plus anciens, de la division en propriété par étages d'un immeuble. Il est classique de rappeler les travaux de Cuq sur les contrats de l'époque de la première dynastie babylonienne et Flattet évoque d'autres traces dans les civilisations orientales.

On considère traditionnellement qu'à Rome l'adage " superficium solo cedit " était contraire à la notion même de Copropriété.  On lit pourtant dans la " Rome au temps d'Auguste " que pour éviter la honte d'être considérés comme des locataires, les petits bourgeois se réunissent trois ou quatre ensemble, plus ou moins, pour simuler les opulents en bâtissant à frais communs une maison dont ils se divisent la propriété ". Denys d'Halicarnasse, traitant de la Loi Julia de Aventino publicando, nous indique encore : " D'aucuns se groupent par deux ou par trois, ou plus même, et construisent une maison à frais communs, les uns recevant la partie inférieure, les autres la partie supérieure ". Dans tous ces cas il s'agit en fait de superposition de propriétés privatives, les difficultés pratiques nées de cette situation particulière étant plus ou moins bien réglées par la coutume.

De nombreuses coutumes françaises en traitent, parfois avec une précision qui peut étonner de nos jours. L'art. 257 de la Coutume d'Orléans, en 1583, la Coutume de Paris et la Nouvelle Coutume de Berry sanctionnaient le refus de contribuer aux charges et la Coutume de Berry prévoyait l'attribution aux copropriétaires des fruits et revenus du local du débiteur et même l'attribution de la propriété si elle demeurait improductive [18] . Dans son commentaire de la Coutume d'Auxerre, Nee de la Rochelle précise ainsi que le propriétaire du bas n'a rien de la propriété du haut et dans ses Institutes Coutumières, Loysel indique de son coté que si une maison est divisée en telle sorte que l'un ait le bas et l'autre le haut, chacun est tenu d'entretenir ce qui est à soi. Les relations entre les propriétaires superposés sont réglées par une sorte de jeu de servitudes réciproques. On aurait tendance à penser que le nombre des copropriétaires était réduit à deux mais, au moins à la fin de l'Ancien Régime, il n'en était rien.

C'est Guy Coquille, dans son Commentaire sur la Coutume du Nivernais, qui évoque pour la première fois la notion d'une indivision du gros œuvre de l'immeuble : " La division du haut et du bas n'est pas à proprement parler une division de la propriété et du fonds, mais comme un expédient pour la commodité de tous les propriétaires du bâtiment qui le sont pour ainsi dire par indivis ". Ce célèbre avocat et jurisconsulte a ainsi, dès le 16e siècle, perçu le caractère particulier du droit de copropriété, comme l'a fort bien noté Me Daniel Heck.

A cette époque le domaine géographique de la copropriété par étages est nettement circonscrit (Sud-est de la France, Rennes et la Corse). Il serait d'ailleurs intéressant d'étudier les conditions de propagation de l'institution qui paraît avoir trouvé très anciennement un important développement à Gênes.

On invoque généralement pour justifier son développement la limitation des surfaces constructibles dans des villes ceinturées de murailles. Des communautés restreintes dans des espaces limités, notamment des communautés juives, ont pu également avoir recours à la division par étages en propriété. Quoiqu'il en soit la copropriété est à cette époque le fruit d'une contrainte matérielle

La copropriété par étages n'était pas évoquée dans le projet de Code Civil et l'art. 664 ne fût inséré qu'à la suite d'une intervention des Tribunaux de Lyon et de Grenoble qui souhaitaient voir codifier les règles d'une institution qui leur causait quelques soucis.

Le texte en fût ainsi rédigé :

Lorsque les différents étages d'une maison appartiennent à divers propriétaires, si les titres de propriété ne réglant pas le mode des réparations et reconstructions, elles doivent être faites ainsi qu'il suit :

Les gros murs et le toit sont à la charge de tous les propriétaires, chacun en proportion de la valeur de l'étage qui lui appartient ;

Le propriétaire de chaque étage fait le plancher sur lequel il marche ;

Le propriétaire du premier étage fait l'escalier qui y conduit, le propriétaire du second étage fait, à partir du premier, l'escalier qui conduit chez lui et ainsi de suite.

 

De ce texte, qui reprend d'évidence les pratiques coutumières les plus courantes, on peut en premier lieu tirer l'assurance qu'il existait déjà des copropriétés comportant plusieurs copropriétaires.

C'est de façon anachronique que nous utilisons le terme de copropriétaires car le Code Civil s'en tient à la notion de propriétaires d'étages. A défaut d'une communauté de propriété, le Code Civil crée néanmoins une communauté financière pour l'entretien des gros murs et du toit qui demeurent, à l'époque les seules " parties communes de l'immeuble ", chaque volée d'escalier demeurant à la charge du propriétaire de l'étage auquel elle permet d'accéder. Cette organisation implique l'obligation pour les propriétaires inférieures de laisser passage aux propriétaires supérieurs et d'assurer l'entretien, à leur profit, des volées d'escalier successives.

On remarquera enfin que le texte est supplétif et prévoit la possibilité d'une organisation différente résultant des titres de propriété. On peut en augurer que ces organisations existaient mais on verra, à l'encontre, que, de nos jours, certaines copropriétés anciennes, notamment en Corse, demeurent dépourvues de règlement de copropriété.

Il n'est pas sans intérêt de rappeler les observations à ce sujet de M. Jacquier [19]

En Corse, chaque copropriétaire est propriétaire de son étage, comme si cet étage reposait directement sur le sol. Ce sol n'est d'ailleurs pas toujours chose commune, puisqu'il arrive qu'il soit la propriété  du propriétaire du rez-de-chaussée ou du premier étage.

Chacun des copropriétaires se considère comme chez lui, et ne se préoccupé que fort peu des autres copropriétaires, dont il connaît parfois à peine le nom. Il répare son étage à son gré, et il arrive qu'il fasse procéder à la réfection de sa partie de façade sans inviter les autres propriétaires à faire de même. Il créera sur cette façade des saillies, des balcons, sans demander leur avis à ses voisins. Il est fréquent de voir également dans la même maison des appartements très luxueux et d'autres presque misérables.

Cet état de fait a été facilité par le fait que jusqu'ici les constructions corses ont été édifiées à l'aide de murs très épais, isolant complètement les habitants les uns des autres, la cloison étant presque inconnue.

En raison de cette façon de voir, les escaliers des maisons dans les villes corses ont été jusqu'ici laissés dans un état d'abandon proverbial. L'escalier n'intéresse pas ; on le considère comme une sorte de rue sur laquelle donne l'appartement

Cette description date de 1935. L'examen, dans le cadre de cette étude, de quelques arrêts de la Cour d'Appel de Bastia permettra de constater qu'elle demeure, au moins pour les immeubles anciens, d'actualité.

 

L'art. 664 du Code Civil Français passa rapidement dans les législations dérivées du Code Napoléon, notamment en Belgique et en Suisse. Dans ce pays, elle fut restreinte par le code cantonal de Zurich en 1854, puis prohibée pour l'avenir par celui de 1887.

De même en Allemagne elle fut prohibée pour l'avenir par le Code Civil de 1900. Selon Flattet cette suppression par un code dont l'autorité s'imposa rapidement, apparut comme une condamnation .

Mais la division par étages répondait à un besoin économique trop pressant pour disparaître et, dès 1910 des organisations syndicales chrétiennes belges insistèrent sur les avantages du système [20] Des sociétés importantes s'intéressent à la formule et c'est à la suite de leurs initiatives que fut promulguée la Loi du 8 juillet 1924, préparée par le Comité Permanent du Conseil de Législation, et insérée en un art 577 bis nouveau dans le Code Civil belge. Quatre jours plus tard on posait en grande pompe la première pierre de l'Immeuble Orsay à Saint-Gilles. Le domaine géographique de la copropriété demeura toutefois limité à l'aire bruxelloise jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

En Suisse le sort de l'institution fut des plus mouvementé. A la suite du Code Civil allemand, l'art 675 du Code Fédéral suisse interdit également en 1912 la copropriété. Le système, selon les juristes, était incompatible avec l'organisation du Registre Foncier. Plusieurs décennies plus tard, Flattet établit ainsi le bilan :

 

Quarante quatre ans se sont écoulés depuis que la création des copropriétés par étages a été interdite. Or, non seulement il subsiste toujours d'anciennes copropriétés à Fribourg, Genève, Neufchâtel, en Valais, dans le canton de Vaud, dans le Jura bernois, au Tessin notamment, mais encore de nouvelles propriétés par étages se sont crées en dépit de l'interdiction formelle de la loi. Imitant le procédé utilisé par les praticiens pour inscrire leurs anciennes propriétés d'étages au Registre Foncier, leurs auteurs leur ont donné la forme d'une copropriété combinée avec les servitudes personnelles et transmissibles, au sens de l'art 781 du Code Civil Suisse.

C'est en 1963 que la copropriété sera réintroduite définitivement dans le Code Civil Suisse.

Nous nous intéresserons encore au droit néerlandais avant de revenir en France.

Les Néerlandais connaissaient une forme particulière de division des immeubles dites boven en benebenhuisen  et  duplex husen . Ces maisons ont un toit commun mais sont par ailleurs entièrement séparées de manière à former une habitation au rez-de-chaussée et une autre au premier étage. Les premières possèdent chacune une porte à la rue, tandis que les secondes ont une porte commune pour les deux habitations.

Pourtant le Code Civil néerlandais de 1838 ne reprit pas les dispositions de l'art. 664 français et c'est seulement en 1951 qu'une loi viendra codifier les usages anciens en prenant parti expressément pour une conception unitaire du droit de copropriété.

 

B.            LOI DU 28 JUIN 1938

Pendant ce temps, en France, les praticiens et notamment les praticiens grenoblois s'occupaient à remédier aux insuffisances manifestes de l'art 664. Pendant de longues années la création des copropriétés fut basée sur deux méthodes radicalement différentes :

la méthode de Grenoble

la méthode de Paris

La méthode de Grenoble exige la constitution préalable d'un groupe d'amis ou de relations. Elle fonctionne intuitu personae [21]. Il s'agit d'une combinaison d'achat de tantièmes de terrain et de marchés individuels de travaux. Les appartements pré attribués sont affectés en propriété à chacun des membres du groupement dès l'achèvement de la construction [22] Ce système était incompatible avec les nécessités du crédit bancaire et les Parisiens imaginèrent de créer des sociétés de construction ayant pour objet l'attribution en jouissance des appartements aux associés avec possibilité d'attribution en propriété lors de la liquidation de la société, ou antérieurement à celle ci par retrait anticipé. Il ne s'agissait pas, à l'époque, d'opérations commerciales de promotion immobilière et les juristes posèrent rapidement le problème de la validité de telles sociétés qui n'avaient pas pour objet la recherche d'un profit.

La création d'un statut légal de ces sociétés fût mise à l'étude dès 1923 avec la contribution de plusieurs associations de défense des propriétaires d'appartements. Son urgence fût rendue plus sensible encore par une décision de la Cour de Cassation [23] qui mettait effectivement en cause la régularité du système.

Ainsi parvint-on à la promulgation le 28 juin 1938 d'un texte qui d'une part réglementait les sociétés de construction, d'autre part créait pour la première un véritable statut de la copropriété des immeubles divisés par étages. Ce statut comportait de nombreuses innovations structurelles dont beaucoup demeurent d'actualité.

En premier lieu l'immeuble divisé par étages se trouve divisé en parties communes, indivises entre les propriétaires et en parties privatives, affectées à l'usage exclusif de chacun de ceux ci.

Les copropriétaires sont constitués obligatoirement et de plein droit en un syndicat " représentant légal de la collectivité " , lui-même représenté par un syndic, qui est qualifié " agent officiel " du syndicat.

La loi établit un système de répartition des charges d'exploitation de l'immeuble, en fonction des valeurs respectives des fractions divises de l'immeuble eu égard à leur étendue et à leur situation.

La bonne jouissance et l'administration commune peuvent faire l'objet d'un règlement de copropriété qui est l'objet d'une convention générale ou de l'engagement de chacun des  intéressés. Le règlement peut être créé ou modifié par une décision prise à la majorité renforcée.

Le syndicat délibère en assemblée générale.

Le texte comportait des dispositions relatives au paiement des charges et notamment, en son art 11 modifié par le décret du 29 novembre 1939, les modalités de constitution d'un privilège portant sur la part divise du débiteur dans l'hypothèse d'une avance consentie par les autres copropriétaires pour couvrir l'insuffisance de trésorerie syndicale.

Le nouveau statut autorisait l'insertion d'une clause compromissoire pour permettre le règlement des litiges par voie d'arbitrage.

Il prévoyait enfin, en cas de destruction de l'immeuble, sa reconstruction obligatoire sous réserve d'une décision d'assemblée prise à la majorité renforcée.

 

On ne peut méconnaître, de nos jours encore, l'importance de la Loi de 1938. Elle devait s'appliquer à un patrimoine immobilier de type traditionnel et entrait en vigueur après plusieurs décennies de relative stabilité technique en matière de construction immobilière.

L'évolution, après la Seconde Guerre Mondiale, de la construction immobilière la rendit rapidement, sinon obsolète, du moins insuffisante en raison de l'importance croissante des immeubles construits, groupant souvent plusieurs centaines de lots, et de la disparition et de corrélative de l'homogénéité des lots et de leur population. Par ailleurs l'apparition de nouveaux équipements communs, la généralisation galopante des anciens mirent rapidement en lumière un défaut capital du texte : toute modification ou amélioration de l'immeuble était subordonnée à un vote unanime, et tout projet de ce chef se trouvait ainsi voué à l'échec dans l'immense majorité des cas. C'est pour remédier essentiellement à cette difficulté qu'un nouveau texte fût mis à l'étude.

C.            la loi du 10 juillet 1965

Le projet présenté le 31 juillet 1964 avait pour objet d'adapter le texte de 1938 à l'évolution des esprits et des techniques en permettant, en particulier, sous réserve de l'obtention d'une majorité renforcée, l'exécution de travaux d'amélioration. Le projet fût très considérablement modifié au cours des travaux parlementaires.

Il en résulte un texte hybride, dépourvu d'idée directrice et de plan, et dont la confusion a été parfois aggravée par le décret d'application publié le 17 mars 1967. Il n'en contient pas moins des améliorations incontestables dont l'importance a justifié l'appréciation généralement favorable de la doctrine. On a pu également saluer le remarquable travail parlementaire effectué à cette occasion sous le contrôle du Garde des Sceaux de l'époque, M. Foyer.

On verra que, prés de trente ans après la promulgation de ce nouveau statut, marqué par un esprit dirigiste évident, ses insuffisances ouvrent la place à un contentieux important caractérisé, dans la plupart des cas, par la subsistance d'importantes divergences jurisprudentielles, et par de solides contestations de certaines positions de la Cour de Cassation par les juridictions inférieures. Un examen approfondi des travaux parlementaires nous paraît indispensable pour traiter ultérieurement les différents aspects du statut, pour éclairer les travaux d'interprétation des textes, voire pour apprécier, sur certains points, la légalité du décret d'application.

De nombreux textes subséquents, parfois parasitaires, sont venus compléter le statut dont la toilette est reconnue nécessaire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mise à jour

28/02/2006

 

 



[1] Homo Urbanus Paris 1990 p. 16

[2] Rome Impériale et l'urbanisme dans l'Antiquité Bibliothèque de Synthèse Historique " L'Evolution de l'humanité " Tome XVIII bis Ed 1971 Albin Michel

[3] Selon le Glossaire de Philoxéne

[4] Inscription relative à l'Insula [?]alatiana : " fructum insulae [?]alatianae partis quartae et quartae et vicentesimae" in Corpus inscr.latin.  VI 29791.

[5] Lettre XXIV Rica à Ibben

[6] Paris Ed Berlin 1929

[7]  M. Jurgens et P. Couperie Le logement à Paris aux XVIe et XVIIe siècles in Annales, Economies, Sociétés, Civilisations mai-juin 1962.

[8] Ed Picard 1976 Avant propos de M. Chaunu.

[9] Nous trouvons ici la notion de parties communes. Celles ci existaient bien évidement dans les immeubles locatifs. Les baux précisaient les modalités de répartition des charges communes : ainsi du coût de remplacement de la corde du puits, partagé entre les bénéficiaire, et dont le propriétaire était exonéré lorsqu'il occupait l'un des logements (bail du 7 novembre 1643 cité par F. Lehoux p. 134 note 156).

[10] CNRS INFO 1992 n° 252. L'auteur a profité des travaux de restauration du tableau effectués par le Musée du Louvre pour effectuer son étude.

[11] L'architecture privée au XIXe siécle sous Napoléon III Paris 1864

[12] Immeuble 14 Rue Jean Robert, construit par Alcide Vaillant

[13] Sirey 1893 3 145

[14] Cass 30/08/1859 S 1860 I 359

[15] Cass 25/05/1887 D 1887 I 289

[16] Cass 18/11/1865 S 1866 I 415

[17] Cass 28/01/54  G.P 54 I 205

[18] Desgodets  Les loix du bâtiment suivant la Coutume de Paris avec notes de Goupy, architecte expert bourgeois Paris 1777  T.I  p. 79

[19] De la division par étages de la propriété des maisons Aix en Provence 1935 p. 24

[20] Grokaert et Leger La charte du propriétaire d'appartement n° 92

[21] Dans le même esprit, la fonction de syndic est honorifique et exclusive de toute rémunération ou activité professionnelle. On retrouve ici la notion du syndic grec.

18 Julliot Traité Formulaire de la division des immeubles par étages et par appartements Paris 1927

[23] Cass. Req. 21/12/31 Jal Stés 1932 543 Sté Imm Mirabeau