Handicapés : décision discriminatoire d’une assem-blée générale de copropriétaires

 

 

La prise en considération du sort des handicapés et des difficultés qu’ils éprouvent dans la vie courante est une obligation primordiale de la communauté nationale et chacun doit y apporter sa pierre dans la mesure de ses possibilités.

C’est une évidence fondée aussi bien sur la compassion active que sur un intérêt égoïste. Un handicap peut nous frapper demain.

L’action des organisations dédiées doit-elle être marquée par l’activisme ou le pragmatisme ? Il n’est pas indigne de poser la question.

La rééducation et l’insertion sociale des autistes est sans nul doute une mission digne d’intérêt. Il est bien connu que la France est fort mal équipée dans ce domaine. Les parents d’enfants autistes sont désemparés face à l’insuffisance des lieux d’accueil. La presse relate à ce propos une affaire exemplaire.

Une association a obtenu des moyens de financement pour l’acquisition d’un local, son aménagement et l’organisation d’une structure d’accueil. Elle a trouvé un local adéquat au rez-de-chaussée d’un immeuble parisien en copropriété. Le propriétaire du lot est d’accord pour vendre à l’association mais il semble (l’information est ici imprécise) qu’une clause du règlement de copropriété relative à la destination de l’immeuble et à l’usage du lot vendu impose une autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires pour que la vente soit effectuée sans risque juridique de contestation ultérieure.

Comme on pouvait le craindre, le propriétaire vendeur a, seul, voté en faveur de l’autorisation. Tous les autres copropriétaires ont voté contre. La presse nous indique que c’est le risque de dévalorisation des appartements lié à la présence d’un centre d’accueil pour enfants autistes qui est à l’origine du rejet de la demande.

On nous indique encore que les responsables de l’association sont effondrés, ce qui est facilement compréhensible. Ils suggèrent une modification de la loi du 10 juillet 1965 créant «  un droit à l’installation de locaux médico-sociaux » dans les immeubles en copropriété. L’association envisage de saisir la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité pour faire apprécier s’il s’agit bien en l’espèce d’un cas condamnable de discrimination envers les handicapés, susceptible d’être déféré au Procureur de la République.

Une adjointe au Maire de Paris aurait renchéri en regrettant la multiplication des cas de discrimination dans Paris. On s’étonne ici d’emblée car il n’est pas certain que la Ville de Paris, de nos jours comme dans le passé, se soit beaucoup souciée d’insérer dans ses programmes de locaux sociaux des centres aussi utiles que celui projeté par l’association dont il est question. Mais revenons au cœur du problème.

Est-il blâmable de dire que l’issue de l’assemblée des copropriétaires était facilement prévisible. L’incidence de la présence du centre sur la valeur des appartements est une évidence économique, même s’il faut la regretter hypocritement. L’activité du contre entraînerait-elle des gênes appréciables ? Nul ne le sait mais on les présume. Pis encore on les amplifie ! L’expérience montre que l’installation d’un centre d’apprentissage pour handicapés dans un important programme de la SEMEA XV n’a finalement apporté aucune gêne au voisinage. Mais il s’agit d’un ensemble locatif et les candidats locataires trouvent une situation établie. Ils peuvent avoir confirmation par les occupants en place de l’incidence négligeable pour le voisinage des activités du centre. Tout se passe pour le mieux.

On ne saurait ici se prononcer sur le sort d’une éventuelle contestation par le propriétaire vendeur de la décision de l’assemblée générale des copropriétaires.

 

La saisine éventuelle de la Haute Autorité sus-évoquée interpelle aussi bien le juriste que le simple citoyen. Le juriste s’interroge sur l’apparition d’un nouveau recours contre les décisions d’assemblées. Le citoyen, peu après l’échec d’une consultation nationale qui a trouvé son origine, partiellement au moins, dans le dirigisme bruxellois, risque de trouver dans notre affaire un nouvel exemple d’interventionnisme malencontreux.

 

Que dire enfin d’un projet de réforme de la loi de 1965 sur la copropriété ? On ne peut nier que depuis un certain temps de nombreuses dispositions ont été prises dans le domaine de l’immobilier au profit légitime des handicapés. On en trouve les traces dans le Code de la construction et de l’habitation. Pour la copropriété spécifiquement, la loi n°2003-590 du 2 juillet 2003 a modifié l’article 24 de la loi de 1965 pour faciliter les travaux d’accessibilité aux handicapés ou aux personnes à mobilité réduite. Est-il encore condamnable de prétendre qu’en l’état, il serait préférable de veiller à la mise en œuvre effective des textes publiés avant d’en élaborer de nouveaux ?

 

Il est bien difficile de traiter ces questions lorsqu’on est bien vaillant. Mais note question initiale ne semble pas indécente.

 

 

 

 

 

Mise à jour

30/06/2005