Prévention des troubles de voisinage

 

Cette étude est insérée en 8/3.3 I D (actions judiciaires liées au louage du lot de copropriété)

 

La loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 a complété comme suit les dispositions de l’article 4 de la loi du 6 juillet 1989 relative aux baux d’habitation et mixtes :

« Est réputée non écrite toute clause :

[…]

« g) Qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat en cas d'inexécution des obligations du locataire pour un motif autre que le non-paiement du loyer, des charges, du dépôt de garantie, la non-souscription d'une assurance des risques locatifs « ou le non-respect de l'obligation d'user paisiblement des locaux loués, résultant de troubles de voisinage constatés par une décision de justice passée en force de chose jugée » ;

 

Elle a également inséré dans les dispositions de la loi un article 6-1 ainsi rédigé :

« Après mise en demeure dûment motivée, les propriétaires des locaux d’habitation doivent, sauf motif légitime, utiliser les droits dont ils disposent en propre afin de faire cesser les troubles de voisinage causés à des tiers par les personnes qui occupent ces locaux. »

 

La loi du 5 mars 2007 a fait l’objet d’un excellent commentaire de Madame Vial-Pedroletti [1]. Elle rappelle d’abord l’étonnant parcours parlementaire de l’article 6-1. Les amendements successifs prévoyaient

- Une procédure de résiliation par voie oblique qui aurait permis au syndicat des copropriétaires d’exercer l’action en résiliation aux lieu et place du bailleur [2]

- Puis ajout à l’article 1384 du Code civil

- Et finalement son insertion dans statut particulier des baux d’habitation.

 

Le texte de l’article 6-1 conserve la trace de ces errements. Il présente en effet la particularité d’être inséré dans le régime des baux d’habitation alors qu’il ne vise aucun des partenaires habituellement et ensembles assujettis à ce régime. Sont en effet concernés :

- « les propriétaires des locaux à usage d’habitation », mais pas spécialement les bailleurs, et,

- « les personnes qui occupent ces locaux », mais pas spécialement les locataires

 

On en déduit logiquement que le texte est applicable aux squatters. Mais le texte impose aux propriétaires « d’utiliser les droits dont ils disposent en propre » pour faire cesser les troubles de voisinage ! Il ne peut s’agir alors des droits fondés sur les clauses du bail. C’est bien le droit de propriété seul qui est le support de l’action. Peut-il permettre au propriétaire de solliciter autre chose que l’expulsion des occupants sans droit ?

Il est évident que le texte n’a pas été modifié en fonction de son classement final.

 

Par ailleurs la solution sénatoriale de l’action « oblique » a été écartée par l’Assemblée nationale, comme contraire à l’effet relatif des contrats. On peut penser que l’action proposée par le Sénat était une action directe, ce qui justifierait mieux l’opposition de l’Assemblée nationale.

Il est bien certain que la solution de l’action oblique, déjà admise par la jurisprudence, était la bonne. En l’espèce, - des troubles de voisinage -, les risques pour les tiers, et a fortiori pour le syndicat des copropriétaires, de se voir opposer une exception tirée des clauses du bail étaient bien minces.

 

Pourtant le texte évoque la possibilité d’un « motif légitime ». Quel peut être ce motif légitime ? Madame Vial-Pedroletti écrit : « Sont certainement visées ici les hypothèses où les diligences du bailleur n’aboutissent pas parce que le juge refuse la résiliation ou accorde des délais d’expulsion qui ne vont pas permettre au bailleur de faire cesser dans l’immédiat les troubles ».

Ce risque existe malheureusement. Mais le texte n’exige pas du bailleur la cessation effective des troubles. Il n’impose au bailleur que l’utilisation des droits dont il dispose. Dès lors qu’il a engagé une action judiciaire contre « les personnes qui occupent le local », sa responsabilité est dégagée.

On voit mal enfin comment le motif légitime pourrait être recherché en la personne de l’occupant. Un travail de nuit, aussi respectable soit-il, ne peut légitimer un trouble de voisinage récurrent.

Il faut donc admettre que le « motif légitime » serait celui qui justifierait l’abstention (et non pas la carence) du propriétaire dans l’exercice de l’action contre l’occupant. Mais on ne voit pas quel pourrait être alors ce motif légitime.

 

Venons-en à la mise en œuvre du texte dont le mérite ne saurait être mésestimé.

Dans le cas le plus courant de troubles de voisinage causés par des locataires, le propriétaire doit, après avoir vérifié autant que faire se peut les allégations des victimes, délivrer une mise en demeure dûment motivée.

Elle doit donc viser :

- Les troubles de jouissance allégués et suffisamment décrits

- La clause du bail, le cas échéant

- Le texte de l’article 6-1.

 

La loi fait état d’une mise en demeure. Une lettre recommandée avec demande d’avis de réception devait suffire mais la prudence commande la délivrance par huissier surtout si la clause résolutoire du bail est visée.

 

Si les troubles de voisinage perdurent, le propriétaire doit agir comme à l’ordinaire : faire constater la résolution de plein droit sur le fondement de la clause résolutoire du bail ou demande la résiliation en l’absence de clause.

Dans tous les cas l’expulsion doit être demandée. S’il s’agit d’occupants sans droit ni titre, et à fortiori de squatters, il s’agit de la seule demande possible.

 

Toutefois la disposition nouvelle de l’article 4 ( ou le non-respect de l'obligation d'user paisiblement des locaux loués, résultant de troubles de voisinage constatés par une décision de justice passée en force de chose jugée )  semble exiger la constatation préalable des troubles de jouissance par une décision de justice passée en force de jugée.

 

Il reste à préciser ce que doit faire un syndic de copropriété en cas de carence du propriétaire bailleur.

La réponse traditionnelle était le recours à l’action oblique. Dans ce cas le syndicat est habilité à exercer les droits et actions du copropriétaire bailleur. On peut craindre désormais que l’exploitation habile des travaux parlementaires ne conduise à dénier au syndicat la possibilité d’utiliser la voie oblique. Le syndicat ne pourrait alors qu’agir en responsabilité contre le bailleur.

 

Une fois encore, l’exploitation d’une bonne mesure risquerait d’être paralysée par des contestations byzantines.

 

 

 

 

 

Mise à jour

13/07/2007

 

 

 



[1] Loyers et copropriété mai 2007 p. 7 et ss.

[2] Solution déjà admise par la jurisprudence (Cass. civ. 3e 20/12/1994 Loyers et copropriété 1995 n° 125)