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Tribunal
des Conflits SÉPARATION DES
POUVOIRS
Compétence judiciaire. - Exclusion. - Cas. - Communications
électroniques. - Implantation des stations radioélectriques. - Action tendant
à la cessation des inconvénients anormaux afférents à la protection de la
santé publique et aux brouillages préjudiciables. Antennes relais de
téléphonie mobile Cour de cassation Audience publique du 14 mai 2012 N° de pourvoi:
12-03844 Décision attaquée : Cour d’appel de Pau
du 2 mars 2010 M. Gallet, président Mme Hubac, conseiller
apporteur M. Sarcelet
(commissaire du gouvernement), avocat général SCP Richard, SCP
Coutard et Munier-Apaire, SCP Piwnica et Molinié, avocat(s) REPUBLIQUE
FRANCAISE AU NOM
DU PEUPLE FRANCAIS N° 3844 Conflit sur renvoi de la Cour de cassation M. Pierre X... et
autres c/ Sté Orange France et autres Séance du 14 mai 2012
Lecture du 14 mai
2012 LE TRIBUNAL DES CONFLITS Vu l’expédition de
l’arrêt du 12 octobre 2011 par lequel la Cour de Cassation, Première chambre
civile, saisie d’un pourvoi formé par M. Pierre X... et Mme Christine B...
épouse X... contre un arrêt rendu le 2 mars 2010 par la cour d’appel de Pau
dans le litige les opposant à la société Orange France, à la Société
Française du Radiotéléphone, à Mme Y... et à Mme Z... par lequel cette cour a
confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Bayonne du 5 octobre
2009 s’étant déclaré incompétent pour prononcer l’enlèvement
d’antennes-relais de téléphonie mobile, a renvoyé au Tribunal, par
application de l’article 35 du décret du 26 octobre 1849 modifié par le
décret du 25 juillet 1960, le soin de décider de la question de compétence ; Vu le mémoire
présenté pour M. et Mme X... qui concluent à ce que les juridictions de
l’ordre judiciaire soient déclarées compétentes pour connaître du litige, par
les motifs que le litige oppose, sur le fondement des troubles anormaux de
voisinage, un tiers à un service public industriel et commercial ; que
l’action n’a ni pour objet ni pour effet de remettre en cause les décisions
administratives autorisant les opérateurs de téléphonie mobile à occuper le
domaine public hertzien ; qu’elle n’entre pas dans la champ d’application de
l’article L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques ;
Vu le mémoire
présenté pour la société Orange France qui conclut à ce que la juridiction
administrative soit déclarée compétente pour connaître du litige, par les
motifs que la compétence des autorités de l’Etat en matière d’installations
de téléphonie mobile et de contrôle du risque sanitaire d’exposition du
public exclut l’intervention du juge judiciaire sur le fondement de la
théorie des troubles anormaux de voisinage car elle reviendrait à admettre
que la réglementation nationale puisse être contredite ou contrariée ; Vu le mémoire
présenté pour la Société Française du Radiotéléphone qui conclut à ce que la
juridiction administrative soit déclarée compétente pour connaître du litige,
par les motifs qu’une demande tendant à l’enlèvement d’une antenne de
téléphonie mobile sur le fondement des troubles anormaux de voisinage a en
réalité pour objet et pour effet de mettre un terme à l’occupation par les
opérateurs de télécommunications du domaine public hertzien de l’Etat et
porte atteinte aux autorisations administratives qui leur ont été délivrées ;
que le juge administratif tient sa compétence du 1°) de l’article L. 2331-1
du code général de la propriété des personnes publiques ; que conformément au
principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, le juge
judiciaire ne saurait être comptent pour priver d’objet et d’effet
l’autorisation d’implantation d’une antenne relais accordée par l’Agence
nationale des fréquences (ANFR) dont le rôle est précisément de contrôler les
risques d’exposition du public aux rayonnements électromagnétiques ; Vu les pièces
desquelles il résulte que la saisine du Tribunal a été notifiée au ministre
du travail, de l’emploi et de la santé, au ministre chargé de l’industrie, de
l’énergie et de l’économie numérique, au ministre de l’écologie et du
développement durable, des transports et du logement, à Mme Y... et à Mme
Z..., qui n’ont pas produit de mémoires ; Vu les autres pièces
du dossier ; Vu la loi des 16-24
août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ; Vu la loi du 24 mai
1872 ; Vu le décret du 26
octobre 1849 modifié ; Vu la recommandation
n° 1999/ 519/ CE du 12 juillet 1999 du Conseil de l’Union européenne ; Vu le code des postes
et des communications électroniques ; Vu le code général de
la propriété des personnes publiques ; Vu le décret n°
2002-775 du 3 mai 2002 ; Après avoir entendu
en séance publique : - le rapport de Mme
Sylvie Hubac, membre du Tribunal, - les observations de
la SCP Richard, pour M. X... et autres, - les observations de
la SCP Coutard, Munier-Apaire, pour la Sté Orange France, - les observations de
la SCP Piwnica et Molinié, pour la Sté Française du Radiotéléphone (SFR), - les conclusions de
M. Jean-Dominique Sarcelet, commissaire du gouvernement ; Considérant que selon
le I de l’article L. 32-1 du code des postes et communications électroniques,
les activités de communications électroniques s’exercent librement dans le respect
des autorisations prévues au titre II de ce code (” Ressources et police “),
notamment celles relatives à l’utilisation des fréquences radioélectriques et
à l’implantation des stations radioélectriques ; que, d’une part, en
application de l’article L. 42-1 du code, l’Autorité de régulation des
communications électroniques et des postes (ARCEP) attribue les autorisations
d’utilisation des fréquences ou bandes de fréquences, lesquelles précisent
les conditions techniques et opérationnelles nécessaires pour éviter les
brouillages préjudiciables et pour limiter l’exposition du public aux champs
électromagnétiques ; que ces autorisations constituent, en application de
l’article L. 2124-26 du code général de la propriété des personnes publiques,
un mode d’occupation privatif du domaine public de l’Etat dont les litiges
relèvent, en application de l’article L. 2331-1 du code général de la
propriété des personnes publiques, de la juridiction administrative ; que,
d’autre part, l’article L. 43 du code des postes et communications
électroniques dispose que l’Agence nationale des fréquences (ANFR),
établissement public administratif de l’Etat, “ coordonne l’implantation sur
le territoire national des stations radioélectriques de toute nature afin
d’assurer la meilleure utilisation des sites disponibles et veille au respect
des valeurs limites d’exposition du public aux champs électromagnétiques. A
cet effet les décisions d’implantation ne peuvent être prises qu’avec son
accord “ ; qu’en application du décret du 3 mai 2002 relatif aux valeurs
limites d’exposition du public aux champs électromagnétiques émis par les
équipements utilisés dans les réseaux de télécommunication ou par les
installations radioélectriques, qui a repris les valeurs limites fixées par
la recommandation du 12 juillet 1999 de l’Union européenne relative à la
limitation de l’exposition au public aux champs électromagnétiques, toute
personne exploitant un réseau de communications électroniques adresse à
l’ANFR un dossier contenant une déclaration selon laquelle l’équipement ou
l’installation qu’elle se propose d’implanter en un lieu donné est conforme
aux normes et spécifications imposées par la législation et respecte les
valeurs limites d’exposition ; que ce dossier doit justifier des actions engagées
pour s’assurer, au sein des établissements scolaires, des crèches ou des
établissements de soins situés dans un rayon de cent mètres à partir de
l’installation, que l’exposition du public aux champs électromagnétiques est
aussi faible que possible, tout en préservant la qualité du service rendu ;
que selon l’article R. 20-44-11 du code : “ Devant le silence gardé par
l’agence, l’accord est réputé acquis aux termes d’un délai de deux mois après
la saisine de l’agence “ ; Considérant qu’il
résulte de ces dispositions que le législateur a organisé une police spéciale
des communications électroniques confiée à l’Etat ; qu’afin d’assurer sur
l’ensemble du territoire national et conformément au droit de l’Union
européenne, d’une part, un niveau élevé et uniforme de protection de la santé
publique contre les effets des ondes électromagnétiques émises par les
réseaux de communications électroniques, qui sont identiques sur tout le
territoire, d’autre part, un fonctionnement optimal de ces réseaux, notamment
par une couverture complète de ce territoire, le législateur a confié aux
seules autorités publiques qu’il a désignées le soin de déterminer et
contrôler les conditions d’utilisation des fréquences ou bandes de fréquences
et les modalités d’implantation des stations radioélectriques sur l’ensemble
du territoire ainsi que les mesures de protection du public contre les effets
des ondes qu’elles émettent et contre les brouillages préjudiciables ; Considérant que, par
suite, l’action portée devant le juge judiciaire, quel qu’en soit le
fondement, aux fins d’obtenir l’interruption de l’émission, l’interdiction de
l’implantation, l’enlèvement ou le déplacement d’une station radioélectrique
régulièrement autorisée et implantée sur une propriété privée ou sur le domaine
public, au motif que son fonctionnement serait susceptible de compromettre la
santé des personnes vivant dans le voisinage ou de provoquer des brouillages
implique, en raison de son objet même, une immixtion dans l’exercice de la
police spéciale dévolue aux autorités publiques compétentes en la matière ;
que, nonobstant le fait que les titulaires d’autorisations soient des
personnes morales de droit privé et ne soient pas chargés d’une mission de
service public, le principe de la séparation des pouvoirs s’oppose à ce que
le juge judiciaire, auquel il serait ainsi demandé de contrôler les
conditions d’utilisation des fréquences radioélectriques au regard des
nécessités d’éviter les brouillages préjudiciables et de protéger la santé
publique et, partant, de substituer, à cet égard, sa propre appréciation à
celle que l’autorité administrative a portée sur les mêmes risques ainsi que,
le cas échéant, de priver d’effet les autorisations que celle-ci a délivrées,
soit compétent pour connaître d’une telle action ; Considérant, en
revanche, que le juge judiciaire reste compétent, sous réserve d’une
éventuelle question préjudicielle, pour connaître des litiges opposant un
opérateur de communications électroniques à des usagers ou à des tiers, d’une
part, aux fins d’indemnisation des dommages causés par l’implantation ou le
fonctionnement d’une station radioélectrique qui n’a pas le caractère d’un
ouvrage public, d’autre part aux fins de faire cesser les troubles anormaux
de voisinage liés à une implantation irrégulière ou un fonctionnement non
conforme aux prescriptions administratives ou à la preuve de nuisances et
inconvénients anormaux autres que ceux afférents à la protection de la santé
publique et aux brouillages préjudiciables ; Considérant qu’il
résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les juridictions de l’ordre
judiciaire sont incompétentes pour connaître du litige opposant M. Pierre
X... et Mme Christine B... épouse X... à la société Orange France, à la
Société Française du Radiotéléphone, à Mme Y... et à Mme Z... tendant à ce
que soit prononcé l’enlèvement sous astreinte d’antennes-relais de téléphonie
mobile ayant reçu l’accord de l’ANFR pour être implantées sur le territoire
de la commune de Saint-Pierre-D’irube (64) au motif que ces installations présenteraient
un risque pour la santé des populations situés dans son voisinage ; qu’il
n’appartient qu’au juge administratif de connaître d’un tel litige ; D E C I D E : Article 1 : La
juridiction administrative est compétente pour connaître du litige opposant
M. Pierre X... et Mme Christine B... épouse X... à la société Orange France,
à la Société Française du Radiotéléphone, à Mme Y... et à Mme Z.... Article 2 : La
présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice
et des libertés, qui est chargé d’en assurer l’exécution. Titrages et résumés :
SEPARATION
DES POUVOIRS - Compétence judiciaire - Exclusion - Cas - Communications
électroniques - Implantation des stations radioélectriques - Action tendant à
la cessation des inconvénients anormaux afférents à la protection de la santé
publique et aux brouillages préjudiciables Il résulte des
dispositions des articles L. 32-1 (I), L. 42-1, L. 43 du code des postes et
communications électroniques et du décret n° 2002-775 du 3 mai 2002 relatif
aux valeurs limites d’exposition du public aux champs électromagnétiques émis
par les équipements utilisés dans les réseaux de télécommunication ou par les
installations radioélectriques, que le législateur a organisé une police
spéciale des communications électroniques confiée à l’Etat. L’action portée
devant le juge judiciaire, quel qu’en soit le fondement, aux fins d’obtenir
l’interruption de l’émission, l’interdiction de l’implantation, l’enlèvement
ou le déplacement d’une station radioélectrique régulièrement autorisée et
implantée sur une propriété privée ou sur le domaine public, au motif que son
fonctionnement serait susceptible de compromettre la santé des personnes
vivant dans le voisinage ou de provoquer des brouillages implique, en raison
de son objet même, une immixtion dans l’exercice de la police spéciale
dévolue aux autorités publiques compétentes en la matière, nonobstant le fait
que les titulaires d’autorisations soient des personnes morales de droit
privé et ne soient pas chargés d’une mission de service public. En revanche, le juge
judiciaire reste compétent, sous réserve d’une éventuelle question
préjudicielle, pour connaître des litiges opposant un opérateur de
communications électroniques à des usagers ou à des tiers, d’une part, aux
fins d’indemnisation des dommages causés par l’implantation ou le
fonctionnement d’une station radioélectrique qui n’a pas le caractère d’un
ouvrage public, d’autre part aux fins de faire cesser les troubles anormaux
de voisinage liés à une implantation irrégulière ou un fonctionnement non
conforme aux prescriptions administratives ou à la preuve de nuisances et
inconvénients anormaux autres que ceux afférents à la protection de la santé
publique et aux brouillages préjudiciables. Il en résulte que les
juridictions de l’ordre judiciaire sont incompétentes pour connaître de
l’action tendant à l’enlèvement sous astreinte d’antennes-relais de
téléphonie mobile ayant reçu l’accord de l’Agence nationale des fréquences
pour être implantées sur le territoire d’une commune, au motif que ces
installations présenteraient un risque pour la santé des populations situées
dans son voisinage SEPARATION DES
POUVOIRS - Compétence judiciaire - Domaine d’application - Communications
électroniques - Implantation des stations radioélectriques - Litige opposant
un opérateur de communications électroniques à des usagers ou des tiers POSTES ET
COMMUNICATIONS ELECTRONIQUES - Communications électroniques - Implantation
des stations radioélectriques - Action tendant à la cessation des
inconvénients anormaux afférents à la protection de la santé publique et aux
brouillages préjudiciables - Compétence administrative POSTES ET
COMMUNICATIONS ELECTRONIQUES - Communications électroniques - Implantation
des stations radioélectriques - Litige opposant un opérateur de
communications électroniques à des usagers ou des tiers - Compétence
judiciaire - Cas - Détermination Textes appliqués : ·
et
des communications électroniques ; articles L. 2124-26 et L. 2331-1 du code
général de la propriété des personnes publiques ; décret n° 2002-775 du 3 mai
2002 ·
loi
des 16-24 août 1790 et décret du 16 fructidor an III ; loi du 24 mai 1872 ;
décret du 26 octobre 1849 modifié ; recommandation n° 1999/519/CE du 12
juillet 1999 du Conseil de l’Union européenne ; articles L. 32-1 (I), L.
42-1, L. 43 du code des postes Les conclusions de l’avocat général sont parues dans
La Semaine juridique, édition générale, n° 28, 9 juillet 2012,
Jurisprudence, n° 819, p. 1367 à 1373. Un commentaire de cette
décision est paru dans ce même numéro, Jurisprudence, n° 820, p. 1373
à 1377, note Mireille Bacache (“Antennes relais et compétence
juridictionnelle”). Voir également le Recueil Dalloz, n° 29, 26
juillet 2012, Etudes et commentaires, p. 1930 à 1933, note Gilles J.
Martin et Jean-Charles Msellati (“Le particularisme du contentieux des
communications électroniques”). Loi des 16-24 août 1790 et décret du 16 fructidor an III L’action aux fins d’obtenir
l’interruption de l’émission, l’interdiction de l’implantation, l’enlèvement
ou le déplacement d’une station radioélectrique
régulièrement autorisée et implantée sur une propriété privée ou sur le
domaine public, au motif que son fonctionnement serait susceptible de
compromettre la santé des personnes vivant dans le voisinage ou de provoquer
des brouillages entre dans le domaine de compétence des juridictions
administratives. Tribunal des Conflits 14-05-2012 |
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