Le pouvoir des architectes des Bâtiments de France est-il toujours discrétionnaire ?

Nous reproduisons ci dessous la réponse apportée par le Ministre de la culture à une question posée par M. Frédéric Soulier, député (également reproduite), et les dispositions de la loi du 28 février 1997, du décret du 5 février 1999 et de l’article 112 de la Loi n° 2002-276 du 27 février 2002

 

 

Question écrite N° 28368 du 10/11/2003 page 8567 avec réponse posée par M. Frédéric Soulier, député de la Corrèze.

 

M. Frédéric Soulier appelle l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur le rôle discrétionnaire de censeur des architectes des Bâtiments de France qui peuvent seuls bloquer une demande de travaux exprimé et validé dans le cadre d'un fonctionnement démocratique. Depuis la loi du 28 février 1997 et le décret du 5 février 1999 modifié par la loi du 13 décembre 2000, un recours contre l'avis de l'architecte des Bâtiments de France, peut être déposé auprès du préfet de région qui statue après avoir recueilli l'avis de la commission régionale du patrimoine et des sites (CRPS). Les commissions ne comprennent que huit titulaires d'un mandat électif sur trente membres qui sont justement nommés par le préfet de région. Est-il besoin de préciser que les avis des architectes des Bâtiments de France sont sous ces conditions rarement remis en cause ? Le développement durable et l'aménagement du territoire sont aujourd'hui une priorité du Gouvernement. Dans ce contexte, l'avis souverain d'un architecte des Bâtiments de France peut bloquer le développement des communes, freiner les orientations prises pour la constitution d'une carte communale par ailleurs consensuellement validée par les élus de terrain, le dispositif PLU. Il s'agit d'un paradoxe lorsqu'au même moment on propose une loi sur la ruralité. Une évolution des actuelles commissions régionales au niveau départemental serait plus adaptée. La composition de cette commission sous l'égide du préfet, devrait ainsi évoluer avec le président du conseil général ou son représentant, le président de l'association départementale des maires ou son représentant, le président de la commission départementale des sites ou son représentant. L'évolution du régime des autorisations de travaux ne remet pas en cause la conduite de la politique nationale de protection du patrimoine. Aussi, il lui est demandé les dispositions qu'il compte prendre pour permettre une adaptation très attendue par les maires de France sur le rôle des architectes des Bâtiments de France qui doivent voir leur rôle de conseil renforcé et celui de censeur souverain réduit.

 

Réponse: du Ministre de la Culture – (JO AN du 20/01/2004 page 487).

 

Comme le rappelle l'honorable parlementaire, la loi du 28 février 1997 a créé la commission régionale du patrimoine et des sites (CRPS) qui a notamment pour mission d'examiner les recours à l'encontre des avis des architectes des Bâtiments de France présentés auprès du préfet de région. Par ailleurs, la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité a, par son article 112, créé une section de la CRPS chargée d'examiner dorénavant les recours, et ouvert ceux-ci aux pétitionnaires. La loi précitée a modifié la composition de la section qui est désormais équilibrée puisqu'elle comprend autant de représentants de l'État que des collectivités territoriales. Quant aux personnalités qualifiées siégeant à ladite commission, elles sont aussi désignées paritairement, par le préfet et par les 8 élus siégeant au sein de la CRPS dans sa formation plénière. La mise en oeuvre de l'article 112 nécessite un décret d'application qui comporte de nombreuses dispositions modifiant le code de l'urbanisme. L'ensemble des consultations interministérielles ainsi que des assemblées d'outre-mer et de la collectivité territoriale de Corse est aujourd'hui achevé. Le projet qui a été examiné par le Conseil d'État le 8 décembre va être publié très rapidement. Il convient également de rappeler à l'honorable parlementaire que des outils de concertation entre l'État et les communes existent, en matière de protection patrimoniale, depuis 1983, au travers des zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, dont l'élaboration est menée conjointement. Les avis des architectes des Bâtiments de France y sont encadrés par les dispositions du règlement qui y est applicable. Plus récemment, la loi relative à la démocratie de proximité est enfin venue modifier la loi du 31 décembre 1913 en permettant, lors de l'élaboration ou de la révision d'un plan local d'urbanisme, après accord de la commune et enquête publique, de modifier les périmètres de protection autour des monuments historiques. Si le système des abords de monuments historiques n'est pas remis en cause, la diminution du périmètre doit permettre de délimiter des secteurs où l'avis conforme de l'ABF ne sera plus requis.

 

 

LOI no 97-179 du 28 février 1997 relative à l'instruction des autorisations de travaux dans le champ de visibilité des édifices classés ou inscrits et dans les secteurs sauvegardés (1)

 

 

 

Art. 1er. - Il est institué dans chaque région, auprès du représentant de l'État, une commission du patrimoine et des sites qui exerce les compétences dévolues à la commission régionale du patrimoine historique, archéologique et ethnologique et au collège régional du patrimoine et des sites.

Elle comprend des personnalités titulaires d'un mandat électif national ou local, des représentants de l'État et des personnalités qualifiées.

Sa composition, ses attributions et son mode de fonctionnement sont précisés par décret en Conseil d'État.

 

 

 

Art. 2. - L'article 13 bis de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

<< En cas de désaccord du maire ou de l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation ou le permis de construire avec l'avis émis par l'architecte des Bâtiments de France, le représentant de l'État dans la région émet, après consultation de la commission régionale du patrimoine et des sites, un avis qui se substitue à celui de l'architecte des Bâtiments de France.

<< Le ministre chargé de la culture peut évoquer tout dossier dont l'architecte des Bâtiments de France ou le représentant de l'État dans la région est saisi en application du présent article. L'autorisation ou le permis de construire ne peuvent dès lors être délivrés qu'avec son accord. >>

 

 

Art. 3. - L'article L. 313-2 du code de l'urbanisme est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

<< En cas de désaccord entre l'architecte des Bâtiments de France et le maire ou l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation sur la compatibilité des travaux avec le plan de sauvegarde et de mise en valeur ou sur les prescriptions imposées au propriétaire, le représentant de l'État dans la région émet, après consultation de la commission régionale du patrimoine et des sites, un avis qui se substitue à celui de l'architecte des Bâtiments de France.

<< Le ministre chargé de la culture peut évoquer tout dossier dont l'architecte des Bâtiments de France ou le représentant de l'État dans la région est saisi en application du présent article. L'autorisation ne peut alors être délivrée qu'avec son accord. >>

 

 

Art. 4. - Les conditions d'application des articles 2 et 3 de la présente loi sont fixées par décret en Conseil d'État.

 

 

 

Art. 5. - I. - La loi no 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État est ainsi modifiée :

- l'article 69 est abrogé ;

- au troisième alinéa de l'article 70 et au deuxième alinéa de l'article 71, les mots : << du collège régional du patrimoine et des sites >> sont remplacés par les mots : << de la commission régionale du patrimoine et des sites mise en place par la loi no 97-179 du 28 février 1997 >>.

II. - Au troisième alinéa de l'article L. 4433-27 du code général des collectivités territoriales, les mots : << des collèges régionaux du patrimoine et des sites mis en place par la loi no 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État, >> sont remplacés par les mots : << des commissions régionales du patrimoine et des sites mises en place par la loi no 97-179 du 28 février 1997, >>.

III. - Au premier alinéa de l'article L. 144-6 du code de l'urbanisme, les mots : << au collège régional du patrimoine et des sites prévu à l'article 69 de la loi no 83-8 du 7 janvier 1983 précitée, >> sont remplacés par les mots : << à la commission régionale du patrimoine et des sites prévue à l'article 1er de la loi no 97-179 du 28 février 1997, >>.

 

La présente loi sera exécutée comme loi de l'État.

 

Fait à Paris, le 28 février 1997.

 

 

 

Loi n° 2002-276 du 27 février 2002

 

Article 112

 

I. - L'article 1er de la loi n° 97-179 du 28 février 1997 relative à l'instruction des autorisations de travaux dans le champ de visibilité des édifices classés ou inscrits et dans les secteurs sauvegardés est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

 

« Une section de la commission régionale du patrimoine et des sites est instituée pour l'examen des recours prévus par l'article 13 bis de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques, l'article L. 313-2 du code de l'urbanisme et le deuxième alinéa de l'article 71 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État.

 

« Elle est présidée par le préfet de région ou son représentant. Elle comprend en outre deux représentants de l'État, trois titulaires d'un mandat électif et quatre personnalités qualifiées nommés par arrêté du préfet de région. Les titulaires d'un mandat électif sont deux membres élus par chaque conseil général en son sein et un maire désigné par chaque président de l'association départementale des maires. Ils ne siègent qu'à l'occasion de l'examen des affaires concernant le département dont ils sont issus. Les personnalités qualifiées sont désignées, à raison de deux par le préfet de région et de deux par les collectivités territoriales, pour leur compétence en matière d'architecture et de patrimoine. Un décret en Conseil d'État détermine les conditions de désignation des membres de la section et ses modalités de fonctionnement. »

 

II. - Le deuxième alinéa de l'article 13 bis de la loi du 31 décembre 1913 précitée est ainsi rédigé :

 

« En cas de désaccord soit du maire ou de l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation ou le permis de construire, soit du pétitionnaire avec l'avis émis par l'architecte des Bâtiments de France, le représentant de l'État dans la région émet, après consultation de la section de la commission régionale du patrimoine et des sites, un avis qui se substitue à celui de l'architecte des Bâtiments de France. Le recours du pétitionnaire s'exerce à l'occasion du refus d'autorisation de travaux. Si le représentant de l'État infirme l'avis de l'architecte des Bâtiments de France, le maire ou l'autorité compétente est fondé à délivrer l'autorisation ou le permis de construire initialement refusé. Les délais de saisine du préfet de région et ceux impartis à la section de la commission régionale du patrimoine et des sites, au préfet ou au maire, ou à l'autorité compétente pour statuer sont fixés par décret en Conseil d'État. »

 

III. - Le quatrième alinéa de l'article L. 313-2 du code de l'urbanisme est ainsi rédigé :

 

« En cas de désaccord entre, d'une part, l'architecte des Bâtiments de France et, d'autre part, soit le maire ou l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation, soit le pétitionnaire, sur la compatibilité des travaux avec le plan de sauvegarde et de mise en valeur ou sur les prescriptions imposées au propriétaire, le représentant de l'État dans la région émet, après consultation de la section de la commission régionale du patrimoine et des sites, un avis qui se substitue à celui de l'architecte des Bâtiments de France. Le recours du pétitionnaire s'exerce à l'occasion du refus d'autorisation de travaux. Les délais de saisine du préfet de région et ceux impartis à la section et au préfet pour statuer sont fixés par décret en Conseil d'État. »

 

IV. - Le deuxième alinéa de l'article 71 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État est ainsi rédigé :

 

« En cas de désaccord soit du maire ou de l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire, soit du pétitionnaire, avec l'avis émis par l'architecte des Bâtiments de France, le représentant de l'État dans la région émet, après avis de la section de la commission régionale du patrimoine et des sites, un avis qui se substitue à celui de l'architecte des Bâtiments de France. Le recours du pétitionnaire s'exerce à l'occasion du refus d'autorisation de travaux. Les délais de saisine du préfet de région et ceux impartis à la section de la commission régionale du patrimoine et des sites et au préfet pour statuer sont fixés par décret en Conseil d'État. »

 

V. - Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'application du présent article.

 

 

 

 

 

 

Mise à jour

 

02/12/2005