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Copropriété,
VEFA et mixité sociale Les avatars
de la Loi BOUTIN mobilisation
pour le logement et la lutte contre l'exclusion Note JPM du 10 Octobre 2010 : Nous avons à plusieurs reprises fait observer que la politique actuelle en faveur de l’accession à la propriété n’est pas forcément judicieuse. Elle est peu compatible avec la généralisation de la mobilité de l’emploi. Elle réduit la solvabilité d’un grand nombre de copropriétés. Elle réduit également le financement du secteur locatif social. La note d’analyse (Octobre 2010 n° 196) du Centre d’analyse stratégique, - dépendant du Premier Ministre -, vient à l’appui de nos modestes observations (voir le lien au pied de la présente note). Elle évoque notamment le « paradoxe d’Oswald »
ainsi décrit : « Depuis une dizaine d’années, une corrélation
positive surprenante a été mise en évidence entre taux de chômage et taux de
propriétaires occupants, valide à la fois entre différents pays à différentes
dates, ou entre différentes régions à l’intérieur d’un même pays. Les pays
ayant les plus forts taux de propriétaires occupants sont aussi ceux qui
connaissent les taux de chômage les plus élevés. « Selon certains auteurs, le taux de propriétaires est
un des principaux facteurs expliquant les différences de taux de chômage
entre les pays. Deux types de mécanismes permettent de comprendre le lien : - un effet de comportement : les chômeurs
propriétaires seraient moins enclins à accepter un emploi loin de chez eux
qui les obligerait à vendre leur logement ; - un effet d’équilibre général du taux de
propriétaires : lorsque le taux de propriétaires est élevé, le marché locatif
est plus tendu et il est donc plus difficile pour les locataires de trouver
un logement. » Elle met ensuite en lumière « les limites du « tous
propriétaires occupants » Les propriétaires peuvent aussi
générer des externalités négatives, si bien que l’effet net sur la
collectivité reste ambigu. Par exemple, ils peuvent chercher à limiter
l’offre de logements dans le voisinage afin de provoquer l’appréciation de
leur bien. Ils forment alors une coalition défendant des intérêts
particuliers qui peuvent nuire in fine à l’ensemble de la société. Les
propriétaires peuvent également s’opposer à certaines installations collectives
qui tendraient à dévaluer leur bien : c’est l’effet not in my backyard
(NIMBY), “pas dans mon jardin”. Elle formule deux propositions d’ordre fiscal pour favoriser le développement raisonnable de l’accession à la propriété en réduisant ses inconvénients - Transférer progressivement les
droits de mutation sur la taxe foncière, à pression fiscale constante. - Autoriser
la déduction des loyers payés par les locataires-bailleurs des loyers reçus
pour encourager les mobilités résidentielles. Nous suggérons à nos visiteurs de consulter ce rapport concis (12 pages) et très intéressant. http://www.strategie.gouv.fr/IMG/pdf/NA-EcoFinances-196-mobilite-residentielle.pdf
Notre article du 20 juin 2009 : Dans le Midi libre du 19 juin
2009 Mme Emmanuelle Boillot relate les mésaventures des acquéreurs en VEFA (Vente en l’état futur
d’achèvement dite aussi sur plans) d’appartements dans la résidence
« Les terrasses de l'Orb »
à Béziers. « Colère et résistance ont pris le dessus chez les 11 propriétaires qui ont acheté autour de 2 700 € le m 2 (suivant l'orientation et la situation) des appartements dans une « résidence exceptionnelle «, dixit la publicité du promoteur le groupe Arcade. Une opération qui se réalisait, selon le maire Raymond Couderc en décembre 2006, dans « un lieu qui est vraiment au cœur de l'histoire de la ville. Il n'y avait là que des taudis dégradés. « Ils ont acheté en VEFA, c'est-à-dire sur plans, dans une copropriété privée à un prix élevé. Et là, ils apprennent par la presse que 80 % de leurs futurs voisins seront logés dans le cadre du Programme local de l'habitat intercommunal (PLHI) pour répondre aux besoins en logements des populations modestes. « La mixité sociale, ils ne sont pas contre. Mais elle se prépare à l'avance et ils n'ont pas du tout signé en connaissance de cause : il semblerait qu'il y ait eu « publicité mensongère ». Quelques-uns remarquent aussi que la valeur de leur achat va prendre « une décote immédiate. » La « mauvaise nouvelle » est que la copropriété va accueillir 22 logements locatifs sociaux, en vertu d’une délibération du conseil communautaire de l'agglomération Béziers-Méditerranée du 5 juin 2009. Il y est stipulé que : « La SA HLM Domicil projette d'acquérir en vente en l'état futur d'achèvement (Vefa) 22 logements sociaux, résidence "Les terrasses de l'Orb" situés 2, rue Maître Gervais à Béziers. » Madame Boillot note que la Loi de Christine Boutin de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion de début 2009 autorise les organismes bailleurs sociaux à acquérir des appartements en Vefa au sein d'opération immobilières privées afin de favoriser la mixité. Elle a aussi levé les restrictions imposées aux organismes HLM à l'achat des programmes privés Vefa. Elle ajoute qu’une loi n'est pas rétroactive et que les propriétaires des "Terrasses de l'Orb" ayant acheté bien avant sa promulgation, ils sont décidés à ne pas se laisser faire. L’affaire de Béziers se présente comme un conflit vicieux
généré par une bourde législative. Celle-ci dénonce, à côté de bonnes
intentions, une préparation insuffisante des textes et une totale
méconnaissance des données les plus élémentaires de la psychologie sociale. Sur le plan juridique, l’affaire est complexe,
mais il n’entre pas dans nos intentions d’en traiter. Il suffit de noter
qu’une fois de plus c’est la sécurité juridique des activités immobilières
qui est menacée. Mais la jurisprudence n’est pas ici en cause. Sur le plan économique : - La loi d’une part, la crise d’autre part, peuvent
permettre aux institutions de l’habitat social de réaliser de bonnes
affaires. Les promoteurs doivent déstocker à vil prix. - La loi survivra à la crise. La pérennité du mécanisme
serait susceptible d’affecter l’avenir des opérations en VEFA. Les acquéreurs
se méfieront et ne se contenteront pas de belles paroles. C’est le problème des relations sociales entre les
différentes catégories de la population que nous souhaitons évoquer. Après la Révolution de 1789, puis celle de 1848, Napoléon III a été le premier homme d’État à prendre en considération de manière cohérente les deux problèmes primordiaux de la mixité et du logement social. Michel Lamboley (Attac 93), qu’on ne peut soupçonner d’appartenance au clan impérial, a établi en 1997 un bref historique du logement social dans un opuscule consacré à « La question du logement et de l’urbanisme en Île de France ». (voir le texte complet) On peut y lire : « L’indifférence à son prochain caractérise le libéralisme. L’aspect « social » est confondu avec le mot charité. Les populations pauvres sont laissées à la philanthropie. Après la révolution de 1848, l’arrivée de Napoléon III encourage l’émergence d’un logement social, le courant libéral se dote avec Le Play d’un aspect réformiste. Reprenant à son compte les propositions des socialistes dits « utopiques », il promeut la construction sociale au travers des HBM. Ce mouvement s’accompagne d’initiatives patronales (Mulhouse) ou paternalisme et salaire en nature font émerger un certain type de logement social. « Cet aspect caritatif sera repris par la droite traditionnelle qui encouragera la promotion du « pavillon avec jardin » en opposition au logement collectif. L’accession à la propriété pour les classes les plus déshéritées du petit pavillon de banlieue, où l’ouvrier pourrait profiter des plaisirs sains de la culture de son petit coin de terre, au lieu d’aller au cabaret, fait partie de l’aspect social du courant réformiste libéral. » Philippe Seguin, quant à lui, s’est ouvertement attaché à
la réhabilitation de « Louis Napoléon le Grand », titre de
l’ouvrage qu’il a consacré à cette mission en 1990. Après avoir rappelé la
publication en 1844 de l’Extinction du paupérisme, il
écrit : « Bref, Louis
Napoléon est aussi sensible au rôle nouveau que va jouer la classe ouvrière
qu’il est touché par la misère dans laquelle on la tient ». Traitant de la rénovation de Paris par Haussmann, il note
que « Louis Napoléon tenta d’appliquer loyalement à Paris sa stratégie
du logement ouvrier : il rêvait de maisons ouvrières modernes,
hygiéniques, à des prix en rapport avec les salaires. Ses rêves ne se sont
pas tous concrétisés. Il reste que, partout dans Paris, il aura amélioré
l’habitat, apportant l’air, l’eau et la lumière » Mais force est pour lui de constater «que « la
transformation de Paris ayant fait refluer forcément la population de Paris
vers les extrémités, on a fait de la capitale deux villes : une riche,
une pauvre ». Et de constater aussi que depuis lors personne n’a trouvé
la parade et que nul, après Napoléon III, « n’y mit sans doute autant de
moyens ». Les tentatives actuelles ne sont pas négligeables mais on
y trouve bien des maladresses, comme celle que nous évoquons ici. Revenons un instant à l’opuscule de M. Lamboley qui évoque l’exclusion des populations pauvres, considérées comme « classes dangereuses » et note que « Ce phénomène d’exclusion et donc de ségrégation spatiale inquiétait déjà au moyen âge. » Pour lui, François Miron, dans une lettre à Henry IV, l’indiquait clairement : « C’est une malheureuse idée de bâtir des quartiers à usage exclusif d’artisans et d’ouvriers. Dans une capitale où se trouve le souverain, il ne faut pas que les petits soient d’un côté et les gros dodus de l’autre. Vos quartiers pauvres deviendraient des citadelles qui bloqueraient vos quartiers riches ». Il note que « les classes dangereuses, la banlieue rouge enserrant la capitale, puis les incendies dans les cités, ont été et restent des sujets d’inquiétude pour les pouvoirs en place, ce qui a donné lieu à nombre de controverses politiques. » Classes dangereuses ? Nous n’en sommes pas là dans l’affaire de la résidence des « Terrasses de l’Orb ». Mais le terme de « résidence » suffit à déterminer le contexte de l’affaire. Une résidence, même si elle n’est pas « cossue » pour reprendre la terminologie de la Cour de cassation à propos des immeubles de grand standing, n’est ni un grand ensemble, ni un immeuble HLM (bien que certains soient d’un standing appréciable), ni une « cité ». M. Lamboley présente trois caractéristiques des relations
sociales au temps de Napoléon III : - L’indifférence à son prochain caractérise le libéralisme. - L’aspect « social » est confondu avec le mot charité. - Les populations pauvres sont
laissées à la philanthropie Ces caractères constituent un ensemble dont les éléments
sont peu cohérents et difficilement compatibles avec une société encore
fortement marquée par l’influence du christianisme. De plus, on ne peut
négliger l’évolution dans le temps de la compréhension d’un terme (au
sens strict : ensemble des caractères qui appartiennent au signifié
d’un mot). A cette époque il n’y a de charité que chrétienne,
ou du moins religieuse. Elle se confond avec la justice et les moralistes
énoncent qu’elle consiste à vouloir que notre prochain soit en toutes choses
notre égal et à réaliser pour tous moyens en notre pouvoir ce souhait. Vaste
projet ! Autant dire que le libéralisme serait, par
l’indifférence au prochain, incompatible avec la charité. Même si l’on parle
du seul libéralisme économique, l’affirmation n’est certainement pas exacte.
On a d’ailleurs vu plus haut que l’auteur lui-même lie le paternalisme
(charité patronale) au courant réformiste libéral. Quant à la philanthropie, définie comme un
sentiment qui pousse les hommes à venir en aide aux autres, certains la
présentent comme une charité laïcisée ce qui n’est pas exact. La charité
religieuse est une obligation morale pour les chrétiens comme pour les
juifs, les musulmans et les bouddhistes. Les philanthropes peuvent être aussi
bien des incroyants que des croyants et agissent de leur propre chef. L’auteur évoque aussi le paternalisme des
initiatives patronales ! Citation malheureuse alors que de nos jours il
est de plus en plus fréquent, - et regrettable -, que la population active et
cotisante s’en prenne aux
« assistés », qui bénéficient de la redistribution des produits
nationaux. Le paternalisme a été, au 19e siècle, une
doctrine patronale à dominante chrétienne recommandant aux employeurs la
fourniture aux salariés de moyens de vie familiale (logement, écoles,
loisirs, etc.) au prix du respect de certaines règles de vie. Les exemples
classiques sont les initiatives patronales de Michelin à Clermont-Ferrand et,
d’une autre manière, de Godin avec le Familistère de Guise. On peut comprendre qu’au fil du temps il ait été ressenti
comme une tutelle impliquant une sorte de minorité juridique et
intellectuelle. Qu’en est-il de nos jours ? La réponse impose la
prudence mais l’aveuglement n’est pas une bonne solution. Il ne faut donc pas
hésiter à présenter certaines constatations : L’indifférence s’est généralisée. Le phénomène est
constaté au sein même de catégories sociales déterminées. L’état d’abandon de
nombreuses personnes âgées lors de la canicule l’a montré. Les agressions sur
la voie publique sans réaction des personnes proches le montrent également. On sait bien que, depuis cinquante ans, une catégorie de
la population laborieuse a systématiquement abandonné les ensembles
immobiliers sociaux dès lors que des logements étaient progressivement
attribués à d’autres catégories de population tout aussi laborieuse. Ces
phénomènes sont désormais réciproques et il en va de même des discriminations
diverses. L’accroissement du goût pour les manifestations
publiques, notamment festives ou religieuses, dénonce le sentiment de
solitude qu’éprouve un grand nombre de personnes. S’agissant de l’immigration, nous rappelons en premier
lieu l’exemple de « l’immigration française » des rapatriés
d’Algérie, pas toujours chaudement accueillis, il faut bien le dire. Pour les immigrés au sens propre du terme, il est inutile
d’insister sur les difficultés qu’ils connaissent, indépendamment de la
régularité ou pas de leur venue en France. La charité est désormais médiatisée. Elle est consacrée
principalement à des « causes nationales », gérées par des
associations souvent incarnées par des « vedettes ». Pour autant la légitimité de ces campagnes
n’est pas contestable. On peut alors parler de charité laïque. Les
associations caritatives ont remplacé les associations philanthropiques. Revenons à notre affaire. Les plus belles âmes n’empêcheront jamais ni les
acquéreurs d’appartements ni les épiciers
de compter leurs sous et de maudire les causes de pertes
intempestives. La journaliste n’a remarqué chez les acquéreurs que le souci d’une dévalorisation immédiate de leur bien du fait de l’affectation des autres lots au Programme local de l'habitat intercommunal (PLHI) pour répondre aux besoins en logements des populations modestes. Comme certains acquéreurs ont sans doute acheté pour leur usage personnel, il ne faut pas masquer qu’ils rechignent sans doute à la perspective inattendue de voisiner avec ces populations modestes. Les beaux esprits germanopratins vont crier au scandale.
Dans la pratique, qui d’autre pourrait de sang froid jeter la pierre aux
acquéreurs ? |
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