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La notion d’engagement juridique

 

 

I.        les engagements dans la comptabilité classique

A.       Caractère certain d’une dette

B.       Caractère certain d’une créance

II.       L’engagement juridique dans la comptabilité publique

III.      l’ engagement juridique dans la loi du 10 juillet 1965

A.       Dépenses assujetties à la procédure d’engagement

B.       Fait générateur de l’engagement juridique

C.       régime dérogatoire pour les petits syndicats

IV.     l’engagement dans les textes d’application

A.       disparition de l’engagement juridique

B.       retour à l’engagement « comptable »

C.       illégalité du décret du 14 mars 2005

 

 

La comptabilité simpliste est limitée à l’enregistrement des recettes et des dépenses  (encaissements et décaissements).

La comptabilité commerciale classique s’étend à l’enregistrement des opérations ou évènements ayant pour conséquence un appauvrissement ou un enrichissement de l’entreprise, qu’il y ait ou non décaissement ou encaissement de fonds. Pour la  vérification du respect de ce mécanisme on se place à la date de clôture de l’exercice.

En ce sens il est énoncé que « La comptabilité est un système d’organisation de l’information financière permettant de saisir, classer, enregistrer des données de base chiffrées et présenter des états reflétant une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l’entité à la date de clôture. »

 

Jusqu’à présent, en l’absence de dispositions comptables impératives dans le statut de la copropriété, les syndics pouvaient se borner à l’enregistrement des recettes et dépenses. Toutefois les syndics professionnels utilisent depuis longtemps des systèmes comptables proches, mutatis mutandis, des systèmes de la comptabilité commerciale.

Mutatis mutandis ? Le syndicat n’est pas une entreprise. L’objet primordial de la comptabilité du syndicat est le bon fonctionnement du mécanisme de contribution aux charges collectives des copropriétaires. Celui de la comptabilité commerciale  est de fournir une image fidèle du patrimoine de l’entité.

 

L’article L 14-3 nouveau énonce : « Les charges et les produits du syndicat prévus au plan comptable sont enregistré dès leur engagement juridique par le syndic indépendamment de leur règlement. »

Il interdit donc la pratique ancienne de la comptabilité simpliste. C’est une innovation importante de la réforme SRU. La comptabilité du syndicat est une comptabilité d’engagement.

 

Elle est aussi une comptabilité d’exercice. Les articles L 14-3, D 43 et l’article 5 du décret comptable du 14 mars 2005 sont explicites à cet égard. Il est impératif de rattacher à l’exercice concerné les dépenses et les produits constatés. Le plan comptable permet d’isoler les dépenses et recettes constatés pendant l’exercice N, mais qui doivent être logiquement rattachés, en tout ou partie, à l’exercice N + 1. Ces dépenses et produits ne seront pas inclus dans la liste des charges et produits de l’exercice N et ne seront pas mis en répartition à la clôture de cet exercice.

L’obligation de rattachement à l’exercice impose également de faire apparaître dans la comptabilité, à la date de clôture de l’exercice N, des dettes ou créances certaines. Il peut s’agir de prestations réalisées ou de fournitures livrées pendant l’exercice N, mais non encore facturés, ou de loyers d’une partie commune exigibles mais non encore payés par le locataire. Pour les dettes, la comptabilité commerciale classique traite des « factures non parvenues ».

 

C’est à la lumière des observations qui précèdent qu’il convient de définir la notion d’engagement et décrire les règles qui en découlent pour la tenue de la comptabilité des syndicats.

 

Dans notre domaine, la procédure d’engagement diffère très sensiblement de la procédure d’enregistrement utilisée dans la comptabilité commerciale classique.

I.          les engagements dans la comptabilité classique

La comptabilité classique n’envisage les « engagements » que pour certaines opérations faisant apparaître des droits et des obligations susceptibles de modifier de manière significative le patrimoine de l’entreprise. Il y a engagement lorsque les effets de ces droits et obligations sont soumis à la réalisation de conditions ou d’opérations ultérieures. C’est le cas du cautionnement par exemple.

Les engagements sont traités en classe 8, dans les comptes 801 pour les engagements donnés par l’entité comptable (position débitrice) et dans les comptes 802 pour les engagements reçus par elle (position créditrice). On trouve ainsi par exemple :

801. Engagements donnés par l’entité.

   8011. Avals, cautions, garanties.

   8014. Effets circulant sous l'endos de l'entité. 

   8016. Redevances crédit-bail restant à courir. 

   8018. Autres engagements donnés. 

802. Engagements reçus par l'entité. 

   8021. Avals, cautions, garanties. 

   8024. Créances escomptées non échues. 

   8026. Engagements reçus pour utilisation en crédit-bail. 

   8028. Autres engagements reçus. 

 

Les charges et produits courants sont soumis à de simples règles d’enregistrement. Le traitement des affaires pendantes en fin d’exercice est effectué par le biais de la constatation à l’avance de charges à reporter sur l’exercice suivant et/ou par le traitement spécifique des factures non parvenues. Il convient également de traiter les créances exigibles non encore encaissées.

Ces traitements exigent que soit vérifié le caractère certain de la dette ou de la créance enregistrée.

A.        Caractère certain d’une dette

En comptabilité commerciale classique, sont considérées comme certaines à l’égard de l’entreprise les dettes  résultant

- d’un transfert effectif de la propriété pour la commande d’une fourniture

- de l’exécution effective de la prestation pour la commande d’un service

Le transfert de propriété et l’exécution effective de la prestation peuvent être constatés à la date du transfert ou de l’exécution dans un compte 408n (factures non parvenues). Ce compte est régularisé à la date de réception de la facture, dans le cours de l’exercice suivant.

La comptabilité commerciale méconnaît ainsi la naissance de l’obligation juridique résultant de la signature d’un marché ou d’une commande. La gestion prudente en commande le traitement  dans le cadre différent des prévisions budgétaires.

 

On ne peut évoquer à ce sujet le régime strict des provisions. Une provision pour risques et charges est un passif dont l'échéance ou le montant n’est pas fixé de façon précise. Dans la plupart des cas, un marché de travaux comporte un prix définitif, la date de début des travaux et le délai d’exécution, ainsi que les modalités de paiement en fonction de leur avancement. De plus, les risques et charges sont liés à un événement antérieur à la clôture de l’exercice, comme par exemple une instance judiciaire en cours.

 

B.        Caractère certain d’une créance

Les créances sont déterminées pour l’essentiel, par la facturation aux clients et occasionnellement par l’enregistrement d’indemnités revenant à l’entreprise à des titres divers.

Il faut ajouter néanmoins que dans le cas de contrats d’entretien payables trimestriellement, l’exigibilité de chacun des termes résulte avant tout du contrat lui-même.

 

II.         L’engagement juridique dans la comptabilité publique

C’est dans la « loi  organique relative aux lois de finances » du 1er août 2001, dite « LOLF », qu’il faut rechercher les caractéristiques de l’engagement juridique.

Nous reprenons ici quelques extraits du Guide de la LOLF [1] .

Il indique :

« Avec la réforme budgétaire, la comptabilité de l’État devient un véritable instrument de pilotage de l’action publique.

« Elle s'inspire de la comptabilité d'entreprise tout en tenant compte des spécificités publiques.

« Ainsi, elle ne retrace plus seulement les dépenses et les recettes mais tient compte du patrimoine de l’État, ce qu’il possède et ce qu’il doit.

 

Elle précise la distinction classique du droit public entre les autorisations d'engagement (AE) et les autorisations de programme (AP), que nous  pouvons rapprocher de celle faite entre les charges du budget provisionnel et les charges de l’article 14-2 par la loi du 10 juillet 1965.

 

« Les AE concerneront toutes les natures de dépenses, alors que les AP sont actuellement réservés aux dépenses en capital, à l'exception de dépenses de gros entretien militaire.

« Les AE sont annuelles et sont désormais annulées en loi de règlement à défaut d'être reportées, alors que les AP étaient, une fois ouvertes, valables sans limite de durée.

« Cette différence donne un contenu assez différent aux AE par rapport aux AP lors de leur ouverture en LFI **: les AP avaient une portée programmatique que n'ont pas les AE, ces dernières devant être consommées dans l'année.

« Les AE seront consommées par le même évènement que les AP : l'engagement juridique.

 

** Loi prévoyant et autorisant, pour chaque année civile, l'ensemble des ressources et des charges de l'État.

Le projet de loi de finances (PLF) doit être voté avant le début de l'année à laquelle il se rapporte.

 

On lit encore dans les questions/réponses du Guide LOLF :

 

Quel événement consomme les autorisations d'engagement ?

La signature de l'engagement juridique (bon de commande, marché…).

 

Quel montant doit-on retenir pour la consommation de l'autorisation d'engagement ?

Le montant ferme de l'engagement juridique (bon de commande, marché…), c'est à dire le montant minimal auquel l'Etat s'est engagé et qu'il devra donc payer sauf à se dédire.

 

On retrouve ainsi les indications du Professeur Giverdon et de Madame Jaffuel citées plus haut. On peut penser que la notion d’engagement juridique figurant dans l’article 14-3 de la loi de 1965 nous vient tout droit de la LOLF.

On trouve aussi dans la dernière réponse un enseignement pour circonscrire éventuellement le domaine d’application de l’engagement juridique. Il s’impose chaque fois qu’il existe « un montant minimal auquel le syndicat s’est engagé et qu’il devra donc payer sauf à se dédire ». On peut admettre, au contraire, que le syndic soit dispensé d’engager des dépenses courantes dont le montant n’affecterait pas significativement la situation financière du syndicat.

 

Un haut fonctionnaire, par ailleurs président du conseil syndical de sa copropriété ne s’offusque pas de ce rapprochement entre la comptabilité publique et celle d’un syndicat de copropriétaires : « si l’on écarte les procédures minutieuses que requiert légitimement la comptabilité publique, on se trouve devant des situations fondamentalement semblables : une personne morale, une assemblée légiférant et contrôlant, un budget, un gestionnaire exécutif tenu à rendre compte ». On appréhende assez facilement cette proximité des situations si l’on se place au niveau de la commune.

 

Peu importent ici les particularités du droit public relatives au maniement des fonds. Pour l’essentiel, les problèmes à traiter sont identiques. Comme le maire, le syndic doit exécuter un budget adopté par une assemblée, sous le contrôle d’un conseil. Ils doivent l’un et l’autre « disposer d’une comptabilité des engagements rigoureuse qui doit permettre de déterminer les crédits disponibles en investissement comme en fonctionnement ».

La seule différence entre les deux régimes tient à la rigueur des principes budgétaires du droit public : pas d’engagement de dépense occasionnant un dépassement du budget, sauf quelques dérogations particulières. Au contraire, le budget prévisionnel peut être dépassé dès lors qu’il n’y a pas excès de pouvoir manifeste du syndic. C’est une évidence notamment quand les prix du fioul ou du gaz augmentent brutalement et de manière imprévisible.

 

Dans la description d’un traitement informatisé [2] dédié aux communes, nous trouvons les règles et principes qui nous paraissent éclairer parfaitement à la mise en œuvre des nouvelles règles applicables à la comptabilité des syndicats.

 

La comptabilité des engagements répond alors à un double objectif :

- déterminer les crédits disponibles

- rendre compte de l’exécution du budget

Le bon de commande est le support de l’engagement juridique.

Le logiciel intègre les fonctionnalités d’actualisation des engagements initiaux en cas de constat d’écart entre la facture et le bon de commande par la mise en place d’un engagement complémentaire (+) ou rectificatif (-). Cette procédure est propre au droit public. Dans notre domaine, il suffit que la comptabilité fasse apparaître clairement les dépassements éventuels. Il sera possible d’apprécier si la décision de l’assemblée pourra rester dans le cadre de l’approbation des comptes ou s’il y aura lieu à ratification d’une initiative du syndic.

 

Mise à jour du 13/12/2010

L’engagement comptable précède l’engagement juridique ou lui est concomitant.

Cette règle doit être appliquée strictement pour ce qui est des investissements.

Son but est de garantir que l’acte par lequel un organisme public crée ou constate à son encontre une obligation, reste dans la limité des crédits disponibles et respecte les autorisations budgétaires.

Pour ce qui est des dépenses de fonctionnement, les solutions sont différentes et il est recommandé au contraire de procéder dès le début de l’exercice à l’engagement des charges inéluctables comme les dépenses de personnel, celles de la dette communale et des participations aux organismes extérieurs. On parle alors d’engagements provisionnels.

Réserve faite de la plus grande souplesse du régime comptable des syndicats de copropriétaires, ces règles peuvent trouver application dans notre domaine. Il en est ainsi notamment pour l’engagement au premier jour de l’exercice des dépenses inéluctables.

 

L’opération est parfaite après liquidation de la dépense.

Elle s’entend de la vérification de la concordance des montants respectifs du devis, de l’engagement, de l’ordre de service (ou de la commande) et de la facture et de l’approbation des écarts, s’il y a lieu. Elle impose la « réception » préalable des prestations commandées. La réception n’est donc pas une condition de l’engagement mais une condition de sa liquidation. Cette règle est applicable aux syndicats de copropriétaires.

Pour les copropriétés, la « réception » des prestations conditionne pareillement, aux termes de l’article 10 de l’arrêté du 14 mars 2005, le recours au compte 408 (factures non parvenues). On ne peut y enregistrer que « le montant de fournitures réceptionnées, de prestations de services effectués ou de travaux réalisés au cours de l’exercice et dont la facture n’a pas été reçue au cours de l’exercice ». Mais cette formalité ne suffit pas au respect de la procédure d’engagement juridique.

 

 

On apprécie mieux le parallélisme des deux mécanismes impliquant l’engagement juridique si l’on revient aux dépenses courantes.

Le syndic est tenu par le budget prévisionnel comme le maire est tenu par le budget communal. Ils ne peuvent « engager » régulièrement des dépenses qu’après avoir vérifié les crédits votés disponibles. Ils disposent l’un et l’autre de procédures spécifiques pour l’ouverture de crédits exceptionnels justifiée par l’urgence de travaux imprévus. Mais le syndic dispose d’une plus grande liberté à cet égard.

 

Dans les deux cas la procédure d’engagement est utilisée en cours d’exercice, soit même au premier jour de l’exercice, et permet de connaître à tout moment l’état de l’exécution du budget.

 

Pour les produits du syndicat, les règles d’engagement à appliquer sont beaucoup plus simples. Notons que la rédaction défectueuse de l’article L 14-3 a été rectifiée. Il n’est plus fait mention de l’enregistrement « dès réception des produits », qui déniait l’utilisation de l’engagement qui est à passer à la date d’exigibilité.

Le mécanisme comptable des appels de provisions sur charges courantes génère automatiquement l’inscription des créances du syndicat sur chaque copropriétaire. Le montant de l’appel de fonds est enregistré au crédit des comptes du syndicat, par le débit des comptes des copropriétaires. Il est donc inutile de recourir à la procédure d’engagement.

 

III.        l’ engagement juridique dans la loi du 10 juillet 1965

La consultation des travaux parlementaires démontre imparablement que l’ordre de service est bien la source privilégiée de l’engagement juridique. Nous explicitons cette constatation en traitant du fait générateur de l’engagement.

Dans la gestion comptable et financière du syndicat, la procédure d’engagement a pour objet d’enregistrer systématiquement les dettes ou créances résultant d’actes juridiques créateurs d’obligations financières, à la charge ou au profit du syndicat.

 

Cette particularité justifie la qualification d’engagement juridique.

Il s’agit de pouvoir connaître à tout moment la situation du syndicat pour

·         savoir si un nouvel engagement juridique peut être souscrit, souci commun aux maires (par rapport au budget municipal) et aux syndics (par rapport au budget prévisionnel)

·         prévoir une éventuelle insuffisance de trésorerie quelle qu’en soit l’origine

·         d’être en mesure de renseigner le vendeur d’un lot et son acquéreur éventuel sur les obligations risquant de peser sur chacun d’eux à l’occasion d’une vente.

·         D’être en mesure de renseigner un éventuel partenaire du syndicat sur sa situation financière ? par exemple un établissement financier sollicité pour un emprunt du syndicat. Notons l’importance de cet aspect pour les résidences-services en copropriété souhaitant bénéficier de régimes spécifiques.

L’engagement juridique fait donc apparaître les dettes certaines, exigibles ou à terme résultant d’actes juridiques parachevés.

Elles sont exigibles lorsqu’il s’agit par exemple des redevances périodiques d’un contrat d’entretien en cours.

Elles sont à terme lorsqu’il s’agit d’un marché de travaux dont les modalités déterminent les dates de paiement en fonction de l’avancement des travaux.

A.        Dépenses assujetties à la procédure d’engagement

Dans la pratique il faut distinguer diverses hypothèses :

Les charges courantes dites d’abonnement (eau, gaz, électricité, etc.) trouvent leur source dans un contrat initial. Elles ne peuvent être engagées qu’à la facturation car les coûts sont en fonction des consommations constatées.

Les charges résultant de travaux ou fournitures commandés sur devis peuvent au contraire faire l’objet d’écritures d’engagement précises puisque le coût est connu.

Certains travaux sont exceptionnellement commandés sans devis. S’il s’agit de dépannages dont le coût ne sera pas significatif, il peut être admis de ne pas passer d’engagement. S’il faut au contraire envisager une dépense urgente relativement importante, il convient d’estimer le montant vraisemblable de la dépense.

Restent les charges correspondant à des redevances périodiques dont le montant est prévisible. C’est le cas pour la plupart des contrats d’entretien. Les redevances sont généralement facturées alors avant la date d’exigibilité, ce qui évite l’obligation d’engagement. Lorsque tel n’est pas le cas le montant de l’engagement peut facilement être estimé.

B.        Fait générateur de l’engagement juridique

Le fait générateur de l’engagement juridique d’une dépense est la commande, la signature d’un marché ou d’un ordre de service. Il peut encore s’agir d’un contrat de prestations ou de fournitures à redevances périodiques.

Cette affirmation péremptoire appelle quelques observations.

La notion inconnue en comptabilité classique d’engagement juridique figurant dans l’article L 14-3 a dérouté les spécialistes.

S’agissant de travaux votés par l’assemblée générale, on a prétendu que l’engagement est généré par la décision de l’assemblée. Il n’en est rien puisque cette décision ne crée aucun lien juridique avec l’entrepreneur choisi. Le syndicat n’est alors « engagé » qu’envers les copropriétaires. Son agent d’exécution, le syndic, doit effectuer les diligences nécessaires pour la mise en œuvre de la décision.

A ce propos, un rédacteur de l’Association des responsables de copropriété (ARC) commentant le décret comptable a précisé  :

« Heureusement le Conseil national de la comptabilité en est revenu à une notion simple et universelle de l’engagement : une charge est comptabilisée dès lors que le service (ou la fourniture) a été consommé ou que la facture a été reçue et n’est pas contestée ». On ne trouve ni dans le rapport du CNC sur le projet initial de décret comptable ni dans le texte de ce projet la trace d’une telle définition. Ajoutons qu’une facture contestée doit néanmoins être enregistrée, dès lors qu’elle est bien établie au nom du syndicat des copropriétaires.

 

Nous sommes mieux éclairés par les commentaires du Professeur Giverdon et de Madame Caroline Jaffuel, qui a contribué largement à l’élaboration des textes de la loi SRU. Ils précisent que « si l’on considère la dépense entraînée par des travaux hors budget prévisionnel votés par l’assemblée générale, l’engagement de la dépense résulte de la signature par le syndic du marché conclu en exécution de la décision de l’assemblée générale »  [3].

 

La décision de l’assemblée ne crée aucun lien avec l’entrepreneur. Le commentaire de l’ARC comporte une confusion avec le critère anciennement retenu de la prise en charge par le vendeur des travaux décidés avant la vente d’un lot.

La situation est modifiée par la signature du marché de travaux.

Le syndicat est lié par le marché signé. On ne peut même pas affirmer que le caractère certain de la dette dépend « de l’exécution effective de la prestation pour la commande d’un service » puisque les marchés de travaux comportent généralement l’obligation de payer un « acompte à la commande » qui représente souvent un tiers du coût total des travaux. Dans la pratique cet acompte est souvent payé après la commande mais avant le démarrage du chantier.

Le syndicat doit ensuite payer de nouveaux acomptes au fur et à mesure de l’avancement des travaux, et le solde intégral à la réception du chantier. La retenue de garantie, lorsqu’elle est prévue au marché,  doit être consignée, lorsqu’elle n’a pas été remplacée par une caution bancaire fournie par l’entrepreneur. Le syndicat ne peut se dégager de ses obligations qu’en cas de carence ou défaillance de l’entrepreneur, après mise en demeure, et au prix d’une décision judiciaire.

 

Comme nous l’avons démontré en 7-3-4-1, l’examen des travaux parlementaires permet d’affirmer que la controverse est dépourvue d’objet sérieux.

L’Assemblée nationale, en première lecture, avait adopté un amendement n° 214 ainsi conçu :

 

Texte amendé

Amendement n° 214 proposé

« Les charges et les produits du syndicat, prévus au plan comptable, sont enregistrés dès leur engagement juridique, indépendamment de leur règlement. L'engagement est soldé par le règlement. »

« Les charges et les produits du syndicat, prévus au plan comptable, sont enregistrés dès acceptation du devis ou, en cas d'absence de devis préalable, dès réception de la facture, indépendamment de leur règlement. L'engagement est soldé par le règlement. » 

 

Devant le Sénat, M. Pierre Jarlier, dans son avis n° 307 (1999-2000), fait au nom de la commission des lois, déposé le 6 avril 2000 écrivait :

« L'Assemblée nationale a introduit sur cet alinéa une précision : concernant la date d'enregistrement des charges et produits : elle a supprimé la référence à leur " engagement juridique " pour distinguer selon qu'un devis aura ou non été fourni. Elle a prévu l'enregistrement " dès acceptation du devis ou, en cas d'absence de devis préalable, dès réception de la facture ".

« Or, il paraît préférable de revenir à une notion générique d'engagement car une démarche énumérative expose au risque d'oublier des hypothèses. Ainsi la formule retenue par l'Assemblée nationale n'inclut-elle pas le cas où une charge résulte directement de la passation d'un marché. En outre, l'expression " dès acceptation du devis " n'indique pas s'il s'agit de l'acceptation résultant de l'adoption du devis par une délibération de l'assemblée générale ou de la signature du devis par le syndic mandaté par le syndicat. De même, ce n'est pas la réception de la facture qui vaut engagement de la dépense mais la passation de la commande au fournisseur. »

 

C’est donc pour maintenir la notion générique d’engagement, aux lieu et place d’une liste exhaustive de faits générateurs que le Sénat a rétabli le texte antérieur. Le fait générateur de l’engagement juridique est bien la commande. 

 

En seconde lecture, M. Patrick Umbert, dans son rapport à l’Assemblée nationale du  20/06/2000, écrivait :

« Le deuxième alinéa [de l’art. 14-3] avait fait l'objet d'une précision à l'Assemblée nationale, où les dates d'imputation des charges et produits du syndicat avaient été distinguées, selon que les dépenses étaient ou non précédées d'un devis. Le Sénat a adopté une modification rédactionnelle de cet alinéa, que votre rapporteur vous propose de retenir. »

L’Assemblée a suivi l’avis du rapporteur et le second alinéa a été ainsi adopté par les deux Chambres dans les termes identiques que nous connaissons.

 

C.        régime dérogatoire pour les petits syndicats

L’article 14-3 de la loi comporte un régime dérogatoire pour les petits syndicats :

« Les charges et les produits du syndicat, prévus au plan comptable, sont enregistrés dès leur engagement juridique par le syndic indépendamment de leur règlement. L’engagement est soldé par le règlement.

« Toutefois, un syndicat comportant moins de dix lots à usage de logements, de bureaux ou de commerces, dont le budget prévisionnel moyen sur une période de trois exercices consécutifs est inférieur à 15 000 Euros, n’est pas tenu à une comptabilité en partie double ; ses engagements peuvent être constatés en fin d’exercice. »

Si le régime dérogatoire permet la constatation des engagements des petits syndicats en fin d’exercice, c’est bien que le régime de droit commun impose la constatation des engagements en cours d’exercice.

 

IV.       l’engagement dans les textes d’application

On ne retrouve pas les caractéristiques de l’engagement juridique imposé par la loi dans les textes d’application.

A.        disparition de l’engagement juridique

Il suffit de comparer le projet initial de décret comptable avec celui du décret du 14 mars 2005 pour constater que, s’agissant des dépenses, la procédure d’engagement juridique a disparu.

 

L’article 4 du projet précisait notamment :

« Lorsque les travaux ou prestations s’effectuent sur plusieurs exercices, les montants correspondants aux travaux et prestations votés à effectuer sur exercices futurs sont mentionnés en “ engagements sur exercices futurs ” dès la signature du contrat et comptabilisés au titre de l’exercice au cours duquel ces travaux ou prestations sont réalisés.

« Les travaux décidés par l’assemblée sont également mentionnés dans les engagements. »

 

L’article 8 traitait ainsi de la « situation financière » :

« Lorsque les travaux ou prestations s’effectuent sur plusieurs exercices, les montants correspondants aux travaux et prestations votés à effectuer sur exercices futurs sont mentionnés en “ engagements sur exercices futurs ” dès la signature du contrat et comptabilisés au titre de l’exercice au cours duquel ces travaux ou prestations sont réalisés.

« Les travaux décidés par l’assemblée sont également mentionnés dans les engagements. »

 

La procédure d’engagement ne subsiste finalement que pour des produits divers dont les modalités d’enregistrement avant paiement effectif sont clairement précisées.

B.        retour à l’engagement « comptable »

M. Gérard Picault [4], éminent spécialiste en la matière, a tenté d’expliquer cette disparition.

Il fait valoir que la notion d’engagement juridique est fondée sur l’article 1583 du Code civil ainsi conçu : « Elle [la vente] est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé ».

Il évoque « ce type d’analyse qui, malgré sa justesse sur le plan juridique, aurait conduit à une grande lourdeur dans l’enregistrement comptable, à une anticipation des appels de provisions aux copropriétaires et aurait été très éloignée de la notion traditionnelle d’engagement au sens comptable du terme ».

Il cite à cet égard l’article 312-1 du Plan comptable général soumettant la comptabilisation d’une dette à un fournisseur à la livraison de la marchandise ou à l’exécution du service.

 

On ne peut admettre cette argumentation. Le législateur a expressément voulu écarter l’assujettissement des syndicats de copropriétaires aux règles traditionnelles de la comptabilité classique.

Le dernier alinéa de l’article L 14-3  est ainsi conçu : « Les dispositions des articles 1er à 5 de la loi n° 98-261 du 6 avril 1998 portant réforme de la réglementation comptable et adaptation du régime de la publicité foncière ne sont pas applicables aux syndicats de copropriétaires ». Les syndicats de copropriétaires ne sont donc pas soumis de respecter les règlements du Comité de la réglementation comptable.

Un grand nombre de ces règles sont, de fait, respectées par le régime de la comptabilité des syndicats et le plan comptable des syndicats est une adaptation du Plan comptable général. Mais, sur certains points les règles du statut de la copropriété l’emportent sur les règles de la comptabilité classique. C’est sans nul doute le cas de l’article L 14-3.

Il faut donc écarter la notion traditionnelle d’engagement au sens comptable du terme, limitée à la passation des factures non parvenues, et lui substituer la notion d’engagement juridique voulue par la loi qui, jusqu’à nouvel ordre, l’emporte sur les textes réglementaires.

 

D’autre part, on ne saurait en l’espèce tirer le moindre parti de l’article 1583 du Code civil, qui ne concerne que la vente. Les opérations du syndicat ne sont pas limitées à des acquisitions. 

On se contentera donc de l’article 1134 du Code civil :

« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

« Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

« Elles doivent être exécutées de bonne foi »

 

Il n’est pas besoin d’un long commentaire. Le syndic a signé un marché de travaux avec un entrepreneur ou commandé des fournitures à un fournisseur. Le syndicat est engagé à concurrence des montants en cause et selon les modalités prévues par le marché ou les conditions générales de la vente. Si la loi prescrit l’enregistrement de l’engagement juridique, le syndic doit l’enregistrer sans que le silence des textes d’application puisse l’en dispenser.

 

M. Picault a indiqué la véritable raison de ce silence. C’est la lourdeur du mécanisme, tant pour les professionnels qu’a fortiori pour les non professionnels.

Mais il fallait alors modifier la loi ! Cela était d’autant plus facile que l’article 14-3 a fait l’objet d’une modification. Il prévoyait l’application aux produits de la procédure d’engagement par enregistrement dès …réception des produits ! Depuis lors, la loi a été modifiée à plusieurs reprises, sans qu’un amendement tendant à la modification de l’article 14-3 ait été déposé.

Si le législateur n’a pas supprimé l’engagement juridique, c’est qu’il voulait le maintenir. Le décret d’application ne pouvait alors mépriser la loi.

 

Le mécanisme n’est d’ailleurs pas aussi lourd qu’on le dit. Il n’a pas vocation à s’appliquer systématiquement à toutes les facturations. Nous délimiterons ci dessous son domaine d’application. Bornons-nous ici à indiquer qu’il doit s’appliquer à tous les travaux et opérations visés par l’article 14-2.

 

En contrepartie ses avantages sont certains. Le principal est une amélioration de la fiabilité des situations intermédiaires, donc une meilleure information du syndic, du conseil syndical, des copropriétaires et surtout des acquéreurs potentiels (nonobstant la disparition du compte prorata temporis). Plus encore que par le passé, la comptabilité serait un véritable outil de gestion pour les syndicats moyens et importants.

Plus généralement, une comptabilité d’engagement bien tenue est un précieux aide-mémoire pour un certain nombre d’affaires.

 

C.        illégalité du décret du 14 mars 2005

Ces observations conduisent à constater l’illégalité du décret du 14 mars 2005 sur ce point.

Elle est proclamée et revendiquée par l’Association des Responsables de copropriété (ARC) dans son ouvrage « Copropriété : La comptabilité pour tous » ( Éditeur Vuibert 3e édition Janvier 2011). à propos de l'article 14-3 de la loi de 1965, on peut y lire (page 65) ce commentaire étonnant :

« Ce qui est particulièrement cocasse est ceci : la loi a en effet prévu que les charges et produits devraient être comptabilisés dès leur engagement juridique, notion floue, peu pratique et source d'erreurs. Naturellement le décret, suite aux travaux du Conseil National de la comptabilité et aux protestations des uns et des autres, au premier rang desquels l'ARC, a totalement balayé cette notion d'engagement juridique pour lui substituer une notion d'engagement tout court [...]. Ce qui fait que, là encore, le décret a , dans les faits, corrigé la loi qui reste lettre morte sur ce point »

 

Le décret a totalement balayé la notion d’engagement juridique figurant dans l’article 14-3 de la Loi !

Comment mieux dire que sur ce point le décret est illégal ?

 

 

 

Mise à jour

03/07/2012

 

 

 

 



[1] Voir le site Minefi (La LOLF en quatre clics.

[2] Logiciel de l’Association internationale des maires francophones (AIMF)

[3] Loyers et copropriété mai 2001 Numéro spécial 5 bis relatif à la loi SRU : le dispositif comptable ;

[4] Gérard Picault Copropriété Les nouvelles règles de la comptabilité Éd. Maxima Paris p. 64