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Recouvrement de charges et saisie immobilière d’un lot

Emprunt du syndicat auprès des copropriétaires et dépréciation d’un compte de tiers

A propos de l’abus ARC n° 3404

Jean-Pierre Mantelet   DES Droit Privé  ©

 

 

 

Dans le statut de la copropriété, il existe un lien évident entre

Les dispositions relatives à la prévention des insuffisances de trésorerie ( voir 7-2-8 )

Et celles relatives au recouvrement des impayés par la voie de la saisie immobilière ( voir 11-3-9 )

 

La doctrine est fort discrète à propos de l’emprunt du syndicat auprès des copropriétaires évoqué sans autre précision par l’article 45-1 du décret du 17 mars 1967. La Commission relative à la copropriété l’inscrit au rang des « Appels de fonds nécessités par la carence de certains copropriétaires » dans la recommandation 8.

La Commission rappelle :

- que le syndicat peut demander des avances aux copropriétaires pour faire face à un manque justifié de trésorerie temporaire ;

- que les sommes estimées définitivement perdues par l'assemblée générale et qui constituent des créances irrécouvrables sont considérées comme des charges par l'article 4 du décret du 14 mars 2005 et sont supportées, au moins temporairement, par les autres copropriétaires ;

- que ces avances sont préalablement décidées par l'assemblée générale statuant à la majorité de l'article 24 de la loi.

 

Notons au passage qu’en ce qui concerne l’article 4 du décret du 14 mars 2005, la Commission indique très opportunément que les « sommes estimées définitivement perdues par l'assemblée générale » peuvent souvent être  récupérées : elles sont supportées par les copropriétaires « au moins temporairement ».

 

L’Association des Responsables de Copropriétés (A R C) publie un « abus » n° 3404 dans lequel est exposé un cas pratique assez caractéristique. L’ARC formule par ailleurs des commentaires qui attirent certaines observations. Nous reproduisons le texte intégral de l’abus :

 

ABUS  3404 

Comment certains syndics font illégalement de la trésorerie à leur profit en utilisant les saisies immobilières : le cas du cabinet X…

 

I. Retour sur une disposition du décret du 17 mars 1967

 

Lorsqu’une assemblée générale est appelée à voter la saisie immobilière d’un lot, l’article 11 du décret du 17 mars 1967 dispose que le syndic doit proposer une résolution l’autorisant à appeler (sur tous les copropriétaires) le « montant des sommes estimées définitivement perdues ».

La loi a été faite pour tenir compte du fait que la copropriété bénéficiait d’un privilège spécial (deux ans plus l’année en cours à 100 % plus - encore - deux ans supplémentaires en concours avec le prêteur de denier).

Les sommes estimées comme « définitivement perdues » sont donc, en principe, faibles (en moyenne à peine 25 % de la dette, mais souvent 0 % si la procédure est bien menée !) ce qui fait que le syndic n’a pas à appeler la totalité de la dette, mais uniquement la part qui ne sera pas recouvrée après saisie, ceci pour combler le « trou de trésorerie » éventuel.

 

II. La pratique illégale de certains syndics

 

Beaucoup de syndics ne respectent pas la loi et font voter une résolution où ils s’autorisent non pas à appeler la somme estimée irrécouvrable après la vente judiciaire du logement, mais la TOTALITÉ de la somme.

Ainsi ces syndics se constituent-ils un confortable matelas de trésorerie en toute illégalité, ceci au détriment de TOUS les copropriétaires.

 

III. Le cas du cabinet X…

 

Dans une situation qui vient de nous être signalée, le cabinet X… non seulement a décidé de ne pas respecter la loi, mais a induit la copropriété en erreur et, de ce fait, aurait créé (sans l’intervention de l’ARC) un préjudice important aux copropriétaires dans leur ensemble. Voyons l’exemple.

Dans cette grosse copropriété de 220 lots, le cabinet X… voulait faire voter six saisies immobilières pour une dette globale de 62.558 €. Puis il voulait faire voter un appel de charges exactement équivalent à cette dette cumulée.

La résolution est ainsi libellée dans les six cas :

 

«  SAISIE IMMOBILIÈRE  : DETTE IRRÉCOUVRABLE (ARTICLE 24)

 

« Les copropriétaires décident que le montant de la créance considérée comme douteuse et détenue à l’encontre de Mme.... soit fixé à la somme de 7.785,56 euros (Note de l’ARC : exactement la dette). Cette somme est donc répartie en charges communes générales entre tous les copropriétaires.

 (...) ».

 

La tromperie.

Le syndic parle de créance « considérée  comme douteuse », ce qui est très différent de la loi qui, de son côté, parle de « sommes estimées définitivement perdues » (article 11 du décret du 17 mars 1967).

Ce faisant le syndic a d’une part trompé les copropriétaires, d’autre part n’a pas respecté la loi.

Or - on l’a vu - ces sommes représentent souvent moins de 25 % de la dette.

 

Le préjudice.

 

Dans notre cas le syndic voulait appeler illégalement 62.558 € alors qu’il aurait pu se contenter de 15.000 euros, voire de rien du tout, car - a priori - le syndicat pourra récupérer la totalité des sommes après la vente des lots (d’ailleurs pour au moins trois cas les copropriétaires vont solder leur dette avant la saisie) !

47.558 € (au minimum) appelés en trop uniquement pour permettre au syndic de toucher des produits financiers supplémentaires (même à 2 %, ça fait 951,16 € d’« honoraires » illégaux perçus en plus, soit plus que la cotisation annuelle à l’ARC grâce à cette seule et unique illégalité en apparence anodine).

 

Conclusion :

 

Copropriétaires ayez l’œil et ne laissez pas votre syndic vous parler de « créances douteuses » lorsque la loi parle - elle - de « sommes estimées définitivement perdues ».

À noter : comme indiqué, suite à nos informations, le syndic a dû renoncer à faire voter ces sommes...

Merci qui ?

 

 

 

On doit noter d’abord que l’article 11 du décret impose en I 11° d’annexer à la convocation en assemblée générale  :

« Les projets de résolution mentionnant, d’une part, la saisie immobilière d’un lot, d’autre part, le montant de la mise à prix, ainsi que le montant des sommes estimées définitivement perdues, lorsque l’assemblée générale est appelée à autoriser le syndic à poursuivre la saisie immobilière d’un lot ;

Il n’est pas question d’une autorisation au syndic d’appeler des fonds à ce titre dans l’art. 11.

Pourtant, le cumul des impayés génère fatalement une insuffisance de trésorerie susceptible de gêner puis paralyser le fonctionnement du syndicat et la fourniture des services collectifs. A cet égard la mise en œuvre correcte des garanties syndicales et des procédures appropriées restreint les risques de perte financière. Mais il faut compter avec les délais procéduraux et les frais initiaux de contentieux à engager. C’est bien avant de pouvoir songer à une saisie immobilière que les copropriétaires doivent alors décider de renflouer provisoirement la trésorerie. Il s’agit alors d’un emprunt du syndicat auprès des copropriétaires, - en réalité de certains d’entre eux qui sont les solvables -.

 

Ces créances ne sont pas forcément douteuses.

Le doute est lié à un éventuel déséquilibre entre les garanties dont bénéficie le syndicat et le montant prévisible de la dette finale. Une créance peut être partiellement douteuse.

C’est au syndic que revient la responsabilité de déclarer une créance douteuse. La constatation du caractère douteux d’une créance a pour seul effet d’imposer de passer le montant douteux au crédit du compte 459 par le débit du compte 450 du copropriétaire débiteur.

Il est concevable d’arriver à la décision de recourir à la saisie immobilière puis même à la vente amiable ou judiciaire du bien sans avoir eu à constater le caractère douteux de la créance. Cela peut être le cas  lorsque le syndicat bénéficie tout à la fois d’une hypothèque et du privilège spécial. Mais il faut toujours apprécier avec prudence les garanties du syndicat et les prétentions prévisibles d’un autre créancier inscrit. Il faut aussi veiller, le moment venu, à la stricte régularité de l’état daté et de l’opposition à paiement du prix mettant en œuvre le privilège spécial du syndicat.

 

Revenons à l’abus de l’ARC ! On lit :

« Les sommes estimées comme « définitivement perdues » sont donc, en principe, faibles (en moyenne à peine 25 % de la dette, mais souvent 0 % si la procédure est bien menée !) ce qui fait que le syndic n’a pas à appeler la totalité de la dette, mais uniquement la part qui ne sera pas recouvrée après saisie, ceci pour combler le « trou de trésorerie » éventuel. »

Il y a une certaine discordance avec les indications de la Commission :

« que les sommes estimées définitivement perdues par l'assemblée générale et qui constituent des créances irrécouvrables sont considérées comme des charges par l'article 4 du décret du 14 mars 2005 et sont supportées, au moins temporairement, par les autres copropriétaires »

 

L’ARC s’insurge :

La pratique illégale de certains syndics :

Beaucoup de syndics ne respectent pas la loi et font voter une résolution où ils s’autorisent non pas à appeler la somme estimée irrécouvrable après la vente judiciaire du logement, mais la TOTALITÉ de la somme.

Ainsi ces syndics se constituent-ils un confortable matelas de trésorerie en toute illégalité, ceci au détriment de TOUS les copropriétaires.

 

L’ARC oublie, nous semble-t-il, qu’à défaut de recours dès l’origine à un emprunt du syndicat auprès des copropriétaires, c’est bien la totalité de la créance qui manque dans la trésorerie !!!

Quand trois copropriétaire doivent 4 000, 5 000 et 5 500 €, en admettant même qu’on puisse estimer à 1 500, 1 800 et 2500 € les sommes estimées irrécouvrables après la vente, c’est bien 14 500 € qui manquent dans la trésorerie du syndicat. On ne voit pas en quoi le syndic se constituerait un confortable matelas de trésorerie en toute illégalité !!!

Il se borne à recueillir les sommes nécessaires pour payer les fournisseurs du syndicat.

 

Par contre il est exact que le syndic incriminé a commis une erreur de terminologie :

Il ne pouvait que recourir à un emprunt du syndicat auprès des copropriétaires, ou faire constater une dépréciation.

 

L’article 4 alinéa 3 du décret du 14 mars 2005 est ainsi conçu :

« Les charges comprennent aussi les dépréciations sur créances douteuses à l’encontre des personnes autres que les copropriétaires ; leur estimation est présentée par le syndic et soumise au vote de l’assemblée générale. Les dépréciations de créances douteuses à l’encontre des copropriétaires sont à constater après avoir mis en oeuvre les diligences nécessaires au recouvrement, au moment de la décision de l’assemblée générale de procéder à la saisie immobilière. »

 

Cette décision ne peut être prise qu’après avoir obtenu une décision judiciaire devenue exécutoire et avoir tenté l’exécution de la décision par des moyens moins sévères que la saisie immobilière.

 

On peut donc reprocher au syndic une relative incompétence professionnelle mais certainement pas la recherche d’un confortable matelas de trésorerie.

 

 

 

 

 

 

Mise à jour

12/04/2013