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copropriétés issues de la vente de certains appartements par un organisme HLM

Réduction des voix du copropriétaire majoritaire (art. 22 de la loi 10/07/1965)

Régime dérogatoire prévu par l’art. L. 443-15 du CCH

Régime conforme à la Constitution (oui)

 

 

Conseil Constitutionnel

Décision n° 2014-409 QPC du 11 juillet 2014

 

 

 

 

(M. CLÉMENT B. ET AUTRES)

 

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 16 mai 2014 par la Cour de cassation (troisième chambre civile, arrêt n° 800 du 16 mai 2014), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Clément B., Mme Fabienne B., Mme Jacqueline B., Mme Caroline L., épouse B., Mme Fernande C., M. Pascal C., M. Yannick C., M. Christian C., Mme Colette N., épouse C., Mme Claudine C., Mme Stéphanie C., Mme Marie-Claude D., M. Michel D., Mme Nicole D., Mme Corinne D., Mme Marie-Claude D., M. Jean-Luc G., Mme Adrienne G., Mme Farida H., M. Mourad H., Mme Josette H., Mme Chantal L., Mme Claire L., M. Sébastien L., M. Olivier L., M. Michel L., Mme Nicole C., épouse L., M. Carlos L., Mme Hava N., épouse L., Mme Janine L., épouse M., M. Daniel M., Mme Dominique C., épouse M., Mme Danièle N., M. Youcef R., M. André S., Mme Jeannine J., épouse S., M. Dorsamy S., Mme Rajindree I., épouse S., M. Alain S., Mme Yvonne S., M. Daniel S., M. Gérard S., Mme Véronique de T., M. Benoît V. et Mme Gisèle V., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du quatrième alinéa de l’article L. 443-15 du code de la construction et de l’habitation.

 

Le Conseil constitutionnel,

 

Vu la Constitution ;

Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code de la construction et de l’habitation ;

Vu la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ;

Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Vu les observations produites pour les requérants par la SCP Morel-Chadel-Moisson, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 10 juin 2014 ;

Vu les observations produites pour le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis…, à Paris, partie en défense, représenté par Paris Habitat OPH, son syndic, par la SCP Meier-Bourdeau Lécuyer, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 10 juin 2014 ;

 

Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 10 juin 2014 ;

 

Vu les pièces produites et jointes au dossier ;

 

Me François Morel, avocat au barreau de Paris, pour les requérants, Me Patrice Lebatteux, avocat au barreau de Paris, pour la partie en défense, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l’audience publique du 1er juillet 2014 ;

 

Le rapporteur ayant été entendu ;

 

1. Considérant que l’article L. 443-15 du code de la construction et de l’habitation est applicable aux copropriétés issues de la vente de certains appartements par un organisme d’habitations à loyer modéré ; qu’aux termes du quatrième alinéa de cet article : « Les dispositions du deuxième alinéa du I de l’article 22 de la loi n° 65-557 du10 juillet 1965 précitée ne s’appliquent pas à l’organisme d’habitations à loyer modéré vendeur » ;

 

2. Considérant que, selon les requérants, en écartant les dispositions de la loi du 10 juillet 1965 qui limitent le nombre de voix dont un copropriétaire majoritaire dispose en assemblée générale, les dispositions contestées permettent à un tel copropriétaire d’imposer ses décisions à l’ensemble des autres copropriétaires et portent une atteinte disproportionnée à l’exercice du droit de propriété de ces derniers ;

 

3. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l’homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ; qu’aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité » ; qu’en l’absence de privation du droit de propriété au sens de cet article il résulte néanmoins de l’article 2 de la Déclaration de 1789 que les atteintes portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi ;

 

4. Considérant qu’il appartient au législateur compétent en application de l’article 34 de la Constitution pour fixer les principes fondamentaux de la propriété et des droits réels de définir les droits de la copropriété d’un immeuble bâti sans porter d’atteinte injustifiée aux droits des copropriétaires ;

 

5. Considérant qu’aux termes du deuxième alinéa du paragraphe I de l’article 22 de la loi du 10 juillet 1965 susvisée : « Chaque copropriétaire dispose d’un nombre de voix correspondant à sa quote-part dans les parties communes. Toutefois, lorsqu’un copropriétaire possède une quote-part des parties communes supérieure à la moitié, le nombre de voix dont il dispose est réduit à la somme des voix des autres copropriétaires » ; qu’en prévoyant que ces dispositions ne s’appliquent pas à l’organisme d’habitations à loyer modéré vendeur, les dispositions contestées ont pour seul effet d’écarter l’application de la deuxième phrase du deuxième alinéa du paragraphe I de l’article 22 de la loi du 10 juillet 1965 qui réduit le nombre des voix du copropriétaire majoritaire par exception à la règle de proportionnalité ;

 

6. Considérant que le Conseil constitutionnel n’est pas saisi des dispositions qui énumèrent les décisions qui peuvent être adoptées par l’assemblée générale des copropriétaires et fixent les différentes règles de majorité applicables pour l’adoption de ces décisions ; que la disposition contestée par la présente question prioritaire de constitutionnalité est relative au nombre des voix dont disposent les copropriétaires en assemblée générale ; que, s’il appartient aux juridictions compétentes de faire obstacle aux abus de majorité commis par un ou plusieurs copropriétaires, ni le droit de propriété ni aucun autre principe ou règle de valeur constitutionnelle n’interdit qu’un copropriétaire dont la quote-part dans les parties communes est majoritaire puisse disposer, en assemblée générale, d’un nombre de voix proportionnel à l’importance de ses droits dans l’immeuble ; que, par suite, doivent être écartés les griefs tirés de ce que le quatrième alinéa de l’article L. 443-15 du code de la construction et de l’habitation porterait atteinte au droit de propriété ;

 

7. Considérant que les dispositions contestées, qui ne sont contraires ni au principe d’égalité ni à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution,

 

Décide :

 

Article 1

 

Le quatrième alinéa de l’article L. 443-15 du code de la construction et de l’habitation est conforme à la Constitution.

 

Article 2

 

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

 

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 10 juillet 2014, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.

 

Rendu public le 11 juillet 2014.

 

Le président,

Jean-Louis Debré

 

 

commentaires

 

 

En vertu de l’article L. 443-15 al. 4 du code de la construction et de l’habitation ; applicable aux copropriétés issues de la vente de certains appartements par un organisme d’habitations à loyer modéré, les dispositions du deuxième alinéa du I de l’article 22 de la loi n° 65-557 du10 juillet 1965 précitée ne s’appliquent pas à l’organisme d’habitations à loyer modéré vendeur » ;

La réduction des voix du copropriétaire majoritaire n’est donc pas applicable à l’organisme HLM vendeur.

Cette dérogation a fait l’objet d’une Question ¨Prioritaire de Constitutionnalité et de la décision rapportée ci-dessus, qui déclare la dérogation législative confirme à la Constitution.

 

On ne devra pas à l’avenir négliger le principe proclamé par le Conseil constitutionnel :

 

Ni le droit de propriété ni aucun autre principe ou règle de valeur constitutionnelle n’interdit qu’un copropriétaire dont la quote-part dans les parties communes est majoritaire puisse disposer, en assemblée générale, d’un nombre de voix proportionnel à l’importance de ses droits dans l’immeuble.

 

Le Conseil constitutionnel en déduit logiquement « que, par suite, doivent être écartés les griefs tirés de ce que le quatrième alinéa de l’article L. 443-15 du code de la construction et de l’habitation porterait atteinte au droit de propriété ; »

 

La portée de la décision est très large car la Cour a statué en droit commun, sans aucune référence, au caractère social des activités du vendeur copropriétaire. Elle évoque aussi la sanction de droit commun : « il appartient aux juridictions compétentes de faire obstacle aux abus de majorité commis par un ou plusieurs copropriétaires ».

 

D’une autre manière, le régime coopératif (à distinguer de celui des syndicats de forme coopérative) écarte la proportionnalité des droits de vote avec l’importance du bien inscrit dans la communauté. C’est la règle : « un homme, une voix » qui prévaut.

On en retrouve un germe dans la double majorité prévue par l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965 :

- Majorité des membres du syndicat (un homme = une voix)

- Représentant au moins les deux tiers des voix

Observation étant faite que pour le premier terme de la majorité, le propriétaire de plusieurs lots, - voire même de la majorité des lots -, ne compte que pour une seule tête.

 

Le législateur a tenté d’éviter les risques de la prépondérance du copropriétaire majoritaire. Nous savons tous que c’est souvent au prix d’un blocage de l’institution.

 

Dans le site Juritravail, Baptiste CHAREYRE – Avocat,  va beaucoup plus loin :

 

« Ainsi, il n’est pas inconcevable de s’interroger sur la constitutionnalité de l’article 22 du la loi de 1965, puisqu’aucune disposition à valeur constitutionnelle l’en empêche et, qu’en tout état de cause, le pouvoir judiciaire pourrait palier son absence.

Toutefois, si juridiquement la possibilité de voir l’article 22 alinéa 2 disparaître est envisageable, l’application concrète d’une telle mesure ne semble pas suivre la tendance engagée depuis 1965 qui est plutôt de faire primer l’assemblée des copropriétaires plutôt qu’un seul copropriétaire.

Les nouvelles dispositions de la loi ALUR[8] concernant les règles de majorité sont l’un des exemples les plus récents en ce sens.

De plus, s’agissant de l’article L443-15 du Code de la Construction et de l’Habitation le Conseil Constitutionnel a estimé que les dispositions contestées n’étaient pas contraires au principe d’égalité ni à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit.

Ainsi,  le Conseil n’a pas considéré que la différence de traitement, entre un bailleur social et un copropriétaire privé, méconnaissait le principe d’égalité devant la loi.

La vocation première du logement social permet de relativiser la portée de cette remarque en ce sens où les intérêts de l’Etat et des particuliers sont différents.

Par conséquent, les deux dispositions pourront coexister et le juge pourra à la fois faire obstacle aux abus de majorité (article L443-15 du CCH) et à la fois garantir le copropriétaire contre les abus et la fraude, voire d’abus de minorité, lors des assemblée générale, (article 22 et 42 de la loi de 1965).

Les logements sociaux ont vocation à interagir de plus en plus avec les logements du parc privé [9] et le Juge aura un rôle névralgique dans la garantie de l’équilibre des droits de chacun. »

 

 

 

 

 

Mise à jour

03/05/2015