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La Charia et le régime français
de la copropriété II. Les copropriétaires musulmans
en france III. Les pratiques financières
musulmanes en france IV. La proposition de loi charasse et
le statut algérien ? La charia, « voie à suivre », s’entend de
l’ensemble des règles du droit musulman. Ces règles sont issues du Coran et de la tradition du Prophète.
Elles ont été affinées, au fil du temps, par les déductions analogiques des
chefs d’écoles juridiques et des solutions approuvées par la communauté
musulmane. Cette Loi est donc commune à tous les pays islamiques. Il faut toutefois noter que certains gouvernements
musulmans ont validé des coutumes locales ou, dans des domaines régaliens
(droit pénal et droit fiscal notamment), adopté des dispositions spécifiques. Le droit musulman est donc un droit religieux. La notion
d’intérêt lié à un prêt ou autre mode de financement se confond avec celle
d’usure, qui est prohibée. L’aléa est pareillement prohibé. Dans les pays
européens et chrétiens, cette conception médiévale a laissé place dès le XVIe
siècle aux pratiques des marchands et entrepreneurs pour aboutir au
capitalisme du XIXe
siècle. L’Islam a maintenu au contraire la suprématie de la religion
sur l’activité économique, en prohibant aussi bien l’usure que l’aléa. Ces règles ne sont impératives que pour les relations
juridiques entre musulmans. Le Coran admet la protection des autres croyants
(chrétiens et juifs) tout en les maintenant dans un état inférieur. Il écarte
les incroyants. Une exception notable à la prohibition de l’aléa fut la société
pour l’irrigation (musaka), contrat ayant pour objet les soins à donner à des
arbres de rapport jusqu’à la cueillette des fruits moyennant une part de la
récolte. L’apport de l’un des associés est la main d’œuvre. L’apport de
l’autre est la terre, l’eau et les outils (cheptel mort). Il existe alors un
quadruple aléa : - Louage d’industrie
moyennant un salaire indéterminé - Louage de terre moyennant
une part des produits - Vente de fruits avant leur
maturité et même leur existence - Simple supputation de
l’existence future d’une récolte Or certains considèrent que ce type de société, également
qualifié de société en
commandite «Al-Qirad» a trouvé son origine dans
l’autorisation donnée par le Prophète aux Juifs de Khaibar de cultiver les
palmiers de l’oasis moyennant la moitié des fruits. Ils devenaient ainsi les
métayers de la Communauté musulmane (Umma). Par ailleurs, certains ressortissants de pays islamiques
sont athées. Pour autant, ils demeurent assujettis aux règles du droit
musulman à raison du lien à la terre. Il faut savoir enfin que, dans des pays musulmans,
certaines réformes législatives ont abouti à une relative laïcisation de
quelques pans du droit II. Les copropriétaires musulmans en france Les immigrants de religion musulmane sont désormais en
nombre significatif dans les pays européens et notamment en France, où ils
ont d’ailleurs été appelés après la seconde Guerre mondiale. La possibilité
du regroupement familial qui leur a été ouverte a généré pour beaucoup
d’entre eux un désir d’implantation définitive. Ce mouvement s’accompagne mécaniquement
de frictions entre le mode de vie traditionnel des arrivants et celui du pays
d’accueil. C’est souvent le cas dans le domaine particulier des règles
d’habitation. Depuis cinquante ans, des lots de copropriété ont été
acquis par des « musulmans ». Il importe peu qu’il s’agisse de
personnes de nationalité française ou pas. Il importe aussi peu qu’il
s’agisse de personnes pratiquant couramment ou occasionnellement ou pas du
tout la religion musulmane. Il importe peu que ces personnes soient plus ou moins « intégrées ».
Il est naturel qu’elles conservent partiellement un mode de vie qui leur est
traditionnel dès lors qu’il n’y a pas d’incompatibilité majeure. Dans certaines copropriétés, les « musulmans »
sont largement majoritaires. Pour autant le régime de la copropriété demeure
celui du statut français mais il est concevable que cette présence
majoritaire ait une incidence sur la vie de la copropriété et qu’il en
résulte des tensions avec les copropriétaires ou autres occupants
non-musulmans et minoritaires. On ne trouve toutefois que peu de traces de ce genre
d’incidents dans la jurisprudence publiée. Il faut donc se référer à la
jurisprudence concernant des difficultés avec des copropriétaires de religion
juive pour connaître les solutions qui leurs sont habituellement apportées
par les juridictions françaises. Il est notamment jugé que les prescriptions
du shabbat interdisant l’utilisation des mécanismes électrifiés de
contrôle d’accès (interphones par exemple) ne permettent à ces
copropriétaires ni de s’opposer à l’installation d’un tel mécanisme, ni
d’imposer au syndicat d’y adjoindre une serrure mécanique ni même d’obtenir
l’autorisation d’installer une serrure à leurs frais. Certains arrêts interdisent également l’utilisation des
balcons-terrasses pour la « fête des cabanes ». On peut donc penser qu’en cas de litige au sujet de la
pratique courante de célébrer une fête musulmane dans la cour commune de
l’immeuble, une solution identique serait apportée. La jurisprudence française tend ainsi à sauvegarder le
caractère laïc du statut de la copropriété. La jurisprudence québécoise
a adopté une position contraire pour
la « fête des cabanes », après un débat dont on trouve la reproduction
dans l’arrêt de la Cour
suprême du Canada du 30 juin 2004 (voir
l’arrêt). Il faut souligner que, dans les deux cas, - fête
israélite ou musulmane -, on constate dans la pratique des solutions de
courtoisie fort satisfaisantes, surtout depuis l’apparition des fêtes laïques
de la copropriété. III. Les pratiques financières musulmanes en france Un phénomène nouveau est l’expansion de puissances
financières musulmanes dans le monde économique. Le secteur bancaire français
souhaite à son tour attirer les capitaux du Moyen-Orient. Il faut donc
appréhender les spécificités de la finance islamique. Une première tentative législative a avorté en raison de
la précipitation de ses promoteurs. Il s’agissait d’ouvrir le marché français
aux émissions d’obligations de type islamique (suduk). Elles présentent une
particularité notable : le souscripteur ne perçoit pas un intérêt à un
taux déterminé mais une part du profit généré par l’apport de capitaux. Un
projet de modification à cette fin de la fiducie a été adopté mais jugé
étranger à la loi sur les PME (cavalier législatif) et écarté par le Conseil
constitutionnel. Il sera adopté de manière plus régulière sans nul doute. Les professionnels immobiliers seront plus intéressés par
le particularisme de l’aide à l’acquisition de biens immobiliers. Dans ce
cas, la banque islamique achète le bien qui peut faire l’objet, au profit de
l’acquéreur final soit d’une location avec promesse d’achat, soit d’une
revente avec paiement échelonné du prix. C’est alors une majoration du prix
de « revente » qui constitue la rémunération de la banque. On peut considérer que la différence entre notre pratique
de l’emprunt avec remboursement échelonné et paiement d’intérêts et la
pratique musulmane relève de la finasserie mais le fait est que, dans la
première version de l’opération, et si elle porte sur un lot de copropriété, c’est
le banquier qui sera copropriétaire jusqu’à son aboutissement. S’agissant du financement d’un nouveau matériel au profit
d’une entreprise, un mécanisme identique est utilisé. C’est le banquier qui
fait l’acquisition du matériel. Les banques françaises s’emploient à préparer l’utilisation
de ces pratiques et des banques musulmanes ouvriront prochainement des
succursales en France. IV. La proposition de loi charasse et le statut algérien ? Certains ont cru voir dans la proposition de loi
récemment présentée par M. Charasse, sénateur, un emprunt au régime algérien
de la copropriété, voire un pas vers la charia. Cela est doublement faux. En premier lieu, on ne peut ni affirmer que l’Algérie, terre d’Islam, est un état laïc, ni prétendre que sa législation est dominée de manière absolue par la charia. Parmi bien d’autres études, l’article de Tarik MIRA, publiée en 2007 « La laïcité en Algérie – une idée pérenne » montre que « la société traditionnelle algérienne vivait dans un esprit de sécularisation, d’où émergeait une pratique sociale aux activités profane et sacrée distinctes ». Les artisans de la lutte pour l’indépendance ont été inspirés par différents modèles révolutionnaires en ce compris la Révolution française. Après avoir décrit le « patchwork » des conceptions indépendantistes, Tarik Mira fait le point de la situation à partir de 1954 : « L’insurrection du 1er novembre 1954 n’a pas dérogé à
la règle. La contradiction principale est quasiment manichéenne : colons
exploiteurs, d’une part, et autochtones exploités, d’autre part. Dichotomie
qui met à l’écart des questionnements importants. Ce n’est qu’en août 1956,
lors du 1er Congrès du F.L.N., dans la vallée de la Soummam, qu’est ébauchée
une clarification sur le futur État national. « Il est explicitement dit qu’ « il ne s’agit pas de restaurer une monarchie ou une théocratie désormais révolues. L’Etat sera démocratique et social ». Le contenu progressiste de cette proclamation ne laissait aucun doute sur l’orientation choisie. La combinaison des acteurs, du contenu et de la période ouvrait la voie à cette optique laïque. Paradoxalement, le mot laïcité n’est pas présent en tant que tel. Pourtant, ce congrès est présenté par ses adversaires comme le tombeau de l’arabo-islamisme du fait même de sa laïcité. » Depuis 1962, les luttes d’influence se sont multipliées. La révolution iranienne a relancé l’action des islamistes sans faire disparaître les tendances modernistes. Nous recommandons aux lecteurs intéressés l’étude de M. Mira (Lire l’étude) En second lieu, les observations évoquées
concernent la réforme fondamentale de l’article 24 de la loi du 10 juillet
1965. En cas d’adoption de la proposition de loi, le décompte des votes
serait désormais effectué en fonction du nombre de copropriétaires
ayant respectivement voté pour ou contre la résolution (un homme = une voix)
sans tenir compte du nombre de voix détenues. Les scrutins prévus par les
articles 25 et 26 ne seraient pas modifiés. Or l’article 28 du décret algérien du 12 novembre 1983 dispose au contraire que « les décisions de l’assemblée sont adoptées à la majorité simple des voix des membres présents ou représentés quand elle concernent » les questions courantes. S’agissant au contraire des questions plus importantes,
l’article 29 dispose que « sont adoptées à la majorité des deux
tiers (2/3) des membres présents ou représentés, les décisions
concernant … » Il y a donc une contradiction absolue entre les deux
textes. Plus généralement le statut algérien de la copropriété ne
se présente pas comme inspiré par la charia. Nous nous sommes contentés d’aborder sommairement une
question qui est susceptible d’appeler dans l’avenir de plus larges
développements. |
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