Jouissance exclusive d’une terrasse partie commune

Travaux d’étanchéité réalisés par le syndicat

Qualification juridique des aménagements de la terrasse

Primauté des éléments fournis par le règlement de copropriété

Prise en considération des indications figurant sur les plans (non)

 

 

Cassation  civile 3e  30 avril 2002                                                                Cassation partielle

 

Cour d’appel de Colmar (2ème chambre civile, section A), 2000-03-09

N° de pourvoi : 00-15880

 

 

 

 

I - Sur le pourvoi n° M 00-15.880 formé par Mme Dominique Schneider, demeurant 28, rue d’Orbey, 67100 Strasbourg,

 

en cassation d’un arrêt rendu le 9 mars 2000 par la cour d’appel de Colmar (2ème chambre civile, section A), en présence :

 

1 ) du Syndicat des copropriétaires de l’immeuble Gaschney, sis 26-28, rue d’Orbey, 67100 Strasbourg, représenté par son syndic M. Klotz, domicilié en cette qualité 26-28, rue d’Orbey, 67100 Strasbourg,

 

2 ) de Mme Yveline Hiss, épouse Pillement, demeurant 6, rue du Collet Blanc, Les Pierres de l’Etang, 13190 Allauch,

 

3 ) de Mme Elisabeth Hiss, demeurant 23, chemin du Cavaou, 13013 Marseille,

 

4 ) Mme Brigitte Hiss, épouse Cousse, demeurant 23, chemin du Cavaou, 13013 Marseille,

 

défendeurs à la cassation ;

 

 

II - Sur le pourvoi n° D 00-20.933 formé par le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble Gaschney,

 

en cassation du même arrêt rendu au profit :

 

1 ) de Mme Dominique Schneider,

 

2 ) de Mme Yveline Hiss, épouse Pillement,

 

3 ) de Mme Elisabeth Hiss,

 

4 ) de Mme Brigitte Hiss, épouse Cousse,

 

défenderesses à la cassation

 

 

Sur le pourvoi n° M 00-15.880 :

 

 

La demanderesse invoque, à l’appui de son recours, trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

 

Sur le pourvoi n° D 00-20.933 ;

 

Le demandeur invoque, à l’appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

 

 

Vu la communication faite au Procureur général ;

 

 

LA COUR, composée conformément à l’article L. 131-6-1, du Code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 12 mars 2002, où étaient présents : M. Weber, président, M. Chemin, conseiller rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Cachelot, Martin, Mmes Lardet, Gabet, conseillers, Mmes Fossaert-Sabatier, Boulanger, Nési, conseillers référendaires, M. Guérin, avocat général, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;

 

Sur le rapport de M. Chemin, conseiller, les observations de la SCP Nicolay et de Lanouvelle, avocat du Syndicat des copropriétaires de l’immeuble Gaschney sis 26-28, rue d’Orbay à Strasbourg, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme Schneider, de Me de Nervo, avocat des consorts Hiss, les conclusions de M. Guérin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

 

 

Joint les pourvois M 00-15.880 et D 00-20.933 ;

 

Dit n’y avoir lieu à mettre hors de cause les consorts Hiss ;

 

Sur le premier moyen du pourvoi M 00-15.880, ci-après annexé :

 

 

Attendu que la treizième décision de l’assemblée générale des copropriétaires du 3 avril 1996 se bornant à décider la réfection de l’étanchéité de la toiture côté 28 par des travaux identiques à ceux effectués en 1995 côté 26, par la même entreprise et au même coût réactualisé, et ne contenant aucune disposition quant à la prise en charge des frais de dépose des aménagements existants, le moyen est sans portée ;

 

 

Sur le deuxième moyen du pourvoi M. 00-15.880, ci-après annexé :

 

Attendu que l’arrêt n’ayant pas dans son dispositif statué sur la demande de condamnation du syndicat à procéder à ses frais à la remise en état des aménagements paysagers et l’omission de statuer pouvant être réparée par la procédure prévue à l’article 463 du nouveau Code de procédure civile, le moyen n’est pas recevable ;

 

Sur le troisième moyen du pourvoi M 00-15.880, ci-après annexé :

 

Attendu qu’ayant relevé que le bassin dont faisait état Mme Schneider ne faisait pas partie des aménagements prévus au règlement de copropriété, la cour d’appel, appréciant les éléments de preuve qui lui étaient soumis et sans être tenue d’expliquer les motifs pour lesquels elle n’avait pas pris en considération une expertise diligentée dans une autre procédure, a relevé souverainement qu’il n’était pas demandé de rapporter la preuve de l’existence de ce bassin dans les aménagements d’origine ;

 

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

 

 

Mais sur le moyen unique du pourvoi D 00-20.933 :

 

Vu l’article 1134 du Code civil ;

 

Attendu selon l’arrêt attaqué (Colmar, 9 mars 2000) que Mme Schneider, propriétaire dans un immeuble en copropriété du lot n° 13 décrit au règlement de copropriété comme un appartement au sixième étage avec un escalier d’accès à la terrasse et une toiture-terrasse avec véranda, un escalier d’accès et un débarras, a assigné le syndicat des copropriétaires en annulation de la décision n° 13 de l’assemblée générale du 3 avril 1996 qui a décidé la réfection de l’étanchéité de la toiture et a également assigné Mmes Hiss, Pillement et Cousse (les consorts Hiss) desquelles elle avait acquis son lot ; qu’elle a demandé qu’en cas d’exécution des travaux le syndicat procède à ses frais à la remise en état à l’identique des aménagements paysagers actuellement existants ; que le syndicat a demandé d’ordonner à Mme Schneider d’autoriser l’accès à la terrasse et de la condamner à enlever à ses frais les aménagements installés sur la terrasse pour permettre l’accès à l’étanchéité ;

 

 

Attendu que pour limiter la condamnation de Mme Schneider à l’enlèvement à ses frais des aménagements créés par elle ou son auteur, sur la terrasse, c’est-à-dire, les aménagements autres que la véranda, l’escalier d’accès, le débarras, les murets, les cheminements piétonniers, les bacs à fleurs en pierre de taille, les graviers, la laine de verre, la tourbe et la terre végétale, l’arrêt retient que ces aménagements apparaissent sur les plans de construction de l’immeuble, qu’ils constituent des aménagements d’origine, c’est-à-dire des parties communes et qu’ils relèvent pour l’essentiel du gros œuvre déclaré partie commune par l’article 3 de la loi du 10 juillet 1965 ;

 

 

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait relevé, qu’à l’exception de la véranda de l’escalier d’accès et du débarras, le règlement de copropriété ne faisait nullement état d’un aménagement paysager de la terrasse dont seule, la jouissance privative a été reconnue au propriétaire du lot n° 13, la cour d’appel a violé le texte susvisé en décidant que les frais de dépose et de repose des murets, des cheminements piétonniers, des bacs à fleurs en pierre de taille, de graviers non solidaires de l’étanchéité, devaient être pris en charge par le syndicat des copropriétaires ;

 

 

PAR CES MOTIFS :

 

 

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a condamné Mme Schneider à enlever à ses frais les aménagements créés par elle ou son auteur, c’est-à-dire les aménagements autres que la véranda, l’escalier d’accès, le débarras, les murets, les cheminements piétonniers, les bacs à fleurs édifiés en pierre de taille, ainsi que le gravier, la laine de verre, la tourbe et la laine végétale dans un délai de deux mois à compter de la signification de l’arrêt sous astreinte provisoire de 300 francs par jour de retard, l’arrêt rendu le 9 mars 2000, entre les parties, par la cour d’appel de Colmar ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Besançon ;

 

Condamne Mme Schneider aux dépens des pourvois ;

 

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne Mme Schneider à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble Gaschney la somme de 1 900 euros et aux consorts Hiss la somme de 1 350 euros ;

 

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de Mme Schneider et celle des consorts Hiss, dirigée contre le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Gaschney ;

 

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

 

 

 

Commentaires :

 

Lorsqu’une terrasse supérieure est affectée d’un droit de jouissance exclusive, des difficultés se présentent fréquemment au sujet de la qualification des aménagements réalisés sur la terrasse. Le bénéficiaire du droit de jouissance privative prétend que les aménagements qu’il a trouvés lors de l’acquisition du lot sont des aménagements d’origine constituant dès lors des parties communes et qu’il appartient au syndicat de supporter la charge de leur dépose puis de leur repose après exécution des travaux d’étanchéité réalisés par le syndicat.

Tel est le cas de l’affaire qui a fait l’objet du présent arrêt.

 

La Cour d’appel avait jugé que le syndicat devait prendre à sa charge les travaux d’enlèvement comportant la véranda, l’escalier d’accès, le débarras, les murets, les cheminements piétonniers, les bacs à fleurs édifiés en pierre de taille, ainsi que le gravier, la laine de verre, la tourbe et la laine végétale.

Elle avait condamné la bénéficiaire du droit de jouissance privatif à procéder à l’enlèvement des autres aménagements créés par elle ou son auteur.

 

Pour casser partiellement l’arrêt d’appel, la Cour de cassation se réfère aux indications fournies par le règlement de copropriété.

Il indique que sont des installations d’origine, dont parties communes, la véranda de l’escalier d’accès et du débarras.

Mais le règlement de copropriété ne fait nullement état d’un aménagement paysager de la terrasse. En conséquence les murets, les cheminements piétonniers, les bacs à fleurs en pierre de taille, les graviers, la laine de verre, la tourbe et la terre végétale sont considérés comme des aménagements réalisés par la bénéficiaire du droit ou ses auteurs.

Notons qu’à défaut de mention dans la liste des parties communes, la Cour d’appel avait retenu « que ces aménagements apparaissent sur les plans de construction de l’immeuble ».

Comme il n’y a pas de raison de penser que les Conseillers d’appel ont mal lu les plans, il faut en déduire que la Cour de cassation donne prime aux indications détaillées données dans la liste des parties communes figurant dans le règlement de copropriété et écarte les indications pouvant figurer sur les plans qui lui sont annexés.

 

Un enseignement pratique : lors de l’acquisition d’un appartement auquel est attachée la jouissance privative d’une terrasse, il convient de s’informer de la qualification donnée aux aménagements en place sur la terrasse pour éviter les mauvaises surprises.

 

 

 

 

 

Mise à jour

11/06/2007