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Responsabilité pénale du syndic (oui)

Travail dissimulé

Société de prestations d’entretien de propreté

Omission de déclaration d’embauche d’un salarié

 

 

Cassation chambre criminelle  29 mars 2011

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris du 22 juin 2010

N° de pourvoi: 10-85180

 

Rejet

 

 

Statuant sur les pourvois formés par :

 

- M. Pierre X...,

- La société A... services immobiliers [syndic de la copropriété]

 

contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, chambre 6-1, en date du 22 juin 2010, qui les a déclarés coupables de recours à un travail dissimulé et les a dispensés de peine ;

 

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

 

Vu les mémoires produits ;

 

Sur le moyen unique de cassation, présenté pour M. X... par la société civile professionnelle Célice, Blancpain et Soltner, pris de la violation des articles L. 8221-1, L. 822’1-3, L. 8221-4, L. 8221-5, L. 8224-1, L. 8224-3, L. 8224-4 du code du travail, 121-1 du code pénal, 388, 463, 591 et 593 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, défaut de motifs et manque de base légale ;

 

”en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a déclaré M. X... et la société A... chacun coupable comme coauteur du délit de travail dissimulé par défaut de déclaration préalable à l’embauche pour un salarié, reproché à M. Y... ;

 

”aux motifs que la dissimulation d’emploi par défaut de déclaration préalable à l’embauche d’un salarié auprès de l’URSSAF au moment de son embauche est bien établie à l’encontre de M. Y..., ainsi que dit par les premiers juges mais aussi, et cette fois contrairement à l’appréciation des premiers juges, à l’encontre de la société A... services immobiliers, aux droits de A... gestion, et de M. X... alors président de cette société et pénalement responsable ; qu’en effet, le non-respect d’une telle obligation par l’employeur est par lui-même constitutif de l’infraction, M. Y..., surtout comme jeune entrepreneur amené à embaucher pour la première fois, ne justifiant d’aucune impossibilité objective à se renseigner; que M. Y... ne peut davantage invoquer pour excuse une contrainte à raison d’une urgence, qu’il ne caractérise aucunement et d’autant moins que sa situation en infraction de ce fait a été constaté le 30 mai 2006 alors qu’il n’est pas contesté qu’il employait ce salarié depuis le 8 mai 2006, soit déjà trois semaines ; que pour leur part, et compte tenu de cette même dernière constatation, la société A... services immobiliers et M. X... ne caractérisent non plus aucune situation d’urgence, alors qu’ils ne dénient pas avoir eu pleine connaissance à cette date de leurs obligations de vérification de la situation de leur prestataire de service pour ce qui est de la régularité de l’emploi de ses salariés ; que la société A... services immobiliers ne peut prétendre, aujourd’hui, à être exonérée de sa culpabilité en invoquant les dispositions de l’article R. 8222-1 du code du travail, n’ayant pas produit à la cour la convention conclue à la date de la prévention avec la société Euroclean pour permettre de vérifier que, dans le temps d’effet convenu, le montant en était inférieur à 3 000 euros ;

 

”1 °) alors qu’il appartient au juge correctionnel d’ordonner les mesures d’instruction qu’il déclare utiles à la manifestation de la vérité ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que l’élément légal de l’infraction ne pouvait être caractérisé qu’à la condition que le montant de la convention conclue excède 3 000 euros ; qu’en s’abstenant cependant de vérifier ce point au besoin en ordonnant toute mesure d’information, la cour d’appel a méconnu- son pouvoir d’instruction en violation de l’article 463 du code de procédure pénale ;

 

”2°) qu’il en va d’autant plus ainsi que la cour d’appel a constaté que la prestation litigieuse impliquait le travail d’un seul salarié sur une période d’environ un mois et demi, ce qui rendait déterminante la question de savoir si le coût de celui-ci avait effectivement excédé 3 000 euros ;

 

”3°) que de surcroît ne répond pas aux exigences du procès équitable, en violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, la cour d’appel qui, statuant à l’encontre de l’ancien président de la société A... gestion, décide qu’il y a lieu d’entrer en condamnation contre ce dernier sans vérifier si la poursuite se situait dans le champ de l’article R. 8222-1 du code du travail en se fondant sur le fait que la société A... service immobilier, venue aux droits de A... gestion, n’avait pas versé au débat la convention relative à la prestation de service litigieuse, ce dont l’ex-dirigeant ne pouvait être tenu pour responsable ;

 

”4°) alors que ne caractérise pas l’élément intentionnel de l’infraction de travail dissimulé expressément requis par l’article L. 8221-1, 3°, du code du travail et viole ce texte ainsi que ceux visés au moyen, la cour qui ne remet pas en cause le fait que la société A... gestion n’avait agi que dans le seul intérêt des résidents afin de pourvoir au remplacement du gardien et qui ne s’explique aucunement sur le moyen tiré de ce que la rémunération stipulée étant normale, ni le demandeur ni la société A... gestion ne pouvaient se voir imputer la recherche d’un bénéfice personnel du fait du non-paiement des charges sociales ;

 

”5°) alors que, si des personnes physiques et morales peuvent être poursuivies concomitamment du chef des mêmes faits et de la même infraction, la mise en oeuvre de la responsabilité de la personne morale suppose que soient établis à son encontre l’ensemble des éléments constitutifs de l’infraction poursuivie ; qu’en l’espèce, ne caractérise pas ces éléments constitutifs à l’encontre de la société A... services immobiliers en violation de l’article 121-2 du code pénal, la cour d’appel qui se borne à énoncer que cette société avait connaissance de ses obligations de vérification de la situation de son prestataire de service” ;

 

Sur le moyen unique de cassation présenté pour la société A... services immobiliers par Me Spinosi, pris de la violation des articles L. 8224-1, L. 8221-1, alinéa 1, 1 °, L. 8221-3, L. 8221-4, L. 8221-5 du code du travail, 121-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

 

”en ce que la cour d’appel a infirmé le jugement entrepris et déclaré la société A... gestion coupable comme coauteur de travail dissimulé par défaut de déclaration préalable à l’embauche pour un salarié ;

 

”aux motifs qu’il convient en préalable de rappeler que la cour ne se trouve saisie que dans les limites de la prévention, c’est à dire concrètement en l’espèce pour des faits survenus à Dammarie-les-Lys, du 8 mai au 30 juin 2006 ; qu’il doit s’en déduire en conséquence, d’une part, que la prévention n’est susceptible de s’appliquer que du chef du salarié M. A..., le seul à avoir été employé par la société Euroclean de M. Y..., au profit de la copropriété gérée alors par A... gestion, son syndic, ayant à cette date pour président M. X..., à Dammarie-les-Lys ; que de même, d’autre part, ne sont à prendre en compte que les faits reprochables survenus dans le temps ainsi déterminé de la prévention ; que, dans ces conditions et limites il doit être jugé que la dissimulation d’emploi par défaut de déclaration préalable à l’embauche d’un salarié auprès de l’URSSAF au moment de son embauche est bien établie à l’encontre de M. Y..., ainsi que dit par les premiers juges, mais aussi, et cette fois contrairement à l’appréciation des premiers juges, à l’encontre de la société A... services immobiliers, aux droits de A... gestion, et de M. X... alors président de cette société et pénalement responsable ; qu’en effet, le non-respect d’une telle obligation par l’employeur est par lui-même constitutif de l’infraction, M. Y..., surtout comme jeune entrepreneur amené à embaucher pour la première fois, ne justifiant d’aucune impossibilité objective à se renseigner ; que M. Y... ne peut davantage invoquer pour excuse une contrainte à raison d’une urgence, qu’il ne caractérise aucunement, et d’autant moins que sa situation en infraction de ce fait a été constatée le 30 mai 2006, alors qu’il n’est pas contesté qu’il employait ce salarié depuis le 8 mai 2006, soit déjà trois semaines ; que, pour leur part, et compte tenu de cette même dernière constatation, la société A... services immobiliers et M. X... ne caractérisent non plus aucune situation d’urgence, alors qu’ils ne dénient pas avoir eu pleine connaissance à cette date de leurs obligations de vérification de la situation de leur prestataire de service pour ce qui est de la régularité de l’emploi de ses salariés ; que la société A... services immobiliers ne peut prétendre, aujourd’hui, à être exonérée de sa culpabilité en invoquant les dispositions de l’article R. 8222-1 du code du travail, n’ayant pas produit à la cour la convention conclue à la date de la prévention avec la société Euroclean pour permettre de vérifier que, dans le temps d’effet convenu, le montant en était inférieur à 3 000 ;

 

”1°) alors que les vérifications mises à la charge de la personne qui conclut un contrat ne sont obligatoires que lorsque l’obligation porte sur un montant au moins égal à 3000 euros, seuil en dessous duquel l’infraction de travail dissimulé n’est pas constituée ; qu’en jugeant que la société demanderesse ne peut prétendre à être exonérée de sa culpabilité en invoquant les dispositions de l’article R. 8222-1 du code du travail, n’ayant pas produit à la cour la convention conclue à la date de la prévention avec la société Euroclean pour permettre de vérifier que, dans le temps d’action venu, le montant en était inférieur à 3 000 euros, lorsque c’est au ministère public qu’il appartenait d’établir que l’infraction était constituée en tous ses éléments et de rapporter la preuve que ce seuil avait été dépassé, rendant les vérifications mises à la charge de la société A... obligatoires, la cour d’appel a, en violation de la présomption d’innocence, inversé la charge de la preuve ;

 

”2°) alors que, l’omission de vérifier la situation administrative de la personne qui fournit la prestation est insuffisante à caractériser l’élément intentionnel du recours à une entreprise exécutant un travail dissimulé ; qu’en se bornant à relever que le non-respect de l’obligation de déclaration à l’embauche par l’employeur est par lui-même constitutif de l’infraction, sans jamais caractériser en quoi la société A... aurait sciemment réalisé l’infraction reprochée, la cour d’appel, qui n’a relevé aucun motif propre à la société demanderesse qui serait de nature à démontrer sa mauvaise foi, a privé sa décision de base légale” ;

 

Les moyens étant réunis ;

 

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société A... services immobiliers, alors dirigée par M. X..., a fait appel à la société de nettoyage Euroclean pour effectuer des travaux de nettoyage dans une résidence pour laquelle elle assurait les fonctions de syndic ; que, le 30 mai 2006, un contrôleur du travail a constaté que travaillait sur les lieux un salarié de la société Euroclean dont l’embauche n’avait pas été déclarée ; que, cités devant le tribunal correctionnel pour recours au travail dissimulé, la Société A... services immobiliers et M. X... ont été relaxés ; que le procureur de la République a interjeté appel ;

 

Attendu que, pour infirmer le jugement et déclarer la société A... services immobiliers et M. X... coupables, l’arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

 

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, qui caractérisent en tous leurs éléments, tant matériels qu’intentionnel, les délits dont elle a déclaré les prévenus coupables, la cour d’appel a justifié sa décision, dès lors qu’il est établi que les sociétés A... et Euroclean avaient conclu un contrat à exécution successive d’un montant supérieur au taux légal ;

 

D’où il suit que les moyens ne peuvent qu’être écartés ;

 

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

 

REJETTE les pourvois ;

 

 

 

commentaires

 

Cet arrêt confirme, pour les syndics de copropriété, les risques qu’ils encourent à négliger les dispositions du Code du travail et du Code pénal relatives à la lutte contre le travail dissimulé.

Il est dans la ligne de l’arrêt Cass 24-05-2005-1 .

On ne saurait, pour autant, négliger les difficultés qu’ils peuvent rencontrer à cet égard

Il faut donc faire remarquer qu’il existe une communauté évidente d’intérêt entre  les syndics, les syndicats de copropriétaires et les entreprises partenaires. Celles-ci sont aussi sévèrement sanctionnées dans les différents cas de travail dissimulé et d’infections voisines.

Il faut donc généraliser la pratique consistant à remettre au salarié la remise d’un document justifiant la régularité de sa situation, sous la forme habituelle d’une carte plastifiée.

 

Nous rappelons ci dessous les éléments fondamentaux de cette matière.

 

Le travail dissimulé

Constitue ce délit, la dissimulation intentionnelle :

- d’une activité exercée à titre indépendant, dans un but lucratif et en violation des obligations commerciales, fiscales ou sociales (non immatriculation au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, absence de déclaration auprès de l’URSSAF, de la MSA et/ou auprès de l’administration fiscale…) ;

- de tout ou partie d’un emploi salarié (absence de déclaration préalable à l’embauche, absence de bulletin de paie ou mention sur le bulletin de paie d’un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué, sauf si cette mention résulte de l’application d’une convention ou d’un accord d’annualisation du temps de travail)

Constituent également ce délit, les faux statuts : faux travailleurs indépendants, faux stagiaires, bénévoles, faux gérant mandataire… _Est également réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour l’employeur de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Peuvent être sanctionnés : l’auteur du délit (qui a dissimulé son activité professionnelle ou celle de ces salariés), ceux qui en ont profité en connaissance de cause ou ont aidé à sa réalisation (personne faisant de la publicité, complice…).

 

Le prêt illicite de main-d’œuvre

Est visée la mise à disposition à titre exclusif à but lucratif de salariés par une entreprise prestataire à une entreprise utilisatrice et ce, en dehors des cas autorisés par la loi.

Le prêteur et l’utilisateur de la main-d’œuvre peuvent être sanctionnés.

Est licite le prêt de main d’œuvre organisé dans le cadre légal fixé par le code du travail : travail temporaire, entreprise de travail à temps partagé, portage salarial, mise à disposition des salariés auprès des organisations syndicales ou des associations d’employeurs ou dans le cadre des dispositions de l’article L. 222-3 du code du sport relatives aux associations ou sociétés sportives.

Les associations intermédiaires, les entreprises de travail temporaire d’insertion, les associations de services aux personnes ainsi que les groupements d’employeurs, ainsi que les entreprises de travail à temps partagé peuvent également mettre soit à titre onéreux, soit à titre non lucratif certaines catégories de personnes à la disposition d’entreprises ou de particuliers.

 

Le marchandage

Pour que ce délit défini par l’article L 8231-1 du code du travail soit constitué, il faut établir une opération de fourniture de main d’œuvre à but lucratif qui cause préjudice au salarié ou qui élude l’application de la loi, du règlement ou de la convention collective. La fourniture de main d’œuvre ne doit pas être nécessairement exclusive.

 

L’emploi irrégulier de travailleurs étrangers et le trafic de main d’œuvre étrangère

 

Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France.

Il est également interdit à toute personne d’engager ou de conserver à son service un étranger dans une catégorie professionnelle, une profession ou une zone géographique autres que celles qui sont mentionnées, le cas échéant, sur le titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France. L’employeur est également tenu de s’assurer auprès des administrations territorialement compétentes de l’existence du titre autorisant l’étranger à exercer une activité salariée en France, sauf si cet étranger est inscrit sur la liste des demandeurs d’emploi tenue par Pôle emploi.

Peuvent être sanctionnés, les employeurs -y compris les particuliers- ou leur délégué, mais aussi les bénéficiaires de la fraude s’ils en ont eu connaissance (passeurs, transporteurs, hébergeurs, intermédiaires…).

L’étranger employé sans titre de travail est assimilé à compter de la date de son embauchage , à un travailleur régulièrement engagé en ce qui concerne les obligations de l’employeur relatives à la réglementation du travail définie au livre II du code du travail.

En cas d’accident du travail, les CPAM recouvrent auprès de l’employeur de toute personne étrangère travaillant ou ayant travaillé pour le compte de celui-ci, sans satisfaire aux conditions de régularité de séjour et de travail en France définies par la réglementation, l’indu correspondant à la totalité des dépenses qu’elles supportent pour cette personne au titre de cet accident. Il en est de même lorsque la victime se trouvait en situation de travail dissimulé au sens des articles L. 8221-3 (travail dissimulé par dissimulation d’activité) et L. 8221-5 (travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié) du code du travail.

 

 

 

 

 

 

 

Mise à jour

15/07/2011