00043608

 

CHARTE

 

Ne sont autorisées que
 1) les reproductions et copies réservées à l’usage privé, non commercial du copiste à l’exclusion de toute utilisation collective

2) les analyses et courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration

3) l’insertion d’extraits dans un ouvrage de formation

associées, pour 2) et 3) à la citation du site

 

 

 

 

Abus du droit de critiquer la gestion du syndic ; encadrement

Action du syndic fondée sur l’art. 1382 du Code civil (non)

Diffamation (oui) ; Loi du 29 juillet 1881 art. 29 et 65

Prescription de l’action du syndic

 

 

Cassation civile 1e  Chambre  25 novembre 2010

Décision attaquée : CA Montpellier du 3 novembre 2009

N° de pourvoi: 10-10732

 

Cassation sans renvoi

 

 

Sur le premier moyen :

 

Vu les articles 29 et 65 de la loi du 29 juillet 1881 ;

Attendu que les abus de la liberté d’expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 ne peuvent être réparés sur le fondement de l’article 1382 du code civil ;

Attendu que Mme X... a adressé diverses correspondances, dont certaines en copie à d’autres copropriétaires, à Mme Y... syndic de l’immeuble dont elle est copropriétaire mettant en cause son aptitude à gérer ; que Mme Y... a alors exercé le 13 février 2007 contre Mme X... une action en responsabilité sur le fondement de l’article 1382 du code civil pour répondre de faits de harcèlement commis entre les mois de septembre 2004 et janvier 2005, constitutifs d’un usage abusif du droit de critique portant atteinte à son honneur et à sa considération ; que Mme X... s’est alors prévalue de la prescription de l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 ;

 

Attendu que pour condamner Mme X... à payer à Mme Lydie Y... la somme de 2 500 euros à titre de dommages-intérêts, la cour d’appel a énoncé par motifs propres que par ses écrits accusatoires et incessants caractérisant un véritable harcèlement à l’égard de Mme Y..., Mme X... avait manifestement franchi les limites normales et acceptables du droit de chacun des copropriétaires de critiquer la gestion de la copropriété par le syndic, que l’exercice, par les concierges de la résidence, d’une activité illégale de gestion locative d’appartements ne saurait justifier le ton outrancier de ces courriers qui s’étaient succédés à un rythme soutenu en un court laps de temps, que cet abus de droit avait causé à Mme Y... un préjudice moral constitué notamment par une atteinte à son honneur, et par motifs adoptés, que les correspondances litigieuses adressées à Mme Y... par Mme X... en date des 10 septembre 2004, 31 octobre 2004, 20 novembre 2004, 21 décembre 2004, 3 janvier 2005, 4 janvier 2005, 11 janvier 2005, 13 janvier 2005 et 14 janvier 2005, démontraient, par leur ton, leur contenu, leur nombre et la période limitée dans laquelle elles ont été envoyées, le contexte polémique et non seulement informatif dans lequel elles s’inscrivaient ainsi que le véritable harcèlement exercé sur leur destinataire dont il ne peut être sérieusement discuté que l’honnêteté et la compétence sont régulièrement et à plusieurs reprises mises en doute de façon insidieuse voire accusatoire et qu’elle se voit interpellée de façon massive, répétée et incessante, ainsi que tenue pour responsable de dysfonctionnements excessivement nombreux d’importance inégale, qu’ainsi en est-il du courrier du 10 septembre 2004 aux termes duquel Mme X... reproche à Mme Y... de ne pas avoir utilisé de moyens coercitifs à l’encontre des concierges et ajoute que cela pourrait devenir de la complicité et donc de l’escroquerie, qu’il en est de même du courrier du 20 novembre 2004 aux termes duquel Mme X... déclare entrevoir l’esquisse d’une manœuvre de la part de Mme Y... au sujet d’irrégularités dans l’envoi des convocations à l’assemblée générale ;

 

Qu’en statuant ainsi, alors que les propos relevés, diffusés auprès de plusieurs copropriétaires, imputant à Mme Y... des faits mettant en cause sa compétence, son honnêteté et l’accusant de transgresser les lois et règlements, portaient atteinte à sa considération et constituaient donc des diffamations, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

 

Et vu l’article 627, alinéa 2, du code de procédure civile ;

 

Attendu que la prescription de trois mois édictée par l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881, qui n’a pas été interrompue par des actes de poursuite réguliers au regard des dispositions de cette loi, se trouve acquise, de sorte qu’il ne reste rien à juger ;

 

 

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

 

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 3 novembre 2009, entre les parties, par la cour d’appel de Montpellier ;

 

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

 

DECLARE l’action prescrite ;

 

Condamne Mme Y... aux dépens de la présente instance ainsi qu’aux dépens afférents aux instances devant les juges du fond ;

 

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne Mme Y... à Mme X... la somme de 2 000 euros ; rejette la demande de Mme Y... ;

 

 

Commentaires

 

Sur le plan juridique, on ne peut qu’approuver la cassation.

L’arrêt indique que « Mme Y... a alors exercé le 13 février 2007 contre Mme X... une action en responsabilité sur le fondement de l’article 1382 du code civil pour répondre de faits de harcèlement commis entre les mois de septembre 2004 et janvier 2005, constitutifs d’un usage abusif du droit de critique portant atteinte à son honneur et à sa considération ».

Si on se tient à cette formulation, on relève des « faits de harcèlement » qui auraient pu relever de l’article 1382 du Code civil ; mais ils sont déclarés « constitutifs d’un usage abusif du droit de critique portant atteinte à son honneur et à sa considération ». On entre alors dans le champ d’application de la loi du 29 juillet 1881 dont les articles  29 et 65 édictent un délai de prescription de trois mois.

 

Curieusement, le monde de la copropriété ignore totalement cette loi ancienne pourtant célèbre. On peut en dire autant de certains de ses partenaires. Certaines organisations professionnelles sont tombées dans ce piège à l’occasion d’actions engagées contre des associations de consommateurs. C’est un syndic indépendant qui, mieux avisé, a pu calmer des ardeurs excessives.

 

De l’exposé des faits on pourra néanmoins tirer quelques enseignements sur des pratiques critiquables. On note que « la cour d’appel a énoncé par motifs propres que par ses écrits accusatoires et incessants caractérisant un véritable harcèlement à l’égard de Mme Y..., Mme X... avait manifestement franchi les limites normales et acceptables du droit de chacun des copropriétaires de critiquer la gestion de la copropriété par le syndic ». Elle reprenait à ce titre la décision du Tribunal de Grande Instance.

Il existe un droit pour chacun des copropriétaires de critiquer la gestion de la copropriété par le syndic. Ce droit ne peut être exercé que dans un cadre normal et acceptable.

 

 

 

MOYENS ANNEXES au présent arrêt.

 

Moyens produits par la SCP Lesourd, avocat aux Conseils, pour Mme X....

 

 

PREMIER MOYEN DE CASSATION

 

 

Il est reproché à l’arrêt attaqué, d’AVOIR condamné Mme X... à payer à Mme Lydie Y... la somme de 2 500 € à titre de dommages-intérêts ;

 

AUX MOTIFS QU’il convenait de confirmer les motifs pertinents par lesquels le premier juge, après une analyse minutieuse des pièces produites, avait condamné Véronique X... à payer à Lydie Y... la somme de 2 500 € à titre de dommages-intérêts en retenant en substance que, par ses écrits accusatoires et incessants caractérisant un véritable harcèlement à son égard, elle avait manifestement franchi les limites normales et acceptables du droit de chacun des copropriétaires de critiquer la gestion de la copropriété par le syndic ; que l’exercice, par les concierges de la résidence, d’une activité illégale de gestion locative d’appartements ne saurait justifier le ton outrancier de ces courriers qui s’étaient succédés à un rythme soutenu en un court laps de temps ; que cet abus de droit avait causé à Mme Y... un préjudice moral constitué notamment par une atteinte à son honneur ; que la cour partageait entièrement cette analyse qui procédait d’une exacte appréciation des faits de la cause et d’une juste application du droit aux moyens et prétentions des parties ; qu’en l’absence de production de toute nouvelle pièce justificative, ainsi que de tout moyen ou argument nouveau, il convenait donc de confirmer la décision déférée par adoption de ses motifs sans y ajouter ni retrancher quoi que ce soit ;

 

AUX MOTIFS REPRIS DU TRIBUNAL QUE les correspondances litigieuses adressées à Mme Y... par Mme X... étaient en date des 10 septembre 2004, 31 octobre 2004, 20 novembre 2004, 21 décembre 2004, 3 janvier 2005, 4 janvier 2005, 11 janvier 2005, 13 janvier 2005 et 14 janvier 2005 ; que ces correspondances démontraient, par leur ton, leur contenu, leur nombre et la période limitée dans laquelle elles ont été envoyées, le contexte polémique et non seulement informatif dans lequel elles s’inscrivaient ; qu’au vu de l’ensemble des éléments portés à la connaissance du tribunal, il était démontré que Mme X... avait manifestement franchi les limites normales et acceptables d’un droit à contestation et à critique, que le préjudice moral de Mme Y..., constitué notamment par l’atteinte à son honneur, était démontré dans son principe et était en lien direct avec la faute commise par Mme X... ;

 

ALORS 1°) QUE, aux termes de l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881, l’action résultant des crimes, délits et contraventions prévus par cette loi se prescrit par trois mois révolus à compter du jour où ils auront été commis ou du jour du dernier acte d’instruction ou de poursuite s’il en a été fait ; que sont visées par ce texte notamment les allégations ou imputations de faits portant atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne qui en est l’objet ; que cette prescription s’applique également lorsque la réparation d’une atteinte à l’honneur est recherchée devant les juridictions civiles ; qu’il apparaît de l’exploit introductif d’instance et des motifs du jugement que Mme Y... a dénoncé des faits constitutifs d’une atteinte à son honneur et à sa considération qui ont tous été commis entre les mois de septembre 2004 et janvier 2005 ; que l’exploit introductif d’instance étant en date du 13 février 2007, la prescription était acquise et il appartenait au juge du fond de la relever, même d’office, s’agissant d’une prescription d’ordre public ;

 

ALORS 2°) QUE les abus de la liberté d’expression, prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 et par l’article R. 621-1 du Code Pénal ne peuvent être poursuivis et réparés sur le fondement de l’article 1382 du code civil ; qu’en l’espèce, le syndic ayant recherché la réparation de faits ayant porté atteinte à son honneur ou à sa considération commis entre septembre 2004 et janvier 2005, la prescription était acquise et l’action de Mme Y..., engagée sur le fondement de l’article 1382 du code civil, irrecevable ;

 

ALORS ENFIN QUE les juges sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu’en l’espèce, en cause d’appel, Mme X... avait, dans ses conclusions écrites, opposé une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action engagée par Mme Y... pour rechercher la réparation de faits ayant porté atteinte à son honneur ou à sa considération ; qu’en omettant de s’expliquer sur ce moyen, la cour a entaché sa décision d’un défaut de réponse à conclusions.

 

SECOND MOYEN (SUBSIDIAIRE) DE CASSATION

 

Il est reproché à l’arrêt d’AVOIR condamné Mme Véronique X... à payer à Mme Lydie Y... la somme de 2 500 € à titre de dommages-intérêts ;

 

AUX MOTIFS QUE les motifs pertinents par lesquels le premier juge, après une analyse minutieuse des pièces produites, avait condamné Véronique X... à payer à Lydie Y... la somme de 2 500 € à titre de dommages-intérêts en retenant en substance que, par ses écrits accusatoires et incessants caractérisant un véritable harcèlement à son égard, elle avait manifestement franchi les limites normales et acceptables du droit de chacun des copropriétaires de critiquer la gestion de la copropriété par le syndic devaient être confirmés ; que l’exercice, par les concierges de la résidence, d’une activité illégale de gestion locative d’appartements ne saurait justifier le ton outrancier de ces courriers qui se sont succédés à un rythme soutenu en un court laps de temps ; que cet abus de droit avait causé à Mme Y... un préjudice moral constitué notamment par une atteinte à son honneur ;

 

ALORS 1°) QUE, les articles 21 de la loi du 10 juillet 1965 et 26 du décret du 17 mars 1967 prévoient l’existence dans tout syndicat de copropriété d’un conseil syndical qui assiste le syndic et contrôle sa gestion ; qu’à ce titre, tout membre du conseil syndical a le devoir d’adresser au syndic les observations qui s’imposent dans l’exercice de cette mission de contrôle ; qu’il n’est pas contesté que Mme X... était membre du conseil syndical et qu’elle avait été spécialement chargée du contrôle des comptes de la copropriété ; que, dès lors que le syndic n’avait pas réagi aux observations qui lui avaient été faites et qui se rapportaient à des manquements précis, Mme X..., ès qualités n’a commis aucune faute justifiant l’octroi de dommages-intérêts en adressant à celui-ci les courriers prétendument constitutifs de harcèlement ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a tout simplement violé l’article 1382 du code civil, ensemble les articles 21 de la loi du 10 juillet 1965 et 26 du décret du 17 mars 1967 ;

 

ALORS 2°) QUE, dans ses écritures, Mme X... s’était expliquée très précisément sur le contenu de chacun des courriers incriminés et avait démontré qu’ils se rapportaient à des faits précis dont la preuve avait été apportée, ce qui était de nature à démontrer les multiples carences du syndic et à justifier les correspondances qui les avaient dénoncées lesquelles, dès lors, n’étaient constitutives d’aucune faute ; qu’en se bornant à entrer en voie de condamnation à l’encontre de Mme X... par une motivation générale qui ne s’explique à aucun moment sur le bien-fondé des manquements concrets reprochés au syndic dans ces courriers, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du code civil ;

 

ALORS 3°) QU’aucun des motifs énoncés par les premiers juges d’appel et le premier juge ne caractérise un ton outrancier justiciable de l’application de l’article 1382 du code civil.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mise à jour

04/12/2010