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Cass Chambre mixte 24/02/2017

 

 

Vous trouverez ci-après : 

Le texte de l’arrêt

Le moyen annexé

La note établie par le service de documentation de la Cour de cassation

 

ARRÊT

La Cour de cassation, siégeant en chambre mixte, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par Mme Corinne X..., domiciliée (...), 06000 Nice,

contre l’arrêt rendu le 23 avril 2015 par la cour d’appel de d’Aix-en-Provence (11e chambre B), dans le litige l’opposant à la société Lepante, société civile immobilière, dont le siège est 10 avenue Georges Clemenceau, 06000 Nice,

défenderesse à la cassation :

Par arrêt du 6 octobre 2016, la troisième chambre civile a renvoyé le pourvoi devant une chambre mixte. Le premier président a, par ordonnance du 6 février 2017, indiqué que cette chambre mixte serait composée des première, troisième chambres civiles et de la chambre commerciale, financière et économique ;

La demanderesse invoque, devant la chambre mixte, le moyen de cassation annexé au présent arrêt ;

Ce moyen unique a été formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par Me Le Prado, avocat de Mme X... ;

Des premières observations en défense et un mémoire complémentaire ont été déposés au greffe de la Cour de cassation par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Lepante ;

Des observations complémentaires ont été déposées par Me Le Prado, avocat de Mme X... ;

Des observations en vue de l’audience ont été déposées par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Lepante ;

Le rapport écrit de Mme Graff-Daudret, conseiller, et l’avis écrit de M. Sturlèse, avocat général, ont été mis à la disposition des parties ;

(...)

Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, assistée de M. Turlin, directeur des services de greffe au service de documentation, des études et du rapport, les observations de Me Le Prado et de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, l’avis de M. Sturlèse, avocat général, auquel Me Le Prado et la SCP Lyon-Caen et Thiriez, invités à le faire, ont répliqué, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

 

Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 23 avril 2015), que la SCI Lepante, représentée par la société Immobilière Parnasse, agent immobilier, a, le 29 octobre 2012, fait délivrer à Mme X..., locataire depuis le 15 mai 2007 d’un local à usage d’habitation lui appartenant, un congé avec offre de vente pour le 14 mai 2013 ; que Mme X... l’a assignée en nullité du congé ;

Attendu que Mme X... fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande en nullité du congé pour vente et d’ordonner son expulsion alors, selon le moyen :

1°/ que le congé pour vente s’analysant en une offre de vente, l’agent immobilier doit être en possession d’un mandat spécial pour procéder à sa délivrance ; qu’en se bornant à énoncer que la société Parnasse immobilier avait été mandatée pour procéder à la vente du bien au motif qu’elle avait reçu un mandat de gestion et d’administration l’autorisant à délivrer “tous congés”, sans relever l’existence d’un mandat spécial aux fins de délivrer un congé pour vendre, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1 et 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et de l’article 72 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 ;

2°/ qu’un mandat pour vendre confié à un agent immobilier n’est valable que s’il est écrit et s’il mentionne une durée et un numéro d’inscription ; que pour débouter Mme X... de son action en nullité du congé et juger que la société Parnasse immobilier avait qualité pour faire délivrer un congé pour vendre, la cour d’appel s’est fondée sur une correspondance de la SCI Lepante adressée à la société Parnasse immobilier ; qu’en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette correspondance respectait les formalités obligatoires du mandat pour vendre confié à un agent immobilier, et notamment s’il mentionnait une durée et un numéro d’inscription sur le registre des mandats, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1 et 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et de l’article 72 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 ;

Mais attendu, d’une part, qu’ayant retenu que la société Immobilière Parnasse, titulaire d’un mandat d’administration et de gestion, avec pouvoir de donner tous congés, et d’une lettre datée du 19 octobre 2012 la mandatant spécialement pour vendre le bien occupé par Mme X... au terme du bail moyennant un certain prix et pour lui délivrer congé, la cour d’appel a procédé à la recherche prétendument omise ;

Et attendu, d’autre part, qu’il résulte des articles 1, 6 et 7 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et 72 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 que le mandat doit comprendre une limitation de ses effets dans le temps et que l’agent immobilier doit mentionner tous les mandats par ordre chronologique sur un registre des mandats à l’avance coté sans discontinuité et relié, et reporter le numéro d’inscription sur l’exemplaire du mandat qui reste en la possession du mandant ; que la Cour de cassation jugeait jusqu’à présent que ces dispositions, qui sont d’ordre public, sont prescrites à peine de nullité absolue, pouvant être invoquée par toute partie qui y a intérêt (1re Civ., 25 février 2003, pourvoi n° 01-00.461 ; 3e Civ., 8 avril 2009, pourvoi n° 07-21.610, Bull. 2009, III, n° 80) ;

Que la nullité est absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l’intérêt général, tandis que la nullité est relative lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde d’un intérêt privé ;

Que par la loi du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, dite loi Hoguet, le législateur a entendu, tout à la fois, réguler la profession d’agent immobilier et protéger sa clientèle ; que la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et à un urbanisme rénové, comme il ressort de son étude d’impact, et la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques répondent aux mêmes préoccupations ;

Que la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 encadre la délivrance d’un congé pour vendre au locataire d’un local à usage d’habitation qui constitue sa résidence principale, en posant notamment des conditions de délai, en ouvrant un droit de préemption et en imposant la délivrance d’une notice d’information avec le congé ;

Que l’évolution du droit des obligations, résultant de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, conduit à apprécier différemment l’objectif poursuivi par les dispositions relatives aux prescriptions formelles que doit respecter le mandat, lesquelles visent la seule protection du mandant dans ses rapports avec le mandataire ;

Que l’existence de dispositions protectrices du locataire, qui assurent un juste équilibre entre les intérêts de ce dernier et ceux du bailleur, et la finalité de protection du seul propriétaire des règles fixées par les articles 7, alinéa 1, de la loi du 2 janvier 1970 et 72, alinéa 5, du décret du 20 juillet 1972 conduisent à modifier la jurisprudence et à décider que la méconnaissance des règles précitées doit être sanctionnée par une nullité relative ;

Que, dès lors, la cour d’appel n’était pas tenue d’effectuer une recherche inopérante relative à la mention de la durée du mandat et au report, sur le mandat resté en possession du mandant, d’un numéro d’inscription sur le registre des mandats ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les autres branches du moyen, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Ch. mixte, 24 février 2017 REJET

N° 15-20.411. - CA Aix-en-Provence, 23 avril 2015.

M. Louvel, P. Pt. - Mme Graff-Daudret, Rap., assistée de M. Turlin, directeur des services de greffe. - M. Sturlèse, Av. Gén. - Me Le Prado, SCP Lyon-Caen et Thiriez, Av.

 

 

MOYEN ANNEXÉ au présent arrêt

Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour Mme X....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué,

D'Avoir débouté Mme Corinne X... de sa demande en nullité du congé pour vente délivré le 29 octobre 2012 et ordonné son expulsion ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « la SCI Lepante, agissant par poursuites et diligences de la société Parnasse immobilier, a fait délivrer à Corinne X... le 29 octobre 2012 un congé avec offre de vente pour le 14 mai 2013 concernant divers locaux à usage d'habitation situés au... à Nice dont Corinne X... est locataire en vertu d'un bail sous seing privé en date du 27 avril 2007 ; la SCI Lepante a donné le 12 juillet 2006 mandat d'administration et gestion à l'Immobilière Parnasse d'un immeuble sis... à Nice composé de huit appartements et deux commerces ; le mandat prévoit expressément que le mandataire a pouvoir de donner tous congés ; la SCI Lepante verse en outre à la procédure une correspondance en date du 19 octobre 2012 informant Parnasse immobilier de son intention de vendre le bien occupé par Corinne X... au terme du bail pour un prix de 280 000 euros, correspondance qui mandate spécialement Parnasse immobilier pour délivrer congé par l'intermédiaire d'un huissier ; que le gérant, en vertu de l'article 18- V des statuts de la SCI Lepante, dans les rapports avec les tiers, engage la société pour les actes entrant dans l'objet social ; que les statuts de la SCI Lepante prévoient à l'article 2 que la société a pour objet « l'aliénation de ceux de ses immeubles devenus inutiles à la société au moyen de la vente » ; pour la réalisation de cet objet, la gérance peut effectuer toutes opérations non susceptibles de porter atteinte à la nature civile de l'activité sociale » ; qu'en conséquence, la SCI Lepante, par son gérant, était habilitée à délivrer congé pour vente sans autorisation de l'assemblée générale des associés ; que le congé précise qu'il concerne divers locaux à usage d'habitation occupés en vertu d'un bail sous seing privé du 27 avril 2007 situés :..., étage 3, 06000 Nice ; que la détermination des lieux offerts à la vente, qui sont les lieux loués par Corinne X... depuis 2007 que celle-ci connaît donc parfaitement, est établie ainsi sans ambiguïté ni imprécision ; que le fait qu'une erreur figure dans le bail sur le numéro du lot objet de la location est sans incidence sur la validité du congé qui comporte les conditions de la vente avec la référence du prix et des lieux conformément à l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 ; que Corinne X... sera en conséquence déboutée de sa demande en nullité du congé pour vente et le jugement déféré confirmé de ce chef » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « I – Sur la validité du congé pour vendre : il résulte des dispositions de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 que lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé peut être justifié par sa décision de vendre le logement, et lorsqu'il est fondé sur la décision de vendre le logement, le congé doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente projetée ; que Mme Corinne X... soutient tout d'abord que la SCI Lepante n'a pas donné de mandat spécial à la SARL Immobilière Parnasse pour vendre le bien immobilier ; que le congé pour vente qui a été délivré à Mme Corinne X... doit s'analyser en un acte de disposition et non de gestion puisqu'il résulte des dispositions de l'article 15 précité que « le congé vaut offre de vente au profit du locataire » ; que l'article 69 du décret du 20 juillet 1972 dispose que le titulaire d'une carte professionnelle doit avoir reçu un mandat spécial correspondant aux dispositions des articles 72 et suivants à l'effet de procéder à l'opération dont s'agit, notamment pour vendre le bien géré ; que l'article 6 de la loi du 2 janvier 1970 et l'article 72 auquel il est fait référence à l'article 69 susvisé exigent à peine de nullité la délivrance d'un mandat écrit préalablement à l'article 1er de ladite loi, notamment la vente de l'appartement, laquelle est soumise à diverses formalités ; qu'en l'espèce, il résulte du mandat d'administration de biens conclu entre la SCI Lepante et SARL Immobilière Parnasse le 12 juillet 2006 que « le mandataire a pouvoir de donner et accepter tous congés » ; que ce mandat spécial respecte donc les exigences prévues aux dispositions des articles susvisés, de sorte que la nullité du congé pour vendre ne peut être prononcée sur ce fondement, et ce nonobstant le fait que le mandat ne soit pas produit en original ; que Mme Corinne X... fait ensuite valoir que le gérant ne pouvait décider seul de vendre l'immeuble sans l'autorisation de l'assemblée générale des associés ; qu'il résulte des dispositions de l'article 1849 du code civil que dans les rapports avec les tiers, le gérant engage la société pour les actes entrant dans l'objet social ; qu'en l'espèce, il est indiqué à l'article 2 des statuts de la société que la société a pour objet « l'aliénation de ceux de ses immeubles devenus inutiles à la société au moyen de la vente (…) Pour la réalisation de cet objet, la gérance peut effectuer toutes opérations non susceptibles de porter atteinte à la nature civile de l'activité sociale » ; que dès lors, la SCI Lepante était donc habilitée à délivrer le congé pour vente sans autorisation de l'assemblée générale des associés ; que Mme Corinne X... soutient aussi que la nullité du congé doit être prononcée puisqu'elle ne connaît pas la surface de l'appartement qu'elle occupe et que le congé ne fait état que de « divers locaux » ; qu'en l'espèce, le congé qui a été délivré à Mme Corinne X... est ainsi rédigé « vous êtes locataires de divers locaux à usage d'habitation sis à..., etg 3 – 06000 Nice ainsi qu'il résulte d'un bail sous seing privé en date du 27 avril 2007 conclu à Nice consenti pour une durée de 36 mois ayant pris effet le 15 mai 2007 pour se terminer le 14 mai 2010, renouvelable et reconductible selon les modalités prévues par les textes en vigueur ; que le requérant entend se prévaloir de l'article 15-1 de la loi du 6 juillet 1989 pour refuser le renouvellement du bail en vue de vendre lesdits locaux » ; qu'il est indiqué dans le contrat de bail conclu le 26 avril 2007 entre Mme Corinne X... et la SCI Lepante que les locaux loués correspondant à « un 4 pièces, 3 chambres, séjour, cuisine salle de bain avec wc et balcon, formant le lot n° 7 est un appartement de type F2 et que le lot n° 8 est un appartement de type F4 ; que dès lors que le congé fait précisément référence à l'appartement sis à ..., étage 3 – 06000 Nice, la détermination des lieux offerts à la vente, qui sont exactement les lieux loués, est établie sans ambiguïté ; qu'en conséquence, la circonstance que la mention du lot et des tantièmes de copropriété indiqués dans le bail soit erronée et que le congé ne fasse pas mention de la superficie de l'appartement (la locataire qui occupe les lieux est à même d'en déterminer la surface), n'ont pas pour effet de rendre nulle l'offre de vente qui comporte les conditions de la vente avec la référence des lieux et le prix, répondant ainsi aux dispositions de l'article 15 II de la loi du 6 juillet 1989 ; que Mme Corinne X... ne peut valablement arguer que l'appartement qui lui a été donné à bail avait déjà été vendu, et ce en fraude de ses droits, dans la mesure où il résulte de l'attestation établie par Me Z..., notaire, que le lot qui a été vendu est le lot n° 7, désigné par erreur comme étant le lot n° 8 ; qu'en conséquence Mme Corinne X... sera déboutée de sa demande de nullité du congé pour vente » ;

1) ALORS QUE le congé pour vendre s'analysant en une offre de vente, l'agent immobilier doit être en possession d'un mandat spécial pour procéder à sa délivrance ; qu'en se bornant à énoncer que la société Parnasse immobilier avait été mandatée pour procéder à la vente du bien au motif qu'elle avait reçu un mandat de gestion et d'administration l'autorisant à délivrer « tous congés », sans relever l'existence d'un mandat spécial aux fins de délivrer un congé pour vendre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1er et 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et de l'article 72 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 ;

2) ALORS QUE, un mandat pour vendre confié à un agent immobilier n'est valable que s'il est écrit et s'il mentionne une durée et un numéro d'inscription ; que pour débouter Mme Corinne X... de son action en nullité du congé et juger que la société Parnasse immobilier avait qualité pour faire délivrer un congé pour vendre, la cour d'appel s'est fondée sur une correspondance de la société SCI Lepante adressée à la société Parnasse immobilier ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette correspondance respectait les formalités obligatoires du mandat pour vendre confié à un agent immobilier, et notamment s'il mentionnait une durée et un numéro d'inscription sur le registre des mandats, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1er et 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 ainsi que l'article 72 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972.

3) ALORS QUE le congé pour vendre doit comporter précisément la désignation du bien proposé à la vente ; que pour écarter la demande en nullité du congé pour vendre pour imprécision de son objet, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que le congé précisait qu'il portait sur divers locaux à usage d'habitation situés..., étage 3, 06000 Nice ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si les locaux étaient précisément décrits dans le congé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 15 II de la loi du 6 juillet 1989 ;

4°) ALORS QUE, dans ses conclusions d'appel, Mme Corinne X... faisait valoir que le congé pour vente du 29 octobre 2012 était frauduleux, le bailleur n'ayant eu aucune intention de lui vendre le bien, mais souhaitant expulser sa locataire de son logement, compte tenu du litige l'opposant à son mandataire ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

 

 

 

Un extrait de l’avis de l’avocat général est paru au JCP 2017, éd. G, II, 305. Un commentaire de cette décision est paru au JCP 2017, éd. N, Act., n° 294. Voir également le JCP 2017, éd. G, Act., 234, et II, 306, note Geneviève Pignarre, et chron. 325, spéc. n° 5, note Yves-Marie Serinet, et le D. 2017, p. 793, note Bénédicte Fauvarque-Cosson.

 

 

Note établie par le service de documentation de la Cour de cassation

 

 

Note sous chambre mixte, 24 février 2017

Par le présent arrêt, la chambre mixte de la Cour de cassation, opérant un revirement de jurisprudence, décide que les dispositions des articles 7, alinéa 1, de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, dite “loi Hoguet”, et 72, alinéa 5, du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 fixant les conditions d’application de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 visent la seule protection du mandant dans ses rapports avec le mandataire et que leur méconnaissance doit être sanctionnée par une nullité relative.

Le litige était le suivant : un locataire s’était vu délivrer un congé pour vendre par l’intermédiaire d’un agent immobilier, mandaté par le bailleur. Cet agent était titulaire d’un mandat d’administration et de gestion du bien donné à bail, à usage d’habitation, comportant le pouvoir de “donner tous congés”. A l’approche du terme du bail, et sur interpellation de l’agent immobilier, le propriétaire lui avait indiqué, dans une lettre, qu’il le mandatait pour vendre l’appartement moyennant un certain prix et délivrer congé au locataire. Le locataire a alors assigné le bailleur en nullité du congé, en invoquant la violation des prescriptions formelles de la “loi Hoguet” et de son décret d’application. Il faisait, plus précisément, valoir que l’agent immobilier ne justifiait pas d’un mandat spécial pour délivrer congé pour vendre et qu’en toute hypothèse, la lettre le mandatant ne mentionnait pas la durée du mandat et ne comportait pas le numéro d’inscription du mandat sur le registre des mandats, en violation, respectivement, des articles 6 et 7, alinéa 1, de la loi du 2 janvier 1970 et 72, alinéa 5, du décret du 20 juillet 1972. L’arrêt de la cour d’appel attaqué par le pourvoi a rejeté l’ensemble des demandes du locataire.

La chambre mixte de la Cour de cassation considère, tout d’abord, que le mandat spécial requis, sur le fondement de la “loi Hoguet”, pour qu’un agent immobilier puisse délivrer congé pour vendre a bien été caractérisé par la cour d’appel.

La question principale ayant motivé la saisine de la formation solennelle de la Cour de cassation résidait dans le grief portant sur la conformité du mandat aux prescriptions formelles de la “loi Hoguet”, et le point de savoir si le locataire, tiers au contrat de mandat, pouvait se prévaloir de la violation des dispositions de cette loi.

Jusqu’ici, une jurisprudence bien établie et concordante des première et troisième chambres civiles de la Cour de cassation énonçait qu’il résulte des articles 1 et 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 précitée que les conventions conclues avec des personnes physiques ou morales se livrant ou prêtant d’une manière habituelle leur concours aux opérations portant sur les biens d’autrui doivent respecter les conditions de forme prescrites par l’article 72 du décret du 20 juillet 1972 précité à peine de nullité absolue, qui peut être invoquée par toute partie y ayant intérêt (1re Civ., 25 février 2003, pourvoi n° 01-00.461 ; 3e Civ., 8 avril 2009, pourvoi n° 07-21.610, Bull. 2009, III, n° 80).

La solution était guidée par l’idée que la “loi Hoguet” avait, ainsi qu’il résulte clairement de ses travaux préparatoires, pour vocation tant de réglementer et assainir la profession d’agent immobilier que de protéger les clients de celle-ci : un double objectif, donc, répondant à l’impératif d’un ordre public de direction et d’un ordre public de protection, le premier ayant la primauté sur le second et conduisant, classiquement, à la nullité absolue des conventions conclues en violation des dispositions assurant la protection de ces impératifs.

Il reste que le tiers au contrat de mandat qui réclamait ici la protection des dispositions légales d’ordre public, en l’occurrence le locataire, bénéficie d’une protection particulière, depuis la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 (indication du motif du congé, droit de préemption et préavis). Et celle-ci a été singulièrement renforcée par les lois récentes, loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové et loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, lesquelles ont, notamment, allongé, dans certains cas, le délai de préavis et prévu une notice d’information.

Or la nature de la nullité détermine les titulaires du droit de critique de l’acte irrégulier. La nullité absolue peut être demandée par toute personne justifiant d’un intérêt, tandis que la nullité relative ne peut être demandée que par la partie que la disposition transgressée entend protéger. L’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations a consacré la distinction jurisprudentielle entre nullité absolue et nullité relative fondée sur la nature de l’intérêt protégé, en énonçant que “la nullité est absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l’intérêt général. Elle est relative lorsque la règle violée a pour seul objet la sauvegarde d’un intérêt privé” (article 1179, modifié, du code civil).

Cette évolution du droit des obligations conduit la chambre mixte de la Cour de cassation à apprécier différemment l’objectif poursuivi par le législateur à travers les dispositions de la “loi Hoguet”, en cernant, précisément, celui de chaque disposition légale, ce qui l’amène à décider que les prescriptions formelles de cette loi, dont la violation était alléguée par la locataire, visent la seule protection du mandant dans ses rapports avec le mandataire.

En outre, les lois récentes de 2014 et 2015 précitées instituent de nouveaux mécanismes de régulation de la profession d’agent immobilier (obligation de formation continue, mise en place d’un code de déontologie, d’instances disciplinaires et de contrôles ciblés de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), édiction de nouvelles sanctions pénales et administratives). La chambre mixte en déduit que l’ordre public de direction n’a plus à être assuré par les parties au procès.

Dès lors, eu égard au principe de proportionnalité que la Cour européenne des droits de l’homme et la Cour de justice de l’Union européenne commandent au juge de respecter, la chambre mixte considère que les dispositions protectrices du locataire assurent un juste équilibre entre les intérêts de ce dernier et ceux du bailleur.

Elle retient en conséquence que la recherche demandée par la locataire, portant sur la mention de la durée du mandat et le report sur le mandat resté en la possession du mandant du numéro d’inscription du mandat sur le registre des mandats était inopérante, le locataire n’ayant pas qualité pour se prévaloir des irrégularités de forme affectant le mandat.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mise à jour

17/06/2017