Loueur d’échafaudage pour un chantier

Commande passée par l’entrepreneur

Qualité de sous-traitant du loueur (non)

Coût de l’échafaudage dû par le maître d’ouvrage (non)

 

 

 

Cassation  civile 3e  23 janvier 2002            Rejet.

Cour d’appel de Versailles, 09-05-2000

N° de pourvoi : 00-17759

 

 

Sur le moyen unique :

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Versailles, 9 mai 2000), que la société civile immobilière du Carillon (la SCI) a confié à la société Chérif un marché de travaux concernant une opération immobilière à Nanterre ; que cette dernière a fait appel à la société Entrepose Echafaudages (Entrepose) pour la location d’échafaudages avec main-d’oeuvre, laquelle, après placement en liquidation judiciaire de la société Chérif, a déclaré sa créance et en a adressé copie à la SCI en en réclamant le paiement ;

 

Attendu que la société Entrepose fait grief à l’arrêt de déclarer irrecevable sa demande à l’encontre de la SCI, alors, selon le moyen :

 

1° que le juge a l’obligation de restituer aux actes leur exacte qualification sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposé ; qu’en se fondant sur la seule qualification de location de matériel avec main d’oeuvre donnée par la société Entrepose dans le devis et les factures par elle établis, pour se borner à relever que rien dans le devis comme dans les factures n’établissait la réalité de prestations relevant d’une spécificité particulière ou de l’absence de subordination du personnel mis à disposition pour la pose et la dépose, la cour d’appel, qui n’a pas satisfait aux exigences de son office, n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article 1er de la loi du 31 décembre 1975, ensemble l’article 12 du nouveau Code de procédure civile ;

 

2° que la qualification d’un contrat de sous-traitance est subordonnée à la seule condition qu’ait été confiée l’exécution de travaux pour le maître de l’ouvrage, sous la responsabilité de l’entreprise sous-traitante, dont l’entreprise principale se trouve déchargée ; qu’en retenant, après avoir relevé la nécessité d’études techniques parfois complexes prenant en compte les caractéristiques du bâtiment à échafauder et les impératifs de sécurité en l’espèce allégués, que l’entreprise qui se livre à de telles études, puis procède au montage du matériel, ne participait pas directement, par apport de conception, d’industrie ou de matière, à l’acte de construire objet du marché principal, mais se limitait à mettre à la disposition d’un locateur d’ouvrage le matériel adapté dont il a besoin pour mener à bien sa tâche, pour refuser à l’auteur de ses prestations la qualité de sous-traitant, la cour d’appel a violé, par refus d’application, l’article 1er de la loi du 31 décembre 1975 ;

 

3° qu’en se prononçant de la sorte pour écarter les présomptions invoquées devant elle par la société Entrepose, tirées en particulier de la mention sur les comptes-rendus de chantier de la présence d’un représentant de la société entrepose désignée comme entreprise sous-traitante de la société chérif, sans rechercher si ces éléments n’étaient point de nature à établir l’absence de subordination du personnel de la société Entrepose qui a effectué la pose et la dépose des échafaudages par elle conçus et installés sous sa seule responsabilité, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1er de la loi du 31 décembre 1975 ;

 

 

Mais attendu qu’ayant relevé que le devis et les factures établis par la société Entrepose portaient uniquement sur la location de matériel avec main-d’œuvre pour la pose, la dépose et le transport, qu’aucun document n’établissait la réalité de prestations relevant d’une spécificité particulière ou de l’absence de subordination du personnel mis à disposition, que la société entrepose ne participait pas directement par apport de conception, d’industrie ou de matière à l’acte de construire objet du marché principal mais se limitait à mettre à la disposition du locateur d’ouvrage le matériel adapté dont il avait besoin pour mener à bien sa tâche et que la qualification figurant sur les comptes-rendus de chantier ou portée par un tiers au contrat, de même que le certificat du 27 décembre 1995 établi unilatéralement par la société Entrepose, ne pouvaient être opposés à la société Chérif pour faire preuve de la qualité de sous-traitant, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ;

 

Par ces motifs :

 

REJETTE le pourvoi.

 

 

 

 

Commentaires

 

Les faits sont simples.

 

Une SCI a confié à un entrepreneur l’exécution de travaux immobiliers. Celui-ci a fait appel à la Société Entrepose pour l’installation et la pose d’un échafaudage. L’entrepreneur a été placé en liquidation judiciaire. La société Entrepose demeurant impayée a déclaré sa créance mais par ailleurs a réclamé le paiement de sa facture à la SCI maître d’ouvrage en se prévalant de sa qualité de « sous-traitant ».

 

La SCI a refusé le paiement en déniant à Entrepose la qualité de sous-traitant. Elle a soutenu que son activité « se limitait à mettre à la disposition d’un locateur d’ouvrage le matériel adapté dont il a besoin pour mener à bien sa tâche » et qu’ainsi elle « ne participait pas directement, par apport de conception, d’industrie ou de matière, à l’acte de construire objet du marché principal ». Dès lors l’entrepreneur qui a souscrit le contrat de location d’échafaudage est le seul débiteur du prix.

 

Cette thèse a été retenue par la Cour d’appel. Elle est également approuvée par la Cour de cassation dans les mêmes termes. Ces arrêts ne peuvent qu’être approuvés.

 

La solution juridique retenue a des conséquences pratiques beaucoup plus larges. L’un d’eux concerne la nécessité ou non d’avoir recours à l’intervention d’un coordonnateur SPS à l’occasion d’un chantier de ravalement.

 

L’article L 235-3 du Code du travail est ainsi conçu :

« . - Une coordination en matière de sécurité et de santé des travailleurs doit être organisée pour tout chantier de bâtiment ou de génie civil où sont appelés à intervenir plusieurs travailleurs indépendants ou entreprises, entreprises sous-traitantes incluses, aux fins de prévenir les risques résultant de leurs interventions simultanées ou successives et de prévoir, lorsqu'elle s'impose, l'utilisation des moyens communs tels que les infrastructures, les moyens logistiques et les protections collectives. »

 

On constate que la désignation d’un coordonnateur SPS est obligatoire dès lors que « sont appelés à intervenir plusieurs travailleurs indépendants ou entreprises, entreprises sous-traitantes incluses ».

Il est habituellement soutenu qu’en présence d’un ravalement de type courant exécuté par une seule entreprise la désignation d’un coordonnateur SPS est exigée du seul fait de l’installation d’un échafaudage par une entreprise spécialisée.

 

En refusant la qualité de sous-traitant à dette dernière entreprise l’arrêt relaté apporte une solution satisfaisante. Elle permet aux syndicats de copropriétaires l’économie substantielle d’une intervention qui s’avère sans utilité réelle dans le cas d’un chantier de cette nature.

 

On trouvera d’autres conséquences pratiques dans le domaine des responsabilités en cas d’accident ou autre sinistre.

 

Nous signalons que l’article L 235-3 du Code du travail a été abrogé par l’Ordonnance nº 2007-329 du 12 mars 2007 art. 12 I qui doit entrer en vigueur au plus tard le 1er mars 2008. Le nouveau texte est l’article L. 4532-2


Une coordination en matière de sécurité et de santé des travailleurs est organisée pour tout chantier de bâtiment ou de génie civil où sont appelés à intervenir plusieurs travailleurs indépendants ou entreprises, entreprises sous-traitantes incluses, afin de prévenir les risques résultant de leurs interventions simultanées ou successives et de prévoir, lorsqu'elle s'impose, l'utilisation des moyens communs tels que les infrastructures, les moyens logistiques et les protections collectives.

 

 

 

 

 

Mise à jour

04/06/2007