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Droits et obligations des journalistes Reproduction d’une interview obtenue par un
confrère Omission de l’indication de la source Parasitisme fautif (oui) Cassation civile 1e
22 octobre 2009 Cour d’appel de
Montpellier du 1 juillet 2008 N° de pourvoi:
08-19499 Rejet Attendu que le
quotidien Le Midi libre, dans les numéros de ses éditions locales du 19
février 2006, sous la signature de M. X..., journaliste, a fait paraître un
article consacré à la situation financière et sociale de la société
Irrifrance ; qu’étaient notamment reproduits, entre guillemets mais sans
aucune indication de source, des propos explicatifs qu’avait tenus, lors
d’une interview publiée le 10 janvier précédent dans “ La lettre M “, journal
d’information économique en Languedoc Roussillon, M. Y..., directeur de
ladite société, sur la baisse de son chiffre d’affaires ; Sur le premier moyen,
pris en ses trois branches : Attendu qu’il est
fait grief à l’arrêt attaqué de dire M. X... et la société Midi libre, éditrice
du journal éponyme, coupables de parasitisme envers la société La lettre M et
de les condamner à dommages-intérêts envers elle, alors, selon le moyen : 1° / que les
informations peuvent être librement reproduites dès lors qu’elles ont été
portées à la connaissance du public ; que dès lors, en affirmant que M. X...
et la société Midi libre avaient commis un acte de parasitisme en
reproduisant, dans l’article intitulé “ Economie-Irrifrance perd 50 emplois à
Paulhan “, les propos de M. Y..., précédemment publiés dans le journal “ La
lettre M “, la cour d’appel a violé l’article 10 de la Convention européenne
des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; 2° / que
subsidiairement, en s’abstenant de rechercher, comme il lui était demandé, si
l’interdiction faite à M. X... et à la société Midi libre de reproduire les
propos de M. Y... dans le cadre d’un article consacré aux difficultés de la
société Irrifrance, plus d’un mois après leur première parution dans le
journal “ La lettre M “, ne constituait pas une atteinte disproportionnée à
la liberté d’information, la cour d’appel a privé sa décision de base légale
au regard de l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l’homme et des libertés fondamentales ; 3° / qu’en tout état de
cause, une information portée à la connaissance du public peut-être librement
reprise, et aucun texte n’impose au journaliste de citer sa source, dès lors
que le texte qu’il reproduit n’est pas couvert par le droit d’auteur ; qu’en
jugeant le contraire, la cour d’appel a violé les articles 10 de la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales et l’article 1382 du code civil ; Mais attendu que la
cour d’appel, après avoir relevé que l’interview litigieuse avait impliqué la
recherche d’informations précises sur la société concernée, des démarches
pour obtenir l’entretien, du temps, un effort intellectuel pour en choisir le
sujet et bien le cerner, que la société Midi libre n’avait pu obtenir un tel
contact, M. Y... ayant laissé sa demande sans suite, et que, sans
investissement intellectuel ou matériel, elle s’était approprié par facilité
les résultats du travail fourni par la société M, à laquelle elle s’était
abonnée, M. X... ayant, sans le citer, capté les renseignements obtenus par
un confrère, a pu en déduire l’existence d’un comportement parasitaire, au
demeurant contraire à l’éthique professionnelle ; que le moyen n’est pas
fondé ; Et sur le second
moyen, pris en ses deux branches, tel qu’exposé au mémoire en demande et
reproduit en annexe : Attendu qu’un
comportement parasitaire génère nécessairement un préjudice, fût-il moral,
dont les juges du fond déterminent souverainement les modalités réparatrices
; que le moyen n’est pas davantage fondé ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société
Midi libre et M. X... aux dépens ; Vu l’article 700 du
code de procédure civile, condamne la société Midi libre et M. X...,
ensemble, à payer à M. Vialatte et à la société M la somme totale de 2 500
euros ; rejette la demande de la société Midi libre et de M. X... ; Ainsi fait et jugé
par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le
président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille neuf. Commentaires : Nous reproduisons cet
arrêt parce que la solution adoptée peut trouver application, mutatis
mutandis, dans le cas des sites dédiés qui, sans être professionnels, sont
présumés présenter des indications, enseignements ou informations fiables. La reprise
d’informations externes est pareillement soumise à certaines conditions
d’ordre déontologiques. La société Midi
Libre, éditrice d’un journal, était abonnée à « La lettre M »,
journal d’information économique en Languedoc Roussillon conçu et diffusé par
la société M. M. X, journaliste au
Midi libre, a fait paraître un article consacré à la situation financière et
sociale de la société Irrifrance, reproduisant, entre guillemets mais sans
aucune indication de source, des propos explicatifs qu’avait tenus, lors
d’une interview publiée le 10 janvier précédent dans « La lettre
M », le dirigeant de cette société , L’arrêt attaqué a
déclaré M. X... et la société Midi libre, éditrice du journal éponyme,
coupables de parasitisme envers la société La lettre M et les a condamnés à
dommages-intérêts envers la société M. M. X et la société
Midi libre ont soutenu devant la Cour de cassation : 1° / que les
informations peuvent être librement reproduites dès lors qu’elles ont été
portées à la connaissance du public, en vertu de l’article 10 de la
Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales; 2° / que l’interdiction faite à M. X... et à la
société Midi libre de reproduire les propos de M. Y... dans le cadre d’un
article consacré aux difficultés de la société Irrifrance, plus d’un mois
après leur première parution dans le journal “ La lettre M “, constituait une
atteinte disproportionnée à la liberté d’information en vertu de l’article 10
de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales 3° / qu’en tout état
de cause, une information portée à la connaissance du public peut-être
librement reprise, et aucun texte n’impose au journaliste de citer sa source,
dès lors que le texte qu’il reproduit n’est pas couvert par le droit d’auteur
; L’article 10 de la
Convention, consacré à la liberté d'expression, st ainsi conçu : « 1 - Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n'empêche pas les Etats de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations. « 2 - L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire. » La Cour de cassation a suivi la Cour d’appel de Montpellier en restant sur le terrain du parasitisme pris comme acte de concurrence déloyale. On peut rappeler à cet égard deux arrêts définissant le parasitisme : 1 - Considérant que le comportement parasitaire est un
acte de concurrence déloyale lorsqu’il concerne des entreprises en situation
de concurrence et que le parasitisme économique se définit comme l’ensemble
des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage
d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son
savoir-faire ; Cass. com. 26 janvier 1999, D.2000. 87 2 - Un comportement est entaché de parasitisme économique dés lors qu’il est établi que la personne s’appuie sans contrepartie sur les initiatives, efforts et renom légitimes d’un concurrent en vue d’entamer les positions commerciales du concurrent. CA Paris, 14 janvier 1998, Gaz. Pal. 1998, Somm..510 Il semble évident qu’il convient de distinguer plusieurs catégories de parasitismes : commercial, industriel, intellectuel, etc…, et que ces catégories doivent être assorties de règles spécifiques. A cet égard, la solution adoptée par la Cour d’appel et validée par la Cour de cassation est satisfaisante dans la pratique, mais laisse un peu le juriste sur sa faim. Il s’étonne en premier lieu de ne pas trouver mention des clauses qui devraient figurer dans un contrat d’abonnement à une lettre d’information. Par ailleurs, M.
X.. et la société Midi libre ont fait remarquer que le texte en question
n’était pas couvert par le droit d’auteur. Il est bien certain que
l’interviewé n’a pas la qualité d’auteur et qu’il en va de même pour le
journaliste qui se borne à reproduire ses déclarations. Il n’en reste pas
moins nécessaire de préciser le régime juridique de ces propos. On peut
certes parler de parasitisme et lier au « renom légitime » d’un
journaliste et de son journal le privilège d’une interview qu’un autre journaliste
n’a pu obtenir. Mais la
déontologie du journalisme reste fort ambiguë. Elle est caractérisée par une
confusion permanente et volontaire entre le droit sacré du public à
l’information et la recherche impérative du « scoop ». Le droit à
l’information et un droit fondamental de l’Homme. Le « scoop » est
un tremplin pour l’évolution de la carrière et s’accompagne habituellement
d’avantages financiers. Le second moyen
reproche à la cour d’appel de n’avoir pas caractérisé le préjudice subi par
la société M. du fait de la diffusion d’une information qu’elle avait
elle-même publiée, plus d’un mois après cette publication. Sur ce point, la
Cour de cassation juge « qu’un comportement parasitaire génère
nécessairement un préjudice, fût-il moral, dont les juges du fond déterminent
souverainement les modalités réparatrices ». En l’espèce, la
Cour d’appel a condamné les fautifs à payer à la société M la somme de 7 500
€ en réparation du préjudice subi. En réalité, la
société M n’a subi aucun préjudice, fût-il moral ! Elle n’a subi aucun
appauvrissement financier direct et l’existence d’un préjudice moral est,
elle-même, contestable. Mais le Midi libre et son journaliste ont bénéficié
d’un enrichissement injuste en publiant une information importante sans avoir
eu ni le souci ni les frais de sa recherche. On parle dans ce cas d’un
« enrichissement sans cause ». La Chambre des
requêtes de la Cour de cassation a réintroduit dans le droit français cette
notion du droit romain dans un arrêt du 15 juin 1892 en invoquant « le
principe d’équité qui défend de s’enrichir aux dépens d’autrui ». Mais la
jurisprudence subordonne la réparation de l’enrichissement sans cause à un
appauvrissement de la victime qui n’existe pas en l’espèce. Il faut donc
admettre qu’ici l’indemnité se présente comme la sanction d’un enrichissement
injuste. MOYENS ANNEXES au présent arrêtMoyens produits par
la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour la société Midi libre et
M. X.... PREMIER MOYEN DE
CASSATION Il est reproché à
l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir dit que la société Midi Libre et M. X...
avaient commis un acte de parasitisme au préjudice de la société M. et de les
avoir, en conséquence, condamnés à payer à la société M la somme de 7 500 en
réparation du préjudice subi ; AUX MOTIFS QU’il est
vain pour la société Midi Libre et M. X... de contester le parasitisme
représenté par l’utilisation d’une interview, alors que cette interview a
impliqué la recherche d’informations précises sur la société concernée, des
démarches pour obtenir l’entretien et du temps, ainsi qu’un effort
intellectuel, pour choisir le sujet de l’interview et bien le cerner ; QUE la
société Midi Libre n’avait pu obtenir un contact avec le dirigeant du groupe
de la société Irrifrance, M. Y..., qui n’avait pas donné suite à sa demande ;
QU’elle n’a fourni aucun effort, et a adopté la solution de facilité en
s’appropriant les résultats du travail fourni par la société M, en
reproduisant ses déclarations parues dans “ La lettre M “, à laquelle elle
s’est abonnée ; QUE ce comportement constitue bien un acte de parasitisme,
caractérisé par l’utilisation du travail d’autrui, sans investissement
intellectuel ou matériel ; QUE la société Midi Libre, ainsi que M. X..., le
signataire de l’article, qui a capté les renseignements obtenus par un de ses
confrères, sans le citer, et a fourni un travail amoindri par leur
appropriation, doivent réparer le préjudice subi par la société M (arrêt, p.
5). 1- ALORS QUE les
informations peuvent être librement reproduites dès lors qu’elles ont été
portées à la connaissance du public ; que dès lors, en affirmant que M. X...
et la société Midi Libre avaient commis un acte de parasitisme en
reproduisant, dans l’article intitulé “ Economie-Irrifrance perd 50 emplois à
Paulhan “, les propos de M. Y..., précédemment publiés dans le journal “ La
lettre M. “, la cour d’appel a violé l’article 10 de la Convention européenne
de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; 2- ALORS QUE
subsidiairement, en s’abstenant de rechercher, comme il lui était demandé, si
l’interdiction faite à M. X... et à la société Midi Libre de reproduire les
propos de M. Y... dans le cadre d’un article consacré aux difficultés de la
société Irrifrance, plus d’un mois après leur première parution dans le
journal “ La lettre M “, ne constituait pas une atteinte disproportionnée à
la liberté d’information, la cour d’appel a privé sa décision de base légale
au regard de l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l’homme et des libertés fondamentales ; 3- ALORS QUE, en tout
état de cause, une information portée à la connaissance du public peut être
librement reprise, et aucun texte n’impose au journaliste de citer sa source,
dès lors que le texte qu’il reproduit n’est pas couvert par un droit d’auteur
; qu’en jugeant le contraire, la cour d’appel a violé les articles 10 de la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales et l’article 1382 du code civil. SECOND MOYEN DE
CASSATION (subsidiaire) Il est encore
reproché à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir condamné la société Midi Libre
et M. X... à payer à la société M. la somme de 7 500 en réparation du
préjudice subi ; AUX MOTIFS QUE (la
société Midi Libre et M. X... ont porté) atteinte à la notoriété de la
société M., dans la mesure où elle assure des informations limitées à un
public restreint du monde économique du Languedoc-Roussillon, parfaitement au
courant que celles-ci ne seront pas diffusées à un large public, touché par
le quotidien Midi Libre dans ses six éditions (arrêt attaqué, p. 5) ; 1- ALORS QUE la cour
d’appel n’a pas caractérisé le préjudice subi par la société M. du fait de la
diffusion d’une information qu’elle avait elle-même publiée, plus d’un mois
après cette publication ; qu’elle a ainsi violé l’article 1382 du code civil
; 2- ALORS QUE la cour
d’appel n’a pas caractérisé l’existence d’un lien de causalité entre le
préjudice dont elle a relevé l’existence et le fait, pour la société le Midi
Livre et M. X... de n’avoir pas cité la source de l’information divulguée ;
qu’elle a ainsi derechef violé l’article 1382 du code civil. |
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