Lettre recommandée avec demande d’avis de réception

Manquements dans la procédure de délivrance du pli

Recours à une «  entente tacite »  avec le destinataire

Omission de la mention de première présentation (DATE)

Responsabilité de La Poste

 

Cassation civile 1e  19 septembre 2007      Cassation

Cour d’appel de Poitiers (2e chambre civile) 17-05-2005

N° de pourvoi : 05-17769

 

 

 

 

Attendu que, répondant à un appel d’offres, la société Sacer Atlantique (la société), entreprise de travaux publics routiers, a adressé à la commune des Roches-Prémaries-Andillé un pli en recommandé avec demande d’avis de réception ; que ce pli est parvenu au centre de distribution de la Villedieu du Clain le 13 novembre 2000, date limite fixée par le maire pour la réception des offres ; qu’il n’a cependant été remis que le 15 novembre 2000, soit hors délai ; que l’offre de la société n’ayant pas été examinée, celle-ci a adressé une réclamation aux services de La Poste, qui lui ont exposé, par lettre du 22 décembre 2000, que le pli avait été présenté le 13 novembre 2000, mais que la mairie étant fermée, le facteur avait alors décidé “selon une entente tacite avec le secrétariat de la mairie de ne pas mettre le pli en instance au bureau de la poste mais de le présenter à domicile le lendemain” ; que le lendemain, la mairie étant encore fermée il avait procédé de même ; que le facteur avait “malheureusement omis d’indiquer sur l’envoi la date de la première présentation” ; que, considérant qu’elle avait ainsi perdu une chance de voir son offre retenue, la société a fait assigner La Poste en réparation de son préjudice ;

 

 

Sur le pourvoi incident, qui est préalable :

 

Attendu que La Poste fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir “implicitement” déclaré recevable l’action en réparation intentée par la société Sacer Atlantique, alors, selon le moyen, que les actions concernant les objets de correspondance de quelque nature que ce soit ne sont recevables quels qu’en soient l’objet et le motif, que dans le délai d’un an compté à partir du jour de dépôt de l’envoi ; qu’en l’espèce, le dépôt de la lettre a eu lieu le 10 novembre 2000 ; qu’à compter du 12 novembre 2001, l’action était irrecevable ; qu’en considérant l’action intentée le 24 juillet 2002 recevable, la cour d’appel a violé l’article L. 13-1 du code des postes et des communications électroniques ;

 

Mais attendu que La Poste, qui n’a pas invoqué la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande, est irrecevable à présenter pour la première fois devant la Cour de cassation ce moyen mélangé de fait ;

 

 

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal :

 

Vu l’article L. 13 du code des postes et télécommunications ;

 

Attendu que les dispositions exonératoires de responsabilité prévues par ce texte ne trouvent pas à s’appliquer en cas de faute lourde de La Poste dans l’exécution de sa mission ;

 

Attendu que pour débouter la société de sa demande, l’arrêt retient que l’agent de La Poste, qui a cru bon de garder le pli de la Sacer pour le remettre en main propre à la mairie, a commis une simple négligence en ne laissant pas d’avis de passage dans la boîte aux lettres du destinataire du pli et que cette faute ne porte pas sur l’obligation essentielle du contrat, à savoir la remise effective du courrier au destinataire et le retour de l’avis de réception, mais sur une modalité d’exécution du contrat ;

 

Qu’en statuant ainsi, alors qu’en omettant d’indiquer sur l’envoi la date de première présentation, l’agent de La Poste, qui a ainsi enfreint la procédure applicable à la distribution des plis recommandés, a, par son comportement, caractérisé l’inaptitude de La Poste à l’accomplissement de sa mission, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

 

 

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres moyens :

 

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 17 mai 2005, entre les parties, par la cour d’appel de Poitiers ;

 

remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Poitiers, autrement composée ;

 

Condamne La Poste aux dépens ;

 

Vu l’article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes ;

 

 

Commentaires :

 

Il est assez rare que la responsabilité du service postal soit reconnue à propos de la délivrance des lettres recommandées.

 

En l’espèce,  la société, désirant participer à un appel d’offres, a adressé à la commune des Roches-Prémaries-Andillé un pli en recommandé avec demande d’avis de réception ; que ce pli est parvenu au centre de distribution de la Villedieu du Clain le 13 novembre 2000, date limite fixée par le maire pour la réception des offres ; il n’a cependant été remis que le 15 novembre 2000, soit hors délai.

La poste a expliqué que le pli avait été présenté le 13 novembre 2000, mais que la mairie étant fermée, le facteur avait alors décidé, selon une entente tacite avec le secrétariat de la mairie de ne pas mettre le pli en instance au bureau de la poste mais de le présenter à domicile le lendemain. Le lendemain, la mairie étant encore fermée il avait procédé de même ; Mais le facteur avait “malheureusement omis d’indiquer sur l’envoi la date de la première présentation”.

La Cour d’appel, suivant un courant de jurisprudence, a jugé que le préposé avait commis une simple négligence et que la faute ne portait pas sur l’obligation essentielle du contrat (la remise effective du pli) mais sur une modalité de son exécution.

 

C’est en effet la réponse qui est couramment faite aux syndics qui se plaignent de la simple tardiveté de la présentation d’une convocation en assemblée générale : nous sommes tenus à la remise effective mais nous ne sommes tenus à aucun délai. Il est temps pour la Poste de prendre conscience de ses obligations, notamment pour ce qui est du service des lettres recommandées.

 

En l’espèce il y avait faute évidente dans l’omission d’inscription de la date de première présentation. La Cour de cassation a sévèrement relevé l’inaptitude de La Poste à l’accomplissement de sa mission.

 

 

 

 

 

Mise à jour

21/12/2007