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Amélioration aux frais de certains copropriétaires

Demande d’autorisation judiciaire après refus de l’assemblée

Délai d’introduction de la demande

Application de l’article 42 alinéa 2 (non)

Application de l’article 42 alinéa 1 (oui)

 

 

 

Cassation civile 3e  16 décembre 2009

Cour d’appel de Lyon du 22 janvier 2009

N° de pourvoi: 09-12654

Rejet

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Lyon, 22 janvier 2009), que les époux X..., propriétaires de lots dans un immeuble en copropriété, ont sollicité l’autorisation d’effectuer des travaux sur leurs lots affectant les parties communes et l’aspect extérieur de l’immeuble ; que cette autorisation leur a été refusée par l’assemblée générale des copropriétaires du 4 novembre 2004, puis par l’assemblée générale du 19 janvier 2006 saisie d’un nouveau projet ; que les époux X... ont alors saisi le tribunal, sur le fondement de l’article 30 alinéa 4 de la loi du 10 juillet 1965, d’une demande d’autorisation de travaux ;

 

Sur le moyen unique :

 

Attendu que le syndicat des copropriétaires fait grief à l’arrêt d’écarter le moyen tiré de la déchéance de l’action introduite par les époux X..., de les autoriser en conséquence à faire réaliser les travaux sollicités, de le condamner à leur verser diverses sommes à titre de dommages-intérêts et sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, alors selon le moyen, que la demande formée par un copropriétaire sur le fondement de l’article 30 alinéa 4 de la loi du 10 juillet 1965 est soumise au délai de deux mois prévu à l’article 42 alinéa 2 de la même loi ; qu’aussi, en déclarant que ce délai était inapplicable à la demande formée par M. et Mme X..., pour s’abstenir d’en rechercher le point de départ qui, selon le syndicat, devait être fixé au 4 novembre 2004, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

 

Mais attendu que l’arrêt retient exactement que l’action des époux X..., introduite non pas pour contester la décision d’une assemblée générale mais pour obtenir une autorisation judiciaire d’exécuter les travaux projetés malgré le refus opposé, n’est pas soumise au délai de deux mois de l’article 42 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965 ;

 

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

 

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

 

Condamne le syndicat des copropriétaires de L’Immeuble BNP, 7 Boulevard Eugénie Guinault 42190 Charlieu aux dépens ;

 

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

 

 

Commentaires :

 

Le service de documentation de la Cour de cassation a eu raison d’attirer l’attention des lecteurs du Bulletin électronique sur l’importance de cet arrêt. La Cour prend en effet parti dans la controverse quadragénaire relative à la nature juridique de l’action en autorisation judiciaire d’effectuer des travaux d’amélioration aux frais des copropriétaires demandeurs, prévue par l’article 30 alinéa 4 de la loi du 10 juillet 1965.

S’agit-il d’une action en contestation d’une décision de l’assemblée soumise au délai de déchéance de l’article 42 alinéa 2 ?

Ou d’une action « autonome », - pour ne pas dire « sui generis », pouvant être exercée pendant dix années ?

L’arrêt du 16 décembre 2009 donne l’occasion de rappeler les grands traits du dispositif original établi en 1965 pour favoriser la modernisation des copropriétés anciennes.

 

Les textes applicables sont les dispositions :

 

De l’article 25 b) de la loi du 10 juillet 1965

Ne sont adoptées qu’à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant :

b) L’autorisation donnée à certains copropriétaires d’effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble, et conformes à la destination de celui-ci ;

 

De l’article 30 :

L’assemblée générale des copropriétaires, statuant à la double majorité prévue à l’article 26, peut, à condition qu’elle soit conforme à la destination de l’immeuble, décider toute amélioration, telle que la transformation d’un ou de plusieurs éléments d’équipement existants, l’adjonction d’éléments nouveaux, l’aménagement de locaux affectés à l’usage commun ou la création de tels locaux.

Elle fixe alors, à la même majorité, la répartition du coût des travaux et de la charge des indemnités prévues à l’article 36 ci-après, en proportion des avantages qui résulteront des travaux envisagés pour chacun des copropriétaires, sauf à tenir compte de l’accord de certains d’entre eux pour supporter une part de dépenses plus élevée.

Elle fixe, à la même majorité, la répartition des dépenses de fonctionnement, d’entretien et de remplacement des parties communes ou des éléments transformés ou créés.

Lorsque l’assemblée générale refuse l’autorisation prévue à l’article 25 b, tout copropriétaire ou groupe de copropriétaires peut être autorisé par le tribunal de grande instance à exécuter, aux conditions fixées par le tribunal, tous travaux d’amélioration visés à l’alinéa 1er ci-dessus ; le tribunal fixe en outre les conditions dans lesquelles les autres copropriétaires pourront utiliser les installations ainsi réalisées. Lorsqu’il est possible d’en réserver l’usage à ceux des copropriétaires qui les ont exécutées, les autres copropriétaires ne pourront être autorisés à les utiliser qu’en versant leur quote-part du coût de ces installations, évalué à la date où cette faculté est exercée.

 

De l’article 42 alinéas 1 et 2

Sans préjudice de l’application des textes spéciaux fixant des délais plus courts, les actions personnelles nées de l’application de la présente loi entre des copropriétaires, ou entre un copropriétaire et le syndicat, se prescrivent par un délai de dix ans.

Les actions qui ont pour objet de contester les décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants, dans un délai de deux mois à compter de la notification desdites décisions qui leur est faite à la diligence du syndic, dans un délai de deux mois à compter de la tenue de l’assemblée générale. Sauf en cas d’urgence, l’exécution par le syndic des travaux décidés par l’assemblée générale en application des articles 25 et 26 est suspendue jusqu’à l’expiration du délai mentionné à la première phrase du présent alinéa.

 

 

 

La question traitée porte sur le délai laissé à certains copropriétaires ayant demandé à l’assemblée l’autorisation d’effectuer à leurs frais

des travaux comportant une amélioration, conforme à la destination de l’immeuble, telle que la transformation d’un ou de plusieurs éléments d’équipement existants, l’adjonction d’éléments nouveaux, l’aménagement de locaux affectés à l’usage commun ou la création de tels locaux »

« affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble, et conformes à la destination de celui-ci »

pour saisir le Tribunal de Grande instance d’une demande d’autorisation de les exécuter dans les conditions prévues par l’article 30 en son dernier alinéa, lorsque l’assemblée a refusé l’autorisation.

 

La réponse est en fonction la nature juridique de l’action dont la recevabilité est, de toute manière, .subordonnée à un refus préalable de l’assemblée générale.

Si elle est considérée comme une contestation de la décision collective de refus, les copropriétaires demandeurs doivent agir dans le délai de deux mois fixé par l’article 42 alinéa 2.

Dans le cas contraire, la déchéance prévue par l’article 42 alinéa 2 ne peut être opposée aux demandeurs. On revient aux règles de prescription de l’article 42 alinéa 1.

 

La portée de l’article 30 alinéa 4 n’est pas limitée à l’octroi d’une autorisation.

Ce texte fixe également le régime juridique de l’amélioration envisagée :

« le tribunal fixe en outre les conditions dans lesquelles les autres copropriétaires pourront utiliser les installations ainsi réalisées. Lorsqu’il est possible d’en réserver l’usage à ceux des copropriétaires qui les ont exécutées, les autres copropriétaires ne pourront être autorisés à les utiliser qu’en versant leur quote-part du coût de ces installations, évalué à la date où cette faculté est exercée ».

Ces dispositions sont insuffisantes. On a considéré que l’installation demeure la propriété indivise des copropriétaires « constructeurs ». Sa gestion échappe dès lors au syndic. Les praticiens ont remédié à cet inconvénient majeur : il s’agit d’une partie commune, et plus généralement d’un « élément commun à certains copropriétaires seulement », géré par le syndic et couvert par l’assurance du syndicat.

Le régime de l’installation crée, le cas échéant,  au profit des propriétaires non-constructeurs un droit au rachat d’une quote-part de l’installation, assorti bien entendu d’un droit à son utilisation. Il crée en corollaire, à la charge des constructeurs et des acquéreurs postérieurs d’une quote-part, une obligation de cession assortie des modalités de calcul du prix de cette cession.

Le mécanisme juridique tend ainsi à une accession progressive de l’installation à la qualité de partie commune à tous les propriétaires de lots pour lesquels elle est susceptible de présenter une utilité objective.

 

Cette évolution est conforme au vœu du législateur de 1965.

Les travaux parlementaires ne laissent aucun doute à cet égard. Il suffit de se reporter au débat qui a eu lieu lors de la séance de l’Assemblée nationale du 22 avril 1965, entre M. Pierre Bas et M. Jean Foyer, Garde des Sceaux. L’objectif commun aux auteurs des amendements tendant à la mise en place de ce dispositif était la généralisation de l’installation d’ascenseurs dans les immeubles anciens.

Après la promulgation de la loi,  de nombreux auteurs ont fait valoir que le champ d’application du mécanisme était réduit aux améliorations visées par l’alinéa 1er de l’article 30, présentant un intérêt collectif, alors que le champ d’application de l’article 25 b) s’étendait à des améliorations présentant un intérêt personnel pour le demandeur. Sur ce point, la jurisprudence a finalement admis l’extension du champ d’application de l’article 30 alinéa 4.

M. Pierre Bas proposait un mécanisme permettant aux copropriétaires « constructeurs » de commencer librement les travaux d’amélioration nonobstant l’absence d’autorisation. Il réservait au syndicat ou aux autres copropriétaires la possibilité de demander l’interruption des travaux en cas de difficultés sérieuses, abus manifestes ou autres motifs.

 

La solution de la procédure d’autorisation judiciaire préalable, présentée par le Garde des Sceaux, a été finalement adoptée par l’Assemblée nationale.

Évoquant le risque de contentieux, M. Foyer a fait valoir que : « l’amendement de M. Bas, s’il était adopté, n’éviterait pas en toute hypothèque qu’un contentieux intervienne. Il est encore préférable de l’instituer de façon générale à titre préventif, en gagnant ainsi du temps, plutôt que de laisser commencer des travaux dont on demandera immédiatement l’interruption  au juge des référés, cette procédure étant elle-même suivie d’une instance au principal. C’est tout de même quelque chose d’assez grave que d’autoriser des travaux qui risquent de bouleverser sensiblement la consistance de l’immeuble et dans l’hypothèse où, à la majorité, les copropriétaires ont refusé qu’un tel travail s’accomplît une décision du juge pour suppléer ce défaut de consentement de la majorité est indispensable ».

M. Zimmermann, rapporteur, a indiqué de son côté  : « Il a paru en outre à la commission que l’article 24 [ devenu l’article 30 dans la numérotation définitive ] dans la rédaction proposée par M. Bas, laisserait la porte ouverte à un certain arbitraire de copropriétaires minoritaires, qui pourraient prendre des mesures très graves, de nature  à affecter les parties communes. »

Avant le vote, M. Foyer a éclairé mieux encore le débat : « …la vérification que mon amendement demande au tribunal de faire n’est pas très complexe. Elle consiste simplement à estimer si le travail envisagé est compatible ou non avec la destination de l’immeuble. L’amendement de M. Bas l’invitera à faire beaucoup plus que cela dans le cas inévitable d’un contentieux ; il faudra alors vérifier si ce qu’on propose d’ajouter est vraiment un élément de confort nouveau capable d’accroître la valeur de l’immeuble et l’on passera de considérations techniques à des considérations économiques. ».

C’est finalement l’amendement du gouvernement qui est adopté. Ce mécanisme de l’autorisation préventive est toujours en place.

 

Une exception au principe de la compétence exclusive de l’assemblée pour la prise de décision

Une particularité notable de ce mécanisme est que le Tribunal, saisi du recours des copropriétaires souhaitant réaliser l’amélioration, a pouvoir de se substituer à l’assemblée générale pour autoriser les travaux d’amélioration.

Le Garde des Sceaux, on l’a vu plus haut, a précisé « qu’une décision du juge pour suppléer ce défaut de consentement de la majorité est indispensable ». M. Foyer était un fin juriste ! Il ne parle pas ensuite du refus de l’assemblée mais d’un défaut de consentement.

On peut généraliser cette formule dans tous les cas de vote à une majorité renforcée : la proposition recueille la majorité et elle est adoptée. Si elle ne recueille pas la majorité nécessaire, elle n’est pas adoptée. Pour autant, il n’y a pas de décision de refus. (Voir sur ce point 3-3-2 I C La majorité de l’article 25 ; absence de décision et l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix en Provence du 14 décembre 1995 cité). Cette solution doit au moins être retenue lorsque le nombre des voix opposées à la résolution n’a pas non plus atteint la majorité applicable.

Le principe est qu’une juridiction annulant une décision de l’assemblée générale ne peut y suppléer. Le rôle du Juge est celui d’un contrôleur. Il appartient aux copropriétaires, s’il y a lieu, de se réunir à nouveau en assemblée pour délibérer à nouveau. L’article 42 de la loi comporte une exception en son alinéa 3  (modification des bases de répartition des charges dans les cas ou cette faculté est reconnue à l’assemblée).

A ce stade, il est prématuré d’avancer que l’article 30 comporterait une autre exception.

 

La doctrine et la jurisprudence

Mme Kischninewsky-Broquisse a écrit : « Le tribunal ne se borne pas à annuler un refus d’autorisation de travaux de l’assemblée pour abus de droit ou excès de pouvoir. Il se substitue à l’assemblée pour prendre la décision d’autorisation » [1] ; elle retient par ailleurs « la généralité des termes de l’article 42 alinéa 2 » tout en admettant le caractère particulier des dispositions de l’article 30. 

Au contraire, le Professeur Souleau a soutenu qu’il ne pouvait s’agir d’une action en contestation de décision dès lors que le rôle du tribunal ne se borne pas à annuler la décision de l’assemblée générale [2]

MM. Givord et Giverdon ont évoqué les deux courants de la doctrine. Pour les uns : « ce qu’on demande au tribunal est de donner une autorisation que l’assemblée générale a refusée dans des conditions parfaitement régulières et dont la décision deviendra parfaitement inopérante sans être annulée ». Pour les autres « le recours de l’article 30 al. 4 introduit bien une contestation sur une décision de l’assemblée générale. Dans le même sens, ils citent l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 6 mars 1989 [3]  et concluent ainsi : « Au soutien de la position adoptée par la Cour de Paris, on peut faire observer que la liaison du contentieux emprunte obligatoirement le préalable de la contestation de la décision de l’assemblée générale, visée par l’article 42 al. 2, revêtant ainsi, ce que soigne du reste l’arrêt commenté, le caractère d’une disposition de portée générale. »

A ce jour, encore, M. Guy Vigneron estime que l’article 42 aliéna 2 a une portée générale et doit trouver application dans le cas d’une demande d’autorisation sur le fondement de l’article 30 al. 4. Il rappelle en ce sens l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 6 mars 1989 . [4]

Cette décision a fait l’objet de critiques de Me Atias (Dalloz 1990 318) qui estime que la demande d’autorisation ne peut être assimilée à une contestation de décision de l’assemblée. La Cour d’appel de Paris, dans un autre arrêt du 27 janvier 1995 (Loyers et copropriété 1995 336) a adopté une position identique.

 

Nous ne saurions omettre enfin que, par arrêt du 26 janvier 2000 (n° 98-14798) la Cour de cassation a jugé que l’annulation (au sens classique du terme) de l’assemblée générale pour défaut de constitution régulière de son bureau entraîne l’irrecevabilité de la demande d’autorisation judiciaire puisque la condition d’un refus préalable ne se trouve plus remplie !

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 juillet 1996), que M. X..., propriétaire de lots dans un immeuble en copropriété, a assigné le syndicat des copropriétaires en annulation de la décision de l'assemblée générale des copropriétaires du 22 mars 1993, lui ayant refusé l'autorisation d'effectuer des travaux affectant les parties communes, et a demandé l'autorisation judiciaire de procéder à ces travaux ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le déclarer irrecevable en sa demande, alors, selon le moyen, "1 ) qu'en se retranchant derrière un moyen soulevé d'office, sans avoir provoqué au préalable un débat contradictoire sur ce moyen, la cour d'appel a méconnu l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ; 2 ) qu'en toute hypothèse, si les juges ne peuvent se substituer à l'assemblée générale des copropriétaires pour accorder l'autorisation prévue par l'article 30 de la loi du 10 juillet 1965, qu'en cas de refus de cette assemblée générale, la circonstance que la résolution qui a refusé au copropriétaire de réaliser les travaux sollicités a été annulée pour vice de forme, ne saurait lui interdire d'exercer un recours judiciaire ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 30, alinéa 4, de la loi du 10 juillet 1965" ;

Mais attendu qu'ayant annulé toutes les décisions votées lors de l'assemblée générale litigieuse, en raison de l'irrégularité de la composition du bureau de cette assemblée, la cour d'appel en a, sans violation du principe de la contradiction, déduit, à bon droit, que la demande d'autorisation judiciaire des travaux formée par M. X... ne pouvait qu'être déclarée irrecevable en l'absence d'un refus préalable valide de l'assemblée générale des copropriétaires ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

 

A la lecture de l’arrêt on peut penser que l’annulation fait suite au premier chef de la demande du copropriétaire intéressé ! M. Vigneron écrit à ce sujet : « Le raisonnement juridique est irréfutable ; cependant son enchaînement débouche sur une impasse complète par l’effet pervers de l’interaction des procédures. Au delà des questions de pure forme, il était manifeste que l’assemblée générale avait la volonté de s’opposer u projet qui lui avait été soumis ; et pourtant s’il entend persévérer dans son intention, le copropriétaire devra reprendre ex nihilo ses démarches après des années de vaine procédure. »

Il faut préciser que les relations de ce plaideur avec le syndicat des copropriétaires ont généré de multiples instances dont on trouve les traces dans les revues spécialisées. Ce disant, nous ne prenons bien entendu pas parti sur les mérites des uns et des autres.

Doit-on considérer que cet arrêt conduit à affirmer que l’octroi de l’autorisation judiciaire ne peut s’accompagner d’une annulation de la décision de refus de l’assemblée ? Certes pas. Dans ce cas l’annulation de la décision est une conséquence de l’octroi de l’autorisation. Elle lui est donc postérieure. A l’instant où la juridiction accorde l’autorisation, il y a bien eu refus valide de l’assemblée.

 

 

La position de la Cour de cassation

Dans l’arrêt relaté, la Cour de cassation traite pour la première fois de cette question.

Elle juge « que l’arrêt retient exactement que l’action des époux X..., introduite non pas pour contester la décision d’une assemblée générale mais pour obtenir une autorisation judiciaire d’exécuter les travaux projetés malgré le refus opposé, n’est pas soumise au délai de deux mois de l’article 42 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965 », adoptant ainsi la solution présentée par Me Atias.

 

Sur le plan pratique, les copropriétaires désireux e procéder à l’installation disposeraient d’un délai de dix années pour solliciter une autorisation judiciaire ! L’incohérence de cette solution est éclatante.

Dans la note sous la reproduction de l’arrêt, le Service de documentation de la Cour de cassation rappelle clairement la position des tenants de l’autonomie de l’action en demande d’autorisation judiciaire :

- Si la loi ne précise rien, c'est qu'elle renvoie nécessairement au délai de droit commun "le plus normal".

- Ils font valoir que l'objet de cette action n'est pas d'obtenir l'annulation d'une décision mais une autorisation de travaux, et les arguments invoqués devant le tribunal ne sont pas ceux relatifs à l'illégalité de la décision, mais ceux de l'utilité des travaux. Le juge peut en fixer les conditions.

- Enfin, seul le copropriétaire qui s'est vu opposer un refus à la réalisation de ses travaux étant autorisé à saisir le tribunal, le risque de contentieux est très limité et justifie qu'un délai plus long puisse s'appliquer

 

La notion d’une « décision de l’assemblée devenue parfaitement inopérante sans être annulée » n’est pas admissible. La règle interdisant à une juridiction de se substituer à l’assemblée pour prendre une décision est l’un fondement majeur du statut de la copropriété. Les exceptions rarissimes à cette règle ne peuvent être justifiées que par un souci hautement légitime d’efficience et la nécessité de remédier sans retard à un blocage de l’institution. Les travaux parlementaires montrent que tel était bien le cas en l’espèce.

La sécurité juridique des syndicats de copropriétaires commande d’éviter la multiplication des situations légalement pendantes.

La limitation du risque de contentieux ne saurait justifier raisonnablement qu'un délai plus long puisse s'appliquer.

 

Sur un plan plus juridique,  et même si l’on fait abstraction de la solution de l’absence de décision dans le cas d’une insuffisance des voix favorables à une résolution exigeant une majorité renforcée, il est évident que le régime de l’action en demande d’autorisation judiciaire prévue par l’article 30 doit être assimilé à celui d’une contestation de la « décision » de rejet prise par l’assemblée.

Enfin l’absence de précision dans la loi, loin de s’analyser en un « renvoi au délai de droit commun le plus normal, s’explique facilement par l’existence du délai prévu par l’article 42 alinéa 2. Les copropriétaires prenant l’initiative d’une opération de ce type sont toujours désireux de voir leur projet aboutir dans les meilleurs délais et ne peuvent être gênés par la brièveté du délai de contestation, dès lors qu’ils en sont informés.

 

En conclusion, nous pensons que l’alinéa 4 de l’article 30 mériterait quelques retouches. A cette occasion le Législateur pourrait s’inspirer de l’esprit dans lequel il a été conçu : faciliter la réalisation d’améliorations d’intérêt collectif présentant une utilité pratique pour les occupants des parties privatives des lots, préfinancées par les copropriétaires les plus actifs et les mieux nantis.

 

Voir aussi la note de M. Yves Rouquet « Autorisation judiciaire de travaux : prescription » au Recueil Dalloz, n° 4, 28 janvier 2010, Actualité jurisprudentielle, p. 209,

Et celle de M. Guy Vigneron « Délai pour saisir le tribunal » dans Loyers et copropriété, n° 3, mars 2010, commentaire n° 85, p. 24,

 

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

 

 

Moyen produit par Me Hémery, avocat aux Conseils pour le syndicat de copropriétaires de L’Immeuble Bnp 7 Boulevard Eugénie Guinault 42190 Charlieu.

 

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR écarté le moyen tiré de la déchéance de l’action introduite par les époux X... et d’AVOIR, par conséquent, en premier lieu, autorisé les époux X... à faire réaliser les travaux litigieux à leurs frais, en deuxième lieu, condamné le syndicat des copropriétaires de l’immeuble BNP à leurs verser 3.000 euros à titre de dommages et intérêtse et 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure cviile et, en troisième lieu, dit que par application de l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, les époux X... seraient dispensés de toute participation aux frais de la présente procédure ;

 

AUX MOTIFS QUE “la recevabilité de l’action d’un copropriétaire ou d’un groupe de copropriétaires devant le Tribunal de grande instance fondée sur l’article 30 de la loi du 10 juillet 1965 est subordonnée à l’existence d’un refus préalable de l’assemblée générale des copropriétaires ; qu’en l’espère, ce refus résulte de la délibération de l’assemblée générale des copropriétaires en date du 19 janvier 2006 qui à la majorité de l’article 25-1 de la loi du 10 juillet 1965 a refusé aux époux X... d’effectuer des travaux affectant les parties communes et l’aspect extérieur de cet immeuble ; que contrairement à ce que soutient le syndicat des copropriétaires, cette action introduite non pas pour contester les délibérations de l’assemblée en cause mais pour obtenir une autorisation judiciaire d’exécuter les travaux projetés malgré ce refus n’est pas soumise au délai de deux mois de l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965 ; que le moyen tiré de la déchéance de l’action n’est donc pas fondé” (arrêt attaqué, p.4, § 6 à 8) ;

 

ALORS QUE la demande formée par un copropriétaire sur le fondement de l’article 30, alinéa 4, de la loi du 10 juillet 1965 est soumise au délai de deux mois prévu à l’article 42, alinéa 2 de la même loi ; qu’aussi, en déclarant que ce délai était inapplicable à la demande formée par Monsieur et Madame X..., pour s’abstenir d’en rechercher le point de départ qui, selon le syndicat exposant, devait être fixé au 4 novembre 2004, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

 

 

 

 

 

 

 

Mise à jour

29/05/2010

 

 

 

 

 



[1]  La copropriété des immeubles bâtis Ed. 1989 n° 623 et 694.

[2]  Souleau Note D 1980.274.II.

[3]  CA Paris 06-03-1989 RDI 1989 256 ; Loyers et copropriété 1989 n° 201

[4]  Jurisclasseur copropriété fascicule 99